II. L'INFLUENCE POSITIVE DU SÉNAT AU COURS DES NÉGOCIATIONS SUR LES TEXTES EUROPÉENS

1. Rappel sur les propositions de résolution européenne

L'article 88-4 de la Constitution permet au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, de voter des résolutions sur les textes européens avant qu'ils ne soient adoptés par les institutions européennes et deviennent des directives, des règlements ou des décisions de l'Union.

À cet effet, le Gouvernement doit soumettre au Sénat tous les projets d'acte de l'Union européenne, dès leur transmission au Conseil. Mais le Sénat peut également, de sa propre initiative, et depuis la révision constitutionnelle de 2008, se saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union » , par exemple un rapport, un livre vert ou un document préparatoire.

La commission des affaires européennes est chargée d'examiner systématiquement les projets d'acte de l'Union soumis au Sénat par le Gouvernement, afin de déterminer ceux d'entre eux qui ont un enjeu important et soulèvent des difficultés. Elle peut prendre l'initiative d'une résolution européenne, qui est alors soumise à l'approbation de la commission compétente au fond, ou de la séance plénière du Sénat.

LA RÉSERVE D'EXAMEN PARLEMENTAIRE

Afin de garantir la possibilité de prendre en compte les résolutions des assemblées , des circulaires du Premier ministre ont mis en place une « réserve d'examen parlementaire » .

Ce mécanisme assure au Sénat, comme à l'Assemblée nationale, un délai de 8 semaines pour manifester sa volonté de se prononcer sur un projet d'acte législatif européen. Lorsqu'une telle volonté s'est clairement manifestée, le Gouvernement doit éviter de prendre une position définitive au Conseil et, si nécessaire, doit proposer un report du vote du Conseil pour que la résolution puisse être prise en compte.

Par une résolution européenne, le Sénat prend position sur un texte à l'intention du Gouvernement , en lui indiquant des objectifs à poursuivre pour la négociation au sein du Conseil.

Mais que fait le Gouvernement des résolutions européennes votées par le Sénat ?

Ce rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations qui conduisent à l'élaboration de la législation européenne et donc, du fait de la transposition des directives, sur la législation française.

2. Les suites données aux résolutions européennes du Sénat

Les suites données aux résolutions européennes votées par le Sénat ne sont pas encore nécessairement toutes connues , dès lors que l'état d'avancement des négociations varie d'un dossier à l'autre.

Du reste, les résolutions du Sénat peuvent connaître des suites d'autant plus favorables qu'elles sont mises en avant, voire soutenues par le Gouvernement au cours des négociations au Conseil.

Enfin, les suites données s'apprécient différemment selon le texte de la résolution elle-même qui peut porter sur un sujet plus ou moins circonscrit et sur un projet d'acte de nature législative ou non. Ainsi, certaines résolutions poursuivent un dessein plus général, par exemple lorsqu'il s'agit de se positionner dans un débat public. Il est dès lors logique que l'information sur leur suivi revête une dimension moins opérationnelle.

D'une façon quelque peu schématique, il est possible de classer les résolutions européennes du Sénat en trois catégories quant aux suites qu'elles ont reçues : une prise en compte complète, ou presque complète, une mise en oeuvre partielle et une absence de suites.

a) Le Sénat a été totalement ou très largement suivi dans plus de la moitié des cas

Sur les dix-huit résolutions européennes analysées dans le présent rapport, dix, soit près de 56 % , contre 68 % l'année dernière, ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif.

Sur l' accord commercial relatif à la banane , la résolution sénatoriale a été pleinement satisfaite. En effet, un accord politique a pu être trouvé en trilogue, en décembre dernier, sur le mécanisme de stabilisation, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'accord commercial avec l'Équateur. Pourtant, cet heureux aboutissement n'avait rien d'évident : le trilogue annoncé s'avérait une négociation d'autant plus difficile que le compromis nécessaire ne semblait pas favorable, de prime abord, aux intérêts des producteurs des régions ultrapériphériques (RUP). La résolution européenne, qui s'appuyait aussi sur les travaux de la délégation aux outre-mer, a été l'occasion pour la ministre compétente de prendre des engagements, au cours du débat en séance publique, le 22 novembre 2016.

Les autorités françaises, mais aussi espagnoles et portugaises, ont réussi à convaincre du bien-fondé de leurs positions le Parlement européen et la Commission. Cette dynamique a isolé le Conseil qui a choisi de ne pas s'opposer aux demandes des producteurs européens pour ne pas compromettre la ratification de l'accord commercial, source de grande valeur ajoutée pour les exportateurs européens. La Commission, représentée par la commissaire Cécilia Malmström en personne, est revenue sur ses préventions initiales et a finalement pris en compte les axes retenus par la résolution européenne : en cas de détérioration sérieuse de la situation des producteurs européens, la Commission examinera la situation avec les États membres et les producteurs et décidera si des mesures appropriées doivent être considérées ; organisation de réunions régulières avec les États membres et les producteurs ; mécanisme d'alerte précoce de la Commission auprès des autres institutions dès lors que les exportations excèdent 80 % du seuil de déclenchement du mécanisme de stabilisation ; amélioration des outils statistiques et des publications des données ; rapport d'évaluation sur le mécanisme de stabilisation en 2019 avec la possibilité de prendre des mesures appropriées ; évaluation régulière du marché, même après l'expiration du mécanisme de stabilisation ; possibilité de prolongation du mécanisme de stabilisation au-delà de 2020 ; étude d'impact avec analyse de l'impact des accords déjà mis en oeuvre par l'Union européenne sur les producteurs des RUP. On rappellera que les deux principaux groupes politiques du Parlement européen ont menacé de ne pas ratifier l'accord si les demandes des producteurs européens n'étaient pas prises en compte, et ceci malgré une position initiale radicalement opposée de la Commission et du Conseil.

La résolution européenne portant sur les services de médias audiovisuels , après des évolutions favorables des négociations au Conseil au cours de l'année écoulée, est sensiblement mieux prise en compte.

La proposition de directive de la Commission vise à adapter la législation européenne en la matière aux nouveaux modes de consommation de vidéo, en ligne et à la demande, ainsi qu'à la présence de nouveaux acteurs économiques sur le marché de l'audiovisuel. L'objectif principal est d'instaurer une concurrence équitable entre ces nouveaux acteurs et les acteurs historiques. Cela concerne des aspects divers comme la promotion des oeuvres européennes, la protection des mineurs, la place de la publicité ou encore la compétence des États membres face à une diffusion transfrontière. Le texte a également pour but de renforcer l'indépendance des régulateurs nationaux et d'instaurer un groupe des régulateurs européens de services de médias audiovisuels.

Dans sa résolution, le Sénat avait salué l'initiative de la Commission et soutenu l'approche générale de la proposition. Toutefois, il avait appelé la Commission et le Gouvernement à plus de volontarisme en ce qui concerne la promotion des oeuvres européennes, la régulation des plateformes de partage de vidéos, la protection des mineurs et l'accessibilité des personnes handicapées aux services de médias audiovisuels. Il avait rappelé son attachement à l'application du principe de subsidiarité et à l'indépendance tant des régulateurs nationaux que du groupe des régulateurs européens de services de médias audiovisuels que créerait la directive. Enfin, le Sénat avait demandé certains ajouts et certaines précisions.

La Commission avait présenté sa proposition le 25 mai 2016 avec la volonté d'aboutir rapidement. Un an après, le 23 mai 2017, le Conseil a adopté une orientation générale, soit quelques jours après que le Parlement européen eut adopté son mandat de négociation. Le calendrier s'est, depuis, ralenti. Pas moins de six réunions en trilogue ont déjà eu lieu et de nombreux points restent à trancher. Devant l'éloignement constaté des positions du Parlement et du Conseil, il n'est pas certain que la directive puisse être définitivement adoptée sous la présidence bulgare, au premier semestre 2018.

Néanmoins, plusieurs dispositions ont fait l'objet d'un compromis ou de convergences entre les institutions, qui traduisent une prise en compte de certaines des positions prises par la résolution du Sénat.

C'est le cas de la promotion des oeuvres européennes dans les catalogues de services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Tant le Conseil que le Parlement européen ont non seulement soutenu le principe d'un quota, mais aussi demandé son relèvement à 30 %, le Sénat ayant appuyé l'approche retenue par la Commission d'imposer aux fournisseurs de SMAd des quotas d'oeuvres européennes dans leurs catalogues et relevé que le niveau retenu de 20 % ne permettait pas une concurrence équitable entre les services linéaires et non linéaires et qu'il convenait de hausser cette ambition. C'est aussi le cas de l'accessibilité aux services de médias audiovisuels des personnes handicapées. Le Sénat a également été suivi sur l'indépendance des régulateurs nationaux de services de médias audiovisuels et l'institution d'un groupe des régulateurs européens : l'indépendance fonctionnelle et effective des autorités ou organismes de régulation nationaux de l'audiovisuel est garantie et le groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels est institutionnalisé et pourra adopter son règlement intérieur, comme le souhaitait la résolution sénatoriale.

Plusieurs questions restent sur la table des négociations, en particulier les contours de l'extension du champ matériel de la directive aux plateformes de partage de vidéos et l'ensemble des règles en matière de communications commerciales. Dans le cadre des trilogues en cours, la France appuie prioritairement la demande d'extension du principe du pays ciblé aux obligations de financement de la production pour les services linéaires - la Commission ne l'appliquait qu'aux services non linéaires -, qui figure dans l'orientation générale du Conseil. Elle estime également nécessaire que le niveau d'harmonisation reste « minimal » pour l'ensemble des dispositions de la directive, afin, comme le souligne la résolution du Sénat, de laisser la possibilité aux États membres d'aller plus loin s'ils le veulent. Elle a plaidé au Conseil pour le relèvement des quotas d'oeuvres européennes dans les catalogues de SMAd par rapport à la proposition de la Commission et pour protéger les citoyens européens contre les contenus faisant l'apologie du terrorisme, comme le demande la résolution du Sénat. Ainsi, l'orientation générale du Conseil inclut une référence à l'apologie du terrorisme pour tous les acteurs concernés par la directive, y compris les plateformes de partage de vidéos.

Ainsi, même si plusieurs points importants de ce texte restent en discussion au Conseil, le Sénat a déjà été suivi sur plusieurs aspects et pourrait l'être à l'avenir sur d'autres.

La résolution européenne portant, dans la continuité de ses précédents travaux sur ce sujet, sur le premier bilan et les perspectives du plan d'investissement pour l'Europe (« plan Juncker ») a, une fois encore, après la même observation faite dans le précédent rapport, été largement prise en compte.

Le dernier bilan, publié par la Banque européenne d'investissement (BEI), le 19 septembre 2017, fait apparaître qu'à cette date, les financements du Fonds européen pour les investissements stratégique (FEIS), ont le potentiel de libérer 236,1 milliards d'euros (soit 75 % de l'objectif annoncé). Le rééquilibrage géographique sur lequel le Sénat avait insisté s'est trouvé pour partie concrétisé : l'Italie et la France restent en effet parmi les premiers bénéficiaires du plan en valeur absolue, mais, si l'on considère le volume des investissements rapportés au PIB par tête, l'Espagne, le Portugal, la Bulgarie et la Grèce figurent dorénavant dans le premier groupe des bénéficiaires, aux côtés de la Finlande, l'Estonie et la Lettonie. En revanche, certains pays, à l'instar de la Roumanie, dont les banques nationales de développement et l'infrastructure bancaire sont moins développées, n'ont pas été en mesure de tirer pleinement les bénéfices du plan.

