C. LE NÉCESSAIRE APPUI DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Depuis les évènements de 2014, les initiatives pour trouver une solution à la crise se sont multipliées, sans forcément que les intérêts libyens ne priment . Les efforts de la MANUL ne se sont pas soldés par des résultats probants, ce qui explique la succession de personnalités au poste de représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye.

Malgré les interférences étrangères, qui se sont réduites dernièrement, les grandes puissances comme les puissances régionales ont accordé leur confiance à Ghassan Salamé. Il bénéficie d'un appui à géométrie variable de plusieurs États et d'organisations régionales . Certains pays restent plus engagés que d'autres dans certaines thématiques et peuvent même se concurrencer. Ces engagements peuvent affaiblir le processus de sortie de crise élaboré par la MANUL qui a été approuvé par le Conseil de sécurité.

L'action des Nations unies exige alors de la Communauté internationale un soutien unanime pour ne pas exacerber les tensions déjà existantes en Libye.

1. Le soutien des membres du Conseil de sécurité à l'action onusienne

Le soutien des membres du Conseil de sécurité à Ghassan Salamé (RSSGNU) est unanime .

À plusieurs reprises, le Conseil de sécurité a endossé les initiatives visant à favoriser une sortie de crise , en les renforçant par la même occasion. L'accord politique libyen du 17 décembre 2015 a fait l'objet d'une résolution 2259 (2015). Le 14 décembre 2017, l'organe des Nations unies a rappelé que cet accord était à ce jour le seul cadre viable pour mettre un terme à la crise politique et que celui-ci n'avait pas expiré à la date du 17 décembre 2017 135 ( * ) .

Le mandat de la mission d'appui des Nations unies à la Libye (MANUL) a été renouvelé le 14 septembre 2017 par la résolution 2376 (2017) et le plan d'action présenté par Ghassan Salamé en marge de la 72 e Assemblée générale des Nations unies a été endossé par une déclaration du président du Conseil de sécurité le 10 octobre 2017.

Un consensus se dégage du Conseil de sécurité. Pourtant, l'équilibre entre les membres permanents a été perturbé à la suite de l'intervention de 2011 , autorisée par la résolution 1970 (2011). Bien que sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, la Russie et la Chine ont critiqué l'intervention occidentale pour avoir dépassé le mandat qui lui était confié.

La dynamique est aujourd'hui positive, en témoignent les renouvellements successifs du mandat de la MANUL . Certaines sensibilités coexistent et peuvent empêcher d'atteindre certains objectifs. Le cas de l'opération Sophia : la Fédération de Russie et la Chine n'autorisant pas, en l'absence d'accord des autorités libyennes, la poursuite de la mission dans les eaux territoriales libyennes pour démanteler les réseaux de trafiquants de migrants.

Le soutien unanime dont bénéficie Ghassan Salamé renforce son action. Face à la crise libyenne, la communauté internationale doit se montrer unie pour éviter que certains acteurs ne profitent de ces divergences. Cette même convergence se retrouve au sein du Comité des sanctions créé par la résolution 1970 (2011), malgré les débats récurrents sur l'intérêt même des sanctions. L'adoption des sanctions à l'encontre de six trafiquants de migrants a fait l'objet de longues négociations avant que la représentation russe accepte qu'elles soient adoptées.

L'appui des membres du Conseil de sécurité n'écarte pas pour autant la poursuite d'agendas personnels de certains pays . Le soutien de plusieurs puissances, dont la France et la Russie, à l'action du maréchal Haftar dans la lutte contre le terrorisme peut être de nature à affaiblir le gouvernement d'entente nationale, pourtant reconnu par la communauté internationale. Ce soutien reste toutefois à relativiser et ne vise pas à concurrencer le processus onusien : les membres permanents étaient d'accords pour rappeler que l'accord signé à Skhirat n'expirait pas le 17 décembre 2017, contrairement aux intérêts de Khalifa Haftar. Le soutien accordé au commandent en chef de l'ANL n'est donc pas absolu même si les derniers affrontements dans le croissant pétrolier devraient attirer toute notre attention.

