Rapport d'information n° 627 (2017-2018) de M. Jean-Marie VANLERENBERGHE , fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales, déposé le 4 juillet 2018

Disponible au format PDF (1,1 Moctet)


N° 627

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1) de la commission des affaires sociales (2) sur la situation des finances sociales ,

Par M. Jean-Marie VANLERENBERGHE,
Rapporteur général,
Sénateur

(1) Cette mission d'évaluation est composée de : M. Jean-Noël Cardoux, président ; Mme Michelle Meunier, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, vice - présidents ; MM. Michel Amiel, Daniel Chasseing, Mme Véronique Guillotin, secrétaires ; MM. Bernard Bonne, Yves Daudigny, Gérard Dériot, Mmes Catherine Deroche, Élisabeth Doineau, Corinne Féret, Pascale Gruny, MM. Alain Milon, René-Paul Savary.

(2) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Mizzon, Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, M. Jean Sol, Mme Claudine Thomas, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe .

LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL

Les observations du rapporteur général

Pour la première fois depuis 2008, les comptes des administrations de sécurité sociale (ASSO) ont affiché un excédent de 5,1 milliards d'euros (0,2 % du PIB) en 2017.

Hors Caisse d'amortissement de la dette sociale et Fonds de réserve des retraites, dont la temporalité est différente, les ASSO présentent un besoin de financement de 7,4 milliards d'euros. Pour de nombreuses administrations et de nombreux régimes d'assurance sociale, l'année 2017 est en réalité une année de moindre déficit.

Cette amélioration des comptes sociaux repose, pour l'essentiel, sur la hausse des recettes des différents organismes, sous l'effet de la reprise économique et d'une augmentation marquée de la masse salariale.

Selon les dernières prévisions, l'année 2018 devrait consolider l'amélioration des comptes sociaux, avec un quasi retour à l'équilibre des comptes du régime général de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). L'ensemble des ASSO dégagerait un excédent de 0,7 point de PIB, de nouveau en nette amélioration par rapport à 2017.

Par la suite, les projections semblent confirmer l'hypothèse d'un équilibre durable des comptes sociaux, avec un excédent de 0,8 point de PIB pour l'ensemble des années 2019-2022.

Pour autant, la vigilance reste de mise, l'équilibre retrouvé des comptes sociaux restant, à ce stade, un équilibre instable.

En premier lieu, parce que cette trajectoire repose sur des prévisions de croissance optimistes d'ici à 2022 : selon le Gouvernement, la croissance du PIB serait supérieure à la croissance potentielle de l'économie française pendant six années consécutives, ce qui ne s'est jamais produit ces quarante dernières années.

En deuxième lieu, parce que la dette sociale demeure importante et pourrait constituer une lourde charge en cas d'augmentation des taux d'intérêts. Son remboursement dans les délais doit donc constituer une priorité.

En troisième lieu parce que les facteurs de modération de la trajectoire des dépenses des ASSO ne sont pas documentés par le Gouvernement.

Enfin et surtout, parce que les principes directeurs de la révision annoncée des relations financières entre l'État et la sécurité sociale ne sont toujours pas connus.

Il convient donc de ne pas relâcher l'effort mais, au contraire, à partir de principes simples, d'assurer la stabilité durable des comptes sociaux, en respectant l'identité de chaque régime.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Comme de coutume depuis 2015, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) a confié au rapporteur général de la commission des affaires sociales, Jean-Marie Vanlerenberghe, le soin de dresser, à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques, un premier bilan des comptes sociaux et des équilibres généraux de la loi de financement de l'année précédente et de tracer les perspectives pour l'année en cours.

Pour les comptes sociaux, le Parlement n'examine les résultats de la gestion de l'année écoulée que lors de l'examen de la première partie de la loi de financement pour l'année N+2, dont les annexes n'offrent qu'une présentation sommaire. Celle-ci fait l'objet des travaux de la commission des comptes de la sécurité sociale dont le champ se limite, au mois de juin, au régime général et au fonds de solidarité vieillesse. Avec le semestre européen, la présentation du programme de stabilité est devenue un temps fort dans le calendrier des finances publiques et singulièrement des comptes sociaux, en ajustant la trajectoire définie par les lois de programmation et les lois de financement.

Sur le fondement de ces différents documents dont les périmètres, les présentations et les chiffres ne sont pas toujours concordants, il est néanmoins possible de tirer de premiers enseignements sur la gestion de l'année écoulée.

En 2017, sous l'effet du dynamisme retrouvé de l'économie française, qui a fait progresser plus que prévu le niveau de leurs recettes, les comptes des administrations de sécurité sociale (ASSO) sont enfin revenus à l'équilibre, pour la première fois depuis l'éclatement de la crise financière. Les projections pour 2018 et les années suivantes prévoient même « une amélioration durable de l'équilibre des comptes sociaux » pour reprendre les termes du rapport préparatoire du Gouvernement au débat d'orientation des finances publiques.

Votre rapporteur général se félicite de cet événement, plusieurs fois annoncé et, jusque-là, repoussé à des jours meilleurs. Néanmoins, cette bonne nouvelle ne doit pas conduire les pouvoirs publics à un optimisme béat. Au contraire, la vigilance reste de mise.

D'une part, parce que l'excédent de 2017 traduit avant tout le résultat de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), les autres ASSO, notamment les régimes d'assurance sociale, restant presque tous en situation de déficit, certes amoindri.

D'autre part et surtout, parce qu'à ce stade, l'équilibre retrouvé des comptes sociaux est un équilibre instable. De nombreuses inconnues peuvent encore bouleverser la belle trajectoire dessinée par le Gouvernement : l'ampleur et la durée du cycle économique favorable, le poids d'une dette dont le remboursement à l'échéance doit demeurer une priorité, un dérapage toujours possible des dépenses, notamment sous l'effet de l'intégration d'un « risque » dépendance ou de la réforme des retraites à venir, mais aussi la révision annoncée des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, dont votre rapporteur général, malgré ses demandes répétées, ne connaît toujours pas les grandes lignes.

Exposé général

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. 2017, UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE POUR LES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE GRÂCE AU DYNAMISME DES RECETTES

A. UN RÉSULTAT GLOBAL DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE POSITIF DE 5 MILLIARDS D'EUROS

1. Malgré un solde global qui s'améliore, les régimes d'assurance sociale présentent un besoin de financement de 7,4 milliards d'euros

En 2017, le déficit public au sens de Maastricht s'est établi à 59,5 milliards d'euros en 2017, soit 2,6 % du PIB contre 3,4 % en 2016.

