B. DEUXIÈME CONSTAT : LES DÉTERMINANTS DE LA SITUATION COMMERCIALE DES CENTRES-VILLES ET CENTRES-BOURGS SONT IDENTIFIÉS

L'ensemble des experts souligne que la situation des centres-villes est liée à une combinaison de facteurs . Lors de leur audition, les auteurs du rapport CGEDD-IGF ont résumé les critères associés à la vacance commerciale autour de trois axes :

- 1 er axe : l'existence d'un marché de consommation est liée à la richesse des habitants, résidents ou personnes employées sur place et corrélée au taux de chômage, aux revenus des populations, au taux de vacance des logements et à l'évolution démographique de la population ;

- 2 e axe : la commercialité de centres-villes recouvre les équipements qui font l'attractivité d'un centre : équipements culturels, écoles, offre de soins, professions libérales... ;

-3 e axe : l'offre commerciale a pour principaux déterminants l'action des commerçants eux-mêmes, l'animation commerciale du centre, l'organisation collective des commerçants indépendants, la situation des baux commerciaux, mais aussi, bien sûr, la présence d'une offre commerciale forte en périphérie.

Synthèse des déterminants associés à la vacance commerciale en centre-ville

Source : Rapport CGEDD-IGF. En pointillés sont indiqués les facteurs apparus dans le cadre des entretiens de la mission

S'agissant de l'existence d'un marché de consommation , les auteurs du rapport CGEDD-IGF relèvent que les villes-centres de taille moyenne connaissent, par rapport aux grandes villes ou à leurs propres périphéries, un niveau de vie et une croissance démographique plus faibles (+4,3 % en moyenne entre 2007 et 2012 contre une hausse nationale de 7,5 %) et un niveau de chômage et de logements vacants plus forts.

En 2015, l'Insee avait déjà alerté sur la prégnance de la pauvreté dans les centres-villes 30 ( * ) . Il notait que la pauvreté est, d'une part, plus forte dans les villes-centres des aires urbaines et dans les communes isolées hors de l'influence des villes et, d'autre part, plus élevée dans les pôles 31 ( * ) que dans leurs couronnes.

Les taux de pauvreté sont les plus élevés dans les centres des grandes villes et atteignent 19,5 %. Viennent ensuite les communes isolées, avec un taux moyen de pauvreté de 16,9 %. Les banlieues n'arrivent qu'après, avec 13,9 %, et dans les « couronnes urbaines », c'est-à-dire, dans le langage de l'Insee, les communes ou unités urbaines dont au moins 40 % des actifs résidents ayant un emploi travaillent dans le pôle voisin ou dans les communes attirées par celui-ci - soit l'espace situé au-delà des banlieues - ce taux de pauvreté n'est que de 10 %.

On note par ailleurs qu'entre 2007 et 2011, « le revenu fiscal médian par unité de consommation a augmenté plus rapidement dans les couronnes périurbaines (+ 3,8 %) que dans les banlieues (+ 2,2 %) et les villes-centres (+ 1,8 %) » 32 ( * ) .

Niveau de vie par type d'espace

Catégorie
de communes

Population des ménages fiscaux

Niveau de vie médian

[en euros]

Premier décile de niveau de vie

[en euros]

Neuvième décile de niveau de vie

[en euros]

Taux

de pauvreté

[en %]

Répartition de la population pauvre

[en %]

Niveau de vie médian de la population pauvre

[en euros]

Intensité

de la pauvreté

[en %]

Grands pôles urbains

- villes-centres

- banlieues

35 864 657

14 265 385

21 599 272

19 887

18 731

20 619

9 960

9 210

10 579

39 547

39 601

39 516

16,1

19,5

13,9

65,2

31,4

33,8

9 242

9 132

9 344

22,1

23,1

21,3

Couronne des grands pôles urbains

12 178 299

20 975

12 295

36 085

8,8

12,1

9 725

18,1

Communes multipolarisées

3 316 246

19 377

11 229

32 975

12,1

4,5

9 666

18,6

Moyens pôles

1 734 551

18 447

10 241

32 975

15,7

3,1

9 489

20,1

Couronne des moyens pôles

360 796

19 350

11 681

32 055

10,6

0,4

9 779

17,6

Petits pôles

2 263 588

18 231

10 302

32 023

15,6

4,0

9 528

19,7

Couronne des petits pôles

168 534

19 012

11 124

31 865

12,3

0,2

9 636

18,8

Autres communes multipolarisées

3 372 445

18 607

10 905

31 205

13,3

5,1

9 661

18,6

Communes isolées
hors influence des pôles

2 805 422

17 941

10 000

31 923

16,9

5,3

9 464

20,3

France métropolitaine

62 064 538

19 786

10 503

37 236

14,3

100,0

9 378

21,0

France métropolitaine (ERFS 2012) (*)

/

19 740

10 610

37 430

13,9

/

9 410

20,5

(*) Pour les indicateurs d'inégalité des niveaux de vie et de pauvreté concernant l'ensemble de la France métropolitaine, l'enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) reste la source de référence.

