III. DES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES AUX FEMMES EN MILIEU RURAL

A. MATERNITÉ ET ARTICULATION DES TEMPS

1. La maternité

Au cours des différents travaux, deux problématiques relatives à la maternité ont émergé : d'une part, la nécessité de renforcer la protection et l'information des agricultrices enceintes ; d'autre part, identifier les raisons qui expliquent le faible recours au congé maternité par les exploitantes agricoles et promouvoir des solutions pour remédier à cette situation.

a) Améliorer la protection de l'agricultrice enceinte

Les conditions de travail des agricultrices ne sont pas toujours compatibles avec les précautions que requiert une grossesse .

Ainsi, plusieurs témoignages ont évoqué la question de la santé des agricultrices enceintes et les risques qui peuvent exister pour l'enfant, pendant la grossesse, en cas d'exposition de l'agricultrice à des pesticides ou de maladies touchant les animaux . Ces points ont été portés à l'attention des co-rapporteur-e-s notamment au cours des déplacements dans la Drôme et en Bretagne : enfants handicapés, fausses couches, difficulté à être enceinte, troubles gynécologiques...

La délégation a recommandé, dans son rapport Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui 123 ( * ) , la plus grande vigilance à l'égard des risques environnementaux pour protéger la femme enceinte, les enfants et les adolescents contre des substances potentiellement toxiques qui peuvent avoir des conséquences particulièrement graves pour leur santé.

Or il semble que les effets, pour la santé foetale et pour la femme enceinte , des produits divers (pesticides, etc.) et médicaments vétérinaires manipulés dans l'agriculture et l'élevage soient mal connus, de même que les conséquences sur la santé maternelle et infantile des maladies touchant les animaux. En tout état de cause, il apparaît que les premières intéressées n'y sont pas réellement sensibilisées et qu'elles découvrent les conséquences de ces épidémies ou de la manipulation de ces produits quand il est trop tard. On ne peut pas exclure non plus que les effets toxiques, pour l'organisme féminin, de ces substances n'aient pas fait l'objet d'une étude systématique.

Il faut donc impérativement se donner les moyens de combler cette lacune grave par une évaluation scientifique, si celle-ci n'a pas d'ores et déjà été conduite, par une large diffusion des résultats de ces recherches et par la formation et la sensibilisation de tous les professionnels concernés aux nécessaires précautions à adopter pour manipuler les produits en cause (vétérinaires, industriels, agriculteurs et agricultrices, etc.).

Ce risque spécifique souligne l'intérêt de la mise en place de réseaux d'agricultrices qui seraient susceptibles de relayer ce type d'informations et de créer des alertes, permettant ainsi de surmonter l'isolement fréquemment lié au monde rural. Plusieurs agricultrices rencontrées par les co-rapporteur-e-s ont regretté le manque de relais d'information en milieu rural et exprimé le souhait de pouvoir se tourner vers des forums pour partager leurs interrogations et des informations relatives à la grossesse .

Par ailleurs, au cours de la table ronde du 30 mars 2017 sur l'enseignement agricole et la formation des agricultrices, Catherine Belloc a plus particulièrement évoqué la situation des femmes vétérinaires : « chez les vétérinaires, 75 % des étudiants sont des filles, avec une attractivité importante pour les animaux de compagnie, qui pose le problème des vétérinaires dans l'agriculture (...). Pour nos étudiantes, exercer une profession dite masculine reste quelque chose de compliqué, en particulier dans la filière des soins aux animaux d'élevage. Intervenir auprès de ruminants quand on est enceinte, c'est difficile ».

La délégation suggère la mise en oeuvre d'une évaluation scientifique des conséquences, sur la santé maternelle et infantile et plus généralement sur l'organisme féminin , de la manipulation de tous les produits (pesticides, etc.) et médicaments vétérinaires utilisés dans l'agriculture et l'élevage. Elle recommande que les effets, sur la femme enceinte et sur le foetus, des maladies touchant les animaux fassent également l'objet d'une recherche scientifique.

Elle préconise une large diffusion des résultats de ces recherches et la formation et la sensibilisation de tous les professionnels concernés (vétérinaires, industriels, agriculteurs et agricultrices, etc.) aux nécessaires précautions à adopter pour manipuler les produits en cause.

