C. LOI N° 2016-41 DU 26 JANVIER 2016 DE MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ

Au 31 mars 2017, le taux de mise en application de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé s'élevait à seulement 75 % . Il convient néanmoins de rappeler que sa mise en oeuvre réclamait 176 mesures réglementaires, soit le nombre le plus élevé de tous les textes étudiés par la commission des affaires sociales depuis cinq ans. Aucun des rapports prévus par le texte, au nombre de 12, n'avait été remis au Parlement à ce stade.

Entre le 1 er avril 2017 et la cessation de fonction du précédent gouvernement, une douzaine de mesures réglementaires supplémentaires sont parues , permettant de porter à près de 84 % le taux de mise en application de la loi à la date de rédaction du présent rapport.

1. Les dispositions relatives à la promotion de la santé et à la prévention

• Le cadre général de définition et de mise en oeuvre de la politique de santé

L'article 1 er de la loi, qui définit le cadre dans lequel est conduite la politique de santé est aujourd'hui entièrement applicable. Cet article prévoit la définition par le Gouvernement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, d'une « stratégie nationale de santé » qui « détermine, de manière pluriannuelle, des domaines d'action prioritaires et des objectifs d'amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie ». Le principe d'une loi quinquennale précisant les objectifs de santé publique est abandonné. Le décret n° 2016-1621 du 28 novembre 2016 relatif à la stratégie nationale de santé prévoit principalement que celle-ci est définie par décret pour une durée qui ne peut excéder dix ans et qu'elle est mise en oeuvre par des plans et des programmes opérationnels à portée nationale, définis par arrêté ministériel, ainsi que par les projets régionaux de santé. Il prévoit qu'une consultation publique, organisée selon des modalités fixées par arrêté, doit précéder l'adoption ou la révision de la stratégie nationale de santé. De même, les conditions dans lesquelles la mise en oeuvre de la stratégie est suivie et évaluée sont définies par arrêté.

Les règles ainsi esquissées conservent un caractère général, le texte renvoyant à plusieurs autres mesures réglementaires, décret et arrêtés, le soin de déterminer notamment les domaines d'action prioritaires et les objectifs poursuivis ainsi que les conditions de son adoption et de son suivi.

Les règles relatives au fonctionnement et aux missions de l'union nationale des associations agréées d'usagers du système de santé , dont la création est rendue possible par ce même article 1 er , ont, quant à elles, fait l'objet d'un décret en Conseil d'État en date du 26 janvier 2017 79 ( * ) . Celui-ci définit les missions et les modalités d'organisation de l'union au double niveau national et territorial. Il prévoit en particulier la possibilité pour l'union de rendre des avis aux pouvoirs publics et d'élaborer des propositions en matière de santé. Ses ressources sont constituées notamment d'une dotation de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) au titre du fonds national pour la démocratie sanitaire et de subventions publiques.

• L'information et la prévention dans le domaine de la santé des jeunes

La grande majorité des mesures-phares relatives à la promotion de la santé des jeunes sont désormais applicables. Il en va notamment ainsi :

- du décret pris pour l'application de l' article 9 de la loi, afin de prévoir que les personnes admises dans une école de la deuxième chance, les volontaires effectuant un service civique, les apprentis, les stagiaires du service militaire adapté et les personnes sous contrat de professionnalisation sont personnellement informées par tout moyen, lors de leur inscription ou de la signature de leur contrat, par l'établissement ou l'organisme auquel elles sont rattachées, de la possibilité d'effectuer un examen de santé gratuit 80 ( * ) ;

- du décret pris en application de l' article 10 de la loi pour préciser les modalités de délivrance de la contraception d'urgence par les infirmiers aux élèves du second degré et qui tire notamment les conséquences de la suppression par la loi du 26 janvier 2016 de la condition de « détresse caractérisée » auparavant exigée pour accéder à la contraception d'urgence 81 ( * ) ;