2. L'appui de l'Union européenne

L'Union européenne joue un rôle clé de soutien à l'action des Nations unies en Libye. Cet appui prend plusieurs formes : d'un soutien politique à l'action de la MANUL, il s'accompagne de la mise en place de deux opérations PSDC et de mesures pour relever le défi que constituent les flux migratoires. L'action de l'UE se comprend par les enjeux diplomatiques et géostratégiques de la Libye. La situation en Libye entraîne des conséquences sur le sol européen.

a) Un soutien politique

L'Union européenne soutient pleinement les efforts de médiations déployés par les Nations unies en Libye , comme rappelé par le Parlement européen dans ses recommandations du 30 mai 2018 concernant la Libye: « considérant que, par son action diplomatique et une assistance concrète, l'Union appuie la transition politique de la Libye pour en faire un pays stable et capable de fonctionner, et soutient les efforts de médiation déployés sous l'égide des Nations unies à cette fin » 136 ( * ) .

L'Union européenne contribue à l'action onusienne, en transposant les sanctions élaborées dans le cadre du Comité de sanctions créé par la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité et en encourageant le dialogue au sein du Quartet . Le Quartet, réunion de représentants de l'Union africaine, de l'Union européenne, de la Ligue arabe et des Nations unies, s'est réuni le 30 avril 2018 pour réitérer son soutien au plan de Ghassan Salamé. Une délégation avec à sa tête Frederica Mogherini était également présente à la rencontre organisée à Paris le 29 mai 2018.

L'action de l'UE peut également s'inscrire en dehors du cadre onusien, tout en restant en soutien de la mission de la MANUL . C'est le cas des sanctions autonomes, dont celles à destination des personnalités politiques comme Aguila Saleh, dont le comportement a été sanctionné pour freiner la résolution de la crise politique.

Dans la perspective des prochaines élections, le soutien de l'UE pourrait prendre la forme de l'envoi d'une mission d'observation électorale.

b) Un soutien civil et militaire

Dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune, l'Union déploie deux opérations, l'une civile sur le territoire libyen (EUBAM Libye), la seconde militaire au sud de la Mer Méditerranée centrale (Eunavfor Med Sophia ).

La mission d'assistance de l'Union européenne pour une gestion intégrée des frontières en Libye (EUBAM Libya) a été décidée le 22 mai 2013 par la décision 2013/233/PESC du Conseil 137 ( * ) . Les objectifs stratégiques de l'opération sont de soutenir les autorités libyennes officielles afin d'assurer la sécurité aux frontières (terrestres, maritimes et aériennes). Sur le plus long terme, définir une stratégie plus large de gestion intégrée des frontières, de l'application des lois et de la justice pénale 138 ( * ) . Cette mission, qui devait avoir son quartier général à Tripoli, est aujourd'hui installée à Tunis pour des raisons de sécurité. Son bilan est contrasté malgré un budget de 31 millions d'euros pour la période 2017-2018. Elle serait délaissée et bloquée par les autorités libyennes, ce qui expliquerait son manque d'activité. La question de son maintien se pose nécessairement alors que son mandat a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2018 139 ( * ) .

L'opération militaire Eunavfor Med Sophia, déployée dans la partie sud de la Méditerranée centrale, a été lancée le 22 juin 2015 par la décision 2015/972 du Conseil européen 140 ( * ) . Son mandat a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2018 141 ( * ) . Sa principale mission est de démanteler le modèle économique des passeurs et des trafiquants d'êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale. Sa mission était organisée en quatre phases dont la deuxième est toujours en cours. Deux tâches secondaires de soutiens lui ont été confiées, à savoir la mise en oeuvre de l'embargo des Nations unies sur armes et la formation des gardes-côtes (résolutions 2292 (2016) et 2357 (2017)). Elle exerce également des activités de surveillance sur le trafic d'exportations illicites de pétrole en provenance de Libye conformément aux résolutions 2146 (2014) et 2362 (2017) du Conseil de sécurité.