Au sein de cet ensemble, le résultat des administrations de sécurité sociale (ASSO) a affiché un solde positif de + 5,1 milliards d'euros, soit + 0,2 % du produit intérieur brut (PIB), à comparer à un déficit de 2,9 milliards d'euros en 2016.

Les ASSO ont ainsi contribué à près de la moitié de la réduction du déficit public de l'année dernière. Il est à noter que, pour les ASSO comme l'ensemble des administrations publiques, le solde de 2017 exprimé en points de PIB correspond à celui de l'année 2007, avant l'éclatement de la crise financière.

Déficit des administrations publiques au sens de Maastricht

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

en milliards d'euros

APU

- 63,5

- 138,9

- 135,8

- 105,0

- 100,4

- 85,4

- 84,4

- 78,7

- 75,9

- 59,5

ASSO

13,9

- 15,2

- 23,9

- 12,7

- 12,7

- 9,1

- 7,4

- 3,8

- 2,2

+ 5,1

en % du PIB

APU

- 3,2

- 7,2

- 6,8

- 5,1

- 4,8

- 4,0

- 3,9

- 3,6

- 3,4

- 2,6

ASSO

0,7

- 0,8

- 1,2

- 0,6

- 0,6

- 0,4

- 0,4

- 0,2

- 0,1

+ 0,2

Source : Insee, comptes nationaux

Cette amélioration du solde des ASSO est en nette progression par rapport à 2016, essentiellement du fait de l'augmentation des recettes, comme cela sera détaillé ci-après.

Évolution du solde des ASSO par rapport à l'année précédente

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, d'après Insee

Dans le détail, comme le montre le tableau suivant, la quasi-totalité des sous-catégories d'ASSO a vu leur solde s'améliorer l'année dernière, en particulier le régime général de la sécurité sociale, pour plus de la moitié.

Toutefois, malgré ces bons résultats d'ensemble, il est à rappeler qu'au sein des administrations de sécurité sociale, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve des retraites (FRR) s'inscrivent dans une temporalité différente des assurances sociales et des autres ASSO. En effet, le résultat de la Cades correspond à la différence entre ses recettes et ses frais financiers pour l'amortissement des déficits passés. Quant au fonds de réserve des retraites, son résultat est imputable au versement de 2,1 milliards d'euros qu'il effectue chaque année au profit de la Cades.

De ce fait, pour appréhender le besoin de financement des ASSO, il est plus correct de s'intéresser au solde de ces administrations hors Cades Celui-ci, bien qu'en amélioration, était encore négatif de 7,4 milliards d'euros.

Capacité (+) ou besoin (-) de financement des administrations de sécurité sociale en comptabilité nationale

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Écart
2017/2016

Assurances sociales

Régime général + FSV

- 14,0

- 11,7

- 11,1

- 9,0

-5,1

3,9

Retraites complémentaires

- 4,7

- 4,7

- 3,8

- 3,5

-2,2

1,3

Assurance chômage

- 3,6

- 4,0

- 4,0

- 4,3

-3,6

0,7

Autres ASSO

2,6

2,2

3,7

2,7

3,5

0,8

Cades

12,0

12,3

13,0

13,6

14,3

0,7

FRR

- 1,4

- 1,6

- 1,5

- 1,7

-1,8

- 0,1

Total

- 9,1

- 7,4

- 3,8

- 2,2

5,1

7,3

Total hors Cades et FRR

- 19,7

- 18,1

- 15,8

- 14,1

-7,4

6,7

Source : Cour des comptes, d'après Insee

2. Des recettes en forte progression
a) Une progression de la masse salariale qui se retrouve dans l'augmentation des recettes

Les recettes des ASSO se sont établies à 604 milliards d'euros en 2017, soit 49 % des recettes des administrations publiques.

La masse salariale du secteur privé, qui en est le principal déterminant, s'est inscrite en nette progression, de 4 %, soit 2,3 points au-dessus de la prévision initiale et bien davantage que les années précédentes (+ 2,4 % en 2016 et + 1,5 % en 2015).

Les hypothèses macro-économiques associées à la loi de financement pour 2017

Le rapport économique, social et financier (RESF) à partir duquel ont été bâties les lois financières de l'automne 2016, dont la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, prévoyait une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 1,5 %, une inflation de 0,8 % et une évolution de la masse salariale du secteur privé de 1,7 %. À propos de cette dernière hypothèse, le Haut conseil des finances publiques avait considéré qu'elle « pourrait être moindre ». L'année suivante, le RESF 2018 a révisé cette dernière prévision sur la masse salariale à 3,3 %.

Le taux de croissance du PIB en euros constants s'est finalement établi à 2,3 % en 2017, contre 1,2 % en 2016 et 1,1 % en 2015. L'inflation constatée est de 1 %. La croissance de la masse salariale s'est établie à 4 %, ce qui constitue une nette progression par rapport aux 2,4 % de 2016.

Les recettes des administrations de sécurité sociale ont progressé de façon parallèle, de 4 % en 2016 après 1,3 % en 2016, du fait de l'atténuation des effets du pacte de responsabilité, dont la dernière mesure de baisse de taux de cotisation était entrée en vigueur en avril 2016.

Recettes des ASSO en 2016 et 2017

(en milliards d'euros)

2016

2017

Recettes de production

20,0

20,1

Revenus de la propriété

4,1

3,7

Impôts et cotisations sociales

536,6

553,1

Impôts sur la production et les importations

57,1

57,9

Impôts courants sur le revenu et le patrimoine

115,3

118,3

Impôts en capital à recevoir

Transferts de recettes fiscales

- 0,3

-0,3

Cotisations sociales nettes

368,4

381,1

Impôts et cotisations dus non recouvrables nets

- 4,0

-3,8

Autres transferts

20,0

27,0

Total des recettes

580,7

604,0

Source : Insee

b) Un financement qui reste très largement assuré par des prélèvements sur le travail

Le financement des assurances sociales reste très largement assuré par des prélèvements sur le travail : les cotisations sociales représentent 63,1 % des recettes des ASSO en 2017.

Le tableau suivant retrace les taux des cotisations salariales et patronales de droit commun sous plafond de la sécurité sociale.