- du décret en Conseil d'État pris en application de l' article 12 de la loi pour définir les types et caractéristiques des objets incitant directement à la consommation excessive d'alcool dont la vente et l'offre sont interdites aux mineurs 82 ( * ) . Il s'agit des « jeux, vêtements, accessoires de mode, éléments décoratifs, ustensiles et accessoires pour appareils électroniques dont la présentation, le logo, la dénomination ou le slogan incite directement à la consommation excessive d'alcool par un mineur ». Votre commission relève que les termes utilisés par le décret sont conformes à ce qu'avait annoncé le Gouvernement ;

- de l'arrêté pris en application de l' article 12 qui interdit la mise à disposition en accès libre de boissons sucrées à volonté dans certains lieux ouverts au public, en particulier aux mineurs. L'arrêté interministériel fixe la liste des catégories de boissons concernées 83 ( * ) . Cette liste comprend par exemple les boissons suivantes : les boissons gazeuses et non gazeuses aromatisées, des concentrés comme les sirops de fruits, les boissons à base d'eau, de lait, de céréales, de légumes ou de fruits y compris les boissons pour sportifs ou les boissons énergisantes, les nectars de fruits, les nectars de légumes et produits similaires, dès lors que ces boissons contiennent des sucres ajoutés ou des édulcorants de synthèse. Votre commission avait été particulièrement favorable à la mise en oeuvre de cette mesure, qui trouvera notamment à s'appliquer dans les établissements scolaires. Convaincue que ce dispositif est susceptible de contribuer à la lutte contre l'obésité, elle se félicite du champ d'application particulièrement large retenu dans cet arrêté.

• Le dispositif d'information complémentaire sur les denrées alimentaires

S'agissant de la disposition permettant le recours par les industriels à un étiquetage nutritionnel complémentaire , le décret prévu à l' article 14 de la loi est également paru 84 ( * ) . Ce dernier précise que ce dispositif se conforme à un cahier des charges fixé par arrêté des ministres chargés de la santé, de la consommation et de l'agroalimentaire, après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Ce cahier des charges est déterminé sur la base des conclusions d'une évaluation préalable organisée par ces mêmes ministres. Il est précisé que cette évaluation, qui porte sur plusieurs formes d'expression et s'effectue en conditions réelles d'achat, « contribue à définir le choix de la forme de présentation complémentaire à la déclaration nutritionnelle ». Une évaluation du dispositif finalement retenu doit être réalisée dans un délai de trois ans suivant l'entrée en vigueur de l'arrêté qui fixera le cahier des charges.

Une expérimentation du dispositif en conditions réelles a débuté en septembre 2016 pour une durée de dix semaines. Elle a été mise en oeuvre dans soixante grandes surfaces tirées au sort, dont vingt supermarchés témoins, en Ile-de-France, en Normandie, dans les Hauts-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes. Quatre types de logos différents ont été testés : le « Nutri-score », plébiscité par Santé publique France, l'Inserm et le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) sur le fondement des travaux du Pr Serge Hercberg, président du Programme national nutrition santé (PNNS), et qui repose sur une notation selon cinq couleurs (du vert au rouge) ; le « SENS » (système d'étiquetage nutritionnel simplifié) mis au point par une partie des industriels qui fait intervenir quatre couleurs faisant référence à la fréquence de consommation recommandée ; et deux autres logos qui indiquent les quantités de sucres, gras et sel des produits.

A l'issue d'une évaluation de cette expérimentation, la ministre des affaires sociales et de la santé a déclaré le 15 mars dernier que le « Nutri-Score » apparaissait comme le système le plus efficace. Le projet d'arrêté « fixant la forme de présentation complémentaire à la déclaration nutritionnelle recommandée » en application des dispositions législatives a été notifié par la France à la Commission européenne le 24 avril dernier et demeure en attente de publication. Pour chaque type d'aliment, ce texte précise les modalités de calcul du score en fonction des teneurs en nutriments dont la consommation est à limiter ou, au contraire, à encourager ainsi que l'emplacement du logo sur la face avant des emballages. Il prévoit que les fabricants et distributeurs qui recourent à ce score en informent l'Observatoire de la qualité de l'alimentation (Oqali).

