III. RÉUSSIR LA DIGITALISATION DE L'ÉCONOMIE : LES ENJEUX DE LA FORMATION INITIALE ET DE LA FORMATION CONTINUE

A. LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DE LA DIGITALISATION

1. La transformation managériale

La digitalisation n'est pas uniquement un projet technologique. Pour être effective, elle doit aboutir à une modification en profondeur de l'organisation des entreprises. À l'approche traditionnelle « en cascade » qui favorise la multiplication des niveaux hiérarchiques doit succéder une organisation plus horizontale et plus agile, dans laquelle l'information diffuse instantanément et de manière générale.

Lors de son audition, Tahar Melliti, directeur général d'Alliance des industries du futur, a souligné le rôle fondamental des managers, notamment des managers intermédiaires. Ils sont les accompagnateurs privilégiés des salariés dans leur appropriation des technologies et doivent les rassurer sur leur valeur. Ce sont eux qui ont vocation à assurer l'appropriation et la diffusion au sein des organisations d'une véritable culture numérique, fondée sur l'intelligence collaborative, l'innovation ouverte, l'ouverture à un écosystème, la participation renforcée des salariés et l'évolution constante des métiers et des modes de travail.

Le dirigeant doit se montrer exemplaire dans le changement pour asseoir sa légitimité face à ses collaborateurs, ce qui implique qu'il soit lui-même sensibilisé aux enjeux du numérique et qu'il dispose de compétences techniques suffisantes. Le défi majeur est d'accompagner le changement dans les entreprises par un management collectif et de donner plus d'autonomie aux équipes.

La digitalisation des entreprises est donc avant tout une transformation managériale dont la réussite repose sur la capacité du dirigeant à définir une stratégie claire, à la partager auprès de l'ensemble des collaborateurs et à fédérer ces derniers autour d'un projet commun d'entreprise basé sur une vision partagée par tous .

2. L'accompagnement des salariés dans l'évolution de leurs compétences

La problématique associée à la révolution technologique est moins celle de la fin du travail que celle d'une immense transformation des emplois. Dans son livre blanc 88 ( * ) , Agora Industrie distingue trois catégories de compétences essentielles pour l'avenir .

Tout d'abord, et en lien direct avec la transformation des emplois par les technologies, des compétences techniques plus poussées sont requises pour les professionnels dont l'activité est transformée par l'utilisation du numérique dans leur entreprise. Comme on l'a vu, 80 000 emplois sont susceptibles d'être vacants dans le domaine des technologies de l'information d'ici à 2020. Parmi ces compétences techniques figurent des compétences liées à l'expertise numérique, mais également d'autres compétences numériques générales , qui ne se résument pas à la maîtrise d'outils numériques. Elles comprennent la capacité d'évoluer dans un univers numérisé et s'analysent comme la capacité à manifester un esprit critique et créatif, ou encore à utiliser les technologies digitales de manière responsable, notamment en matière de protection de la confidentialité, de l'environnement ou de la santé.

L'exigence accrue de compétences techniques non numériques s'explique également par une montée en complexité des tâches à effectuer , quel que soit le niveau de qualification. Ainsi, dans les métiers agricoles, l'automatisation de la culture sous serre demande aux salariés agricoles des compétences plus poussées en matière d'agronomie. De même, dans le secteur du commerce, on attend désormais des vendeurs un niveau d'expertise plus élevé face à des consommateurs eux-mêmes mieux informés.

L'utilisation croissante du numérique au travail implique par ailleurs la maîtrise de compétences cognitives générales en littératie, numératie ainsi que des compétences axées sur la résolution des problèmes , alors que les besoins en compétences impliquant des tâches physiques se réduisent.

Enfin, la digitalisation des entreprises s'accompagne d'une demande accrue généralisée pour des compétences sociales (travail en équipe, capacité à collaborer et à produire de manière collective) et situationnelles (autonomie, agilité, gestion des situations complexes, apprendre à apprendre). Deux raisons expliquent ce besoin accru en « compétences molles » ( soft skills ).

D'une part, ces compétences sont difficilement automatisables. Au fur et à mesure que la frontière technologique se déplace, la valeur des tâches non automatisables faisant appel aux compétences sociales et situationnelles augmente.

D'autre part, le numérique, en modifiant l'organisation du travail au sein des entreprises, renforce la demande de ce type de compétences à tous les niveaux alors qu'elles étaient jusqu'à peu attendues uniquement pour les emplois les plus qualifiés.


* 88 « Révolution humaine ? Un nouveau rôle pour les hommes et les femmes de l'industrie du futur », 2018.

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