Quant à la part relative des PME sur laquelle la résolution du Sénat avait tout particulièrement insisté, elle a continué d'augmenter pour s'établir à 30 %, le nombre de projets de plus petite taille étant en outre en progression. Comme le Sénat le souhaitait, des plateformes d'investissement, empruntant des formes diverses (véhicules financiers préexistants, véhicules ad hoc souvent sectoriels ou plateformes de concentration paneuropéennes), susceptibles de bénéficier de la garantie de l'Union dans le cadre du « plan Juncker », et regroupant des projets d'investissements par thématiques ou objectifs géographiques, ont été mises en place. Initialement centrés sur de grosses opérations, ces outils ont été récemment adaptés à des opérations de plus petite dimension.

Même si elle a tardé, l'implication des collectivités territoriales, en particulier des régions, dans la mise en oeuvre du plan, sur laquelle la résolution du Sénat avait insisté, a également progressé, des appels d'offres lancés par les collectivités territoriales prenant désormais appui sur le plan. La BEI a en outre prévu une enveloppe spécifique pour les régions. Au surplus, répondant au souci du Sénat d'une articulation avec les subventions européennes, une plateforme régionale dite de blending , qui allie les concours des fonds structurels et les prêts de la BEI garantis par le FEIS, vient d'être mise en place dans les Hauts-de-France.

La résolution du Sénat appelait par ailleurs à une amélioration du pilier d'assistance technique du plan qui est articulé autour de la plateforme européenne de conseil en investissement et du portail européen de projets d'investissement. De fait, la plateforme de conseil en investissement, qui regroupe les programmes d'assistance technique de la BEI et fournit des conseils spécifiques pour les projets qui ne relèvent pas de programmes déjà en place, a été progressivement renforcée. La Commission annonce qu'elle sera complétée afin de couvrir plus efficacement les besoins dans le cadre de l'atteinte des objectifs de la COP 21 et de contribuer à la diversification sectorielle et géographique du FEIS, et prévoit une meilleure articulation avec les banques de développement nationales. Quant au portail européen de projets d'investissements déployé en juin 2016, s'il a initialement manqué de visibilité, il semble avoir été efficacement relancé : 193 opportunités d'investissement étaient ainsi offertes au 15 octobre dernier, alors même que la dimension des projets accueillis a été abaissée à 1 million d'euros en mai 2017. Depuis juin, le portail est en outre ouvert aux projets agricoles, y compris ceux dont le montant est inférieur à ce seuil.

La résolution mettait également l'accent sur le caractère additionnel du plan, en ne retenant que les projets qui n'auraient pas pu être réalisés sans la garantie qu'il apporte. Ce point a fait l'objet d'une attention particulière qui sera renforcée dans le cadre de la prorogation du plan dans la mesure où l'additionnalité devra dorénavant être justifiée : les interventions du FEIS seront désormais motivées et rendues publiques. Cet élément de transparence, très demandé par le Parlement européen, facilitera également le contrôle des parlements nationaux.

La prolongation et le renforcement du plan, que le Sénat appelait de ses voeux, ont en effet été validés en fin d'année 2017 : la durée du plan est ainsi doublée et produira ses effets jusqu'à fin 2020 et la garantie est portée de 21 à 33,5 milliards d'euros, ce qui devrait permettre de mobiliser 500 milliards d'euros d'investissements d'ici à fin 2020. L'accent est porté sur les investissements durables, y compris dans les secteurs de la pêche et de l'agriculture et l'objectif d'une amélioration de la couverture géographique en direction des régions les moins développées est réaffirmé.

Dans sa communication du 14 septembre 2016, la Commission proposait par ailleurs un plan d'investissement extérieur européen s'adressant aux pays partenaires d'Afrique et du voisinage européen afin d'y soutenir, grâce à une garantie, les investissements dans le développement durable, et comportant notamment un fonds européen pour le développement durable (FEDD). L'objectif est de lutter contre les causes socio-économiques spécifiques de la migration des populations et de contribuer à une réintégration durable des migrants rentrant dans leur pays d'origine. La résolution du Sénat a soutenu ce plan et salué une approche très nouvelle en matière d'aide au développement proposant un cadre intégré et cohérent permettant la mise en place d'une coopération entre l'Union européenne, les institutions financières internationales, les bailleurs de fonds, les autorités publiques et le secteur privé. Le règlement créant le FEDD, qui a vocation à déclencher un volume d'investissement de l'ordre de 44 milliards d'euros pour une contribution du budget de l'Union européenne et du Fonds à hauteur de 3,35 milliards d'euros jusqu'en 2020, a été adopté le 25 septembre 2017. Le Fonds, qui doit réunir deux plateformes d'investissement régionales pour l'Afrique et les pays du voisinage et permettre de combiner les opérations de mixage avec la garantie qu'il apporte, est en cours de mise en place.

Sur le volet extérieur du plan d'investissement, la ministre a apporté les précisions suivantes au cours de son audition : « Les ressources allouées au Fonds d'affectation d'urgence (FFU) s'élèvent à 3,3 milliards d'euros, dont 2,7 milliards d'euros ont d'ores et déjà été versés, comprenant 1,2 milliard d'euros pour la région du Sahel, pour le financement de 143 projets sélectionnés en comité opérationnel. Le FFU est abondé par le FEDD, par des instruments communautaires et par les États membres, qui y ont contribué à hauteur de 378 millions d'euros. La participation de la France, si elle a récemment triplé, reste inférieure à 10 millions d'euros, soit fort peu en comparaison des 154 millions d'euros versés par l'Allemagne. Mais n'oublions pas combien nous sommes présents civilement et militairement au Sahel. Le FFU pourrait à nouveau être abondé par les États membres comme par le FEDD ».

La résolution européenne du Sénat sur l'étiquetage et le gaspillage alimentaires , qui invitait à une convergence accrue entre les initiatives françaises et européennes en la matière, formulait un ensemble de recommandations autour de deux orientations : d'une part, le soutien aux initiatives françaises tendant à améliorer les modalités d'étiquetage et, par là même, à lutter également contre le gaspillage alimentaire, et, d'autre part, la nécessité de compléter ces démarches nationales par une nouvelle impulsion au niveau européen.

Certes, cette résolution ne porte pas sur une proposition de législation européenne, mais s'inscrit dans le cadre d'une action nationale de mise en oeuvre d'une législation européenne existante, le règlement (CE) n° 1169/2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires, dit INCO.

Les initiatives françaises prennent la forme de deux expérimentations, actuellement menées à bien dans notre pays. La première intervient dans le domaine de l'étiquetage nutritionnel, la seconde dans celui de l'étiquetage des plats cuisinés. L'une et l'autre constituent un précédent dans l'Union, conduisant les autres États membres à s'y intéresser.

S'agissant, en premier lieu, de l'étiquetage alimentaire et nutritionnel - et au terme de trois mois durant lesquels quatre logos ont été testés sur des produits vendus en supermarché - les pouvoirs publics ont retenu le système baptisé Nutriscore. Ce logo coloriel classe les produits en cinq catégories (de A « bon » à E « A limiter »). Les règles d'apposition dudit logo sur les emballages alimentaires sont fixées par un arrêté du 31 octobre dernier, pris en application des dispositions du décret n° 2016-980 du 19 juillet 2016 relatif à l'information nutritionnelle complémentaire sur les denrées alimentaires. Les entreprises du secteur agroalimentaire et celles du secteur de la distribution auront la faculté de l'utiliser. En effet, le règlement INCO ne permet pas de rendre ce dispositif obligatoire.

En second lieu, la résolution du Sénat se félicite « du consentement de la Commission européenne à l'expérimentation qui sera menée en France durant deux années à compter du 1 er janvier 2017 (sur la base du décret n° 2016-1137 du 19 août 2016) quant à l'étiquetage de l'origine des viandes et du lait dans les plats cuisinés ». De fait, cet étiquetage est désormais obligatoire dans notre pays, dès lors que la part de viande est égale ou supérieure à 8 % du poids d'un produit préparé et - pour les produits laitiers - dès lors que la part de lait est égale ou supérieure à 50 %.

La résolution du Sénat observe, dans un de ses considérants, que « l'amélioration de l'étiquetage contribue [...] efficacement à l'objectif d'assurer un haut niveau de sécurité alimentaire et sanitaire dans l'ensemble de l'Union européenne ». Enfin, la résolution « exprime son attachement à l'unité du marché intérieur, ce qui implique une harmonisation « par le haut » des efforts nationaux tendant à améliorer les modalités d'étiquetage ».

À ce titre, on rappellera que les conclusions des États généraux de l'alimentation prévoient une actualisation des repères nutritionnels en fonction de l'évolution des modes de consommation, ainsi que le renforcement de l'information générale des consommateurs sur ces repères, sur les comportements alimentaires favorables à la santé, sur les signes de qualité et sur les allégations nutritionnelles. Par ailleurs, elles prévoient que l'éducation alimentaire des plus jeunes sera développée, notamment en rendant obligatoire l'éducation à l'alimentation et la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté. De façon générale, la prévention sera revue en travaillant avec l'ensemble des parties prenantes pour valoriser les comportements alimentaires sains.

La résolution du Sénat sur la réforme d'Europol et la coopération policière européenne , qui insistait sur la nécessité absolue de renforcer la coopération policière en Europe dans le contexte de lutte contre le terrorisme, le rôle d'Europol en la matière, la systématisation des échanges d'informations et l'interopérabilité des bases de données, le renforcement du contrôle aux frontières de l'espace Schengen, la transposition de la directive PNR ou encore la mise en place rapide du groupe de contrôle parlementaire conjoint d'Europol selon des modalités qui permettent de représenter les parlements nationaux bicaméraux, a été très largement satisfaite.

Sur les contrôles aux frontières, les ministres de l'intérieur européens se sont engagés à renforcer la détection et le contrôle des mouvements, non seulement des ressortissants de pays tiers, mais aussi des Européens traversant les frontières extérieures de l'Union européenne. Des contrôles approfondis sur certains passagers, sur la base de critères objectifs, concrets, dans le respect de la fluidité des passages frontaliers, des libertés fondamentales et des exigences de sécurité, ont été mis en place. Une modification du code frontières Schengen a été entreprise, à l'initiative de la France, pour permettre la consultation systématique, lors du passage des frontières extérieures par les personnes jouissant du droit à la libre circulation, de toutes les bases de données pertinentes (nationales, européennes et internationales). La Commission a également présenté une série de propositions législatives visant à renforcer le contrôle et la surveillance des frontières extérieures : le paquet « frontières », aujourd'hui finalisé, qui prévoit le renforcement du mandat de Frontex, et le paquet « frontières intelligentes » qui porte plus précisément sur le rôle des systèmes d'information dans le renforcement de la gestion des frontières extérieures et de la sécurité intérieure, impliquant la mise en place d'un système d'entrée/sortie (SES), destiné à optimiser les procédures de vérifications aux frontières de l'espace Schengen. La discussion de ce paquet est en voie d'achèvement et le règlement relatif au SES a été adopté en novembre dernier.

D'autres initiatives législatives, également très avancées, ont progressivement complété ces différents chantiers, telles que la création et l'optimisation de dispositifs de contrôles aux frontières extérieures (ETIAS et SIS II). L'objectif à terme est d'assurer l'interopérabilité technique, juridique et opérationnelle des différents systèmes d'information à grande échelle. Tous ces systèmes devraient être opérationnels à l'horizon 2020/2021. De même, la France est très sensible à l'enjeu majeur de la sécurisation des documents biométriques pour mieux répondre aux défis migratoires et sécuritaires.