Malgré le cadre réglementaire ainsi défini, les conditions de mise en oeuvre de cette mesure, qui ne sont pas sans faire polémique, permettent de douter du fait que les industriels joueront pleinement le jeu. En tout état de cause, l'application du dispositif sera facultative, conformément à la réglementation européenne.

- Les articles 19 et 20, relatifs à la protection de la santé des personnes exerçant la profession de mannequins, ont fait l'objet de deux textes réglementaires au mois de mai dernier 85 ( * ) .

- En application de l'article 44, un arrêté du 18 avril 2017 a fixé la liste des centres hospitaliers et établissements pénitentiaires autorisés, à titre expérimental pour une durée de douze mois à compter du 1 er mai 2017, à réaliser une évaluation de l'état dentaire de la personne détenue au début de son incarcération.

• Les dispositions en matière de santé environnementale

Dans le domaine de la santé environnementale, de nombreuses dispositions législatives demeurent inapplicables. Cela concerne en particulier :

- la définition par décret en Conseil d'État de valeurs-guides pour l'air intérieur, après avis de l'Anses (article 49) ;

- la définition par décret en Conseil d'État des modalités selon lesquelles les activités impliquant la diffusion de sons à un niveau sonore élevé sont exercées de façon à protéger l'audition (article 56) ;

- la définition par arrêté des modalités d'interdiction des jouets comportant du bisphénol A au-delà d'une certaine concentration (article 59) 86 ( * ) ;

- la définition des règles visant à protéger l'audition des utilisateurs d'appareils portables et de dispositifs d'écoute (article 61).

A l'inverse, d'autres dispositions sont désormais applicables compte tenu de la parution, bien que tardive, des mesures réglementaires attendues. Sont concernées :

- la définition par décret en Conseil d'État des règles d'hygiène et de conception applicables aux systèmes collectifs de brumisation d'eau ainsi que de leurs modalités de contrôle, voire d'interdiction 87 ( * ) (article 51) ;

- l'élaboration par décret de la liste des espèces végétales et animales dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine et la définition des mesures susceptibles d'être prises pour prévenir leur apparition ou leur prolifération 88 ( * ) (article 57).

• Les mesures de lutte contre le tabagisme

14 articles de la loi sont consacrés à la lutte contre le tabagisme. Ils sont pour la plupart applicables.

L'article 27, qui portait une des mesures emblématiques du texte, le paquet neutre, est applicable à la suite d'un décret 89 ( * ) paru le 21 mars 2016.

Le décret n° 2019-1117 du 11 août 2016 relatif à la fabrication, à la présentation, à la vente et à l'usage de produits du tabac, des produits du vapotage et des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes, pour laquelle une habilitation été donnée au gouvernement par l'article 216 de la loi, apporte également les précisions nécessaires à l'application des articles 22 et 28.

L'article 22 qui transpose l'article 7 de la directive 2014/40 sur les tabacs interdit la mise sur le marché de produits du tabac contenant des arômes caractérisants ou des additifs. Les États membres avaient jusqu'au 20 mai 2016 pour se mettre en conformité avec cette directive.

L'article 26 qui oblige les fabricants, les importateurs et les distributeurs de produits du tabac ainsi que les entreprises, les organisations professionnelles ou les associations les représentant à adresser chaque année au ministre chargé de la santé un rapport détaillant l'ensemble des dépenses liées à des activités d'influence ou de représentation d'intérêts nécessite un décret en Conseil d'État. Cette disposition a fait l'objet du décret n° 2017-279 du 2 mars 2017 relatif à la transparence des dépenses liées aux activités d'influence ou de représentation d'intérêts des fabricants, importateurs, distributeurs de produits du tabac et de leurs représentations. Il précise le contenu et les modalités de transmission du rapport détaillant l'ensemble des dépenses liées à des activités d'influence ou de représentation d'intérêts des fabricants, importateurs et distributeurs de produits du tabac.