Taux réglementaires de cotisations sociales, des contributions sociales
et des taxes assises sur les salaires bruts au 1 er janvier 2018
(cas d'un salarié non cadre d'une entreprise de plus de 20 salariés)

Salariés non cadres

Taux de cotisation
(% du salaire brut)

Salarié

Employeur

Total

Cotisations de sécurité sociale

7,30 %

29,12 %

36,42 %

dont maladie, maternité, invalidité, décès

13,00 %

13,00 %

dont vieillesse plafonnée

6,90 %

8,55 %

15,45 %

dont vieillesse déplafonnée

0,40 %

1,90 %

2,30 %

dont allocations familiales

3,45 %

3,45 %

dont accidents du travail-maladies professionnelles
(taux moyen)

2,22 %

2,22 %

Contributions de sécurité sociale

9,53 %

0,30 %

9,83 %

dont CSG déductible (sur 98,25 % du salaire brut)

6,68 %

6,68 %

dont CSG non déductible (sur 98,25 % du salaire brut)

2,36 %

2,36 %

dont CRDS (sur 98,25 % du salaire brut)

0,49 %

0,49 %

dont contribution de solidarité pour l'autonomie

0,30 %

0,30 %

Autres cotisations ou contributions recouvrées par les URSSAF (*)

3,47 %

3 ,47 %

dont cotisation FNAL

0,50 %

0,50 %

dont contribution au dialogue social

0,02 %

0,02 %

dont versement transport

Taux du VT

Taux du VT

Chômage

0,95 % (**)

4,20 %

5,15 %

dont assurance chômage (jusqu'à quatre plafonds SS)

0,95 %

4,05 %

5,00 %

dont fonds de garantie des salaires (jusqu'à quatre plafonds SS)

0,15 %

0,15 %

Retraite complémentaire

3,90 %

5,85 %

9,75 %

dont ARRCO tranche 1 (jusqu'au plafond SS)

3,10 %

4,65 %

7,75 %

dont ARRCO tranche 2 (de un à trois plafonds SS)

8,10 %

12,15 %

20,25 %

dont AGFF tranche 1(jusqu'au plafond SS)

0,80 %

1,20 %

2,00 %

dont AGFF tranche 2 (de un à trois plafonds SS)

0,90 %

1,30 %

2,20 %

Contributions diverses (hors dépenses libératoires)

2,13 %

2,13 %

dont taxe d'apprentissage (hors contribution supplémentaire)

0,68 %

0,68 %

dont participation à la formation professionnelle

1,00 %

1,00 %

dont participation à l'effort de construction

0,45 %

0,45 %

Total des cotisations, contributions et taxes(***)

21,68 %

45,07 %

66,75 %

(*) Hors maladie Alsace-Moselle et chômage
(**) Jusqu'au 30 septembre 2018, 0 % ensuite
(***) En prenant en compte, pour le le taux de versement transport, celui de Paris, soit 2,95 %
Note : les totaux portent sur les prélèvements au niveau du plafond de la sécurité sociale
Source : Direction de la sécurité sociale

Ces taux faciaux sont affectés par trois éléments :

- Les allègements généraux de cotisations pour les salaires inférieurs à 1,6 Smic, dont le coefficient maximal est de 28,49 points ;

- La réduction de cotisation famille de 1,8 point (de 5,25 à 3,45 %) pour les salaires inférieurs à 3,5 Smic ;

- Le crédit d'impôt compétitivité emploi, équivalent à une réduction de cotisation même s'il prend la forme d'une réduction de l'impôt sur le revenu ou sur les sociétés, dont le taux était de 7 % en 2017.

Ces différents éléments modifient profondément le profil des cotisations patronales en fonction du niveau des salaires, en accroissant, après le déplafonnement des cotisations, la progressivité des prélèvements.

c) Des prélèvements obligatoires poussés par la croissance et par l'augmentation de la masse salariale

En 2017, le taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques est reparti à la hausse pour s'établir à 45,3 % du PIB, contre 44,4 % en 2015 et en 2016.

Avec 552,1 milliards d'euros, les prélèvements obligatoires au profit des ASSO représentent 53,2 % des prélèvements obligatoires .

Leur part dans le PIB augmente de 0,1 point pour s'établir à 24,1 % du PIB soit le même niveau qu'en 2015 et 2,3 points de plus qu'en 2007.

Prélèvements obligatoires des administrations publiques

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

En milliards d'euros

Ensemble des prélèvements obligatoires

795,8

825,1

876,7

914,7

946,8

958,9

975,0

994,7

1 038,0

Administrations de sécurité sociale

442,4

450,1

476,7

493,1

507,9

522,4

528,2

534,4

552,1

- Impôts (*)

135,8

137,2

151,0

158,4

162,6

167,5

170,0

171,4

175,9

- Cotisations sociales (**)

306,5

312,9

325,7

334,7

345,3

354,9

358,2

363,1

376,2

En % du produit intérieur brut

Ensemble des prélèvements obligatoires

41,0

41,3

42,6

43,8

44,8

44,6

44,4

44,6

45,3

Administrations de sécurité sociale

22,8

22,5

23,2

23,6

24,0

24,3

24,1

24,0

24,1

- Impôts (*)

7,0

6,9

7,3

7,6

7,7

7,8

7,7

7,7

7,7

- Cotisations sociales (**)

15,8

15,7

15,8

16,0

16,3

16,5

16,3

16,3

16,4

Source : Insee, comptes nationaux

3. Une progression des dépenses qui suit celle des prestations légales

Les dépenses des administrations de sécurité sociale s'établissent à 599 milliards d'euros en 2017, soit 45,7 % des 1 257 milliards d'euros de dépenses publiques. Leur progression a été contenue à 2,4 % par rapport à 2016.

S'agissant du régime général, les prestations légales (+ 2,4 %), qui pèsent pour 91 % des dépenses, expliquent en très grande partie cette évolution. L'inflation, demeurée relativement faible, a contribué à modérer cette hausse.

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), de 2,2 % en 2017, a de nouveau été respecté.

Seule une mesure de périmètre a eu un effet notable sur l'année écoulée : le transfert de l'État à l'assurance maladie du financement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT), pour un montant de 1,5 milliard d'euros.

4. Les régimes à gestion paritaire
a) Les régimes de retraites complémentaires : une amélioration du solde sous l'effet de la hausse des ressources

À fin 2017, les régimes complémentaires de retraites affichaient globalement un excédent de 0,3 milliard d'euros .

Comme l'illustre le tableau suivant, ce bon résultat est le fruit :

- de l'excédent de l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), qui poursuit sa montée en puissance depuis sa mise en place en 2005, et dont les droits servis aux bénéficiaires (268 millions d'euros) ne sont toujours pas en rapport avec les cotisations perçues (1,75 milliard d'euros) ;

- dans une moindre mesure, de l'excédent de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) ;

- et d'un déficit amoindri pour les autres régimes, en particulier des régimes Agirc et Arrco.