Elle souhaite enfin la mise à l'étude d'un congé pour grossesse pathologique afin de protéger la santé des agricultrices enceintes exposées à tout risque sanitaire, par exemple une contamination par les animaux.

b) Favoriser l'accès des agricultrices au congé maternité

Les agricultrices ont longtemps été moins favorisées que leurs homologues des autres professions en matière de congé maternité .

Les améliorations obtenues pour la couverture sociale des non-salariées agricoles en assurance maternité ont été progressives.

L'allocation de remplacement de maternité des agricultrices a été créée par un décret de 1977. Elle a pour finalité de prendre en charge les frais occasionnés par leur remplacement dans les travaux agricoles, lorsqu'elles ne peuvent pas les accomplir en raison de leur maternité.

De plus, comme l'a rappelé Jacqueline Cottier au cours du colloque du 22 février 2017, en 1986, la FNSEA a obtenu l'allongement de la prise en charge du congé de remplacement qui a été porté à huit semaines .

En outre, l'article 33 de la loi d'orientation agricole de 1999 124 ( * ) prévoit la prise en charge intégrale des frais de remplacement des agricultrices, alors que le dispositif précédent ne prévoyait qu'une prise en charge partielle.

À compter de cette date, le recours aux services de remplacement est devenu la norme par rapport à l'embauche directe.

De plus, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 125 ( * ) a permis aux pères non-salariés agricoles de bénéficier de l'allocation de remplacement paternité à l'occasion de la naissance d'un enfant.

Enfin, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 126 ( * ) a prévu l'alignement de la durée d'attribution de l'allocation de remplacement de maternité sur la durée des congés de maternité accordés aux salariés, avancée importante pour la santé des femmes.

La durée de l'allocation de remplacement ou du congé maternité dépend du nombre d'enfants, comme le résume le tableau ci-après.

Durée de l'allocation de remplacement pour les non-salariées agricoles (ou du congé maternité pour les salariées)

Durée du congé prénatal

Durée du congé
postnatal

Durée
maximale

Congé normal

6 semaines

10 semaines

16 semaines

Naissance simple portant à trois le nombre d'enfants à charge

8 semaines

18 semaines

26 semaines

Naissance de jumeaux

12 semaines

22 semaines

34 semaines

Naissance de triplés ou plus

24 semaines

22 semaines

46 semaines

Source : MSA

La délégation note également avec intérêt que le droit au remplacement existe aussi en cas d'adoption ou de paternité :

- en cas d'adoption , l'agricultrice peut se faire remplacer sur l'exploitation ou l'entreprise agricole pendant huit semaines au plus (dix pour une adoption multiple à compter de l'arrivée de l'enfant dans le foyer) ;

- l'exploitant dont la femme est enceinte ou qui adopte peut se faire remplacer sur l'exploitation ou l'entreprise agricole pendant onze jours consécutifs au plus (dix-huit jours pour une naissance ou une adoption multiple), dans une période de quatre mois suivant la naissance ou l'arrivée au foyer de l'enfant.

(1) Les conditions pour bénéficier du congé maternité

En cas de maternité, les agricultrices 127 ( * ) peuvent bénéficier d'une allocation de remplacement.

Pour ce faire, les conditions suivantes doivent être remplies :

- participer de manière constante aux travaux de l'exploitation et être à ce titre affiliée à l'AMEXA (assurance maladie des exploitants) ;

- relever de l'AMEXA et justifier d'une affiliation à titre personnel d'au moins dix mois tous régimes confondus ;

- cesser l'activité exercée sur l'exploitation pendant au moins deux semaines comprises dans une période commençant six semaines avant la date prévue pour l'accouchement et se terminant dix semaines après celle-ci ;

- être effectivement remplacée, pendant au moins deux semaines, par l'intermédiaire d'un service de remplacement.

Le remplacement doit porter sur des travaux ayant pour but la mise en valeur de l'exploitation ou l'entreprise . Il ne doit pas porter sur des travaux ménagers. En outre, la demande doit être effectuée avant la date d'interruption de l'activité.

Le montant de l'allocation est en général égal à la totalité des frais engagés, c'est-à-dire le montant du prix de la journée fixée par le service de remplacement multiplié par le nombre de jours de remplacement.