L'opération Sophia , qui s'est vue confiée de nouvelles tâches de mise en oeuvre de l'embargo sur les armes, grâce notamment à l'insistance de la France, fait de l'UE l'organisation régionale la plus investie pour lutter contre les conséquences de la crise libyenne . Son efficacité pourrait cependant être renforcée : le rapport du secrétaire général du 11 mai 2018 sur la mise en oeuvre de la résolution 2357 (2017) faisait état de seulement trois inspections de navires pour 1 200 arraisonnements depuis juin 2016 142 ( * ) .

c) Un soutien humanitaire

La question humanitaire, dont la lutte contre le trafic d'êtres humains, est centrale dans l'action européenne en Libye et plus largement en Afrique. Elle prend la forme d'une action conjointe avec l'OIM et le HCR dans le cadre d'un programme de retours volontaires ou pour préserver les demandeurs d'asile ainsi que les réfugiés des conditions sécuritaires que connaît la Libye (voir supra p. 112).

L'Union européenne cherche également à lutter contre les causes profondes de la migration grâce notamment au Fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique. Cette action supposerait une plus grande clarté et transparence dans la manière dont les fonds sont dépensés et gagnerait à être endossée d'un mécanisme de suivi et d'évaluation (voir infra p. 158) .

3. Des États plus engagés que d'autres
a) La reconstruction du secteur de la sécurité : l'initiative tripartite

Les questions de la reconstruction d'une armée nationale et de l'unification des forces de police font l'objet d'un dialogue tripartite organisé par trois des pays voisins de la Libye, à savoir l'Algérie, l'Égypte et la Tunisie.

Cette initiative a reçu un soutien explicite à l'occasion de la réunion convoquée le 29 mai 2018 à Paris . Elle est pourtant parallèle à l'action onusienne et aucune référence n'y était faite avant la déclaration politique de Paris, il est fait état de l' « engagement de soutenir les efforts déployés par les Nations unies pour mettre en place des institutions militaires et de sécurité professionnelles, responsables et unifiées, d'encourager le dialogue en cours au Caire et d'oeuvrer de manière constructive en vue d'unifier les institutions militaires et de sécurité en Libye ».

Dans les faits, la médiation onusienne se focalise sur le processus politique plutôt que sur la mise en place des institutions militaires et de sécurité professionnelles. Pourtant cette thématique est essentielle compte tenu du nombre de milices sur le territoire et des rivalités entre groupes armés.

L'initiative du Caire a fait l'objet de plusieurs rencontres, réunissant notamment des officiers libyens de camps opposés. La dernière réunion entre ces trois pays s'est tenue à Alger le 28 mai 2018, soit la veille du sommet à Paris. Ce fut l'occasion pour les pays voisins de montrer leur unité et leur faculté à dépasser certaines divergences idéologiques pour afficher leur attachement au plan élaboré par Ghassan Salamé et la nécessaire poursuite de la coordination sécuritaire. En effet, ces trois pays sont au même titre que les autres pays frontaliers, les plus touchés par les conséquences qu'emporte la volatilité du contexte sécuritaire en Libye, ce qui explique la nature de cette initiative.

Ce dialogue vise l'élaboration d'un organigramme fonctionnel pour une nouvelle armée . C'est un défi de taille eu égard aux rivalités locales et tribales, qui gagnerait à bénéficier d'une plus étroite coordination avec l'action onusienne, compte tenu de l'imbrication des questions militaires et politiques.

En citant cette initiative, la déclaration de Paris cherchait certainement à l'encadrer davantage et éviter à ce qu'elle nuise à l'action du Ghassan Salamé dans l'hypothèse où elle peut constituer un canal parallèle et concurrent de négociation.

b) La reconstruction politique : une France proactive

La reconstruction politique de la Libye se concentre dans l'action des Nations unies sans pour autant qu'elle n'en dispose le monopole.

La France s'investit tout particulièrement dans la résolution de la crise politique libyenne et ce en appui de la MANUL. Depuis que le président de la République a érigé cette question comme priorité de la politique étrangère française , deux rencontres au sommet ont été organisées. Elles ont contribué à apaiser les tensions existantes et à créer les conditions favorables à une sortie de crise à l'issue de l'année 2018.

La médiation française a permis la rencontre de Fayez el-Serraj et de Khalifa Haftar, en présence de Ghassan Salamé, le 25 juillet 2017 à la Celle-Saint-Cloud. Cette initiative a fait l'objet de critiques , notamment pour son manque d'inclusivité : plusieurs États, historiquement proches de la Libye, tel que l'Italie, n'y étaient pas conviés, au même titre que certains représentants politiques et militaires dont le rôle est essentiel pour un règlement de la crise. L'approche jugée trop pragmatique de la France a également été invoquée : elle profiterait au maréchal Haftar, qui aurait gagné en légitimité sans qu'il ne soit de jure un représentant officiel libyen.