Résultats de l'ensemble des régimes de retraite complémentaire en 2017

(en milliards d'euros)

Régimes

Soldes

AGIRC-ARRCO (y compris AGFF)

- 2,3

Ircantec

+ 0,7

ERAFP

+ 2,0

Autres

- 0,1

Total Régimes complémentaires

+ 0,3

Source : ministère de l'action et des comptes publics

Pour ce qui concerne les régimes Agirc et Arrco, leur déficit technique conjugué s'est établi à 2,9 milliards d'euros, soit une amélioration de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2016 et de 2 milliards d'euros par rapport à la trajectoire prévue par l'accord national interprofessionnel du 30 octobre 2015.

Résultat des régimes Agirc et Arrco (dont AGFF)

(en millions d'euros)

2016

2017

Évolution

2016/2017

Cotisations des entreprises

71 136

73 327

3,1 %

Cotisations des tiers (Unédic, État)

3 737

3 791

Majorations de retard

76

66

Total des ressources

74 949

77 184

3,0 %

Allocations

76 692

77 858

1,5 %

Dotations à la gestion administrative et au fonds social

1 980

1 917

Divers

472

317

Total des charges

79 144

80 092

1,2 %

Résultat technique

- 4 195

- 2 908

Résultat financier

1 984

1 419

Résultat exceptionnel

77

920

Résultat global de l'exercice

- 2 134

- 569

Source : Agirc-Arrco

Après prise en compte de résultats financiers de 1,4 milliard d'euros et d'un résultat exceptionnel de 920 millions d'euros, le déficit des régimes était de 569 millions d'euros. Les régimes de retraite complémentaire ne pouvant avoir recours à l'endettement, ces déficits sont compensés par un prélèvement sur les réserves.

L'amélioration des résultats tient avant tout à un dynamisme exceptionnel des recettes (73,3 milliards d'euros), qui progressent de nouveau de 3 % sous l'effet :

- d'une progression de la masse salariale Agirc-Arrco de 3,6 % l'année dernière ;

- de la poursuite du plan d'économies d'un montant de 300 millions d'euros pour la période 2016-2018. Ainsi, le niveau du point Agirc-Arrco n'a pas varié en 2017 et les dotations à la gestion administrative et au fonds social ont diminué, conformément aux dispositions de l'accord du 30 octobre 2015.

Au total, avec une augmentation de 1,2 %, les charges progressent nettement moins vite que les ressources.

Les réserves des régimes représentent 62,5 milliards d'euros . Ces réserves ont bénéficié de 5 milliards de recettes exceptionnelles liées au passage à la mensualisation qui a représenté un gain comptable de 9 milliards d'euros. Versant les pensions trimestriellement le premier jour du trimestre alors qu'ils ne percevaient les cotisations que le dernier jour du trimestre, les régimes étaient tenus de conserver un fonds de roulement substantiel qui a pu, avec le passage à la mensualisation, être intégré aux réserves.

Les enjeux majeurs restent la fusion des régimes, prévue pour janvier 2019 par un accord des partenaires sociaux en date du 17 novembre 2017 et dans la perspective de laquelle des sujets importants restent à négocier, comme les règles de réversion, les majorations pour enfants, le devenir de la garantie minimale de points (GMP), le sort de la cotisation AGFF, qui arrive à échéance le 31 décembre 2018 ainsi que le taux et l'assiette de la contribution exceptionnelle et temporaire (CET).

b) Le régime d'assurance-chômage : une amélioration du solde, une dette qui demeure très élevée

Le solde de l'assurance-chômage était de - 3,4 milliards d'euros au 31 décembre 2016. Ce solde est un peu meilleur que celui figurant dans la prévision de février 2017 (3,6 milliards d'euros).

Comme pour de nombreux régimes, le dynamisme des ressources, poussé par la hausse de la masse salariale du secteur privé, a été un facteur important d'amélioration des comptes.

Situation financière de l'assurance-chômage au 31 décembre 2017

(en millions d'euros)

Recettes

36 364

Dépenses

39 874

Allocations brutes (ARE, AREF, ASP)

33 194

Aides (dont ARCE)

688

Prélèvements sociaux

- 2 009

Reversements et compléments

4 176

Financement Pôle Emploi

3 421

Frais financiers

405

Solde après éléments exceptionnels

- 3 444

Endettement net bancaire

- 33 549

Source : Unédic

Conséquence logique de ce nouveau déficit, la dette de l'Unédic s'est de nouveau accrue en 2017, passant à 33,5 milliards d'euros. Les charges financières de l'exercice ont représenté 370 millions d'euros.

Selon le rapport sur les perspectives financières de l'assurance-chômage 2018-2021, cette dette connaîtrait un pic aux alentours de 35 milliards d'euros en 2019 avant d'entamer sa décrue à compter de 2020, sous l'effet de la baisse du nombre de demandeurs d'emploi indemnisés et des mesures prises dans le cadre de la convention d'assurance chômage d'avril 2017. Plus que pour tout autre régime, la réalisation de ce plan est étroitement liée à la conjoncture économique de moyen terme, les recettes comme les dépenses de l'assurance chômage y étant particulièrement sensibles.

Votre rapporteur général y reviendra plus en détail infra .

5. Le Fonds de réserve des retraites (FRR)

Depuis la réforme des retraites de 2010, le FRR ne perçoit plus de recettes et en application de la loi de financement pour 2011, il verse chaque année, jusqu'en 2024, 2,1 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale.

En 2017, le produit net des placements du FRR, 2,4 milliard d'euros, ce qui représente une performance de 7,2 %, a plus que compensé le versement à la Cades.

Au 31 décembre 2017, l'actif net du fonds de réserve des retraites s'établissait à 36,4 milliards d'euros, soit une hausse nette d'environ 0,4 milliard d'euros par rapport au 31 décembre 2016.

Au 1 er janvier 2011, l'actif net du FRR s'établissait à 37 milliards d'euros. Grâce aux produits financiers, le versement de 15 milliards d'euros cumulés à la Cades n'a donc entamé cet actif que d'environ 600 millions d'euros.

Le FRR indique que son surplus après paiement du passif représente 14,27 milliards d'euros au 31 décembre 2016.

Toutefois, comme le souligne le Conseil d'orientation des retraites, le rôle du FRR gagnerait à être clarifié, le montant de ses actifs ne lui permettant pas d'accomplir, le moment venu, sa mission première, à savoir permettre au système de retraite de supporter le choc démographique qu'il va subir ces prochaines décennies.