L'article 28 proscrit le vapotage dans les établissements scolaires et les établissements destinés à l'accueil, à la formation et à l'hébergement des mineurs, dans les moyens de transport collectif fermés ainsi que dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif. Le décret n° 2017-633 du 25 avril 2017 relatif aux conditions d'application de l'interdiction de vapoter dans certains lieux à usage collectif précise les modalités d'application de l'interdiction concernant les lieux de travail. Il rend obligatoire une signalisation apparente qui rappelle le principe de l'interdiction de vapoter et, le cas échéant, ses conditions d'application dans l'enceinte des lieux concernés. Enfin, il prévoit une contravention de 2 e classe à l'encontre des personnes qui méconnaissent l'interdiction de vapoter ainsi qu'une contravention de 3 e classe pour les responsables des lieux où s'applique l'interdiction qui ne mettent pas en place la signalisation. Son entrée en vigueur est fixée au 1 er octobre 2017.

L'article 135, qui prévoyait une expérimentation de la mise en place d'une consultation spécialisée pour les femmes enceintes fumeuses, est également applicable 90 ( * ) .

La commission des affaires sociales avait alerté sur les délais nécessaires à la mise en oeuvre des mécanismes de traçabilité des produits du tabac, prévus par l'article 33, qui nécessitait l'adoption de textes par la Commission européenne. De fait, l'article 569 du code général des impôts, complété par l'article 33, a été abrogé en totalité par l'article 3 de l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes.

L'article 23, qui restreint la publicité sur les cigarettes électroniques n'appelait, quant à lui, pas de mesures d'application mais ses dispositions très restrictives, que le Sénat avait très légèrement assouplies, ont fait apparaître la nécessité de mesures correctives. Introduites par l'article 163 de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », des exceptions à l'interdiction de la publicité ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel parce qu'elles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

• Le droit à l'oubli

Un autre sujet qui avait beaucoup intéressé votre commission et fait l'objet de modifications importantes, notamment au Sénat, est le droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer (article 190) . Le Parlement, à l'initiative du Sénat, avait souhaité aller plus loin que ne le prévoyait le texte initial, notamment en abaissant à 10 ans le délai au terme duquel un ancien malade doit avoir accès au crédit et à l'assurance dans les conditions du droit commun. Pour l'essentiel, la mise en oeuvre de cette mesure repose sur les partenaires de la convention Aeras. La définition des sanctions encourues par les assureurs qui enfreindraient le droit à l'oubli et celui précisant les conditions d'information des candidats à l'assurance ont fait l'objet de deux décrets parus en février dernier 91 ( * ) .

• Le prélèvement d'organes sur personnes décédées

Introduit à l'initiative de l'Assemblée nationale, l'article 192 a modifié les règles relatives à l'expression du consentement ou de l'opposition au prélèvement d'organes après le décès. Ses dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2017.

Si le principe du consentement présumé, issu de la loi du 22 décembre 1976, n'a pas été remis en cause, l'obligation faite au médecin de rechercher une éventuelle opposition de la personne décédée a été supprimée. Celui-ci doit désormais informer les proches du défunt conformément à des bonnes pratiques arrêtées par le ministre de la santé sur proposition de l'agence de la biomédecine. L'arrêté en question a été publié le 16 août 2016.