Cette initiative avait le mérite de créer les conditions favorables à l'entrée en fonction du nouveau RSSGNU Ghassan Salamé , en réunissant deux forces rivales. Alors même que la déclaration en dix points n'a pas été signée par les protagonistes, elle a permis à la solution politique de prendre le pas sur celle militaire , limitée à la lutte antiterroriste : « nous nous engageons à un cessez-le-feu et à nous abstenir de tout recours à la force armée pour ce qui ne ressort pas strictement de la lutte antiterroriste » 143 ( * ) .

Une nouvelle rencontre a été organisée le 29 mai 2018 à Paris . Les participants y étaient bien plus nombreux : les trois personnages clés des institutions mises en place par l'accord politique libyen de 2015, à savoir Aguila Saleh (président de la Chambre des représentants), Khaled al-Mishri (président du Haut conseil d'État) et Fayez el-Serraj (Premier ministre du GEN et président du Conseil présidentiel) étaient présents, au même titre que Khalifa Haftar (commandant en chef de l'autoproclamée armée nationale libyenne). Cette déclaration a connu le même sort que celle du 25 juillet 2017 : les parties ne l'ont pas signée et se sont seulement engagées oralement à la respecter. Ils se sont accordés sur un calendrier du processus constitutionnel et électoral.

Il est encore trop tôt pour évaluer le succès à moyen et long termes de cette rencontre. Ce fut toutefois une réussite en elle-même puisqu'elle a permis de déminer la situation et de produire un effet cliquet, en évitant tout retour en arrière. La présence de délégations de nombreux pays, d'organisations régionales ainsi que d'acteurs libyens nationaux et locaux, malgré le refus de certains d'y participer tels que les représentants de Misrata, a été le signe d'une ouverture de l'action initiée par la France en soutien de Ghassan Salamé.

La déclaration de Paris ne s'est pas limitée à traiter du processus politique. Elle a également appelé à l'ouverture d'une nouvelle campagne d'inscription sur les listes électorales, rappelé que les conditions objectives devront être réunies pour finaliser la transition politique. Des institutions militaires et de sécurité professionnelles unifiées devraient également être mises en place.

Cette déclaration n'est pas exempte de critiques. Son échéancier a été jugé trop ambitieux et non réaliste, conduisant certaines parties à critiquer l'obstination de la France à vouloir organiser des élections . Des élections régulières ne permettent pas toujours de rétablir la paix civile dans un pays, en témoignent les précédents en Afghanistan et en Irak.

En tout état de cause, la perspective des élections est partagée par une importante partie des Libyens, comme le démontre l'engouement autour des élections municipales . L'intérêt accordé par la France et la MANUL à organiser des élections s'explique également par l'échec rencontré pour amender l'accord de Skhirat. Il est donc important de déployer les meilleurs efforts pour convertir un moment qui semble de plus en plus propice à des élections, pour éviter que le statu quo ne perdure et ne profite aux milices ainsi qu'aux acteurs récalcitrants.

c) La reconstruction économique

La question économique est centrale. D'une part la Libye est l'un des principaux pays producteurs d'hydrocarbures dans le monde, d'autre part les affrontements, qui ont détruit un certain nombre d'infrastructures, supposent d'importantes reconstructions . Une réforme de l'économie libyenne, en faveur de la privatisation de certains secteurs, attireraient nécessairement des investisseurs étrangers. Ces derniers se positionnent progressivement, malgré un environnement des affaires encore dégradé, sur un marché de la reconstruction évalué par la Banque mondiale à 200 Mds $ sur 10 ans

De nombreux États s'intéressent à la reconstruction de l'État, comme l'Italie, qui bénéficie en tant que partenaire traditionnel, d'une bonne implantation territoriale. L'ENI est la société étrangère la mieux établie en Libye. Bien que la priorité du nouveau Gouvernement italien soit d'endiguer le flux migratoire et de trouver une solution aux défis concomitants, sa position le conduit naturellement à s'investir dans la reconstruction du pays. Contrairement à la France, qui avait cherché en vain à organiser par l'intermédiaire de Medef international et de la chambre de commerce franco-libyenne, la visite d'une délégation de chefs d'entreprises à Tripoli et Benghazi en mars 2018, un forum économique Italie-Libye s'est déroulé le 3 mars 2018.