6. Un poids de la dette sociale qui décroît légèrement en 2017

La dette publique brute, au sens de Maastricht, s'élève à 2 218,4 milliards d'euros fin 2017, soit 96,8 % du PIB, en augmentation de 0,2 point.

La contribution à la dette publique des administrations de sécurité sociale s'établit à 226,1 milliards d'euros , soit 9,9 % du PIB, en diminution de 0,2 point.

Dette des administrations publiques au sens de Maastricht

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

en milliards d'euros

ASSO

151,6

175,2

204,7

211,0

211,7

216,7

220,3

224,9

226,1

APU

1 530,7

1 631,7

1 753,7

1 868,3

1 952,7

2 037,8

2 101,3

2 152,5

2 218,4

en % du PIB

ASSO

7,8

8,8

9,9

10,1

10,0

10,1

10,0

10,1

9,9

APU

78,9

81,6

85,2

89,5

92,3

94,9

95,6

96,6

96,8

Source : Insee, comptes nationaux

À la différence de la dette de l'État, la dette sociale est composite. Sa ventilation n'étant pas publiée par l'Insee, votre rapporteur général ne peut qu'en proposer une répartition indicative à partir de sources différentes et qui ne tient pas compte des nécessaires retraitements qui permettraient leur agrégation.

Ces précautions énoncées, la dette sociale comprend notamment :

- la dette restant à amortir au sein de la Cades : 120,8 milliards d'euros ;

- la dette portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), estimée à environ 23 milliards d'euros ;

- la dette hospitalière, de l'ordre de 30 milliards d'euros ;

- la dette du régime d'assurance chômage, d'environ 33,5 milliards d'euros ;

- la dette logée dans les autres régimes, non connue dans le détail.

Votre rapporteur général juge indispensable que le Parlement ne doive plus se contenter de ces approximations et que les documents annexés au PLFSS présentent une répartition à jour et détaillée des différentes composantes de la dette sociale.

B. LES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

Le déficit du régime général et du FSV s'établit à 5,1 milliards d'euros en 2017 .

Il enregistre une amélioration de 2,7 milliards d'euros par rapport à 2016.

Solde du régime général et du FSV de 2012 à 2017

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Maladie

- 5,9

- 6,8

- 6,5

- 5,8

- 4,8

- 4,9

AT-MP

- 0,2

0,6

0,7

0,7

0,8

1,1

Vieillesse

- 4,8

- 3,1

- 1,2

- 0,3

0,9

1,8

Famille

- 2,5

- 3,2

- 2,7

- 1,5

- 1

- 0,2

Régime général

- 13,3

- 12,5

- 9,7

- 6,8

- 4,1

- 2,2

FSV

- 4,1

- 2,9

- 3,5

- 3,9

- 3,6

- 2,9

Régime général+ FSV

- 17,5

- 15,4

- 13,2

- 10,8

- 7,8

- 5,1

Source : CCSS, juin 2018

L'amélioration du solde en 2017 concerne l'ensemble des branches, à l'exception de la branche maladie.

Évolution du solde du régime général et du FSV par rapport à 2016

(en milliards d'euros)

Maladie

- 0,1

AT-MP

0,3

Vieillesse

0,8

Famille

0,8

Régime général

1,9

FSV

0,7

Régime général+ FSV

2,7

Source : Commission des affaires sociales d'après CCSS, juin 2018

Cette amélioration est cependant inférieure de 0,6 milliard d'euros à la prévision de la loi de financement pour 2017.

Comparaison des soldes 2017 du régime général du FSV
par rapport aux prévisions pour 2017 des LFSS 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

LFSS 2017

Rectification
LFSS 2018

Soldes 2017

Écart
LFSS 2017

écart
LFSS 2018

Maladie

- 2,6

- 4,1

- 4,9

- 2,3

- 0,8

AT-MP

0,7

1,0

1,1

0,4

0,1

Vieillesse

1,6

1,3

1,8

0,2

0,5

Famille

0,0

0,3

- 0,2

- 0,2

- 0,5

Régime général

- 0,4

- 1,6

- 2,2

- 1,8

- 0,6

FSV

- 3,8

- 3,6

- 2,9

0,9

0,7

Régime général + FSV

- 4,2

- 5,2

- 5,1

- 0,9

0,1

Source : Commission des affaires sociales, d'après LFSS et CCSS

L'écart à la prévision le plus important se concentre sur la branche maladie, que n'explique pas le seul contrecoup de l'affectation à cette branche, en 2016, d'un produit de 700 millions d'euros contestée par la Cour des comptes.

Le déficit du FSV est meilleur que prévu mais reste à un niveau élevé de - 2,9 milliards d'euros.

La progression des dépenses du régime général a été contenue à 2,4 % tandis que les recettes ont crû de 3,2 %.

Globalement, comme le montre le tableau suivant, les résultats constatés se sont révélés très proches de la prévision rectifiée de la LFSS pour 2018, en recettes comme en dépenses.

Dépenses, recettes et solde du régime général en 2017

(en milliards d'euros)

LFSS 2018

CCSS juin 2018

écart

Recettes

377,8

377,7

- 0,1

Dépenses

379,4

379,8

0,5

Solde du régime général

- 1,6

- 2,2

- 0,6

Solde ensemble RG+FSV

- 5,2

- 5,1

0,1

Source : LFSS et CCSS juin 2018

Les ressources affectées au régime général se sont élevées à 377,8 milliards d'euros en 2017, en forte progression en raison de leur dynamique spontanée, l'effet « mesures » n'étant que très résiduel. S'agissant des recettes fiscales, comme le relève la commission des comptes de la sécurité sociale, les effets du contrecoup de recettes indument enregistrées en 2016 et de la non-compensation d'un crédit d'impôt portant sur la taxe sur les salaires (CITS) ont été en partie absorbés par le relèvement de la fiscalité sur les tabacs et la hausse des taux de cotisation vieillesse déplafonnée.

La structure de ces recettes n'aura été, au bout du compte, que peu affectée par le pacte de responsabilité. Ainsi, en 2017, elles se composaient de 56 % de cotisations, 24 % de CSG et 17 % d'autres impôts, contributions et taxes affectées. Comme détaillé infra , cette répartition devrait en revanche évoluer très sensiblement en 2018 puis 2019.

Répartition des recettes du régime général et du FSV
(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales, d'après CCSS juin 2018

S'agissant des dépenses, elles ont évolué sous l'effet :

- d'une dynamique spontanée estimée, pour l'ensemble du régime général, à 3,4 points ;

- d'une inflation encore relativement faible, dont l'effet global serait de 0,1 point ;

- de mesures relatives à l'Ondam, à l'âge de la retraite ou encore à la politique familiale qui ont eu un effet modérateur de la dépense évalué à 1,4 point ;

- et de l'intégration des ESAT, dont l'impact en termes de dépenses s'est élevé à 0,4 point.