La prise en charge par la MSA du remplacement ( via le service de remplacement) est de 100 %, à l'exception des contributions sociales (CSG/CRDS) qui restent à la charge de l'agricultrice.

De plus, afin de faciliter la prise de ce congé, les agricultrices peuvent également faire appel à un salarié si le service de remplacement ne peut répondre à leur demande de remplacement.

Le montant et le versement de l'allocation dépendent donc des modalités du remplacement :

- si le remplacement est effectué par un service de remplacement : en général, le montant de l'allocation de remplacement est égal au coût du remplacement hors contributions sociales (CSG/CRDS) qui restent à la charge de la personne remplacée. Le montant du prix de journée est fixé en fonction des charges supportées par le service de remplacement. La MSA verse directement le montant de l'allocation au service de remplacement ;

- si le remplacement est effectué par un salarié embauché pour l'occasion : le montant de l'allocation est égal au montant des salaires et charges sociales du salarié embauché, dans la limite du salaire conventionnel correspondant à l'emploi. La MSA rembourse directement les frais, sur présentation de la copie du contrat de travail et du bulletin de salaire.

Par ailleurs, les exploitantes peuvent bénéficier des dispositifs de la PAJE (Prestation d'accueil du jeune enfant) et du complément du libre choix d'activité .

(2) Une proportion encore insuffisante d'agricultrices recourant au congé maternité mais qui tend à augmenter

Malgré les avancées pour étendre le droit au congé maternité des agricultrices, la proportion de femmes qui recourent à ce congé est de 58 % , ce qui reste une proportion insuffisante, bien qu'elle augmente d'après le ministère (elle était de 55 % en 2010) 128 ( * ) .

Comment expliquer cette proportion relativement faible ?

Une enquête conjointe du Service de remplacement France et de la MSA a été menée en avril 2013 afin de connaître les raisons pour lesquelles les agricultrices n'ont pas eu recours au remplacement pendant leur maternité. Il ressort de l'enquête que la règlementation actuelle ne constitue pas un frein au recours au remplacement.

Les co-rapporteur-e-s ont recensé différents facteurs explicatifs, qui tiennent essentiellement au manque d'information , au coût du remplacement , à l'inadéquation de l'offre de remplacement ou à des réticences psychologiques pour laisser l'exploitation.

(a) Une difficulté : le manque d'information

Le manque d'information a particulièrement été mis en exergue par la Coordination rurale : selon elle, les agricultrices « estiment être trop peu renseignées, voire pas du tout, et qu'il est difficile de trouver des informations sur le congé maternité et les prestations sociales liées (prime de naissance, aides à la garde, allocations familiales...) » 129 ( * ) .

De même, Véronique Léon ( Confédération paysanne ) a indiqué que les agricultrices sont souvent mal informées concernant les solutions possibles en matière de congé maternité, soulignant la nécessité de mieux communiquer à cet égard : « Une autre raison est le manque d'informations. Compte tenu des savoir-faire assez complexes, les paysans ou paysannes ont souvent tendance à croire que personne ne peut les remplacer . Or il est parfaitement possible - comme je l'ai fait - de prendre une personne du service de remplacement qui ne travaillera que pour celui ou celle qui en fait la demande, par exemple dans le cadre d'un congé de maternité, et, donc, de la former. Il faut le faire savoir ».

La CCMSA a indiqué qu'elle s'est efforcée de développer, ces dernières années, en lien avec le ministère, son information et sa communication autour de plusieurs axes en prenant en compte les revendications de la FNSEA .

Par exemple, les formulaires de demande d'allocation de remplacement maternité et paternité ont fait l'objet d'une refonte complète en lien avec le Service de remplacement France et le ministère.

En outre, de nombreux supports d'information ont été créés , complétés et diffusés par la CCMSA afin d'améliorer le recours au remplacement pour la maternité, mais également pour la paternité et l'adoption.

Parallèlement, la CCMSA dit avoir finalisé des travaux sur le parcours clients qui visent notamment à développer une information adaptée relative à leurs droits en matière de remplacement dans le cadre du congé de maternité et de paternité, ainsi qu'une information sur la nécessité de se faire remplacer pendant le congé de maternité.