"/" signifie que les informations ne sont pas disponibles à partir de l'ERFS 2012.

Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012 et ERFS 2012

Ces éléments laissent penser qu'une politique de revitalisation de centres-villes passe aussi par un renouveau du bâti, visant à augmenter la population vivant au centre et à l'hypercentre ainsi que le niveau de vie moyen de ces habitants.

En ce qui concerne la commercialité de centres-villes , les constats sont que la fuite des équipements et services hors du centre-ville détourne logiquement les consommateurs et les habitants de ce centre. C'est particulièrement vrai pour l'offre de soins, médecins et pharmaciens, mais aussi notable pour les professions libérales (notaires, avocats, etc.). Or, on constate globalement une raréfaction de ces services en centres-villes, comme le montre le tableau ci-après. Le niveau des loyers commerciaux et l'accessibilité du centre-ville, comme la présence de stationnements en nombre suffisant, sont aussi des éléments à prendre en compte.

Enfin, l'offre commerciale est un critère essentiel. La fragilisation et la raréfaction des commerces de centre-ville fait entrer ceux-ci dans un cercle vicieux. Mais il en va de même de l'implantation de certains commerces qui brisent les parcours de chalandise, comme un trop grand nombre d'agences bancaires ou immobilières, de salons de coiffure ou de magasins d'optique ou, a fortiori , de « mauvais commerces », souvent à tendance communautaire ou ethnique, qui provoquent la chute du chiffre d'affaires des voisins et, de ce fait, leur volonté de quitter les lieux.

La construction de supermarchés, d'hypermarchés, voire de galeries marchandes en périphérie peut aussi, bien sûr, déstabiliser un centre-ville. Au niveau macroéconomique, l'Institut pour la Ville et le Commerce fait valoir une statistique qui en dit long : entre 1994 et 2009, la superficie consacrée au commerce, tirée par la grande distribution, a progressé de 60 %. Dans le même temps, la dépense de consommation finale des ménages en volume n'a augmenté que de 38 % . Par ailleurs, la surface commerciale moyenne progresse plus vite pour les villes moyennes (+ 1,5 %) que pour les grandes villes (+ 0,8 %) entre 2012 et 2013. Si l'on revient à l'échelle micro-économique, on relèvera toutefois que l'implantation d'une grande surface n'est pas toujours un handicap pour le centre-ville, à la condition qu'elle puisse jouer le rôle de locomotive pour le commerce d'hypercentre.

Évolution de la présence de certains équipements de 2010 à 2014

Services / Équipements

Villes moyennes

Bureaux de poste

- 1,2 %

Médecins omnipraticiens

- 5,5 %

Pharmacie

0,3 %

Établissements de santé / Services d'urgence et maternité

- 9,0 %

Cinéma

- 2,2 %

Terrain de grands jeux

- 1,2 %

Éducation (écoles maternelles et collèges)

- 4,0 %

Sécurité (police, gendarmerie)

+ 2,0 %

Source : rapport CGEDD-IGF. Données BPE et Insee retraitées par la mission


* 30 Anne-Thérèse Aerts, division Statistiques régionales, locales et urbaines, Sandra Chirazi, Lucile Cros, direction régionale de Bretagne, « Une pauvreté très présente dans les villes-centres des grands pôles urbains », Insee Première, n° 1552, 2 juin 2015. Voir aussi Martial Maillard, « Les grands pôles urbains et les zones rurales plus exposés au risque de pauvreté », Insee Flash Picardie, n° 4, 10 février 2015.

* 31 Par « pôle », l'Insee entend les unités urbaines, zones de bâti continu de plus de 2000 habitants, d'au moins 1500 emplois.

* 32 Jean-Michel Floch, « Disparités de revenus et ségrégation dans les grands pôles urbains », in Les revenus et le patrimoine des ménages, Édition 2016, Insee Références, 28 juin 2016, p.41.

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