Les autres régimes de base apportent une contribution globalement positive de 0,3 milliard d'euros au solde des régimes obligatoires de base qui s'établit à - 1,9 milliard d'euros en 2017.

Ces régimes sont à l'équilibre, à l'exception du régime exploitants agricoles de la MSA, déficitaire de 0,2 milliard d'euros, tandis que la CNAVPL, la CNBF et la CRPCEN enregistrent des excédents respectifs de 0,6 milliard d'euros pour la première et de 0,1 milliard d'euros pour les deux autres. Le solde global des régimes spéciaux est évalué à - 0,1 milliard d'euros par la commission des comptes.

1. La branche maladie, une faible amélioration du déficit en 2016 qui ne traduit pas d'évolution structurelle
a) Un solde à corriger d'éléments exceptionnels

La branche maladie présente un déficit de 4,888 milliards d'euros en 2017, en augmentation de 106 millions d'euros par rapport à un résultat 2016 faussement majoré, il est vrai, par l'intégration contestée par la Cour des comptes de 0,74 milliard d'euros de CSG dans les recettes de l'exercice 2016.

En 2017, à l'inverse, ces comptes traduisent une erreur en sens inverse de 0,2 milliard d'euros, résultant de la double comptabilisation, à tort, des dépenses hospitalières de la caisse de sécurité sociale de Mayotte.

Dépenses, recettes et solde de la branche maladie en 2017

(en milliards d'euros)

PLFSS 2017

CCSS

écart

Recettes

203,2

201,4

- 1,8

Dépenses

205,9

206,3

+ 0,4

Solde

- 2,6

- 4,9

- 2,3

Source : CCSS juin 2018

Le déficit de l'assurance maladie s'est révélé supérieur de 2,3 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale, et même de 0,8 milliard d'euros par rapport à la prévision révisée figurant dans la LFSS 2018.

Le tableau suivant retrace les charges et les produits de la branche enregistrés sur l'exercice 2017.

Charges et produits de la branche maladie du régime général

(en millions d'euros)

2017

Prestations sociales

193 582

Ondam

181 268

hors Ondam

12 314

Transferts

6 008

Transferts vers les régimes de base

1 235

Autres transferts

4 773

Charges de gestion courante

6 642

Autres charges nettes

77

Charges nettes

201 422

Cotisations, impôts et taxes nets

194 546

Cotisations sociales brutes

90 267

Cotisations prises en charge par l'État

3 049

CSG brute

71 152

Impôts, taxes et autres cotisations sociales bruts

31 056

Charges nettes de non recouvrement

- 977

Transferts nets

2 768

Transferts des régimes de base

1 259

Autres transferts

1 508

Autres produits nets

4 108

Produits nets

201 422

Résultat net

- 4 888

Source : CCSS juin 2018

b) L'Ondam 2017, la persistance d'une sous-exécution de l'Ondam hospitalier

D'après l'avis du comité d'alerte diffusé le 30 mai 2018, confirmé par la commission des comptes de la sécurité sociale, les dépenses entrant dans le champ de l'Ondam s'élèveraient à 190,7 milliards d'euros en 2017, soit l'objectif fixé par la LFSS 2017 qui n'avait pas été rectifié par la LFSS 2018. Pour la septième année consécutive, l'Ondam serait donc respecté en 2017.

Néanmoins, cette parfaite exécution ne se retrouve pas au niveau des sous-objectifs, comme le montre le tableau suivant.

Exécution de l'Ondam par rapport aux prévisions

(en milliards d'euros)

Objectif
LFSS 2017

Objectif rectifié
LFSS 2018

Dépenses
constatées

Écart

Évolution
en %

Soins de ville

86,6

86,8

87,2

0,4

2,2 %

Établissements de santé

79,2

79,0

78,6

- 0,4

1,8 %

Médico-social

20,1

19,9

20,0

0,1

3,1 %

Fonds d'intervention régional

3,2

3,3

3,2

- 0,1

2,4 %

Autres prises en charge

1,7

1,6

1,7

0,1

6,9 %

Total

190,7

190,7

190,7

0

2,2 %

Sources : LFSS 2017 et 2018, et avis du comité d'alerte n°2018-2

Les dépenses de soins de ville sont en effet supérieures de 0,6 milliard d'euros au sous-objectif fixé par la LFSS pour 2017 et de 0,4 milliard d'euros par rapport à l'objectif rectifié par la LFSS pour 2018, ce qui représente un taux de progression de 2,2 %.

Au sein de ce sous-objectif, plusieurs postes ont enregistré un taux de croissance supérieur à 3 % :

- les honoraires médicaux et dentaires ont augmenté de 3,1 %, après 3,2 % en 2016 ;

- les honoraires paramédicaux ont progressé de 3,5 %, après les + 4,2 % de l'année précédente ;

- les transports de malades progressent de 3,9 % ;

- les dispositifs médicaux restent un poste de dépenses très dynamique, en progression de 3,9 %, après les 5,8 % de 2016 ;

- les indemnités journalières enregistrent une nouvelle progression de 3,8 %, après 4,3 % en 2016, le rendement des actions de maîtrise médicalisée ayant finalement été nul alors qu'il était initialement estimé à 100 millions d'euros.

Les versements de l'assurance maladie aux établissements de santé sont, eux, inférieurs du même montant aux prévisions successives de ces deux LFSS . Par rapport à l'année dernière, ce sous-objectif affiche une hausse de 1,8 %.

Il est à relever que, dans le cadre des opérations de fin de gestion de l'Ondam, il avait été décidé à fin décembre 2017 de maintenir 180 millions d'euros de mises en réserve et d'annuler 20 millions d'euros supplémentaires de crédits hospitaliers. Toutefois, à la suite d'une importante révision à la baisse de l'activité hospitalière de la fin de l'année 2017, constatée en début d'année 2018, 250 millions d'euros de crédits complémentaires ont, in fine , été attribués aux hôpitaux.

Votre rapporteur général a déjà développé à plusieurs reprises ses fortes réserves quant à la construction de l'Ondam 1 ( * ) et n'y reviendra pas dans le cadre du présent rapport.

Il souligne néanmoins que la situation des hôpitaux , tant matérielle que financière, ne permet plus la poursuite d'une régulation consistant à « tenir » l'Ondam en faisant subir aux établissements de santé les coupes correspondant aux dépassements des dépenses de médecine de ville .