Il s'agit de permettre aux agricultrices d'anticiper au mieux leur demande de remplacement , facilitant ainsi la prise en charge de leurs besoins par les services de remplacement départementaux dans les meilleures conditions.

La délégation approuve ces démarches et invite la CCMSA et le ministère à poursuivre et renforcer les initiatives permettant d'améliorer l'information des agricultrices sur le congé maternité, en lien avec le service de remplacement.

La délégation recommande de renforcer l'information des agricultrices s'agissant de leurs droits relatifs au congé maternité , à travers une communication sur ce sujet au moment de l'installation et le développement de campagnes d'information de la part des services de remplacement et de la MSA.

(b) Un frein important : le coût du remplacement

Dans son discours lu par Marie-Pierre Monier au colloque du 22 février 2017, le ministre de l'Agriculture, tout en soulignant les progrès réalisés pour rendre effectif le congé maternité des agricultrices, a mentionné quelques difficultés portant sur le coût du service et l'hétérogénéité de l'offre : « De grands progrès ont également été faits pour que les agricultrices accèdent à une maternité plus sereine : le congé maternité pouvait n'être qu'un droit de papier, compte tenu des particularités des travaux agricoles, notamment dans l'élevage. Le service de remplacement permet de rendre ce droit effectif. La Mutualité Sociale Agricole, en lien avec le Ministère, a amélioré de manière importante l'information sur ce service. Il reste du chemin à faire, encore trop peu de femmes agricultrices y ont recours, en particulier pour des raisons de coûts du service, le différentiel restant à charge variant beaucoup selon les départements, ou de manque de disponibilité de remplaçants notamment dans l'élevage . Il faudra veiller à l'avenir à ce que la voie tracée continue d'apporter des progrès ».

De plus, lors des arrêts maternité et des congés parentaux, les trimestres de retraite sont enregistrés, mais sans acquisition de points. Le fait de ne pas pouvoir cotiser pour la retraite dans cette période est pénalisant pour les agricultrices. Ce point a été souligné par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et par la Confédération paysanne .

(3) Une offre de remplacement qui n'est pas toujours adaptée aux besoins

Selon la Coordination rurale , l'inadéquation du remplacement ou la carence de l'offre peuvent aussi dissuader les agricultrices de recourir au congé maternité . Le document écrit transmis aux co-rapporteur-e-s indique ainsi que « lorsque certaines ont souhaité prendre leur congé maternité, c'est le service de remplacement qui n'a pas été en mesure d'assurer sa mission. En effet, les services de remplacement n'ont pas toujours la main-d'oeuvre, en volume horaire ou en qualification : il est par exemple difficile de trouver des salariés pour travailler en élevage porcin. Dans ce cas, la possibilité qui est donnée de trouver un salarié de remplacement hors de ce réseau n'est pas toujours évidente à mettre en oeuvre » 130 ( * ) .

Pour Karen Chaleix, secrétaire nationale de Jeunes agriculteurs , le non-recours au congé maternité ne vient pas du coût du remplacement mais dépendrait plutôt de la qualité des services de remplacement selon les départements : « En cas de congé de maternité ou de paternité, la MSA prend en charge les coûts, sauf environ 11 euros par jour pour un salarié pendant sept heures. Certes, sur quatre mois, cela représente un certain budget, mais disposer d'un salarié pendant quatre mois pour environ 1 000 euros, c'est donné ! Nous ne comprenons pas pourquoi tout le monde n'y recourt pas. Nous essayons, à l'échelle de mon département, d'en faire la promotion. La situation est à mon avis différente selon les départements et propre à chaque personne. Certains services de remplacement sont moins actifs que d'autres dans ce domaine ».

Christine Riba ( Confédération paysanne ) a également mis en avant le problème de l'offre des services de remplacement : « Il n'existe pas de service de remplacement partout et, parfois, la démarche est lourde et complexe. Cela explique que certaines femmes ne se fassent pas remplacer ».

Pour la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA, la principale difficulté qui empêche les agricultrices de prendre leur congé maternité consiste à trouver une personne compétente sur certaines activités, notamment dans les productions spécialisées ou encore dans certaines zones géographiques .