Par ailleurs, elle contribue à la montée en puissance du nouveau corps européen de garde-côtes et de garde-frontières et prône l'établissement progressif d'une police des frontières européenne qui garantisse, partout en Europe, une gestion rigoureuse des frontières et le retour de tous ceux qui ne sont pas en droit de séjour. Les échanges d'information et la coopération entre Frontex et les autorités nationales sont amenés à s'intensifier.

Sur les échanges d'informations et l'interopérabilité des systèmes d'information, la communication de la Commission du 6 avril 2016 a lancé un processus visant à remédier aux faiblesses des systèmes de données actuels, aux lacunes de l'architecture, ainsi qu'au manque d'interopérabilité et d'accès des agents des services répressifs. La Commission a mis en place, en juin 2016, un groupe d'experts à haut niveau, chargé de travailler sur l'évolution des systèmes d'information et leur interopérabilité, et dont les travaux ont abouti à un rapport final publié le 8 mai 2017, qui contient des recommandations opérationnelles applicables aux systèmes d'information existants, aux systèmes futurs et à la notion d'interopérabilité entre les systèmes, tout en s'assurant du respect du cadre juridique européen de la protection des données à caractère personnel.

À propos de ce rapport, les autorités françaises adhèrent particulièrement à : l'approche d'une double finalité des systèmes, dont la vocation est à la fois de lutter contre l'immigration illégale et de contribuer au renforcement de la sécurité intérieure de l'Union européenne ; la demande d'interopérabilité des systèmes collectant des données biométriques formatées sur des standards communs pour éviter de doublonner les enregistrements de biométrie et s'assurer ainsi que ces données seront davantage conservées et traitées en application des principes de proportionnalité et de nécessité ; l'invitation faite à la Commission de présenter avant fin juin 2017 un nouveau texte relatif au dispositif ECRIS-TCN ; la prise en compte des situations d'urgence nécessitant un accès immédiat des services de police aux données enregistrées dans les systèmes à des fins d'investigation ; la perspective d'un futur module du SES qui enregistre les franchissements de frontières par les ressortissants de l'Union européenne.

Les conclusions du groupe d'experts nourrissent les travaux du Conseil JAI et la Commission a présenté une proposition législative sur l'interopérabilité en décembre dernier. Trois chantiers principaux sont envisagés :

- la création d'un portail de recherche européen permettant de consulter en parallèle tous les systèmes de l'Union européenne concernés dans les domaines des frontières, de la sécurité et de l'asile ;

- la création d'un service partagé de mise en correspondance des données biométriques de tout type provenant d'autres systèmes, en relation avec Europol ;

- la création d'un répertoire de données d'identité.

Le SIS II a évolué en prévoyant de nouvelles fonctionnalités et de nouvelles catégories d'objets qu'il convenait de reconnaître juridiquement en faisant évoluer les textes et dispositifs existants : de nouvelles catégories d'alerte, la possibilité de lier des alertes sur les personnes et les objets, l'introduction de données biométriques (empreintes digitales et photographies) ou encore l'introduction de la copie du mandat d'arrêt européen, font partie des nombreuses évolutions qu'a connues ce principal système d'information policier depuis sa création.

Outre le SIS II, il existe plusieurs outils dédiés à l'échange d'informations, spécifiquement policiers :

- le dispositif dit de Prüm qui permet un échange de données en matière d'ADN, d'empreintes digitales et de plaques d'immatriculation. Ce dispositif est utilisé dans la totalité de ces trois domaines par 13 États membres, dont la France ;

- le dispositif dit « d'initiative suédoise » qui pose de façon plus générale un principe de disponibilité de l'information entre services répressifs. Ce dispositif, très utile au plan opérationnel, est toutefois inégalement appliqué, d'où le lancement d'un projet pilote, à l'initiative de la France, visant à optimiser le principe de disponibilité à travers la mise en place d'un système d'échange d'informations dédié sur les antécédents judiciaires (projet ADEP, entré en phase de test technique afin de vérifier la solidité des mécanismes de recherche transfrontière automatisée dans les index nationaux sur la base d'un système concordance/non-concordance).

Enfin, applicable depuis le 1 er mai 2017, le nouveau règlement d'Europol renforce les missions de l'agence face à l'augmentation des crimes transfrontaliers et des menaces terroristes, notamment en facilitant la mise en place d'unités spécialisées pour répondre immédiatement aux menaces émergentes. Ce règlement prend en compte une part substantielle des attentes de la France, notamment sur la question de l'Unité de veille cyber pour le retrait des contenus illicites en ligne, et sur l'équilibre entre la protection des données et la capacité opérationnelle de l'agence.

Depuis 2016, des centres opérationnels et d'expertise ont été institués au sein d'Europol pour faire face à certaines menaces grandissantes, par exemple le centre de lutte contre la cybercriminalité, le centre européen de lutte contre le terrorisme ou encore le centre européen de lutte contre le trafic des migrants. Ainsi, au sein du centre européen de lutte contre le terrorisme, les pays et organisations ont commencé à utiliser le système d'information Europol comme répertoire central des données en matière répressive, qui contient la liste récapitulative de tous les combattants terroristes étrangers connus ou présumés.

La participation de la France et ses échanges avec Europol continuent de croître, ce qui l'a conduite à renforcer son bureau de liaison à La Haye - une soixante de Français sont en poste à Europol, dont une quarantaine d'agents des services répressifs. Notre pays participe à tous les fichiers de travail et d'analyse de l'Agence et compte souvent parmi les principaux contributeurs, en particulier pour les fichiers relatifs aux combattants étrangers et aux armes et explosifs.

Le système d'information Europol (SIE) contenait, au 1 er janvier 2017, 395 357 objets, dont 15 525 liés au terrorisme. 7 884 personnes y sont inscrites sous la dénomination de combattants étrangers ou sympathisants. Les pays fournissant le plus de données sont l'Allemagne (39 %), suivie de la Belgique (18 %), de la Finlande (11 %), de la France (5 %) et de l'Espagne (4 %). Les différences s'expliquent par une utilisation ciblée par la France, tandis que d'autres États ont recours à une utilisation de masse. La France a pleinement mis en oeuvre la messagerie SIENA (environ 1 500 comptes ouverts) et l'utilise efficacement. Elle compte parmi les cinq pays échangeant le plus grand nombre de messages. Cela se traduit, par exemple, par un volume d'échanges conséquent réalisés par les services antiterroristes français via les messageries SIENA (4 961 messages liés à la matière terroriste, dont 1 540 messages envoyés par la France).

Par ailleurs, le nouveau règlement d'Europol prévoit qu'en ce qui concerne le contrôle parlementaire, l'organisation, le règlement intérieur et la représentativité des parlements nationaux au sein du groupe de contrôle parlementaire conjoint relèvent de la stricte organisation parlementaire. Le projet de règlement intérieur du groupe de contrôle, qui devrait être adopté en mars prochain, prévoit notamment que, dans le cas des parlements bicaméraux, chaque chambre pourra désigner jusqu'à deux membres au sein du groupe, ce qui rejoint les préoccupations du Sénat.

Le Sénat a également été très largement suivi sur les perturbateurs endocriniens .

Par le biais de deux règlements de 2009 et 2012, le législateur européen a donné mandat à la Commission pour déterminer les critères scientifiques permettant d'identifier un perturbateur endocrinien, respectivement dans les produits phytopharmaceutiques et dans les produits biocides, avant le 13 décembre 2013. Le 15 juin 2016, après avoir été condamnée pour manquement par la Cour de justice de l'Union européenne, la Commission a finalement proposé de tels critères, sous la forme d'un acte d'exécution dans le cas des produits phytopharmaceutiques et d'un acte délégué pour les produits biocides.

Dans les deux cas, la Commission a estimé qu'une substance sera reconnue comme perturbateur endocrinien si :

- elle est connue pour ses effets néfastes sur la santé humaine, à savoir un changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance, le développement, la reproduction ou la durée de vie d'un organisme, d'un système ou d'une (sous-)population qui se traduit par l'altération d'une capacité fonctionnelle ou d'une capacité à compenser un stress supplémentaire ou par l'augmentation de la sensibilité aux effets néfastes d'autres influences ;

- elle présente un mode d'action endocrinien ;

- ses effets néfastes sur la santé humaine sont une conséquence du mode d'action endocrinien.

En outre, pour les produits phytopharmaceutiques, la Commission a ajouté une disposition qui doit modifier les conditions d'utilisation des substances reconnues comme perturbateur endocrinien. Jusque-là, une dérogation était possible en cas d' « exposition négligeable ». La Commission a proposé de modifier cette disposition et de permettre une dérogation en cas de « risque négligeable lié à l'exposition dans les conditions réalistes les plus défavorables ». L'objectif est d'élargir les possibilités de dérogation.

Plusieurs versions du texte ont ensuite été proposées pour permettre d'aboutir à un compromis nécessaire entre les États membres pour l'adoption de l'acte d'exécution. La version du 8 décembre 2016 prévoit de ne pas interdire les substances dont le mode d'action est précisément de perturber le système endocrinien des organismes nuisibles s'il est démontré qu'elles n'ont pas d'impact sur les organismes non cibles pour les produits phytopharmaceutiques et pour les biocides.

La résolution européenne du Sénat s'est montrée critique sur plusieurs aspects de ce texte.

Tout d'abord, elle a souhaité une définition plus large permettant d'identifier comme perturbateurs endocriniens davantage de substances conformément au principe de précaution. Elle préconisait donc d'identifier comme perturbateur endocrinien une substance si :

- elle est connue ou présumée pour ses effets néfastes sur un organisme sain ou sa progéniture, à savoir un changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance, le développement, la reproduction ou la durée de vie d'un organisme, d'un système ou d'une (sous-)population qui se traduit par l'altération d'une capacité fonctionnelle ou d'une capacité à compenser un stress supplémentaire ou par l'augmentation de la sensibilité aux effets néfastes d'autres influences ;

- elle présente un mode d'action endocrinien et altère donc les fonctions du système endocrinien ;

- il est biologiquement plausible que ses effets néfastes soient une conséquence du mode d'action endocrinien.

La Commission a alors revu son texte et indiqué dans l'exposé des motifs que l'identification des substances comme perturbateurs endocriniens avéré ou présumé doit s'appuyer sur les données humaines et/ou animales. En outre, son texte précise bien que « le lien entre le ou les effets indésirables et le mode d'action endocrinien doit être établi en se fondant sur la plausibilité biologique ». Ces éléments sont apparus comme satisfaisant la résolution du Sénat.

Concernant les conditions d'utilisation des substances reconnues comme perturbateurs endocriniens, le Sénat s'était opposé à toute forme de dérogation au motif que la Commission n'avait pas compétence pour établir de nouvelles règles d'utilisation des substances identifiées comme perturbateurs endocriniens. La modification des conditions de dérogation pour l'utilisation d'une substance reconnue comme perturbateur endocrinien dans les produits phytopharmaceutiques a été retirée du texte par la Commission. Celle-ci avait annoncé qu'elle serait présentée ultérieurement dans un texte distinct, ce qu'elle n'a toutefois pas fait jusqu'à présent.

En revanche, la possibilité de ne pas considérer comme perturbateur endocrinien les substances ayant pour fonction de perturber le système hormonal des organismes nuisibles, mais qui n'ont pas d'impact sur les organismes non cibles, a été maintenue.

