II. LA SÉCURITÉ EN EUROPE

A. TEXTE DU SÉNAT FRANÇAIS : LES ENJEUX DE SÉCURITÉ EN EUROPE

1. La résurgence regrettable de tensions militaires en Europe

La fin de la guerre froide avait permis une rénovation de l'architecture de sécurité européenne, à travers la signature en 1990, dans le cadre de l'OSCE, de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe et l'adoption d'instruments (traité sur les forces conventionnelles en Europe, Document de Vienne, traité Ciel Ouvert...) semblant inaugurer une ère de confiance et de coopération. Parallèlement, l'accession à l'indépendance des anciennes républiques fédérées de l'URSS s'effectuait sans heurt majeur.

Pourtant, une dynamique de confrontation est progressivement réapparue au sein du continent européen. Malgré les arrangements (signature en 1997 d'un Acte fondateur OTAN-Russie, mise en place en 2002 d'un Conseil OTAN-Russie), la Russie a progressivement adopté une posture d'opposition à l'OTAN , contestant les élargissements successifs considérés par elle (à tort) comme menaçants. Le projet de déploiement d'un système de défense anti-missile balistique ou l'intervention de l'OTAN dans les Balkans à l'occasion des guerres d'ex-Yougoslavie ont aussi nourri ses griefs.

La Russie considère l'OTAN -alliance pourtant défensive- comme une menace, motif à une modernisation accélérée de ses moyens militaires. Conflits et tensions apparaissent dans l'ancien espace soviétique, la Russie entendant s'opposer à l'expansion de l'OTAN et, plus largement, à l'influence occidentale - à laquelle elle attribue les « révolutions de couleur » - dans ce qu'elle considère comme « sa zone d'influence privilégiée » et comme un glacis sécuritaire.

2. Une aggravation préoccupante depuis la crise ukrainienne

Les tensions se sont exacerbées lors de la crise ukrainienne , avec des démonstrations de force de la Russie : mouvements de troupes à proximité des frontières, exercices militaires non annoncés, violation des espaces aériens et maritimes des pays voisins, actions hybrides, évocation d'une possible utilisation de l'arme nucléaire, simulation de tirs nucléaires à la fin des manoeuvres militaires...

Cette dégradation du contexte sécuritaire a conduit l'OTAN à renforcer sa présence militaire à l'est de l'Europe pour rassurer ses alliés orientaux (mesures des sommets de Newport (2014) et Varsovie (2016)) sans remettre en cause l'engagement, pris dans l'Acte fondateur, de ne pas déployer de manière permanente des forces substantielles de combat sur le territoire des nouveaux membres.

La posture d'intimidation adoptée par la Russie contribue à rapprocher de l'OTAN non seulement certains pays de l'ex-URSS, mais aussi des pays traditionnellement neutres comme la Suède et la Finlande. En réaction, la Russie renforce, elle aussi, ses capacités militaires, comme l'illustre l'installation de missiles Iskander à capacité nucléaire à Kaliningrad et en Mer noire. On assiste ainsi au retour d'une forme de division de l'Europe et de surenchère militaire en son sein qui n'est pas exempte de dangers.

Si cette confrontation reste pour l'heure maîtrisée, elle est extrêmement préoccupante d'autant que les instruments de sécurité collective européens sont en panne depuis des années : la Russie a suspendu l'application du traité sur les forces conventionnelles en Europe, les notifications d'activités militaires dans le cadre du Document de Vienne sont en partie contournées, la mise en oeuvre du traité Ciel ouvert fait l'objet de restrictions, le traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) ne serait plus respecté. Le régime de non-prolifération nucléaire a été, quant à lui, affaibli par la violation par la Russie du Mémorandum de Budapest relatif à la dénucléarisation de l'Ukraine.

3. Les relations avec la Russie, élément déterminant de la sécurité européenne

La France s'attache de manière constante, à faciliter les relations entre la Russie et l'OTAN , contribuant à l'élaboration, en 1997, de l'acte Fondateur OTAN-Russie et à la mise en place, quelques années plus tard, du Conseil OTAN-Russie. Prudente à l'égard des élargissements de l'Alliance, elle s'est opposée, lors du sommet de Bucarest de 2008, à l'octroi du Plan d'action pour l'adhésion à la Géorgie et à l'Ukraine. Lors de l'admission du Monténégro à l'OTAN, le Sénat français a affirmé son refus de tout élargissement ultérieur.

La France s'inquiète aujourd'hui des tensions militaires sur le continent européen et souhaite travailler avec la Russie à ranimer l'architecture européenne de sécurité et à maîtriser les risques de confrontation militaire. Notre intérêt commun est de préserver la stabilité stratégique en Europe.

Dans l'immédiat, il est indispensable, tout d'abord, de poursuivre les discussions dans le cadre du Conseil OTAN-Russie et du « dialogue structuré » de l'OSCE, en vue de permettre des avancées concernant la prévention des risques d'incidents, la transparence des activités militaires et le rétablissement de mesures de confiance .

A plus long terme, la Russie et la France pourraient engager une réflexion sur la modernisation des instruments de maîtrise des armements et leur adaptation au contexte actuel. Aucun instrument ne couvre par exemple les têtes nucléaires tactiques. Il en est de même pour les nouveaux types d'armements comme les armes non nucléaires de haute précision et les drones, ou encore les actions dans le domaine cyber. Nos deux pays pourraient se donner comme objectif de faire émerger de nouveaux régimes de maîtrise des armements dans les domaines non couverts.

Enfin, le Sénat a proposé la tenue d'un sommet sur la sécurité en Europe associant la Russie pour évoquer l'équilibre stratégique sur le continent . Un tel sommet serait l'occasion pour les pays participants de réaffirmer solennellement leur attachement au droit international et à un certain nombre de principes indispensables à notre sécurité collective , dans l'esprit de l'Acte final d'Helsinki .

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