Les pays de la région, l'Allemagne, les Britanniques ou la Chine feront certainement offices de principaux prétendants pour la reconstruction du pays. Les projets gelés à la suite des évènements de 2011 pourraient prochainement reprendre.

La France contribue pourtant aux efforts économiques via le programme d'Appui à la diversification économique et à l'entreprenariat 144 ( * ) mis en oeuvre par Expertise France avec BPI France et la GIZ, financé par des fonds de l'UE (7,8 M€ dont 200 000 € de contribution française), et dont l'objet est la promotion de l'entrepreneuriat privé 145 ( * ) .

La DG Trésor se mobilise aux côtés des opérateurs afin de reprendre pied en Libye dès que la situation sécuritaire le permettra. Les secteurs identifiés correspondent aux besoins exprimés par la partie libyenne. L'offre française est particulièrement attendue dans les domaines de l'énergie, des infrastructures (eau et assainissement), des transports et de la santé.

La France dans l'économie libyenne

En 2016-2017, la France était le 4 ème exportateur européen vers la Libye derrière l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne et le 13 ème à l'échelle mondiale, loin derrière la Chine, la Corée et la Turquie. La part de marché de la France s'élève à 1,3%.

La dégradation de la situation économique, engendrée par la révolution libyenne, a fortement affecté les exportations françaises vers la Libye passant d'un flux moyen de 600 M€ par an entre 2005 et 2011 à 440 M€ sur la période 2012-2017, soit un recul de près de 30%. En 2017, elles se sont limitées à 160 M€, soit leur plus faible niveau depuis 10 ans.

Les importations françaises en provenance de Libye sont passées de 2,8 Mds € en moyenne sur la période 2005-2011 à environ 2 Mds € entre 2012 et 2017 (-30%). Après avoir atteint un niveau historiquement bas en 2016 (510 M€), elles se sont élevées à 1,4 Md € en 2017 grâce à la forte reprise de la production pétrolière.

La balance des paiements libyenne est équilibrée en 2017 alors que le déficit atteignait 21,6 Mrds $ en 2014, 11,6 Mrds $ en 2015 et 7 Mrds $ en 2016.

Le stock d'IDE français en Libye était de 500 M€ en 2016. Il a sensiblement baissé depuis quelques années (il se situait à 750 M€ en 2014), après avoir augmenté dans les premières années post-révolution (400 M€ environ en 2011). Il n'a pour autant pas encore retrouvé son niveau pré-révolution, où il avait dépassé les 900 M€ en 2007 et 2009. Cette diminution du stock se traduit par une diminution de la part de la France dans le stock total d'IDE présents en Libye : 9% avant la révolution contre moins de 4% actuellement. Le stock d'IDE est concentré à 80% dans le secteur des industries extractives puis dans le secteur financier (10%), cette répartition structurelle étant relativement stable dans le temps.

Avant la révolution, le stock d'IDE français en Libye était de 900 M€ (soit 9% du total des IDE étrangers) contre 500 M€ en 2016 (soit 4%). Le stock était concentré à 80% dans le secteur des industries extractives (Total, Engie, Ponticelli, HeliUnion, Entrepose, Forasol, Geodis, Spie etTechnip) puis dans le secteur financier (10%). Cette répartition structurelle est relativement stable dans le temps.

Plusieurs contrats ont été suspendus au moment de la révolution sans que l'on puisse toutefois en évaluer le nombre ni le préjudice total. La plupart n'ont pu être honorés du fait de la situation sécuritaire et du changement d'autorités politiques.

En 2012, on dénombrait encore une quarantaine d'entreprises françaises implantées en Libye contre seulement une dizaine aujourd'hui opérant principalement à travers une filiale ou un représentant local. En 2016, 439 entreprises françaises de toute taille ont exporté des biens vers la Libye. Les 78 plus grandes entreprises réalisent à elles seules la moitié des exportations françaises.

d) Une implication variable parmi les membres du Conseil de sécurité

L'engagement varie selon les membres permanents du Conseil de sécurité. La dynamique en faveur de la résolution de la crise ne signifie pas pour autant que chaque État du P5 partage les mêmes intérêts .