Par ailleurs, alors que l'article L. 1232-1 du code de la santé publique prévoyait que l'opposition au prélèvement pouvait être exprimée par tout moyen, la rédaction issue de l'article 192 de la loi de modernisation de notre système de santé précise que ce refus s'exprime « principalement » par l'inscription sur un registre national. Le décret en Conseil d'État n° 2016-118 du 11 août 2016 relatif aux modalités d'expression du refus de prélèvement d'organes après le décès est venu préciser les conditions autres que l'inscription au registre national des refus dans lesquelles l'opposition du défunt peut être prise en compte. L'article R. 1232-4-4 du code de la santé publique, créé par ce décret, indique ainsi que le refus peut être exprimé au travers d'un document écrit indiquant les nom, prénom, date et lieu de naissance de l'intéressé ou, lorsque ce dernier se trouve dans l'impossibilité d'écrire et de signer un tel document, attesté par deux témoins. Il est également précisé qu'un proche de la personne décédée peut faire valoir le refus que cette personne a manifesté de son vivant.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions législatives et règlementaires que le droit applicable ne connaît pas d'évolution fondamentale. Au demeurant, dans la réalité, on ne saurait envisager qu'une équipe médicale refuse de prendre en compte la position des proches d'une personne décédée dans les cas où celle-ci n'aurait pas, de son vivant, clairement manifesté sa position. Ces modifications rédactionnelles pourraient néanmoins avoir pour vertu d'attirer l'attention du public sur la problématique du don d'organe, à condition que retombent les inquiétudes suscitées au moment des débats par le manque de pédagogie qui a entouré leur introduction.

2. Les dispositions du texte relatives à l'assurance maladie et à l'organisation des soins

• L'organisation des soins de ville

L'article 67, relatif au pacte territoire santé, est applicable, un décret et un arrêté en date du 16 mars 2016 ayant précisé les missions et modalités de fonctionnement et fixé la liste -particulièrement fournie- des membres du comité national appelés à se prononcer sur sa mise en oeuvre. Votre commission rappelle que le dispositif fonctionnait déjà sur la base de textes réglementaires avant l'adoption de la loi de modernisation de notre système de santé, dont les dispositions apparaissaient dès lors superfétatoires.

L'article 74, qui prévoit la mise en place d'un service d'appui à la coordination des parcours complexes piloté par les ARS à destination des professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux, est également applicable, un décret du 4 juillet 2016 ayant défini les modalités de mise en place de la plateforme territoriale d'appui visée par le texte.

La mise en place d'un numéro d'appel national pour l'accès à la permanence des soins ambulatoires, prévue par l'article 75 du texte, a été rendue opérationnelle par un décret du 22 juillet 2016, qui précise qu'il s'agit du numéro 116 117. Le décret n° 2017-522 du 11 avril 2017 a repoussé au 15 janvier 2018 la date de mise en service de ce numéro d'appel.

L'article 85, relatif à l'évaluation des pratiques de refus de soins constatées chez les professionnels de santé, prévoit l'intervention d'un décret pour la définition des modalités de cette évaluation. Un décret en date du 21 juillet 2016 a ainsi précisé qu'elle serait conduite par une commission spécialement compétente placée auprès des conseils nationaux des ordres professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, et qui réunira à la fois les professionnels de santé concernés, des représentants des usagers, ainsi que les financeurs que sont le fonds CMU et la Cnam.

• L'évolution des compétences des professionnels de santé

La loi de modernisation de notre système de santé comporte un large pan de dispositions relatives à l'évolution des compétences et des modalités d'exercice des différents professionnels médicaux et paramédicaux, souvent très attendues par les professionnels concernés.

À la date de publication du présent rapport, votre commission relève que plusieurs textes restent encore à prendre - reflet sans doute de l'impréparation et de l'absence de concertation qui a caractérisé l'adoption de plusieurs de ces nouveaux statuts professionnels.

L'article 119, relatif aux pratiques avancées des professionnels paramédicaux, est ainsi inapplicable à ce jour, en l'absence de texte réglementaire prévoyant notamment les diplômes et compétences à acquérir pour ce type d'exercice. Votre commission relève qu'il s'agissait pourtant de l'une des dispositions de la loi les plus indispensables à l'évolution véritable de notre système de santé, les plus demandées aussi par les professionnels infirmiers, et dont un rapport de la commission relatif aux coopérations entre professionnels de santé avait souligné l'urgente nécessité. Lors du débat en séance publique du 21 février dernier, en réponse au président Alain Milon, le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement avait apporté les précisions suivantes : « les premières réunions de concertation ont eu lieu à la fin de l'année 2016 et les projets de décret seront publiés mi-2017. »

Les nombreux textes nécessaires à l'application des dispositions relatives à la profession de masseur-kinésithérapeute restent également à prendre, de même que ceux relatifs à la profession d'assistant dentaire, à celle d'orthophoniste et à celle d'orthoptiste. Un décret en Conseil d'État n° 2017-335 du 14 mars 2017 est néanmoins venu préciser les règles de prise en charge des dispositifs médicaux prescrits par les orthophonistes et les orthoptistes, rendant ainsi applicable l'article 126 de la loi.

