N° 569

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 juin 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1) de la commission des affaires sociales (2) sur l' accès précoce à l' innovation en matière de produits de santé ,

Par M. Yves DAUDIGNY, Mmes Catherine DEROCHE et Véronique GUILLOTIN,

Sénateurs

(1) Cette mission d'évaluation est composée de : M. Jean-Noël Cardoux, Président ; Mme Michelle Meunier, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Vice - Présidents ; MM. Michel AMIEL, Daniel Chasseing, Mme Véronique Guillotin, M. Dominique Watrin, Secrétaires ; MM. Bernard Bonne, Yves Daudigny, Gérard Dériot, Mmes Catherine Deroche, Élisabeth Doineau, Corinne Féret, Pascale Gruny, MM. Alain Milon, René-Paul Savary.

(2) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Mizzon, Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, M. Jean Sol, Mme Claudine Thomas, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe, M. Dominique Watrin .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Au début des années 1990, la France s'est dotée d'une politique ambitieuse, pionnière et volontariste en matière d'accès précoce des patients français aux médicaments innovants . Le dispositif des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) a permis un accès large et rapide de patients atteints de maladies graves, sans alternative thérapeutique, à de nouveaux médicaments avant leur autorisation de mise sur le marché (AMM), c'est-à-dire plusieurs mois voire plusieurs années avant que ces molécules soient accessibles dans d'autres pays.

À côté de cet outil formidable, notre pays dispose de solides atouts, largement reconnus à l'international : l' excellence de sa recherche clinique et de ses équipes médicales ; l'attachement fort à un système de prise en charge solidaire des dépenses de santé ancré sur les principes d' équité et d'universalité dans l'accès aux soins , y compris les plus onéreux, d'un bout à l'autre du territoire ; le haut niveau d'exigence de nos agences sanitaires qui garantit la sécurité des soins que nos concitoyens sont en droit d'attendre.

Ce « modèle français » d'accès précoce aux innovations, qui a fait ses preuves, est-il aujourd'hui toujours aussi robuste et exemplaire ?

Des signaux d'inquiétude se font entendre. Les patients français auraient-ils désormais un accès plus lent à certains produits innovants - c'est-à-dire susceptibles de constituer un progrès thérapeutique ?

Si les discours sont plus ou moins nuancés, les travaux engagés par vos rapporteurs ont confirmé combien cette question est devenue cruciale pour l'ensemble des acteurs de la santé, non seulement les entreprises pharmaceutiques mais également les pouvoirs publics, la communauté médicale et les représentants des patients. Des réflexions sont ainsi en cours, notamment dans le cadre du huitième conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 1 ( * ) dont les conclusions sont attendues au début du mois de juillet.

Le contexte et les enjeux ont profondément changé et viennent bousculer ou réinterroger, en France comme ailleurs, la façon dont nous accueillons l'innovation au sein du système de santé.

L'accélération des innovations est un puissant moteur de cette prise de conscience : de nouvelles thérapies, en particulier pour le traitement du cancer (immunothérapie, médecine personnalisée...) ou des maladies rares, offrent la promesse formidable d'améliorer les taux de survie de patients atteints de maladies graves ainsi que leur qualité de vie.

Dans d'autres domaines, le potentiel est inouï : comme l'a indiqué Marc Peschanski lors d'une table ronde sur les cellules souches organisée au Sénat le 16 mai 2018 par le président de la commission des affaires sociales, « nous avons changé de registre car nous pouvons maintenant envisager le passage de la recherche vers l'application à la médecine. Cette médecine régénératrice dont on parle depuis des années est à portée de main. »

On peut alors vouloir faire bénéficier les patients, le plus tôt possible, dans des situations d'urgence vitale, d'une chance supplémentaire. C'est dans cette ambition légitime que s'est inscrit le débat tenu au Sénat, lors de l'examen du PLFSS pour 2018, sur un amendement présenté à l'initiative de notre collègue René-Paul Savary visant à permettre le recours volontaire de patients incurables à de nouvelles molécules à des stades très précoces de leur développement. L'attente, les lenteurs, les freins sont en effet insupportables non seulement pour les malades et leur famille, mais également pour les équipes médicales dont la vocation est de soigner .

Dans le même temps, l'accélération de l'accès des patients aux médicaments innovants est en tension avec l'impératif de sécurité d'une part, et avec le défi de la soutenabilité financière de notre système d'assurance maladie d'autre part, en raison de la hausse inédite du prix des innovations thérapeutiques dans un cadre budgétaire contraint.

Dans cet équilibre délicat, le modèle français demeure sans doute parmi les meilleurs au monde mais il paraît aujourd'hui fragilisé.

Fragilisé dans sa capacité à répondre correctement à l'ensemble des besoins thérapeutiques urgents, avec un système à certains égards en décalage par rapport à la réalité des thérapies innovantes.

Fragilisé dans sa capacité à accompagner avec souplesse l'innovation et à garantir un accès équitable, avec un rapport de force parfois paralysant entre industriels et pouvoirs publics autour des enjeux de régulation du prix du médicament et des procédures insuffisamment fluides.

Fragilisé, encore, dans sa capacité à maintenir l'attractivité de la France sur une scène internationale de plus en plus concurrentielle.

Par leurs propositions, qui concernent l'ensemble de la chaîne d'accès des patients aux médicaments innovants - des essais cliniques à la commercialisation en passant par les ATU - vos rapporteurs souhaitent contribuer utilement au débat et fixer le cap des orientations à prendre pour un accès aux innovations pleinement efficace 2 ( * ) .


* 1 Créé en 2004, le CSIS est présenté comme « le lieu où s'élabore une vision stratégique du secteur des industries de santé commune aux pouvoirs publics et aux industriels et où sont proposées des réponses partagées. » (communiqué de presse du Premier ministre, 20 octobre 2017).

* 2 Le champ du présent rapport est ciblé sur le médicament, à l'exclusion du dispositif médical qui relève de procédures distinctes et mériterait de faire l'objet d'une étude à part entière.

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