Le positionnement de la France, tout particulièrement sur le plan politique, est connu de ses partenaires : en oeuvrant pour la reconstruction politique, en organisant des rencontres de haut niveau sur le sol français, elle s'affiche comme étant le pays le plus actif des cinq permanents dans la résolution de la crise.

Le Royaume-Uni, qui tient la plume au sein du Conseil de sécurité pour les résolutions concernant la Libye 146 ( * ) , est en retrait : les autorités britanniques sont actuellement absorbées par d'autres priorités, telles que les négociations pour sa sortie de l'UE.

La Chine n'est pas impliquée dans les champs de la reconstruction militaire et politique. En revanche, elle semblerait chercher à entrer dans le jeu de la reconstruction économique. Le contrat signé entre PetroChina et la NOC, pour importer du pétrole, est un premier signe de l'intérêt que porte la Chine à la Libye. En juin 2018, le ministre libyen des affaires étrangères et le chargé d'affaires chinois en Libye auraient discuté de la reprise des projets d'infrastructures chinois suspendus en 2011.

Pour la Russie, la Libye pourrait constituer une nouvelle opportunité afin de renforcer ses liens avec certains acteurs régionaux et participer au règlement de la crise. Or, il semblerait que la Fédération, dont la priorité reste le dossier syrien, n'ait pas à ce jour de véritable stratégie. Son soutien financier et matériel au camp de l'Est, avec notamment l'impression de 4 milliards de dinars libyens à destination de la Banque centrale de Benghazi s'explique, selon certains observateurs, par le profil militaire de Khalifa Haftar, qui s'est rendu à plusieurs reprises en Russie. En se rendant à Moscou, le maréchal Haftar aurait cherché un soutien financier et diplomatique, non seulement pour renforcer sa légitimité en Libye et sur la scène internationale, mais également pour l'aider à lever l'embargo sur les armes décrété par les Nations unies.

Les États-Unis, dont la lutte contre le terrorisme en Libye par l'intermédiaire de l'opération AFRICOM est indispensable, apparaissent comme étant dans une position d'attente. Les intérêts économiques seraient moindre, en témoigne par exemple le retrait de Marathon Oil de la Libye au profit de Total. Mais il n'est pas à exclure que les États-Unis bénéficient de facilités aux entreprises américaines dans l'optique de la reconstruction, notamment en contrepartie des efforts menés dans la lutte contre le terrorisme, comme le laisserait présager la rencontre de Fayez el-Serraj à Washington le 1 er décembre 2017.

En définitive, la France fait office d'exception dans le dossier libyen parmi les membres permanents du Conseil de sécurité. Les positions américaines et russes ne sont pour autant pas figées : un investissement plus prononcé de ces deux membres permanents n'est pas à exclure, que la sortie de crise approche ou qu'elle s'enlise.

4. L'apport des ONG dans le processus onusien : la médiation

Les crises migratoires, la situation rencontrée par les déplacés internes, les difficultés d'ordres économiques et sanitaires en Libye sont autant de défis pour l'action des ONG en mer et sur terre.

À côté de ces actions à vocation humanitaire, plusieurs ONG libyennes et étrangères telles que Promediation, Sant 'Egidio ou encore le Centre Henri Dunant pour le dialogue humanitaire (CDH) contribuent à la médiation entre les différents acteurs locaux, en appui ou en complémentarité du processus onusien.

Le CDH bénéficie d'un statut spécial, puisqu'il a été mandaté par le représentant spécial Ghassan Salamé, pour soutenir officiellement le processus de médiation onusien . Le centre contribue ainsi à la bonne compréhension du terrain et assure un degré de fluidité dans l'action de la MANUL. Plus probant encore, il travaille pleinement aux côtés de la mission de paix dans la perspective de la conférence nationale inclusive : à ce titre, elle organise des réunions à l'échelle locale, dans de nombreuses municipalités pour favoriser le dialogue au sein même de la population et que soient remontés les échanges à la MANUL. Au 21 mai 2018, le CDH avait contribué à l'organisation de 40 réunions dans 27 localités différentes.