Un règlement délégué reprenant ces dispositions a été adopté le 4 septembre 2017 pour les produits biocides.

Un règlement d'exécution pour les produits phytopharmaceutiques a été adopté le 4 juillet 2017. Dans ce texte, la Commission s'est en outre engagée à étendre les critères d'identification des perturbateurs endocriniens à d'autres produits tels que les jouets ou les cosmétiques et à débloquer des fonds pour stimuler la recherche. Ces deux engagements correspondent à des demandes du Sénat.

Toutefois, conformément à la législation encadrant les actes d'exécution, le Parlement européen avait la possibilité de contester le règlement d'exécution pour les produits phytopharmaceutiques au motif que la Commission excèderait ses compétences. C'est ce qu'il a fait en octobre 2017. En effet, le Parlement européen a estimé que la Commission devait se fonder uniquement sur des éléments scientifiques pour déterminer les critères d'identification des perturbateurs endocriniens et que le législateur européen, par le biais du règlement de 2009, avait seulement chargé la Commission de déterminer ce qu'est un perturbateur endocrinien et non de décider de quelle manière ces substances devaient être réglementées. Cette position correspond à la position du Sénat. Le 13 décembre 2017, la Commission a présenté au comité au sein duquel les États membres sont représentés, qui les adoptés, les seuls critères d'identification des perturbateurs endocriniens sans dérogation.

Au final, les critères d'identification ont bien été élargis conformément à la demande du Sénat pour que davantage de substances puissent être identifiées comme perturbateurs endocriniens. Toutefois, la disposition permettant ne pas considérer comme perturbateur endocrinien une substance dont le rôle est de perturber le système endocrinien des organismes nuisibles a été maintenue pour les seuls produits biocides, contrairement à l'avis du Sénat.

Au cours de son audition, Mme Nathalie Loiseau a souligné les apports de la résolution européenne du Sénat sur ce sujet et donné plusieurs informations qui la confortent : « Les modifications apportées aux deux textes en discussion sont encourageantes, mais il convient d'approfondir encore, pour restaurer la confiance dans le système d'évaluation des substances chimiques, les objectifs de transparence et d'indépendance des agences chargées de cette mission. Nicolas Hulot a proposé à ses homologues, lors du Conseil Environnement d'octobre dernier, d'entamer un travail sur ce sujet. Vous aviez proposé de renforcer la coordination entre les agences européennes et nationales ; le Gouvernement examine attentivement cette option. Je trouve également fort intéressante la proposition sénatoriale consistant à retenir la notion de « perturbateurs endocriniens présumés ». Nous avons défendu cette position dans notre réponse à une consultation publique récente de l'Agence européenne des produits chimiques et de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Dans les prochains mois, sera définie par la Commission une stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens, qui pourrait utilement s'inspirer de la stratégie française, robuste et concrète. Nous allons la promouvoir auprès de la Commission et intensifier nos échanges sur les mesures à mettre en oeuvre en matière de transparence et d'indépendance des agences d'évaluation. J'effectuerai prochainement une visite de terrain sur ce sujet avec ma collègue Brune Poirson ».

Compte tenu de l'importance à la fois des enjeux et des propositions législatives en la matière, le Sénat a adopté deux résolutions européennes sur le paquet énergie propre .

Il convient de rappeler que le Conseil européen des 22 et 23 octobre 2014 était parvenu à un accord sur le cadre de l'action de l'Union européenne en matière d'énergie et de climat à l'horizon 2030 : réduire d'au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 ; porter à 27 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique de l'Union européenne ; améliorer d'au moins 27 % l'efficacité énergétique à l'horizon 2030 par rapport au scénario actuel.

La mise en place d'une Union de l'énergie est ainsi devenue une priorité de la Commission. Celle-ci s'articule autour de cinq grands axes, endossés par le Conseil européen des 19 et 20 mars 2015 : la sécurité énergétique, la solidarité et la confiance ; la pleine intégration du marché européen de l'énergie ; l'efficacité énergétique comme moyen de modérer la demande ; la décarbonation de l'économie ; la recherche, l'innovation et la compétitivité. La mise en oeuvre de l'Union de l'énergie est déclinée dans quatre paquets de mesures publiés par la Commission en 2015 et 2016, dont le paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », dit 4 e paquet, du 30 novembre 2016, sur lequel portent les deux résolutions européennes du Sénat. Ce paquet est de grande ampleur car il comporte huit propositions législatives couvrant 95 % de la législation relative à l'Union de l'énergie, qui visent à donner la priorité à l'efficacité énergétique, aux énergies renouvelables, à offrir des conditions équitables aux consommateurs, aux investissements publics et privés, à la compétitivité des entreprises européennes et à l'atténuation de l'impact sociétal de la transition énergétique.

Plusieurs réunions du Conseil au cours de l'année 2017 ont permis d'aboutir à une orientation générale sur sept des huit textes en cours de négociation : la directive sur la performance énergétique des bâtiments - pour laquelle un accord final devrait être obtenu au premier semestre 2018 -, la directive sur l'efficacité énergétique, la directive relative aux énergies renouvelables, le règlement sur la gouvernance de l'Union de l'énergie, la directive et le règlement relatifs au marché de l'électricité et le règlement relatif à la préparation aux risques dans le secteur de l'électricité. Pour ces textes, les trilogues commenceront début 2018. Sur le dernier texte, le règlement relatif à l'Agence de coopération des régulateurs européens (ACER), les discussions au Conseil devraient s'achever début 2018.

De l'ensemble de ces réunions et trilogues, il résulte que, jusqu'à présent, la France a obtenu satisfaction sur de nombreux sujets du 4 e paquet énergie, en lien avec les résolutions européennes du Sénat.

La directive adoptée sur l'électricité porte particulièrement l'accent sur les consommateurs et sur l'importance d'un marché intérieur efficace, donnant davantage de droits aux consommateurs et définissant les rôles et responsabilités des différents acteurs du marché. La France a défendu l'utilité de mécanismes de capacité pérennes pour assurer la sécurité d'approvisionnement électrique aux périodes de pointe de consommation. C'est pourquoi elle a salué la disposition de l'orientation générale du règlement relatif au marché intérieur de l'électricité visant à remettre les États membres au coeur des décisions qui peuvent s'imposer en matière de sécurité d'approvisionnement, comme le demandait la résolution du Sénat. De même, la mention de l'analyse coûts-bénéfices pour les projets d'interconnexion a été soutenue par la France et retenue dans la version finale du texte. Enfin, sur le basculement plus progressif des biocarburants de première génération vers les biocarburants avancés et les autres carburants renouvelables avancés, la France a soutenu dans les négociations la valeur plafond de 7 % à l'horizon 2030 pour les biocarburants de première génération, disposition retenue dans la version finale du texte. Le plafond intègre les biocarburants dits « à faible effet ILUC » et la mélasse, la possibilité étant laissée aux États membres de revoir à la baisse ce plafond de 7 %. S'il fait ce choix, l'État membre pourra abaisser en conséquence l'objectif national de 14 % d'énergies renouvelables dans le secteur des transports. Un objectif de 3 % de biocarburants avancés pour 2030, non contraignant, est fixé, avec un jalon de 1 % pour 2025. En revanche, la France n'a pas obtenu gain de cause sur le recours à des appels d'offres par technologie, en dépit de ses efforts en ce sens au cours des négociations.

Plusieurs autres points des résolutions sénatoriales ont été satisfaits. Ainsi, les centres de conduite régionaux, auxquels le Sénat s'était montré hostile, ont été remplacés par les centres régionaux de sécurité, dont il revient aux gestionnaires de réseau de transport de proposer la mise en place. La France a notamment veillé à ce que les dispositions concernant les centres régionaux de sécurité ne conduisent pas à une dilution des responsabilités en matière de sécurité d'approvisionnement et n'imposent pas de contraintes opérationnelles excessives envers les gestionnaires de réseau de transport. Dans l'orientation générale du règlement relatif au marché intérieur de l'électricité, le rétablissement d'un juste équilibre entre les missions des gestionnaires de réseau de transport et la nécessité d'une coordination régionale, notamment pour la sécurité du système électrique, constitue une avancée pour la France. Par ailleurs, l'orientation générale sur la directive sur les règles communes du marché intérieur supprime la limitation dans le temps de la possibilité offerte aux États membres de proposer des tarifs réglementés de vente : elle était de 5 ans dans la proposition initiale de la Commission, et de dix ans dans le compromis de la Présidence. Il s'agit d'un succès pour la France.

Enfin, si le règlement relatif à l'ACER est toujours en cours de négociation au Conseil, les premières discussions sont de bon augure pour la France et correspondent à des positions exprimées dans les résolutions sénatoriales. C'est le cas, par exemple, du champ de compétences de l'ACER, qui a été restreint au cours des négociations. La France a proposé que l'ACER soit plus indépendante, que le pouvoir de décision sur les questions techniques repose entièrement sur le conseil des régulateurs et ne soit pas concentré dans les mains du directeur de l'ACER. Elle a également proposé un fonctionnement rénové, avec la création de groupes de travail au sein du conseil des régulateurs, afin d'augmenter la transparence des processus de décision au sein de l'agence. De même, dans le souci que les décisions de l'ACER s'appuient sur une large majorité afin de ne pas affaiblir son pouvoir, les autorités françaises ont demandé à ce que le vote à la majorité simple soit remplacé par le vote à la majorité qualifiée. Il conviendra naturellement de rester attentif au contenu du texte définitivement voté, mais ces premières orientations sont conformes aux positions adoptées par le Sénat.

La résolution européenne que le Sénat a adoptée sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2017 saluait la volonté de la Commission de poursuivre son effort de rationalisation de l'activité législative de l'Union européenne et de concentrer son action sur les dix priorités établies en début de mandat. Elle rappelait son souhait récurrent de mieux associer les parlements nationaux à la procédure législative en favorisant la mise en place d'un véritable droit d'initiative, en soumettant les actes délégués et d'exécution au contrôle de subsidiarité et en renforçant la transparence en ce qui concerne les trilogues ou la désignation des membres des comités d'experts. Le cas de l'économie circulaire avait ainsi valeur d'exemple : le Sénat souhaitait que soit pris en compte l'impact administratif et financier pour les collectivités territoriales de toute nouvelle mesure et que soit évité le recours aux actes délégués. Le Sénat invite également la Commission à mieux communiquer au plus près des États membres sur ses travaux.

S'agissant du détail du programme, la résolution appuyait toute réforme à venir de l'UEM dès lors qu'elle permet un renforcement de l'association des parlements nationaux au semestre européen, une clarification de son architecture et une amélioration de sa capacité à résister aux chocs économiques par l'intermédiaire d'instruments contra-cycliques. Cette réforme, pour le Sénat, passe également par un achèvement de l'Union bancaire et la mise en place d'un mécanisme d'incitation à la convergence dans les domaines social et fiscal. En ce qui concerne le budget de l'Union européenne, le Sénat souhaitait que les premières négociations sur le cadre financier pluriannuel 2020-2026 insistent sur la flexibilité de l'instrument budgétaire et intègrent des solutions innovantes en vue de développer les ressources propres.

La résolution soulignait également la nécessité de ne pas porter atteinte, dans le cadre de l'Union de l'énergie, à la compétence reconnue à chaque État membre de déterminer le mix énergétique sur son territoire et respecter scrupuleusement la répartition des compétences entre l'échelon européen et l'échelon national. Le texte insistait dans le même temps sur la fixation d'un prix du carbone adapté aux objectifs de l'Union européenne et aux contraintes économiques des États membres.