Une véritable remise à plat du système est donc devenue indispensable à court terme. Le plan santé du Gouvernement, dont l'annonce est désormais prévue début septembre, constituera donc un rendez-vous décisif.

2. La branche vieillesse et le fonds de solidarité vieillesse, un solde global qui reste déficitaire

La branche vieillesse + FSV enregistre une nouvelle amélioration nette de son solde, avec un déficit d'ensemble ramené à 1,141 milliard d'euros.

a) La branche vieillesse

Comme l'année dernière, la branche vieillesse est restée excédentaire en 2017, son solde positif passant même de 883 millions d'euros à 1,797 milliard d'euros.

Dépenses, recettes et solde de la branche vieillesse en 2017

(en milliards d'euros)

PLFSS 2017

CCSS

écart

Recettes

126,5

126,6

0,1

Dépenses

125

124,8

- 0,2

Solde

1,6

1,8

0,2

Source : CCSS juin 2018

La progression des prestations de retraite est restée contenue à 1,6 %, qui s'explique en particulier par la fin de la montée en charge du relèvement progressif de l'âge légal de départ en retraite de 60 à 62 ans et de l'âge d'annulation de la décote de 65 à 67 ans. Ce phénomène a entraîné des creux de départ à la retraite fin 2016, minorant ainsi le montant des prestations versées en 2017. En outre, la revalorisation de 0,8 % des pensions au 1 er octobre 2017 n'a qu'un impact de 0,2 % en moyenne annuelle, les pensions n'ayant pas été revalorisées en octobre 2016.

Les produits bénéficient d'un dynamisme marqué des cotisations sociales, lié pour l'essentiel à la croissance de la masse salariale privée et à l'augmentation de 0,1 point des taux de cotisation déplafonnée. Cette hausse a permis une progression des recettes de 4 % en 2017 malgré le transfert à d'autres branches de quelque 1,5 milliard d'euros d'autres recettes de la Cnav l'année dernière.

Charges et produits de la branche vieillesse du régime général

(en millions d'euros)

2017

Prestations sociales nettes

115 510

Droits propres

104 227

Droits dérivés

10 786

Autres prestations nettes

497

Transferts nets

7 915

Compensation démographique

4 545

Autres transferts (dont transferts d'équilibrages)

3 370

Charges de gestion courante

1 339

Autres charges nettes

39

Charges nettes

124 804

Cotisations, impôts et taxes nets

97 069

Cotisations sociales brutes

83 327

Contributions, impôts et taxes

14 697

Charges nettes de non recouvrement

- 956

Transferts nets

29 249

Transferts avec régimes de base et complémentaires

11 544

Transferts des régimes de base avec les fonds

17 697

Autres produits nets

284

Produits nets

126 601

Résultat net

1 797

Source : CCSS juin 2018

b) Le fonds de solidarité vieillesse

Le déficit du FSV s'est élevé à 2,938 milliards d'euros en 2017, une amélioration de 0,7 milliard d'euros par rapport à 2016 et de 0,9 milliard d'euros par rapport à la prévision de la LFSS pour 2017.

Dépenses, recettes et solde du FSV en 2017

( en milliards d'euros)

LFSS 2017

CCSS

écart

Recettes

15,7

16,6

0,9

Dépenses

19,6

19,8

0,2

Solde

- 3,8

- 2,9

0,7

Source : CCSS juin 2018

Cet écart à la prévision s'explique pour l'essentiel par l'extinction progressive de la participation du fonds au financement du minimum contributif (MICO), qui ira jusqu'à son annulation en 2020.

Cette participation s'est élevée, en 2017, à 2,5 milliards d'euros, soit 1 milliard de moins que l'année précédente.

Charges et produits du FSV

(en millions d'euros)

2017

Transferts nets

19 438

Transfert des régimes de base avec les fonds

19 085

Prises en charge de cotisations

13 492

Prise en charge de prestations

5 593

Transfert avec les régimes complémentaires

352

Autres charges nettes

126

Charges nettes

19 564

Contributions, impôts et taxes nets

16 626

CSG brute

10 059

Contributions sociales diverses

6 788

Impôts et taxes

14

Charges nettes de non recouvrement

- 235

Autres produits nets

0

Produits nets

16 626

Résultat net

- 2 938

Source : CCSS juin 2018

3. La branche famille

Avec un déficit de 200 millions d'euros, la branche famille n'a pas tout à fait atteint l'objectif de retour à l'équilibre figurant dans la LFSS 2017, mais elle a poursuivi sa trajectoire d'amélioration de son solde (+ 797 millions d'euros par rapport à 2016).

Dépenses, recettes et solde de la branche famille en 2017

( en milliards d'euros)

LFSS 2017

CCSS

écart

Recettes

49,9

49,8

0,1

Dépenses

49,9

50,0

0,1

Solde

0

- 0,2

- 0,2

Source : CCSS juin 2018

Après deux années de fort chamboulement, marquées, en particulier, par le transfert à l'État de la quasi-totalité des dépenses d'aides au logement auparavant portées par la Cnaf, pour un montant de l'ordre de 9 milliards d'euros, l'exercice 2017 marque un retour à une certaine stabilité :

- le périmètre des dépenses n'a pas été modifié ;

- le champ des recettes a enregistré une baisse de 0,16 milliard d'euros.

Néanmoins, les produits de la branche ont augmenté de 2,4 %, sous l'effet du dynamisme de la conjoncture économique. Dans le même temps, après deux années de baisse, les charges de la branche ont progressé de 0,7 %, principalement du fait des prestations extra-légales (+ 6,3 %), en particulier le financement des modes de garde collectifs.

Charges et produits de la branche famille

(en millions d'euros)

2017

Prestations sociales nettes

36 735

Prestations légales nettes

31 305

Prestations extralégales nettes

5 431

Transferts versés nets

10 204

Charges de gestion courante

2 981

Autres charges nettes

37

Charges nettes

49 957

Cotisations, impôts et taxes nets

48 627

Cotisations sociales brutes

30 192

Cotisations prises en charge par l'Etat

852

CSG brute

10 168

Impôts, taxes et autres cotisations sociales bruts

7 592

Charges nettes de non recouvrement

- 177

Transferts nets

345

Autres produits nets

785

Produits nets

49 757

Résultat net

- 200

Source : CCSS juin 2018

4. La branche AT-MP

La branche AT-MP accroît son excédent en 2017, à 1,130 milliard d'euros après 762 millions d'euros en 2016 malgré le transfert de cotisations (0,06 point) au profit de l'assurance-maladie.

