IV. LA HAUSSE DES PRIX DE L'IMMOBILIER EXERCE DES EFFETS CONTRASTÉS SUR L'ÉVOLUTION DES INÉGALITÉS

Au-delà de l'efficacité économique, l'évolution du marché du logement français depuis la fin des années 1990 suscite également des inquiétudes grandissantes sur le plan de l'équité , comme en témoignent les débats récents sur l'importance de la « rente immobilière ».

A. LA PROGRESSION DES PRIX DE L'IMMOBILIER NE CONTRIBUE QUE MARGINALEMENT À LA HAUSSE DE LA CONSOMMATION DES PROPRIÉTAIRES-OCCUPANTS

Dans ce contexte, l'effet de la hausse des prix de l'immobilier sur les inégalités de revenus et de consommation constitue un premier motif légitime d'inquiétude.

À cet égard, si les gains en capital dont ont bénéficié les détenteurs de résidences secondaires et d'investissements locatifs grâce à l'inflation immobilière peuvent effectivement leur permettre d'augmenter leurs revenus et leur consommation, tel n'est pas le cas, le plus souvent, pour les détenteurs de résidences principales, qui représentent 84 % du montant des transactions des personnes physiques 54 ( * ) .

Deux principaux facteurs expliquent que la dynamique des prix de l'immobilier ne contribue que marginalement à la hausse de la consommation et des revenus des propriétaires-occupants.

D'une part, en cas de revente, ces derniers doivent le plus souvent se reloger à un prix qui a augmenté 55 ( * ) . Sauf à devenir locataire, à déménager sur un territoire où les prix n'ont pas connu la même dynamique ou à acheter une surface plus petite, la hausse des prix ne leur permet pas d'augmenter leur niveau de consommation après la revente.

D'autre part, en l'absence de revente, les caractéristiques du marché hypothécaire français ne permettent pas aux propriétaires-occupants de tirer parti de la hausse de leur patrimoine immobilier afin de consommer davantage.

En effet, contrairement aux pays anglo-saxons et à plusieurs pays d'Europe continentale (Pays-Bas, Danemark, etc.), la France n'a pas connu de développement du crédit hypothécaire mobilier , qui permet aux ménages d'emprunter avec une garantie hypothécaire à d'autres fins que l'investissement immobilier, en « rechargeant » ou en refinançant un emprunt initialement immobilier dans un contexte de hausse des prix.

Parfaitement justifiées d'un point de vue prudentiel , les restrictions apportées en France au développement du crédit hypothécaire mobilier ont donc permis de limiter l'effet de la hausse des prix de l'immobilier sur les inégalités de consommation.

En effet, comme le relève l'OCDE 56 ( * ) , le développement du crédit hypothécaire mobilier constitue le principal déterminant de la capacité des ménages à tirer parti de l'augmentation de la valeur de leurs biens pour consommer davantage. En France, en Italie et en Allemagne, la consommation réagit ainsi très peu aux variations du patrimoine immobilier , en l'absence de développement du crédit hypothécaire mobilier.

Estimations de la propension marginale à consommer
la richesse immobilière à long terme

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : OCDE, « Marchés du logement, patrimoine et cycle économique », Perspectives économiques de l'OCDE, n° 75, 2004/1)

Des travaux empiriques plus récents menés par les services de l'Insee à partir de données individuelles tendent à confirmer ce constat : à titre d'exemple, la propension marginale à consommer la richesse financière (11,5 %) est sept fois plus importante que l'effet de richesse résultant du logement (1,6 %) pour les patrimoines inférieurs à la médiane 57 ( * ) .

Par rapport à d'autres pays ayant connu une forte hausse des prix de l'immobilier, tels que le Royaume-Uni, la France semble donc davantage préservée d'une hausse des inégalités de consommation.


* 54 Odran Bonnet, Pierre-Henri Bono, Guillaume Chapelle et Etienne Wasmer, « Réflexions sur le logement, la hausse des prix de l'immobilier et les inégalités en réponse à l'ouvrage de Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle », Revue d'économie politique , vol. 15, 2015/03.

* 55 Pour une discussion détaillée, voir : Odran Bonnet, Pierre-Henri Bono, Guillaume Chapelle et Etienne Wasmer, « Réflexions sur le logement, la hausse des prix de l'immobilier et les inégalités en réponse à l'ouvrage de Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle », précité.

* 56 OCDE, « Marchés du logement, patrimoine et cycle économique », Perspectives économiques de l'OCDE, n° 75, 2004/1.

* 57 Luc Arrondel, Pierre Lamarche et Frédérique Savignac, « Consommation et patrimoine des ménages : au-delà du débat macroéconomique », Économie et statistique, n° 472-473, 2014, p. 40.

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