En outre, un décret n° 2016-743 du 2 juin 2016 et un arrêté du 10 octobre 2016 ont rendu effectif l'élargissement des compétences des sages-femmes en matière de vaccination. Le nouveau statut des opticiens-lunetiers, tardivement introduit dans la loi, a également reçu son texte d'application 92 ( * ) , de même que les dispositions relatives aux compétences des manipulateurs d'électroradiologie médicale 93 ( * ) .

• Le tiers payant

Sont applicables les dispositions relatives au DMP (article 96), à l'exception d'une obligation qui paraît redondante avec les pratiques déjà en vigueur en matière de messagerie sécurisée.

La généralisation du tiers payant adopté contre l'avis du Sénat est mise en oeuvre selon les modalités prévues par l'article 83 de la loi.

Celles-ci ont été substantiellement modifiées par la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 qui a considéré « qu'en se bornant à édicter une obligation relative aux modalités de paiement de la part des dépenses prise en charge par les organismes d'assurance maladie complémentaire sans assortir cette obligation des garanties assurant la protection des droits et obligations respectifs du professionnel de santé et de l'organisme d'assurance maladie complémentaire, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence ». Dès lors l'obligation de tiers payant généralisé ne pourra s'appliquer que pour les dépenses couvertes par l'assurance maladie.

Ceci entraîne en pratique une situation intenable pour les praticiens et les patients qui devront pour les uns demander et pour les autres régler la part de la consultation couverte par l'assurance maladie complémentaire. Même pour les praticiens qui feront le choix de proposer à leurs patients le tiers payant pour les dépenses couvertes par l'assurance maladie complémentaire la situation sera particulièrement complexe à gérer puisqu'ils devront suivre dans leurs comptes deux flux de paiement pour chaque consultation, celui venant de l'assurance maladie et celui venant de la complémentaire. En l'absence de solution concertée entre assureurs complémentaires et avec l'assurance maladie, pour proposer des solutions simplement applicables par les professionnels de santé on voit mal comment ceux-ci pourraient, dans leur majorité, accepter de s'engager pour le tiers payant intégral.

Le comité de pilotage du tiers payant, instauré pour une durée de trois ans par le décret n° 2016-439 du 12 avril 2016 et qui réunit des représentants des patients, des professionnels de santé, de l'assurance maladie et des assureurs complémentaires pourrait être le lieu de concertation pour proposer de nouvelles solutions aux praticiens.

Le début de l'année 2017 marque une étape particulièrement importante. En effet, depuis le 1 er juin 2016 les praticiens ont la possibilité de proposer le tiers payant sur les dépenses d'assurance maladie aux deux catégories de patients dont les frais sont couverts à 100% par l'assurance maladie, les personnes suivies pour une affection de longue durée (ALD) et les femmes enceintes. Cette possibilité a semblé avoir quelque effet puisque les chiffres de la direction générale de la santé rendus public fin décembre montrent sur l'année 2016 une augmentation de sept à huit point du taux de recours au tiers payant pour ces deux catégories de patients par les médecins généralistes.

Depuis le 1 er janvier le recours aux tiers payant pour les personnes en ALD et les femmes enceintes est obligatoire et les praticiens de santé peuvent le proposer à tous leurs patients. Le tiers payant pour l'ensemble des patients a vocation à être obligatoire pour tous à compter du 1 er décembre 2017.

Le 7 juin dernier, le Premier ministre a confirmé qu'une évaluation serait menée sur le dispositif du tiers payant, conformément aux positions exprimées par le Président de la République avant l'élection présidentielle.