(4) Les réticences psychologiques à laisser l'exploitation

Enfin, les agricultrices peuvent éprouver des difficultés à laisser leur exploitation à une tierce personne, inconnue, surtout quand il y a des animaux , comme l'a indiqué Karen Chaleix : « Certains exploitants ou exploitantes craignent aussi de laisser leur exploitation à des inconnus. Il faut quelqu'un de compétent ! Or dans mon département par exemple, les remplaçants les plus compétents sont très rapidement embauchés en tant que salariés ».

Au cours de la table ronde du 4 avril 2017, Catherine Laillé ( Coordination rurale ) a également évoqué des « freins psychologiques à l'embauche », ajoutant que « les agriculteurs ont beaucoup d'appréhension à prendre un salarié de remplacement, la première fois ».

Les agricultrices peuvent aussi ne pas ressentir la nécessité de prendre ce congé maternité. La Coordination rurale a par exemple évoqué le cas de plusieurs jeunes mères qui ont indiqué n'avoir volontairement pas eu recours au service de remplacement (difficulté à intégrer un salarié, pas de besoin ressenti...). Dans ce cas, soit l'interruption a été très courte (dix jours pour l'une d'entre elles), soit les associés ont réorganisé le travail sur l'exploitation.

Pour conclure cette partie, la délégation prend acte de l'annonce effectuée par la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, le 1 er juin 2017, de sa volonté de mettre en place un congé maternité unique pour toutes les femmes . Il s'agit d'assurer à toutes les femmes, quel que soit leur statut, seize semaines de congé maternité sans perte de revenu.

c) Le désir d'acquérir de nouveaux droits en lien avec la parentalité

Le dernier sujet qui a interpellé les co-rapporteur-e-s dans le domaine de la parentalité concerne la demande des agricultrices de bénéficier d'un dispositif prenant en compte la maladie d'un enfant . Dans ce cas, il est en effet plus difficile pour l'agricultrice de gérer son exploitation tout en gardant et soignant son enfant malade.

La délégation partage pleinement cette préoccupation et demande la mise à l'étude, par la MSA, de deux solutions pour répondre à cette attente :

- soit l'extension du dispositif de remplacement au cas des enfants malades , qui permettrait aux parents de se faire remplacer pour soigner leur enfant, dans les mêmes conditions que lorsqu'ils recourent au service de remplacement en cas de maternité, de formation ou de vacances ;

- soit la mise en place de chèques emploi service prépayés , à l'instar de ce qui existe dans certaines entreprises, pour financer le recours à une garde d'enfant, de manière à permettre à l'exploitant-e de travailler.

2. Une question majeure : une offre de remplacement à perfectionner

Compte tenu des critiques qui ont été émises à l'encontre du service de remplacement pour ce qui concerne le congé maternité (mais on retrouve le même type de blocages dans les autres domaines, qu'il s'agisse des congés, de la formation ou des responsabilités syndicales et professionnelles), la délégation estime qu'il est important de pouvoir améliorer l'offre de remplacement, mais aussi sa connaissance par les agricultrices .

a) Le fonctionnement du Service de remplacement

Le Service de remplacement est un groupement d'employeurs à vocation de remplacement et non de complément de main-d'oeuvre.

Il appartient à un réseau national de 500 services fédérés au sein de la Fédération Nationale des Services de Remplacement (FNSR). Selon les départements, les services sont départementaux ou locaux (cantons, pays...). Le maillage territorial des services de remplacement peut donc être inégal selon les régions .

À cet égard, certains interlocuteurs de la délégation ont formulé le souhait d'adapter la gestion du système au plus près du terrain en soutenant les associations de proximité et en privilégiant l'échelle cantonale ou inter-cantonale, plus adaptée selon eux que l'échelle départementale, car elle permet de réduire les déplacements. A l'inverse, d'autres estiment que l'échelle départementale est pertinente pour éviter la dilution des moyens.

Les services de remplacement emploient chaque année 10 000 agents de remplacement et réalisent 500 000 journées.

Le Service de remplacement est une association qui fonctionne avec un conseil d'administration et un bureau composé notamment d'un président et d'un trésorier . Les statuts et le règlement intérieur du service précisent le mode de fonctionnement et d'intervention (cotisation, priorité des motifs, délai de demande...).

Tous les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole peuvent adhérer au Service de remplacement de leur circonscription géographique, en contactant la fédération ou le service de remplacement du département.

