II. DIALOGUE ET RESPONSABILITÉ : QUATORZE PROPOSITIONS D'AVENIR POUR LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

Dans l'optique de la Conférence nationale des territoires (CNT) de juillet prochain, votre rapporteur formule quatorze propositions d'avenir pour la fonction publique territoriale .

Ces propositions sont organisées autour de trois axes : donner davantage de visibilité aux employeurs territoriaux, leur allouer de nouveaux moyens d'action et, enfin, garantir les droits des agents territoriaux tout en diversifiant leurs modes de recrutement.

A. DONNER DAVANTAGE DE VISIBILITÉ AUX EMPLOYEURS TERRITORIAUX, DANS LE CADRE D'UN DIALOGUE SOCIAL RÉNOVÉ

Les dépenses de personnel des collectivités territoriales et de leurs groupements représentent 35 % de leur budget 10 ( * ) , ce qui n'est pas négligeable dans un contexte de tension des finances publiques.

Or, l'évolution de ces dépenses dépend, pour partie, de décisions relevant de la compétence de l'État .

Certaines ont un impact favorable sur le budget des employeurs locaux, comme le rétablissement d'un jour de carence dans la fonction publique (pour une économie estimée à 99 milliards d'euros) 11 ( * ) .

À l'inverse, d'autres initiatives de l'État placent les collectivités territoriales et leurs groupements dans une impasse budgétaire comme :

- des modifications trop nombreuses du cadre législatif et règlementaire ;

- l'évolution du point d'indice de la fonction publique qui, gelé depuis 2010, a été revalorisé à deux reprises en juillet 2016 et février 2017 (+1,2 % au total) ;

- les accords statutaires, à l'instar de l'accord « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), dont le coût total pour les collectivités territoriales et leurs groupements s'élève à 995 millions d'euros entre 2016 et 2021.

Pour la seule année 2017, la Cour des comptes a évalué à un milliard d'euros l'impact net des normes nouvelles imposées aux collectivités territoriales et à leurs groupements 12 ( * ) , sur un total d'environ 169 milliards de dépenses de fonctionnement.

Force est de constater que les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont pas suffisamment associés aux décisions de l'État, qui privilégie parfois une vision comptable, éloignée de la réalité et des besoins des services publics locaux.

À titre d'exemple, votre rapporteur s'est étonnée que le Gouvernement annonce la suppression d'ici 2022 de 70 000 postes dans la fonction publique territoriale , alors que les employeurs locaux disposent d'une liberté complète de recrutement 13 ( * ) .

De même, le comité « Action publique 2022 » (CAP 2022), chargé d'examiner les pistes d'évolution du service public, n'a pas vocation à devenir une instance de dialogue entre l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements.

À l'inverse, la Conférence nationale des territoires (CNT) constitue l'occasion de définir une nouvelle méthode de travail entre l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements . Tous les trois ans, l'État pourrait présenter aux employeurs locaux une feuille de route permettant de programmer l'impact financier de ses décisions RH (évolution du point d'indice, accords statutaires, etc. ). De nature indicative, ce document offrirait davantage de visibilité aux employeurs locaux et permettait de fiabiliser leur programmation budgétaire.

Proposition n° 1 : Élaborer une feuille de route triennale pour mieux programmer les décisions de l'État ayant un impact financier sur les employeurs locaux (point d'indice, accords statutaires, etc .)

Échéance prévisionnelle : 2020

Contrairement aux salariés de droit privé, les fonctionnaires et les contractuels de la fonction publique sont placés dans une position statutaire et règlementaire , ce qui contraint l'organisation du dialogue social.

Depuis quelques années, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) s'est toutefois imposé comme la principale instance de dialogue entre les représentants des élus locaux et ceux des agents territoriaux .

Consulté sur les projets de textes relatifs à la fonction publique territoriale, il mène également des réflexions transversales, notamment sur l'apprentissage, la formation professionnelle et la protection sociale complémentaire.

L'action du CSFPT pourrait être confortée en suivant deux logiques :

- s'assurer qu'il soit consulté en temps utile pour chaque décision de l'État ayant un impact sur la fonction publique territoriale . À titre d'exemple, seul le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État (CSFPE) a été consulté pour la mise en oeuvre du RIFSEEP 14 ( * ) , alors que ce nouveau régime indemnitaire concerne l'ensemble de la fonction publique ;

- renforcer la cohérence et la coordination du collège des employeurs territoriaux du CSFPT , qui comprend aujourd'hui vingt membres issus des communes, des départements et des régions.

En ce sens, votre rapporteur soutient totalement l'initiative de M. Philippe Laurent, président du CSFPT, visant à créer une fédération des employeurs territoriaux . L'objectif est simple : que les employeurs locaux s'expriment d'une même voix, sur le modèle de la Fédération hospitalière de France (FHF), et renforcent ainsi leur pouvoir de négociation vis-à-vis de l'État mais aussi des syndicats.

À terme, la conclusion d' accords collectifs entre les employeurs et les syndicats pourrait être envisagée au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, sur le modèle des accords nationaux interprofessionnels (ANI) prévus par le code du travail.

La mise en oeuvre de tels accords s'annonce toutefois complexe d'un point de vue juridique : une fédération d'employeurs, si légitime soit-elle, peut-elle prendre des engagements au nom de 50 000 employeurs territoriaux, dont chacun bénéficie du principe constitutionnel de libre administration ?

Proposition n° 2 : Conforter le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et envisager, à terme, la conclusion à l'échelle nationale d'accords collectifs entre les employeurs et les syndicats

Échéance prévisionnelle : 2018-2028

De manière complémentaire, il convient d'approfondir le dialogue social à l'échelle locale .

À ce stade, le Gouvernement envisage de revoir l'architecture des 12 800 instances de dialogue social de la fonction publique territoriale en fusionnant les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), d'une part, et les comités techniques (CT), d'autre part, et en allégeant les commissions administratives paritaires (CAP), qui pourraient être recentrées sur les décisions défavorables aux agents.

Ces propositions restent en débat et ne font pas encore consensus, comme l'ont démontré les auditions de votre rapporteur.

En réalité, la question centrale concerne les moyens mis en oeuvre pour vivifier la culture de la négociation entre les employeurs locaux et leurs agents, dans un esprit de responsabilité et de confiance mutuelle .

Votre rapporteur propose que l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale et de chacun de leurs groupements se prononcent, en début de mandature, sur un « agenda social » précisant les pistes de travail retenues, la méthode de concertation mise en oeuvre et le calendrier des négociations.

Ce document établirait ainsi un cadre global de négociation pour se donner plus de chances d'aboutir à des accords « gagnant-gagnant » .

Proposition n° 3 : Favoriser la culture de la négociation dans les collectivités territoriales et leurs groupements en prévoyant l'adoption d'un « agenda social » en début de mandature

Échéance prévisionnelle : 2020


* 10 Source : direction générale des collectivités locales (DGCL).

* 11 Article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 12 Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics , octobre 2017, p. 66.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-10/20171011-rapport-finances-publiques-locales.pdf .

* 13 Avis n° 114 (2017-2018) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2018 ( « fonction publique » ), p. 8. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/rap/a17-114-6/a17-114-61.pdf .

* 14 Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), voir infra pour plus de précisions.

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