• Les dispositions relatives aux établissements de santé

Conformément au calendrier prévu par l'article 107 de la loi, qui prévoyait la constitution des GHT au 1 er juillet 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé a officialisé le 5 juillet dernier la création de 135 GHT regroupant les 830 établissements publics hospitaliers.

Le Sénat était favorable aux GHT mais, ainsi qu'il l'avait inscrit dans la loi (article L. 6132-5 du code de la santé publique), il estimait nécessaire que le projet médical partagé, qui doit sous-tendre ces groupements, soit élaboré préalablement à la désignation des GHT par les ARS afin de garantir qu'ils répondent à la volonté des professionnels de terrain.

Or, le décret n° 2016-524 du 27 avril 2016, qui fixe notamment le contenu du projet médical, a limité la part de ce projet devant être élaborée préalablement à la mise en place des GHT aux seuls objectifs médicaux. L'essentiel de l'élaboration est en conséquence renvoyé à des dates ultérieures, notamment les objectifs et l'organisation par filière au 1 er janvier 2017 et l'ensemble des autres composantes du projet au 1 er juillet 2017.

La commission des affaires sociales du Sénat regrette le caractère tardif de la publication du décret sur les GHT et le report de l'essentiel de l'élaboration du projet médical partagé. Ce report ne peut qu'affaiblir la possibilité pour les équipes d'adapter les GHT à leurs ambitions et renforce le risque que ce soient les ambitions en terme de soins qui soient adaptées à l'existence des GHT.

En application de l'article 138 de la loi, le décret n° 2017-523 du 11 avril 2017 renforce le contrôle de l'activité libérale dans les établissements publics de santé. Il prévoit notamment le recueil et le suivi informatisé de données concernant l'activité publique de chaque praticien.

• Les dispositions relatives aux établissements médico-sociaux

Le décret n° 2017-620 du 24 avril 2017 relatif au fonctionnement des établissements et services médico-sociaux en dispositif intégré, prévu par l'article 91, fixe leur cahier des charges.

• L'action de groupe et les données de santé

Le décret nécessaire à la mise en place de l'action de groupe en matière de santé est paru le 26 septembre dernier. Votre commission souligne que, compte tenu de la complexité et des délais de mise en oeuvre de cette nouvelle procédure, plusieurs années seront sans doute nécessaires à sa bonne évaluation ; elle sera particulièrement attentive à la remise du premier rapport d'évaluation, prévu au plus tard trente mois après la promulgation de la LMSS.

S'agissant de l'accès aux données de santé, deux décrets ont été publiés le 28 décembre dernier, qui détaillent les modalités de gouvernance du nouveau système national des données de santé (SNDS), définissent les accès permanents à cette base, et précisent les modalités d'instruction des accès à caractère ponctuel. Ces deux textes importants -qui ont pu susciter quelques mécontentements 94 ( * ) chez les professionnels ne bénéficiant que d'un accès limité ou partiel à cette source d'informations d'une richesse exceptionnelle- ont été complétés par deux arrêtés portant notamment sur les référentiels de sécurité à mettre en oeuvre pour l'accès et le traitement de telles données 95 ( * ) .

• Le régime des soins de conservation

En application de l'article 214, un décret et un arrêté 96 ( * ) ont été pris pour préciser le régime des soins de conservation. Le décret a pour objet de déterminer les modalités d'information des familles sur l'objet et la nature des soins de conservation, par la mise à disposition d'un document écrit officiel, ainsi que les conditions d'intervention des thanatopracteurs. Il détermine les différents lieux possibles de pratique de la thanatopraxie (chambre mortuaire, chambre funéraire, domicile du défunt). Il précise que les soins de conservation ne peuvent être réalisés au domicile du défunt que lorsque le décès est survenu au domicile du défunt, dans un délai de 36 heures après le décès (délai qui peut être prorogé de 12 heures pour tenir compte de circonstances particulières), et lorsque le domicile répond à des exigences minimales de configuration de la pièce où sont réalisés ces soins. L'arrêté définit les obligations des thanatopracteurs réalisant un soin de conservation à domicile en matière de précautions générales d'hygiène, de matériel et d'équipement. Il précise les exigences minimales nécessaires relatives à la configuration et à l'équipement de la pièce du domicile dans laquelle le soin de conservation est réalisé.