Service de remplacement, mode d'emploi et principaux chiffres

Pour adhérer, le chef d'exploitation doit acquitter une cotisation annuelle et s'engager à respecter les statuts et le règlement intérieur de l'association.

L'adhésion lui permet, ainsi qu'aux membres non-salariés de sa famille travaillant sur l'exploitation, de se faire remplacer pour l'un des différents motifs de remplacement :

- congés : toute absence, d'un week-end à plusieurs semaines pour congé, peut donner droit au remplacement 131 ( * ) .

- Formation, mandats et responsabilités professionnelles : tous les agriculteurs qui s'investissent dans le fonctionnement de structures para-agricoles, permettant à l'agriculture de se développer, peuvent bénéficier pendant leurs absences d'un agent de remplacement 132 ( * ) .

- Mandat syndical : quelle que soit son orientation syndicale, l'agriculteur/agricultrice peut bénéficier d'un remplacement dès lors qu'il/elle passe du temps pour le fonctionnement de son syndicat 133 ( * ) .

- Maladie et accident : c'est dans ces cas que le rôle social du  service de remplacement est primordial, en s'efforçant de remplacer au plus vite et au mieux l'agriculteur absent par la force des choses 134 ( * ) .

Les conseils généraux peuvent participer en donnant une aide pour les remplacements pour accidents et maladies, mandats professionnels et formations ou mandat syndical.

- Maternité et paternité : l'exploitant affilié à la MSA depuis au moins dix mois bénéficie d'une aide au remplacement de 16 semaines minimum pour un congé maternité et de onze jours consécutifs pour un congé paternité 135 ( * ) ( cf. supa ).

Le Guide de l'adhérent au service de Remplacement précise la part des différents motifs de remplacement au niveau national 136 ( * ) .

Pour se faire remplacer, le chef d'exploitation doit contacter son service de remplacement, lui préciser les motifs, dates et durée de son absence, son système d'exploitation et les travaux à réaliser. En outre, il doit donner le nom d'une personne ressource (référent sur l'exploitation, voisin...) qui pourra accueillir l'agent de remplacement.

Le service de remplacement indiquera alors rapidement le nom de l'agent de remplacement 137 ( * ) et les modalités pratiques liées au remplacement (justificatifs à fournir, durée, tarifs...).

L'agent contacte le chef d'exploitation quelques jours avant le début de la mission pour visiter l'exploitation et prendre les consignes.

L'agent est embauché par le service de remplacement et mis à disposition de l'exploitation dans le cadre d'une convention. Le service de remplacement est donc l'employeur de l'agent qu'il rémunère . Il se charge de l'ensemble des formalités administratives. Il facture les frais de remplacement diminués des éventuelles aides financières apportées par ses partenaires (MSA, chambre d'agriculture...).

Si le chef d'exploitation connaît une personne susceptible de le remplacer, il peut le signaler au service de remplacement qui pourra éventuellement le recruter pour le temps de son remplacement. Toutefois, il est précisé que les agents de remplacement en CDI restent prioritaires dans les recrutements.

Source : site Internet du Service de remplacement France et guide de l'adhérent au service de Remplacement

b) Une nécessité vitale pour le monde agricole

La possibilité de se faire remplacer est primordiale pour le bien-être des agricultrices et agriculteurs, aussi bien en cas de maternité, de maladie, de congés, de formations que de responsabilités professionnelles ou syndicales. Pourtant, les témoignages recueillis au cours des travaux de la délégation ont montré que le recours au service de remplacement est loin d'être systématique , notamment s'agissant des congés.

Or, comme l'a souligné Christine Riba ( Confédération paysanne ), au cours de son audition, « La problématique des congés peut paraître anecdotique, mais nous avons aussi besoin de vacances et de pouvoir déconnecter. À l'heure où l'on parle de burn out et de suicides des paysans, c'est un besoin réel . Peu se l'autorisent ; en l'absence d'aide, la situation va perdurer ».

Au cours de la table ronde du 4 avril 2017, Catherine Laillé ( Coordination rurale ) a indiqué que, trésorière d'une association de remplacement pendant quinze ans, elle a pu constater qu'à peu près 65 % des agriculteurs, hommes et femmes confondus, s'assuraient réellement pour le remplacement en cas de maladie, d'accident ou de décès. Comme elle l'a relevé, « si tous ces événements ne sont pas pris en compte à l'avance, ils peuvent aboutir à la ruine d'une exploitation quand ils surviennent ».