Si elle saluait l'ambition affichée par la Commission de renforcer l'action de l'Union européenne en faveur de l'emploi des jeunes, la résolution insiste sur le fait que celle-ci passe également par la mise en place d'un Erasmus de l'apprentissage et une amélioration de la procédure de financement européen des dispositifs nationaux de garantie pour la jeunesse.

Le texte adopté par le Sénat proposait, par ailleurs, une réorientation de la politique de la concurrence de façon à ce que les entreprises puissent conquérir de nouveaux marchés à l'échelle tant européenne que mondiale et qu'elle contribue ainsi à soutenir la croissance et l'emploi. Une action spécifique devait être menée dans le domaine du numérique afin de faire de l'Union européenne une véritable productrice de contenus numériques, promouvant un « principe d'innovation », sans que les droits des consommateurs, notamment en ce qui concerne la protection des données personnelles ne soient remis en cause. En ce qui concerne la politique commerciale de l'Union, la résolution appelait à mettre en oeuvre une nouvelle approche de la Commission passant par la publication systématique des mandats de négociation, l'accès aux documents classifiés traduits et l'association des parlements nationaux aux différentes étapes des accords de libre-échange. Le Sénat demandait par ailleurs le prolongement des mécanismes de stabilisation afin d'assurer aux producteurs ultramarins une visibilité et une protection pérenne.

La résolution européenne du Sénat sur le paquet connectivité a reçu des suites globalement favorables.

Ce paquet, présenté par la Commission le 14 septembre 2016, regroupe plusieurs initiatives :

- une communication pour une société européenne du Gigabit détaillant un ensemble d'objectifs nouveaux et non contraignants en matière de connectivité d'ici à 2025 ;

- une proposition de directive établissant un code des communications électroniques européen résultant de la fusion des quatre directives régissant jusqu'à présent les télécommunications (directives « cadre », « autorisation », « accès » et « service universel ») et proposant des adaptations tenant compte de l'évolution des réseaux et services depuis 2002 et 2009 ;

- une mise à jour du règlement sur l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) ;

- un règlement visant à aider les collectivités territoriales à fournir gratuitement à la population un accès public au Wi-Fi ;

- un plan d'action pour déployer la 5G dans l'Union européenne.

L'objectif de ce paquet est de répondre à la demande croissante de connectivité fixe et sans fil à très haut débit, tant de la part des entreprises que des particuliers, en instaurant une société du gigabit en Europe d'ici 2025. Concrètement, il s'agit d'inciter à l'investissement dans le déploiement de réseaux de fibre optique pour le fixe et 5G pour le mobile sur l'ensemble du territoire de l'Union afin de favoriser la transformation numérique et la croissance économique.

Ce paquet est encore largement en cours de négociations, et ce au moins jusqu'au milieu de l'année 2018, mais les premières orientations vont dans le sens des positions du Sénat.

Tel est le cas pour la proposition de directive établissant un code des communications électroniques européen.

Concernant la réglementation des services de communications électroniques, les autorités françaises ont soutenu la mise en place d'un traitement réglementaire plus équitable entre les opérateurs de télécommunications et les nouveaux acteurs en ligne, dès lors qu'ils fournissent les mêmes services. Aussi ont-elles plaidé en faveur de l'extension d'obligations réglementaires à l'égard des fournisseurs de services de communications interpersonnelles indépendants de l'utilisation de numéros. Elles veilleront néanmoins à ce que l'équilibre atteint au niveau du Conseil soit préservé dans le cadre des négociations en trilogue.

Sur l'harmonisation maximale des dispositions relatives aux droits des utilisateurs finaux applicables aux fournisseurs de services de communications électroniques, les autorités françaises ont demandé à ce que ce principe soit assorti d'exceptions ciblées, afin de laisser une capacité aux États membres de légiférer ou de maintenir des dispositions existantes sur certains points sensibles pour la protection des consommateurs.

Concernant la réglementation de l'accès aux réseaux de communications électroniques, les autorités françaises ont soutenu la Commission dans sa démarche visant à créer des incitations aux investissements dans le déploiement des réseaux de nouvelle génération, mais n'ont pas adhéré à l'approche pratique proposée pour y parvenir. Elles ont réclamé la préservation d'une flexibilité pour les autorités de régulation nationales dans la mise en oeuvre de leurs missions, afin qu'elles puissent continuer à agir en cas de problèmes de concurrence sur le marché. D'une part, les autorités françaises ont demandé à ce qu'une marge de manoeuvre soit donnée aux régulateurs nationaux pour faciliter la mutualisation des réseaux fixes dans les zones rurales. D'autre part, elles ont rejeté toute proposition de dérégulation excessive des opérateurs en position dominante soumettant des offres de co-investissement dans le déploiement d'un nouveau réseau à très haut débit. En effet, si le modèle du co-investissement peut favoriser le déploiement des réseaux à très haut débit en permettant aux opérateurs de partager le risque et la charge d'investissement, toute approche automatique conduisant à une dérégulation prématurée se fera au détriment de la concurrence pérenne et risquera in fine d'être préjudiciable à la dynamique des déploiements au lieu de la favoriser.

Une majorité d'États membres a refusé d'accorder un droit de veto à la Commission s'agissant de projets de remèdes envisagés par les autorités de régulation nationales à l'égard des opérateurs en position dominante, ce qui correspond à la position du Sénat, que ne partageait cependant pas le Gouvernement.

Sur la gestion du spectre, les autorités françaises ont affiché une certaine ouverture quant aux mesures de convergence réglementaire proposées par la Commission, sauf en ce qui concerne une durée minimum des licences fixée à 25 ans. Compte tenu des durées valables en France en matière de licences, qui sont loin de converger vers une durée unique puisqu'elles vont de 5 à 20 ans, et des principes de gestion du spectre qui peuvent commander d'établir des durées différentes, les autorités françaises sont restées inflexibles quant à l'insertion d'une quelconque durée minimum dans le code des communications électroniques européen.

Concernant le service universel, les autorités françaises ont soutenu l'accent porté par la Commission sur le caractère abordable des tarifs et l'extension du bénéfice de telles mesures aux services fournis en mobilité. Elles se sont en revanche opposées aux restrictions imposées quant au mode de financement du service universel et ont plaidé pour le rétablissement d'une flexibilité des États membres en la matière.

Sur la gouvernance du secteur des communications électroniques, les autorités ont appuyé la proposition de la Commission d'harmoniser les compétences des régulateurs nationaux, à travers la consécration d'une liste minimale d'attributions, sous réserve d'ajustements portés à cette liste, afin de ne pas remettre en cause l'organisation institutionnelle en France, en matière d'aménagement numérique du territoire, de gestion du spectre ou encore de protection des consommateurs.

Les négociations relatives à la proposition de règlement établissant l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) donnent également en partie raison au Sénat.

Les autorités françaises ont ainsi, en lien avec la position exprimée par la résolution sénatoriale, rejeté toute transformation de l'ORECE en agence décentralisée de l'Union européenne et appelé à un renforcement des garanties d'indépendance de cet organe tant vis-à-vis de la Commission que des gouvernements nationaux. En ce sens, elles ont notamment plaidé pour que :

- la structure de gouvernance unique, qui s'apparente à celle d'une agence européenne, soit supprimée, et que soit rétablie la structure duale de l'ORECE (office de l'ORECE, d'une part, et conseil des régulateurs, d'autre part) afin de pérenniser un mode de fonctionnement qui permet à l'ORECE de produire un travail indépendant bâti sur les expériences de régulation nationale ;

- le rôle du directeur exécutif et son mode de nomination sur proposition de la Commission soient revus ;

- les autorités de régulation puissent continuer à présider les groupes de travail, établir et adopter le programme de travail annuel et pluriannuel ;

- la participation des experts d'autres autorités compétentes aux groupes de travail de l'ORECE ne soit pas obligatoire afin de ne pas nuire à la capacité d'expertise indépendante de l'ORECE ;

- la durée du mandat du président de l'ORECE soit raccourcie afin que le travail de l'ORECE demeure enraciné dans le fonctionnement des marchés nationaux.

Les préoccupations du Sénat ont également été prises en compte dans les négociations relatives à la proposition de règlement modifiant les dispositions concernant la promotion de la connectivité internet dans les communautés locales. Les autorités françaises ont ainsi apporté leur soutien à cette initiative, en tant qu'elle représente un signal politique important, puisqu'elle s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à rapprocher l'Union européenne des citoyens en leur apportant des solutions concrètes. Elles ont plaidé pour un maximum de souplesse sur la désignation des bénéficiaires du dispositif et ont par ailleurs appuyé l'intention de la Commission de simplifier la présentation des dossiers demandés aux élus locaux.

Enfin, sur le plan d'action pour la 5G, les autorités françaises se sont engagées à favoriser un déploiement coordonné de la 5G. À cette fin, elles soutiennent les phases pilotes de déploiement de la 5G dès 2018. L'attribution de fréquences aux opérateurs mobiles dans la bande 700 MHz est déjà avancée. Le réaménagement de la bande 3,5 GHz est en cours et devrait être acté en 2019. Des consultations sont lancées en vue d'établir les conditions de migration des liaisons de type faisceaux hertziens depuis la bande 26 GHz afin d'attribuer cette dernière aux services 5G, avec un objectif en 2019-2020. Un projet de feuille de route 5G, qui a vocation à détailler tous les chantiers à mener au niveau national pour contribuer à un déploiement réussi de la 5G, est par ailleurs soumis à consultation publique auprès des acteurs concernés.

La négociation du code des communications électroniques européen est également l'occasion pour les autorités françaises de réaffirmer et de soutenir l'objectif de mettre en oeuvre des conditions favorables à l'introduction de la 5G en harmonisant les pratiques réglementaires des États membres (alignement des calendriers d'attribution des bandes dédiées à la 5G et formalisation des processus de coopération au niveau européen). En ce sens, les autorités françaises ont en particulier appuyé la synchronisation des calendriers d'attribution des bandes dédiées à la 5G et la formalisation de processus de coopération au niveau européen.

b) Le Sénat a été partiellement suivi dans plus du quart des cas

Sur les dix-huit résolutions européennes devenues définitives entre le 1 er octobre 2016 et le 30 septembre 2017, cinq, soit un peu plus du quart, n'ont été que partiellement prises en compte , soit parce que le Gouvernement n'a pas partagé les positions du Sénat, soit, le plus souvent, parce que des divisions au Conseil ont conduit à des compromis éloignés des résolutions sénatoriales.

Le Sénat, avec sa résolution européenne sur la phase I de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire (UEM) , a souhaité fixer des orientations sur un sujet fondamental pour l'avenir de l'Union européenne.

Il s'agit en effet de se doter d'institutions et de procédures suffisamment solides et crédibles pour éviter que ne se reproduise un scénario comme celui qui a failli emporter la monnaie unique et la zone euro, à la suite de la crise grecque. L'UEM doit pouvoir mieux résister aux chocs économiques et voir son architecture clarifiée, tout en apparaissant plus lisible pour les citoyens européens. En effet, les mesures prises et les institutions mises en place au plus fort de la crise ont parfois pris un tour excessivement bureaucratique. Par ailleurs, le semestre européen, cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires, gagnerait sans doute à être simplifié. Dans ce contexte, le rapport dit « des cinq présidents » (Commission européenne, Conseil européen, Parlement européen, Eurogroupe et Banque centrale européenne), en juin 2015, a prévu un scénario en deux phases pour l'avenir de l'UEM.