La médiation à l'échelle locale est essentielle dans le contexte libyen pour deux raisons : non seulement parce que des conflits ont éclaté entre communautés mais aussi parce que certaines formes de gouvernances locales ont émergé pour pallier les défaillances de l'État.

Selon José S. Vericat et Mosadek Hobrara de l' International Peace Institute (IPI), cette médiation est essentielle dans la culture même des libyens 147 ( * ) . Elle encourage le dialogue, offre des solutions de réparation plutôt que de répondre par la violence et réconcilie certaines communautés.

Sans le soutien de la communauté internationale, la bonne conduite et la réussite du plan d'action des Nations unies seraient compromises. Le soutien des membres du Conseil de sécurité, de l'Union européenne et de plusieurs puissances est ainsi essentiel : il permet la mise en oeuvre des résolutions et contribue à faciliter le dialogue entre les parties.

Pourtant, certains États ont été critiqués pour leur engagement. Par exemple, les manoeuvres de l'Italie pour endiguer les flux de migrants, l'initiative tripartite pour ouvrir un canal de discussion parallèle à celle des Nations unies sur la réforme du secteur de la sécurité ou encore la France pour sa proactivité sur le plan politique (deux rencontres libyennes ont été organisées en France en l'espace de dix mois).

L'ensemble des initiatives, étatiques ou d'organisations non gouvernementales, devraient nécessairement servir le processus des Nations unies. Elles ne doivent pas le concurrencer et être étroitement coordonnées. Dans le cas inverse, la multiplication des initiatives parallèles serait contreproductive. Il est donc essentiel de s'organiser autour de l'action des Nations unies pour rassembler l'ensemble des acteurs autour d'un même canal de négociation, pour qu'ils ne puissent pas tirer à profit un manque d'unité de la Communauté internationale.


* 135 Conseil de sécurité des Nations unies, Déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2017/26, 14 décembre 2017.

* 136 Recommandation du Parlement européen du 30 mai 2018 à l'intention du Conseil, de la Commission et de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité concernant la Libye (2018/2017 (INI)), http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bTA%2bP8-TA-2018-0227%2b0%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fFR .

* 137 Voir supra p. 39

* 138 Décision 2013/233/PESC du Conseil du 22 mai 2013 relative à la mission d'assistance de l'Union européenne pour une gestion intégrée des frontières en Libye (EUBAM Libya), https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013D0233&qid =1511943861789&from=FR .

* 139 Décision (PESC) 2017/2162 du Conseil du 20 novembre 2017 modifiant la décision 2013/233/PESC relative à la mission d'assistance de l'Union européenne pour une gestion intégrée des frontières en Libye (EUBAM Libya), https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32017D2162&from=EN .

* 140 Voir supra p. 40 et 63

* 141 Décision (PESC) 2017/1385 du Conseil du 25 juillet 2017 modifiant la décision (PESC) 2015/778 relative à une opération militaire de l'Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED opération SOPHIA), https://club.bruxelles2.eu/wp-content/uploads/2017/07/de-eunavfor-med-sophia-modifac-prol-778170725.pdf .

* 142 Mise en oeuvre de la résolution 2357 (2017), rapport du Secrétaire général, 11 mai 2018, S/2018/451.

* 143 Déclaration conjointe du 25 juillet 2017 à la Celle-Saint-Cloud, http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/libye-rencontres-de-la-celle-saint-cloud/ .

* 144 « Support to Libya for economic integration, diversification and sustainable employment (SLEIDSE) »

* 145 Le programme comprend différents aspects dont la mise en place d'un incubateur de PME/PMI libyennes (Libyan Enterprise), ou encore la promotion des Chambres de commerce libyennes, afin de favoriser le développement du secteur privé libyen et de rééquilibrer le modèle de croissance dominé par le secteur pétrolier et le secteur public.

* 146 Le comité des sanctions est cependant présidé par les Pays-Bas.

* 147 J.S. VERICAT et M. HOBRARA, « From the Ground Up: UN Support to Local Mediation in Libya », International Peace Institute, Juin 2018.

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