Il est donc primordial d'inciter les agricultrices à recourir davantage aux services de remplacement . La Commission nationale des agricultrices, particulièrement sensibilisée à cet enjeu, souhaite mettre en place une enquête sur les freins qui empêchent le recours à un agent de remplacement.

c) Des obstacles à surmonter pour généraliser le recours au remplacement

Plusieurs raisons, déjà évoquées dans le cadre de la problématique de la maternité, expliquent la situation actuelle.

Tout d'abord, de nombreuses interlocutrices de la délégation ont regretté le manque d'information ou de connaissance sur l'offre qui peut être proposée. Les agricultrices ne sont pas forcément suffisamment familiarisées à l'existence de ce service qui passe par une cotisation annuelle.

Afin de renforcer la communication sur les droits au service de remplacement, la délégation recommande la diffusion d'un fascicule d'information recensant toutes les possibilités offertes aux agriculteurs et agricultrices en ce domaine . Ce guide pourrait par exemple être délivré lors des formations ou des entretiens avec les conseillers de la MSA en visite dans les exploitations.

En outre, la plupart des personnes entendues ont regretté l'hétérogénéité de l'offre selon les territoires . En effet, l'offre de remplacement n'existe pas partout, notamment dans les zones les plus isolées, et peut être de qualité inégale selon les départements : manque de remplaçants, profil inadapté des remplaçants, reste à charge variable selon les zones 138 ( * ) ... Les difficultés sont encore nombreuses.

Lors de la table ronde du 4 avril 2017, Jacqueline Cottier, présidente de la Commission nationale des agricultrices (FNSEA) a mis en avant le besoin d'agents de plus en plus « pointus » en lien avec la diversification des activités en agriculture vers la transformation et la commercialisation. Elle a par ailleurs souligné la complexité du recrutement, « avec des périodes d'été très chargées pour les services de remplacement », qui rendent difficile de trouver des jeunes en juillet et août.

Au cours d'un déplacement des co-rapporteures dans la Drôme 139 ( * ) , plusieurs agricultrices ont également évoqué les obstacles rencontrés pour se faire remplacer (notamment au moment de la grossesse et de la naissance des enfants), soit en raison de l'inadéquation du « profil » des remplaçants au regard des compétences recherchées, soit en raison de l'isolement. Selon Anne-Claire Vial, présidente de la Chambre d'agriculture de la Drôme , celle-ci incite pourtant les nouveaux installés à adhérer au service de remplacement . Pour elle, le faible recours au Service de remplacement ne tient pas tant au manque de moyens qu'aux réticences de la population agricole . Les agricultrices drômoises ont mentionné une certaine préférence pour l'entraide familiale aux dépens du recours au remplacement.

Ainsi, dans certains cas, les exploitantes appréhendent de faire appel à ce service et ne mesurent pas bien l'utilité qu'elles pourraient en retirer. Par exemple, les éleveuses semblent éprouver plus de difficultés à prendre des congés et à laisser leurs animaux à des personnes qu'elles ne connaissent pas.

Pourtant, celles qui ont eu recours à ce service en ont souligné les avantages, à l'image de Catherine Laillé au cours de la table ronde du 4 avril 2017 : « Pour l'avoir expérimenté personnellement à l'occasion d'une naissance et de mes mandats professionnels, je peux vous dire qu'une fois que l'on connaît le système, on l'utilise volontiers, parce que l'on en retire des bienfaits en termes de santé, physique comme psychologique . Mais les agricultrices ne le ressentent pas forcément si elles ne l'ont pas vécu. Il faut donc diffuser des témoignages positifs sur ces remplacements ».

Afin d'encourager les agricultrices à recourir aux services de remplacement, la délégation :

- relève l'importance d'informer l'exploitante de la possibilité de faire appel à une personne de son choix pour la remplacer, via le service de remplacement, si celui-ci n'est pas en mesure de proposer un profil rigoureusement adapté aux besoins ;

- préconise la diffusion de témoignages positifs par le biais de campagnes de communication sur le service de remplacement, afin de désamorcer les réticences de celles qui appréhendent de laisser leur exploitation à un tiers ;

- suggère de faire connaître la formation « Manager son remplacement » proposée par le Service de remplacement et destinée à accompagner l'exploitant-e dans sa démarche.