Dans sa résolution européenne, qui porte sur la phase I, le Sénat a formulé un certain nombre de recommandations sur la mise en place d'autorités nationales de la productivité, sur le comité budgétaire européen consultatif indépendant, sur la rénovation du semestre européen, sur la représentation extérieure de la zone euro, ainsi que sur l'achèvement de l'Union bancaire et la mise en place d'un système européen d'assurance des dépôts.

S'il partage la volonté d'approfondir l'UEM afin d'améliorer sa capacité à résister aux chocs économiques, le Sénat souhaitait clarifier son architecture et renforcer sa lisibilité pour les citoyens. Ainsi sa résolution insiste-t-elle sur les conseils nationaux de la productivité en tant qu'organes indépendants d'analyse de l'évolution de la productivité et de la compétitivité des États membres, qui doivent fournir aux parlements nationaux des outils d'aide à la décision et rendre régulièrement compte de leurs travaux devant ces derniers, en vue de favoriser l'appropriation des réformes structurelles au niveau national. La résolution estime aussi que les tâches du comité budgétaire européen consultatif indépendant mériteraient d'être davantage précisées afin d'éviter toute confusion avec les missions de la Commission et de l'autoriser à émettre, de sa propre initiative, un avis sur des dérogations possibles au Pacte de stabilité et de croissance. Ces avis seraient transmis aux parlements nationaux.

Dans sa résolution, le Sénat appelait également à une réforme plus poussée du semestre européen qui serait partagé en deux trimestres, l'un spécifiquement consacré à la zone euro et l'autre dédié à la situation des États membres. Un renforcement de la conférence de l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en vue de mieux associer les parlements nationaux au semestre européen était également demandé. Le Sénat s'est aussi montré assez réservé sur la capacité du programme d'appui à la réforme structurelle à faciliter une appropriation par les États membres. Il estimait, en outre, que le futur socle européen des droits sociaux devait aller au-delà de l'établissement d'une liste d'indicateurs juridiquement non contraignants et comporter un mécanisme d'incitation à la convergence des règles relatives aux marchés du travail et aux systèmes sociaux afin de véritablement renforcer la dimension sociale de la zone euro.

La résolution européenne jugeait par ailleurs la proposition de la Commission sur la représentation extérieure de la zone euro prématurée. Celle-ci apparaît en effet conditionnée au renforcement de sa légitimité démocratique et à l'amélioration de la coordination des politiques économiques. Elle pose, en outre, la question de la place de la Banque centrale européenne. Enfin, le Sénat militait pour un achèvement rapide de l'Union bancaire et la mise en place d'un système européen d'assurance des dépôts, neutre en termes de coûts pour les banques.

Les intentions du Gouvernement sur ces dossiers mériteraient sans doute d'être précisées, mais il est certain que cette question éminemment politique relève des moyen et long termes. Les mesures requises ne seront adoptées que progressivement.

Il n'en demeure pas moins que certaines mesures ont déjà été prises, donnant satisfaction, sur certains points, à la résolution sénatoriale.

C'est le cas de la mise en place de conseils nationaux de productivité. Le Gouvernement a ainsi intégré la création d'un Conseil national de la productivité à la réforme du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, dénommé France Stratégie. Aux termes de l'article 5 du décret du 24 mars 2017 modifiant un précédent décret de 2013 portant création du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, « le Conseil national de productivité, prévu dans chaque État membre de la zone euro, siège au sein de France Stratégie. Il est chargé d'analyser le niveau et l'évolution de la productivité et de la compétitivité de l'économie française relativement à celles des autres économies, ainsi que les politiques susceptibles d'avoir une incidence sur elles, de produire des analyses indépendantes sur ces sujets et d'assurer les concertations nécessaires ». La première réunion du Conseil national de productivité est prévue pour 2018. Plusieurs autres États membres se sont déjà dotés d'un conseil national de productivité, tels que l'Autriche, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Irlande et la Slovénie.

De même, la France s'est dotée d'un Comité budgétaire européen, comme le recommandait le rapport « des cinq présidents », qui a notamment pour mission d'évaluer la mise en oeuvre du cadre budgétaire de l'Union et de l'adéquation des orientations budgétaires effectives au sein de la zone euro et au niveau national. Le 15 novembre dernier, ce Comité a publié son premier rapport annuel, qui a été examiné au sein du Conseil.

Les avancées sont moins nettes sur la rénovation du semestre européen. Le Gouvernement considère, dans la fiche de suivi transmise sur ce sujet, qu' « il apparaît difficile de scinder en deux périodes le semestre européen (un trimestre pour la zone euro, un trimestre pour l'Union). En effet, celui-ci repose sur des étapes précises qu'il semble difficile de contracter en un trimestre : cadrage général lors du paquet d'automne, communication du rapport pays fin février, transmission du programme national de réforme avant fin avril, adoption des recommandations fin juillet. En outre, le semestre européen tend à devenir le calendrier commun à différentes procédures, les États non membres (à l'exception du Danemark) ayant vocation à rejoindre la zone euro. Ainsi, les États membres de la zone euro remettent un programme de stabilité au plus tard le 30 avril de chaque année alors que les États non membres de la zone euro remettent un programme de convergence ». De même le Gouvernement insiste-t-il sur l'appropriation des recommandations pays par les États membres, à la fois au niveau européen et au niveau national. Il met également l'accent sur le socle européen des droits sociaux, proclamé lors du sommet social de Göteborg du 17 novembre dernier, qui constitue une avancée importante car il répond à plusieurs des priorités françaises en matière d'éducation et de formation tout au long de la vie, d'égalité, de salaire minimum, de santé et de sécurité au travail, et de revenu minimum. En outre, il constitue une source d'inspiration pour les travaux réalisés dans le cadre du semestre européen et de l'achèvement de l'UEM. Ainsi, en 2018, les États membres ont été invités à retracer la mise en place des principes issus du socle des droits sociaux dans le cadre du programme national de réforme.

Sur la représentation extérieure de la zone euro, la position du Sénat n'est que partiellement partagée par le Gouvernement. Celui-ci indique que la proposition d'un ministre européen de l'économie 4 ( * ) est certes bienvenue, mais reste éloignée des attentes françaises : « En première analyse, cela semble en deçà de l'ambition portée par le Président de la République lors de son discours du 26 septembre 2017 à la Sorbonne et éloigné des réflexions actuelles au niveau national tant sur la fonction d'un tel budget (essentiellement de l'investissement) que de la gouvernance (autonomie de décision des États membres de la zone euro) ». Il se montre également prudent sur les suites qui seront données à la communication de la Commission du 6 décembre 2017, assortie de propositions législatives et d'une feuille de route pour approfondir l'UEM. L'objectif général est de renforcer l'unité, l'efficacité et la responsabilité démocratique de l'UEM d'ici à 2025. La Commission propose de (i) créer un Fonds monétaire européen intégré dans le cadre communautaire, (ii) d'intégrer le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dans le cadre communautaire, (iii) de mettre en place une capacité budgétaire pour la zone euro au sein du budget de l'Union, (iv) d'amender le programme d'appui aux réformes structurelles de la Commission et (v) de créer la fonction de ministre européen des finances et de l'économie. Dans sa fiche de suivi, le Gouvernement indique néanmoins que, « lors du sommet informel élargi sur la zone euro du 15 décembre 2017, les échanges entre États membres ont révélé qu'il y avait une opportunité pour poursuivre le travail en vue d'un approfondissement de l'UEM en se concentrant sur les sujets les plus avancés et parvenir à un accord politique dans les mois à venir lors du sommet prévu en juin avec un point d'étape en mars ». Les négociations se poursuivent donc et rien n'est arrêté pour l'instant. Comme l'a souligné la ministre chargée des affaires européennes au cours de son audition, « il semble que, dans le contrat de coalition qu'ont signé ensemble la CDU, la CSU et le SPD, figure une mention explicite du soutien à l'investissement au sein de la zone euro et augure d'avancées intéressantes ».

Il en est de même pour l'achèvement de l'Union bancaire et la mise en place d'un système européen d'assurance des dépôts. Sur ce point, Mme Nathalie Loiseau a néanmoins apporté les précisions suivantes : « Mais les plus grandes avancées concernent l'Union bancaire dont le socle de règles communes et les deux premiers piliers sont pratiquement achevés. Les discussions au Conseil sur le mécanisme européen de garantie des dépôts bancaires, troisième pilier de l'Union bancaire, ont cependant montré une ligne de partage claire entre les États qui mettent l'accent sur la mutualisation du risque - la France, l'Italie, le Portugal ou l'Espagne -, et ceux qui insistent sur le respect des règles existantes pour réduire d'abord le risque - l'Allemagne et les Pays-Bas. Nous sommes très vigilants sur les conséquences possibles pour les établissements bancaires français ».

Sur la politique commerciale assurant la défense des intérêts économiques de l'Union européenne , la résolution européenne du Sénat demandait au Gouvernement de défendre une position ambitieuse sur deux thématiques formellement distinctes, mais liées par leur contenu : en premier lieu, la nouvelle méthode de calcul des cas de dumping de la part de pays hors Union européenne membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ; en second lieu, la modernisation des instruments de défense commerciale dont dispose l'Union face à des pratiques commerciales déloyales d'opérateurs économiques extérieurs. La résolution demandait en particulier au gouvernement de promouvoir au Conseil l'adoption rapide des propositions de la Commission destinées, d'une part, à moderniser les instruments de défense commerciale, et, d'autre part, à tirer les conséquences juridiques de certaines dispositions du protocole d'adhésion de la Chine à l'OMC en prévoyant une nouvelle règle générale de calcul des droits anti-dumping. Elle préconisait également une remise en cause de la règle du droit moindre, fragilisant les entreprises européennes confrontées à des pratiques de dumping.

Le Sénat a obtenu partiellement gain de cause dans ce dossier. Comme l'a dit la ministre au cours de son audition, « il s'agit, non pas de protectionnisme, mais du rétablissement des conditions de concurrence équitables ».

Le 5 octobre 2017, une nouvelle méthode de calcul des cas de dumping pratiqué par des exportateurs de pays tiers a été adoptée par l'Union européenne. Elle sera utilisée lorsque les prix et les coûts de production sont faussés par l'intervention massive de l'État. Rendue juridiquement nécessaire en raison de l'arrivée à échéance d'une disposition transitoire de 2001 du protocole d'adhésion de la Chine à l'OMC, cette nouvelle législation ne vise cependant aucun pays en particulier ; elle est conforme aux règles de l'OMC. Innovation importante, les normes sociales et environnementales sont intégrées dans les critères de référence pour la détermination de la « valeur normale ». Par ailleurs, le 5 décembre dernier, a été conclu un accord politique sur la modernisation des instruments de défense commerciale, dont l'initiative avait été prise par la Commission en 2013. Le point le plus important concerne la levée systématique de la règle du droit moindre dans les enquêtes antisubventions et dans les cas de distorsions sur les matières premières et l'énergie. Sur ces aspects, la résolution sénatoriale a ainsi été suivie d'effets.

Tel n'est pas le cas, en revanche, pour deux autres sujets, pourtant essentiels. En effet, la résolution invitait également le Gouvernement à faire valoir des points de vue robustes sur deux autres aspects fondamentaux pour une politique commerciale équilibrée et protectrice de ses intérêts :

- une meilleure réciprocité dans l'accès des entreprises européennes aux marchés publics de ses partenaires commerciaux hors Union européenne, invitant à cette fin le Gouvernement à agir au sein du Conseil pour promouvoir l'adoption de l'instrument international sur les marchés publics proposé par la Commission ;

- soulignant le caractère souvent contraire aux règles internationales de l'application extraterritoriale de certaines législations nationales, le texte invitait le Gouvernement à oeuvrer au sein du Conseil pour l'adoption de la proposition de règlement tendant à bloquer les effets extraterritoriaux de certaines législations nationales.