* 79 Décret n° 2017-90 du 26 janvier 2017 relatif à l'union nationale des associations agréées d'usagers du système de santé.

* 80 Décret n° 2016-1257 du 27 septembre 2016 relatif à l'obligation d'information de certains publics sur l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale modifié.

* 81 Décret n° 2016-683 du 26 mai 2016 relatif à la délivrance de la contraception d'urgence par les infirmiers scolaires.

* 82 Décret n° 2016-1329 du 6 octobre 2016 déterminant les objets incitant directement à la consommation excessive d'alcool dont la vente ou l'offre est interdite aux mineurs.

* 83 Arrêté du 18 janvier 2017 relatif à l'interdiction de la mise à disposition de boissons à volonté, gratuites ou pour un prix forfaitaire, avec ajout de sucres ou d'édulcorants de synthèse.

* 84 Décret n° 2016-980 du 19 juillet 2016 relatif à l'information nutritionnelle complémentaire sur les denrées alimentaires.

* 85 Décret n° 2017-738 du 4 mai 2017 relatif aux photographies à usage commercial de mannequins dont l'apparence corporelle a été modifiée et arrêté du 4 mai 2017 relatif au certificat médical permettant l'exercice de l'activité de mannequin.

* 86 Lors de la séance publique du 21 février dernier, le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement avait apporté les précisions suivantes au président Alain Milon : « des expertises techniques sont en cours afin de déterminer le seuil de limite de migration du BPA dans les jouets et d'examiner ses conséquences dans le cadre du vote de la nouvelle directive adoptée le 14 novembre 2016 et modifiant celle de 2009, relative à la sécurité des jouets, qui n'est pas publiée à ce jour ».

* 87 Décret n° 2017-657 du 27 avril 2017 relatif à la prévention des risques sanitaires liés aux systèmes collectifs de brumisation d'eau.

* 88 Décret n° 2017-645 du 26 avril 2017 relatif à la lutte contre l'ambroisie à feuilles d'armoise, l'ambroisie trifide et l'ambroisie à épis lisses.

* 89 Décret n°2016-334 relatif au paquet neutre des cigarettes et de certains produits du tabac.

* 90 Décret n° 2016-1479 du 4 novembre 2016 relatif aux modalités de l'expérimentation de mise en place systématique d'une consultation et d'un suivi spécialisés destinés à toute femme enceinte consommant régulièrement des produits du tabac.

* 91 Décret n° 2017-147 du 7 février 2017 relatif aux sanctions applicables aux organismes assureurs pour non-respect des dispositions de l'article L. 1141-5 du code de la santé publique et décret n° 2017-173 du 13 février 2017 précisant les modalités d'information des candidats à l'assurance-emprunteur lorsqu'ils présentent du fait de leur état de santé ou de leur handicap un risque aggravé.

* 92 Décret n° 2016-1381 du 12 octobre 2016 relatif aux conditions de délivrance de verres correcteurs ou de lentilles de contact oculaire correctrices et aux règles d'exercice de la profession d'opticien-lunetier.

* 93 Décret n° 2016-1672 du 5 décembre 2016 relatif aux actes et activités réalisés par les manipulateurs d'électroradiologie médicale.

* 94 Les UNPS, notamment, regrettent de ne pas compter parmi les acteurs bénéficiant d'un accès permanent au SNDS.

* 95 Arrêtés du 22 et du 24 mars 2017 relatifs au référentiel de sécurité applicable au système national des données de santé.

* 96 Décret n° 2017-983 du 10 mai 2017 relatif aux conditions d'intervention des thanatopracteurs et à l'information des familles concernant les soins de conservation et arrêté du 10 mai 2017 fixant les conditions de réalisation des soins de conservation à domicile.

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