La délégation demande aussi un état des lieux, selon les territoires, des prestations assurées par les services de remplacement ainsi que de leur coût pour les utilisateurs et utilisatrices.

En ce qui concerne les compétences des remplaçants, l'APCA estime que le profil des agents de remplacement n'est pas suffisamment compatible avec la polyvalence des agricultrices et la variété des tâches qu'elles remplissent au sein de l'exploitation mais aussi du foyer, ce qui peut constituer un frein pour le remplacement.

Elle souhaiterait que la formation des agents de remplacement soit mieux adaptée aux besoins des agricultrices en privilégiant leur polyvalence , de façon à prendre en compte la diversité des tâches effectuées par les agricultrices sur l'exploitation et dans le foyer.

Ce constat va dans le sens des premières conclusions d'une enquête conduite par la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA en partenariat avec le Service de Remplacement France et Jeunes agriculteurs . L'objectif était d' évaluer avec précision les attentes tant des agricultrices que des agriculteurs à l'égard du remplacement . Il a donc été procédé, dans un premier temps, à une enquête en ligne dont les résultats provisoires (1 300 réponses reçues au 12 juillet 2017) font apparaître un besoin d'assistance dans les « tâches familiales » . Ce type d'aide serait considéré comme nécessaire par plus de 60 % des répondant-e-s pour leur permettre de s'investir davantage dans la vie associative, dans la politique locale ou dans des organisations professionnelles .


* 123 Rapport n° 592, (2014-2015), de Françoise Laborde et Annick Billon au nom de la délégation aux droits des femmes.

* 124 Modification de l'article L. 732-10 du code rural.

* 125 Loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la Sécurité sociale pour 2002.

* 126 Loi n° 2007-1786 du19 décembre 2007 de financement de la Sécurité sociale pour 2008.

* 127 On désigne ici les non-salariées agricoles : cheffe d'exploitation, associée, co-exploitante, aide familiale, collaboratrice d'exploitation.

* 128 À noter que d'après la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA, cette proportion avait atteint 60 % en 2013.

* 129 Propositions de la Coordination rurale pour les droits des agricultrices, avril 2017. Document transmis aux co-rapporteur-e-s.

* 130 Propositions de la Coordination rurale pour les droits des agricultrices, avril 2017. Document transmis aux co-rapporteur-e-s.

* 131 À noter que les exploitants agricoles, dont la présence permanente est indispensable au fonctionnement de l'exploitation, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur les dépenses engagées pour assurer leur remplacement temporaire pendant leurs congés, défini à l'article 200 undecies du code général des impôts (crédit d'impôt pour congé des exploitants agricoles).

* 132 Pour ces motifs, il existe une aide CASDAR (Compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural) dont le montant est voté annuellement. Pour en bénéficier, l'agriculteur doit remplir une attestation sur l'honneur avec ses jours d'absence et leurs motifs.

* 133 Ce motif donne également droit à une aide de l'État par jour de remplacement.

* 134 Un contrat d'assurance existe : le contrat collectif de remplacement que les services de remplacement ont mis en place avec Groupama. Pour une cotisation de l'ordre de 290-300 euros, l'agriculteur bénéficie d'une indemnité maximum de 50 euros par jour de remplacement.

* 135 La MSA prend en charge au maximum 7 heures par jour, 7 jours sur 7. Seul reste à la charge de l'exploitant la part CSG/SRDS de la facture.

* 136 Il existe une page Internet pour chaque service de remplacement départemental qui précise la proportion des motifs de remplacement au niveau de chaque département.

* 137 Cet agent peut être un agent du Service de remplacement ou une personne que connaît le chef d'exploitation, à certaines conditions, cf. infra .

* 138 Par exemple, au cours de son audition, Véronique Léon a cité le coût du remplacement pour une journée de formation qui s'élève à 60 euros dans son département, quand d'autres paient 90 euros ou 40 euros.

* 139 La délégation était composée de Corinne Bouchoux et Marie-Pierre Monier, co-rapporteures, et de Chantal Deseyne, membre de la délégation aux droits des femmes.

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