Ces deux sujets, en revanche, n'ont pas connu d'avancées. Sur le premier, la ministre s'est contentée d'indiquer que « nous sommes déterminés à aller plus loin, en particulier sur les marchés publics. L'Union ne peut rester totalement ouverte si nos grands partenaires sont fermés. Nous travaillons pour que les discussions, bloquées au Conseil depuis 2016, reprennent sous la présidence bulgare ».

Les progrès enregistrés au cours des négociations à Bruxelles ont également été inégaux sur le paquet portant sur la réforme européenne du droit d'auteur , les quatre textes composant ce paquet présentés par la Commission en septembre 2016 ayant connu des évolutions contrastées.

Pour l'heure, seuls deux d'entre eux ont été définitivement adoptés, soit un règlement et une directive qui introduisent en droit européen les dispositions du traité de Marrakech du 28 juin 2013 signé par l'Union européenne en avril 2014 et dont l'objet est de faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées. Ce traité contient deux principales mesures : d'une part, les États parties doivent introduire une exception à leur loi nationale sur le droit d'auteur à l'intention des personnes aveugles et déficientes visuelles - c'est l'objet de la directive -, et, d'autre part, le traité permet l'importation et l'exportation de versions accessibles des livres et autres oeuvres soumises au droit d'auteur, sans autorisation du titulaire de ce dernier - c'est l'objet du règlement.

La France, elle aussi signataire du traité, avait introduit en droit national, en juillet 2016, l'exception prévue par le traité de Marrakech. Son dispositif prévoit notamment la possibilité d'une compensation financière et pose la condition de l'absence d'un format adapté disponible sur le marché. Or, ces deux dispositions étaient expressément exclues des textes initiaux proposés par la Commission et figuraient dans la résolution européenne du Sénat.

Le compromis final adopté au Coreper du 19 mai 2017 prend en compte la faculté de prévoir une compensation financière à l'exception. En revanche, il ne permet pas aux États membres de mettre en place une condition de vérification préalable de la disponibilité commerciale des oeuvres en format accessible. Cependant, une « clause de revoyure » sur ce point a été introduite de telle sorte que cette position pourrait être révisée à terme.

L'adoption du troisième texte du paquet, une proposition de règlement dit « câble et satellite », par amalgame avec la directive qu'il adapte aux services de diffusion en ligne des radiodiffuseurs, arrive quant à elle dans sa phase finale. Ce texte reprenait deux principes fondateurs de la directive de 1993 : le principe du pays d'origine et le modèle d'une gestion collective obligatoire. Au lieu de négocier les droits d'auteur et de s'en acquitter pays par pays, il était prévu que le radiodiffuseur puisse s'acquitter dans son pays d'origine des droits permettant de rendre accessible le programme dans les autres États membres. Présenté comme un texte technique, ce règlement portait en fait atteinte à la clé de voûte du financement de la création, sans pour autant mettre en balance des avantages équivalents. Le Sénat, dans sa résolution européenne, s'était donc formellement opposé à cette proposition. Le Parlement européen, dans un premier temps, en a réduit la portée et le Conseil, lors du Coreper du 15 décembre 2017, a lui aussi considérablement restreint son champ d'application, si bien que le texte se limite désormais aux informations et actualités, ce qui semble de nature à protéger le modèle économique des industries culturelles nationales. La négociation sur ce texte doit se poursuivre début 2018.

En revanche, le dernier texte du paquet, une proposition de directive, avance nettement plus lentement. Les négociations se poursuivent sur l'insertion de nouveaux articles portant sur la fouille de textes et de données et sur les licences collectives. En ce qui concerne l'illustration pédagogique, les manuels scolaires et les partitions de musique n'ont pas été explicitement exclus, mais la Commission a renvoyé ce débat à l'utilisation de licences adéquates et considéré que la possibilité d'utiliser une oeuvre entière à des fins pédagogiques était exclue, les États membres pouvant déterminer la longueur des extraits d'oeuvre pouvant être utilisés. Enfin, reste en débat la question de la création, ou non, d'un droit voisin pour les éditeurs, ainsi que celle du value gap , deux points sur lesquels le Sénat avait émis des réserves dans sa résolution européenne. L'élaboration d'un texte de compromis étant aujourd'hui dans une impasse, ces questions doivent faire l'objet de discussions politiques pour définir les orientations nécessaires.

La ministre, au cours de son audition, a précisé la position des autorité françaises sur ces questions d'avenir : « Je suis convaincue de l'intérêt que constitue la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse, même si elle est loin d'être garantie à ce stade : seuls onze États membres y sont favorables, les autres lui préférant la protection moins favorable d'une présomption de transfert de droits au bénéfice des éditeurs de presse. Les négociations se poursuivent avec, en perspective peut-être, la création d'un droit assorti d'une durée de protection réduite. Nous sommes également attachés à ce que soit clairement définie la communication publique en ligne et, partant, le régime de responsabilité des plateformes : celles qui réalisent un acte de communication au public devraient conclure une licence avec les ayants droit et toutes, y compris les simples hébergeurs, oeuvrer pour lutter efficacement contre la diffusion de contenus illégaux. Enfin, la France s'est opposée à toute remise en cause du principe de territorialité des droits, garantie de la juste rémunération des créateurs, par celui du pays d'origine du radiodiffuseur en ligne, avec quelque succès puisqu'elle a réussi à réunir une minorité de blocage sur sa position ».

La résolution européenne sur la simplification du droit européen , en lien avec d'autres travaux du Sénat sur les normes, se voulait ambitieuse. Elle comportait des développements relatifs au processus normatif européen en général et visait aussi plus spécifiquement un certain nombre de domaines de compétences relevant de politiques européennes : marché unique, environnement et politique énergétique, politique régionale, justice et affaires intérieures.

Or, il apparaît que cette résolution n'a été que très partiellement suivie. Certes, l'économie générale de la démarche européenne répond aux positions exprimées par la résolution. Ainsi, l'accord interinstitutionnel « Mieux légiférer », entré en vigueur le 13 avril 2016, poursuit l'objectif d'améliorer la qualité de la législation européenne.

Plusieurs de ses dispositions vont dans le sens des orientations de la résolution européenne du Sénat, sans toutefois répondre de façon précise à certaines de ses dispositions telles que la mise en oeuvre du principe de subsidiarité, l'articulation des mesures nationales de simplification avec l'initiative « Mieux légiférer », la prise en compte des spécificités des PME et TPE, la réalisation de consultations préalables et d'évaluations ex post régulières ou encore la contribution des autorités européennes à la lutte contre la surtransposition.

Sur ce dernier point, répondant au président de votre commission des affaires européennes qui faisait observer que la Conférence des Présidents du Sénat avait souhaité que la commission exerce une veille sur les surtranspositions, la ministre a indiqué lors de son audition : « Nous espérons ne pas vous donner un travail trop important, grâce à notre veille attentive pour éviter de faire preuve du génie français à tout compliquer et à aller au-delà de ce que l'Europe exige. Nous cherchons aussi à harmoniser les transpositions entre la France et l'Allemagne ».

C'est le cas des études d'impact du Conseil, ce dernier ayant désormais la possibilité, dans le cadre de la procédure législative, d'effectuer des études d'impact sur les modifications substantielles qu'il apporte aux propositions de la Commission. Néanmoins, et c'est aussi la position du Gouvernement, il existe des réserves sur l'opportunité d'une telle démarche qui risque de ralentir la procédure législative, alors que les études d'impact de la Commission sont encore trop peu utilisées au Conseil, et qui pourrait devenir un outil davantage politique que technique. La Présidence estonienne de l'Union européenne a poursuivi les travaux engagés par Malte sur l'élaboration d'un « modèle général » de demande d'étude d'impact, mais il n'est pas encore finalisé.

Les négociations entamées entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen pour mieux distinguer les actes délégués et les actes d'exécution en définissant des critères non contraignants paraissent avancer lentement, même si la France a fait part d'un certain nombre de propositions dont plusieurs ont été retenues. Par ailleurs, et il faut s'en féliciter, un registre fonctionnel commun des actes délégués, prévu par l'accord interinstitutionnel, a été créé ; il est fonctionnel depuis le 13 décembre dernier. Il présente les informations d'une manière structurée et conviviale afin d'accroître la transparence, de faciliter la planification et de permettre de retracer tous les stades du cycle de vie d'un acte délégué. En revanche, la création d'une base de données commune sur l'état d'avancement des dossiers législatifs, également prévue par l'accord interinstitutionnel, n'a pas progressé, alors que le texte fixait la date du 31 décembre 2016.

Enfin, au titre du programme pour une réglementation affutée et performante (REFIT) et de la plateforme d'experts et de représentants nationaux chargée de recueillir des suggestions et de formuler des recommandations sur la manière de simplifier les législations, deux avis sur des sujets horizontaux ont été adoptés, l'un sur les mécanismes de consultation des parties prenantes et l'autre sur la normalisation comme instrument transversal.

Les orientations thématiques de la résolution européenne du Sénat n'ont pas reçu de suites particulières ou, à tout le moins, n'ont pas été documentées.

Le Sénat n'a obtenu que très partiellement satisfaction sur sa résolution européenne portant sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC) à l'horizon 2020 . Cette résolution traite de cinq grands thèmes : l'importance de la PAC en termes de sécurité alimentaire et de souveraineté alimentaire européenne ; la levée des incertitudes budgétaires qui hypothèquent à brève échéance l'avenir de la PAC, qui ne saurait être considérée comme la variable d'ajustement du budget de l'Union européenne, mais qui, au contraire, doit demeurer une priorité stratégique ; les attentes des agriculteurs au regard des crises des dernières années, en particulier en termes de sécurisation de leurs revenus ; les modalités de fonctionnement et de gestion de la PAC, à commencer par le soutien aux efforts de simplification déjà engagés, ainsi que la prise en compte pragmatique des questions environnementales qui doivent s'appuyer sur le développement de la recherche et de l'innovation ; les enjeux du commerce extérieur des produits agricoles.

Il est vrai que cette résolution poursuit principalement un objectif prospectif permettant au Sénat de prendre position dans le débat public, en amont du calendrier d'élaboration de la prochaine réforme. C'est pourquoi, à ce stade, il est prématuré de tirer de quelconques conclusions sur les suites données à cette résolution européenne tant le processus en est encore à ses débuts.

De fait, deux éléments se conjuguent pour rendre cette échéance incontournable : 2020 constitue non seulement la fin du cadre financier pluriannuel entamé en 2014, mais également la date à partir de laquelle le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne devrait être effectif. Il en résulte, pour reprendre les termes du commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, M. Phil Hogan, que « jamais la PAC n'a été autant sous pression ».

La Commission a publié, le 29 novembre dernier, une communication sur l'avenir de l'alimentation et de l'agriculture, permettant de connaître ses pistes de réflexion. Celle-ci constitue le socle sur lequel la Commission bâtira la nouvelle politique agricole commune. Sa proposition législative devrait être présentée dans la foulée de ses propositions sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2020-2027, probablement en mai 2018. La modernisation de la future PAC post-2020 constitue l'une des priorités de la Présidence bulgare. La France a fait part de sa position sur l'avenir de la PAC dans un non paper transmis le 23 novembre dernier à la Commission.

Néanmoins, force est de constater que certaines des premières orientations affichées suscitent des inquiétudes.

Sur les contours de la prochaine réforme de la PAC, les idées maîtresses de la communication de la Commission sont résumées par la phrase suivante : « C'est par une simplification des règles et l'adoption d'une approche plus flexible que l'on obtiendra de la PAC qu'elle offre un réel soutien aux agriculteurs et promeuve le développement durable de l'agriculture de l'Union européenne ». Une analyse plus précise du document de la Commission, au regard de la résolution du Sénat, fait apparaître, à la fois, une grande incertitude sur le futur budget, et la crainte de voir se concrétiser un risque de cofinancement du premier pilier. S'y ajoute la suggestion « d'explorer » différentes pistes de réflexion visant toutes à réduire les montants versés - instaurer un plafonnement obligatoire des paiements directs, introduire des paiements dégressifs, cibler les aides sur les petites et moyennes exploitations -, tout en réduisant les écarts entre les États membres. D'après certaines estimations officieuses, récemment avancées dans la presse, il semblerait que la Commission oriente ses travaux sur la base d'hypothèses de diminutions importantes (comprises entre 7 % et 15 %) des budgets alloués à la PAC durant les années 2020, dans le prochain CFP. Par conséquent, l'orientation retenue par la résolution sénatoriale d'une stabilité de ces budgets risquerait de n'être nullement satisfaite.

Le deuxième risque serait celui d'une renationalisation de la PAC, dans la mesure où la mise en oeuvre des obligations environnementales (« le verdissement ») serait abandonnée pour être largement renvoyée aux États membres. L'Union fixerait alors uniquement les paramètres essentiels (objectifs de la PAC, principaux types d'intervention, exigences de base). Elle laisserait le soin aux États membres de mettre en oeuvre ces objectifs chiffrés, fixés d'un commun accord, par le biais de plans nationaux, validés par la Commission, suivant un processus structuré. Il en résulterait, sans doute, une simplification bienvenue, mais qui pourrait ne concerner que l'administration européenne elle-même. Or, le rapport du groupe de suivi du Sénat avait fait valoir que la PAC actuelle apparaît déjà de moins en moins commune aux yeux des agriculteurs. Qu'en sera-t-il à l'avenir ?

Enfin, dans ces conditions, si les orientations nationales venaient à être trop différentes les unes des autres, se matérialiserait un troisième risque : celui d'accroître la fragmentation du marché unique.

Un autre axe de la résolution du Sénat, consacré à la nécessaire remise à plat du système de gestion des crises, trouve, lui aussi, un écho plus que limité dans la communication de la Commission. Cette dernière considère manifestement que le sujet a été traité dans le cadre du volet agricole du « règlement Omnibus » du 12 décembre 2017. S'il est exact que ce véhicule juridique apporte des améliorations bienvenues, notamment avec l'abaissement à 20 %, au lieu de 30 %, du seuil des pertes déclenchant l'aide relative aux contrats d'assurance, la proposition de mettre en place un système volontaire de réduction de la production en temps de crise n'a pas été retenue. Le constat optimiste de la Commission - selon lequel « la PAC offre déjà un ensemble hiérarchisé d'instruments qui aident les agriculteurs à prévenir et à gérer les crises » - n'apparaît pas à la hauteur des problèmes causés par les crises des dernières années.

En revanche, le volet agricole du « règlement Omnibus » satisfait, pour une bonne part, les préconisations de la résolution du Sénat sur la nécessaire inflexion de la politique de la concurrence, pour tenir compte des spécificités agricoles.

D'autres idées avancées dans la résolution du Sénat sont également largement développées par la Commission dans la troisième partie de sa communication, consacrée à « une PAC plus intelligente, plus moderne et plus durable ». Y figurent, en particulier, la nécessité d'encourager la recherche et l'innovation, de mettre en réseau les coopérations entre agriculteurs, y compris par le biais des organisations de producteurs, d'améliorer l'investissement dans les zones rurales et de susciter de nouvelles vocations d'agriculteur par un dispositif obligatoire d'aide à l'installation couvrant toute l'Union européenne.

La fin de la communication de la Commission, consacrée à la dimension mondiale (et commerciale) de la PAC, se situe très en retrait de la partie de la résolution sénatoriale portant sur les enjeux du commerce extérieur des produits agricoles. L'écart est ici sensible : alors que nous avons avancé des préconisations précises, le document de la Commission se borne à des considérations générales. On y note simplement la nécessité de « prendre en considération, dans les négociations commerciales, le caractère sensible des produits [...] et [de] réfléchir aux moyens de remédier à la répartition géographique inégale des avantages et désavantages que les accords commerciaux de l'Union [...] entraînent pour le secteur agricole ».

Au total, la communication de la Commission sur l'avenir de la politique agricole commune a reçu un accueil très mitigé, tant de la part des ministres de l'agriculture au cours de la réunion du Conseil du 11 décembre dernier, que des organisations syndicales, tout particulièrement en France. Certains points, comme le principe de la simplification, le souci de rendre la PAC plus lisible, la priorité à accorder aux jeunes agriculteurs ou le passage d'une logique de moyens à une logique de résultats, apparaissent néanmoins intéressants.

Réagissant à la communication de la Commission du 29 novembre 2017, dont l'idée-force est de recourir davantage à la subsidiarité, la ministre, au cours de son audition, a indiqué que, sur le risque de renationalisation de la PAC parfois évoqué, « la France, comme le Portugal et l'Irlande, n'acceptera aucune renationalisation, même partielle. Le commissaire Phil Hogan a rappelé lui-même, lors du Conseil agriculture du 29 janvier dernier, que cette option n'était pas envisagée par la Commission. Le contrat de coalition allemand confirme la nécessité de maintenir le niveau actuel de la PAC. Nous allons engager des discussions plus approfondies avec nos partenaires allemands pour obtenir un financement à 100 % communautaire du premier pilier de la PAC », ajoutant que « la négociation du prochain cadre financier pluriannuel, qui devrait débuter en mai prochain, permettra de trouver des financements. Mais la PAC ne sera pas la variable d'ajustement, nous l'avons dit haut et fort à la Commission comme à nos partenaires ».

Répondant à des questions des membres de la commission, la ministre a indiqué que, « à côté de l'Irlande et du Portugal, d'autres États membres sont très attachés à une priorité de la PAC. C'est le cas de l'Espagne, longtemps hésitante entre la politique de cohésion et la PAC, de la Pologne et d'autres pays du groupe de Visegrád. Nous avons un dialogue très régulier sur la PAC et ne sommes pas isolés. Certes, des résistances existent parmi les pays du Nord, dont les Pays-Bas. Concernant les non-renationalisations, j'ai surtout parlé du premier pilier, mais le deuxième est tout aussi important au travers du rôle de l'agriculture dans la transition écologique. Comme vous, j'accorde une grande valeur à des programmes comme le programme Leader ».

c) Le nombre limité de résolutions européennes n'ayant reçu aucune suite

Dans trois cas , une résolution européenne du Sénat n'a, au moins jusqu'à présent, connu aucune suite effective.

Le dossier de l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) est ancien puisqu'il date de 2001, avec des périodes de mise en sommeil puis de relances successives, en 2011, en 2015 puis, plus récemment, à l'automne 2016. Les divergences entre États membres dans un domaine requérant l'unanimité expliquent les blocages observés. Dans sa dernière proposition de directive, la Commission vise à fixer les conditions à remplir pour former un groupe, notamment les règles techniques relatives à la consolidation, aux réorganisations, au traitement des pertes et des plus-values en capital latentes, et aux transactions entre le groupe et les entités extérieures au groupe, par exemple en ce qui concerne les retenues à la source et les crédits d'impôt. Elle cherche aussi à établir des règles relatives à la répartition des bénéfices, en décrivant des mécanismes de pondération permettant de répartir l'assiette consolidée du groupe entre les États membres admissibles.

La commission des finances avait pris l'initiative d'une résolution européenne sur ce sujet récurrent dans laquelle le Sénat, tout en formulant un certain nombre de critiques, approuvait la volonté de la Commission de relancer ce projet, afin de lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscales, de freiner la concurrence fiscale entre les États membres et de renforcer le marché intérieur.

Force est de constater qu'en dépit de son importance, le sujet n'a connu aucune réelle avancée. Le Conseil ECOFIN du 23 mai 2017 n'est pas allé au-delà d'une réaffirmation de principes généraux et des orientations antérieures et d'un appel à la concrétisation de l'ACCIS. Dans cette perspective, la constitution d'un groupe de travail franco-allemand chargé de faire des propositions concrètes pour progresser dans l'intégration de la zone euro, notamment par une convergence de la fiscalité sur les entreprises, a été annoncée le 22 mai 2017 par les ministres français et allemand. Pour autant, les discussions ne progressent guère et ne permettent pas, pour l'instant, de donner une quelconque suite à la résolution européenne du Sénat.

Sur la limitation de l'utilisation des produits phytosanitaires au sein de l'Union européenne , la résolution européenne du Sénat avait retenu une approche pragmatique, axée sur deux angles spécifiques : d'une part, la vente aux particuliers des produits phytosanitaires, et, d'autre part, l'utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques, sous réserve de trois exceptions significatives (les stades, les cimetières et les voiries, « pour lesquels un non recours à ces produits pourrait s'avérer dangereux »). Il s'agissait de demander à l'Union européenne dans quelle mesure la législation européenne pourrait les interdire. Par ailleurs, il était spécifié que ces interdictions ne s'appliqueraient pas « aux produits utilisables en agriculture biologique, aux produits de biocontrôle, aux préparations naturelles peu préoccupantes, aux usages professionnels et agricoles, ainsi qu'aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles ». Ces deux principes s'inscrivent dans le prolongement des dispositions déjà adoptées au titre du « paquet pesticides » de 2009, en particulier dans la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. La résolution visait surtout à nourrir le débat public européen sur ces questions.

Il n'en demeure pas moins que le Gouvernement n'y a jusqu'à présent pas donné de suites concrètes.

C'est aussi le cas pour la résolution européenne du Sénat sur les mesures conservatoires pour la mise en oeuvre des règles de concurrence .

Ce texte, dont notre collègue Catherine Morin-Desailly est à l'origine, appelle à une réforme des conditions de mise en oeuvre de mesures conservatoires par la Commission en cas d'abus de position dominante ou de tout autre comportement anticoncurrentiel. En effet, la longueur des délais d'enquête sur les comportements anticoncurrentiels de grands acteurs étrangers du numérique, qui permettent à des abus de position dominante de perdurer pendant de nombreuses années, n'est pas satisfaisante. Cette situation conduit à la disparition d'entreprises concurrentes et empêchent des concurrents potentiels de développer leur activité. Afin de faciliter la mise en oeuvre de mesures provisoires pour interrompre rapidement des comportements susceptibles de porter atteinte à la concurrence, sans attendre l'issue d'une procédure de négociation ou de sanction, la résolution préconise d'assouplir les critères de définition du risque d'atteinte à la concurrence, d'alléger l'obligation de preuve à ce stade et d'élargir le champ des intérêts protégés par ces mesures, sur le modèle des dispositions du code de commerce qui autorisent l'Autorité de la concurrence française à prendre des mesures conservatoires.

En dépit de l'importance de la question, cette résolution européenne n'a pas suscité, jusqu'à présent, de réaction en retour.


* 4 Il convient toutefois de noter que la résolution européenne du Sénat n'a pas proposé une telle institution.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page