Dépenses, recettes et solde de la branche AT-MP en 2017

( en millions d'euros)

LFSS 2017

CCSS

écart

Recettes

12,8

12,8

0

Dépenses

12,1

11,7

- 0,4

Solde

0,7

1,1

0,4

Source : CCSS juin 2018

Le tableau suivant détaille les produits et les charges de la branche.

Charges et produits de la branche AT-MP du régime général

(en millions d'euros)

2017

Prestations sociales nettes

8 766

Prestations Ondam nettes

3 890

Prestations hors Ondam nettes

4 877

Transferts

2 057

Charges de gestion courante

893

Autres charges nettes

11

Charges nettes

11 728

Cotisations, impôts et taxes nets

12 468

Cotisations sociales brutes

12 737

Impôts, taxes et autres cotisations sociales bruts

0

Charges nettes de non recouvrement

- 270

Autres produits nets

378

Produits nets

12 858

Résultat net

1 130

Source : CCSS juin 2018

Le niveau des charges de la branche a légèrement diminué (- 0,6 %), seul le niveau des indemnités journalières ayant progressé de manière notable l'année dernière (+ 5,8 %).

En revanche, les produits ont progressé de 2,4 %, tirés, en particulier, par des cotisations dynamiques (+ 3 %).

5. Des déficits 2017 portés par l'Acoss en trésorerie

À la suite de la saturation du plafond de transfert fixé par la LFSS pour 2011 pour les années 2011 à 2018, aucun nouveau transfert à la Cades ne peut intervenir sans affectation de recettes nouvelles.

À la date du 31 décembre 2017, l'Acoss portait donc en trésorerie la totalité des déficits de l'année, qui s'ajoutaient aux déficits des deux années précédentes soit un montant total d'environ 23,4 milliards d'euros .

Conformément à sa mission de trésorerie pour le compte des différentes branches, l'Acoss se finance impérativement par produits infra annuels. La situation particulière de taux d'intérêts très bas lui a une nouvelle fois permis de se financer à taux négatif sur l'année écoulée, comme auparavant en 2015 et 2016. Son résultat financier est donc positif et s'établit à 125,7 millions d'euros, avec un taux moyen de financement de - 0,656 % en 2017.

6. La Cades

Le montant des dettes reprises par la Cades à la fin de l'année 2017 s'élevait à 260,5 milliards d'euros. Aucune nouvelle dette n'a été reprise en cours d'année par la caisse.

Avec ses 17,3 milliards d'euros de ressources, la Cades a amorti 15 milliards d'euros de dettes en 2017 , soit légèrement plus que l'objectif de 14,9 milliards d'euros figurant dans la LFSS pour 2017.

À la fin de l'année 2017, la dette amortie par la Cades s'élevait à 139,7 milliards d'euros ; le montant de la dette restant à amortir s'élève à 120,8 milliards d'euros , soit 46 % de la dette reprise.

II. EN 2018, UNE CONSOLIDATION PROGRAMMÉE DES COMPTES DES ADMINISTRATIONS SOCIALES DONT L'AMPLEUR RESTE SUJETTE À CAUTION

A. UNE PRÉVISION D'EXCÉDENT GLOBAL DE 0,7 POINT DE PIB EN 2018

En 2018, les administrations de sécurité de sécurité sociale présenteraient un excédent de 0,7 point de PIB.

Dans cette hypothèse, le solde des ASSO retrouverait son niveau de 2008, c'est-à-dire son niveau d'avant-crise.

Solde des administrations de sécurité sociale depuis 2008
(en points de PIB)

Sources : Insee et programme de stabilité 2018-2022

Pour 2018, les prévisions associées au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale étaient de 1,7 % de croissance du PIB, de 3,1 % de progression de la masse salariale du secteur privé et de 1 % d'inflation.

Le programme de stabilité a révisé ces hypothèses, en prévoyant une croissance du PIB de 2 %, une inflation de 1,4 % et une progression de la masse salariale du secteur privé de 3,9 %, les données publiées par l'Acoss pour le premier trimestre de l'année 2018 montrant, pour leur part, un léger ralentissement de cette progression.

En 2018, les dépenses des ASSO connaîtraient une évolution de 2,4 %, en incluant, pour 2,5 milliards d'euros, le transfert à Pôle emploi des dépenses du Fonds de solidarité, précédemment comptabilisé parmi les ODAC 2 ( * ) . À périmètre constant, la hausse des dépenses serait limitée à 2 % seulement, principalement du fait de l'accélération des prestations vieillesse (+ 2,5 %) qui connaîtront un retour à la normale en matière de nombre de départ à la retraite et l'impact de la revalorisation d'octobre 2017.

Les recettes progresseraient de 3,8 %, du fait de l'évolution de la masse salariale et du transfert des recettes du Fonds de solidarité.

L'évolution des prélèvements obligatoires affectés aux ASSO serait de 2,4 %, la croissance des cotisations sociales serait de 2,8 % tandis que les prélèvements sociaux progresseraient de 1,7 %.

Les prélèvements obligatoires s'établiraient à 24,3 % du PIB, soit une augmentation de 0,2 point.

Prélèvements obligatoires au profit des Asso
(en % du PIB)

Sources : Insee et programme de stabilité 2018-2022

Les prélèvements obligatoires au profit des ASSO retrouveraient ainsi le niveau record de 2014 avant de décroître en 2019 (24,1 % du PIB).

B. UNE DIMINUTION DU DÉFICIT DE L'ASSURANCE CHÔMAGE PRÉVUE EN 2018 AVANT UN QUASI RETOUR À L'ÉQUILIBRE EN 2019

Le régime d'assurance-chômage devrait connaître sa huitième année consécutive de déficit en 2018.

Pour autant, ce déficit afficherait une diminution notable par rapport à 2017 puisqu'il s'établirait à 1,4 milliard d'euros au lieu de 3,5 milliards d'euros en 2017.

Le rapport sur les perspectives financières de l'assurance-chômage prévoit ensuite un quasi-retour à l'équilibre à compter de 2019.

Ces prévisions reposent sur les hypothèses suivantes :

- une baisse du chômage indemnisé de 48 000 personnes en 2018 (et de 55 000 en 2019) ;

- une progression des contributions de 5 % en 2018, tirée à la fois par la progression de la masse salariale et, à titre exceptionnel, par l'avance dans les versements engendrée par la mise en place de la déclaration sociale nominative.

En outre, la montée en puissance de la convention d'assurance-chômage signée le 14 avril 2017 se fera sentir à compter de 2018, évoquée en détail par votre rapporteur général dans son rapport sur l'orientation des finances publiques de l'année dernière. Les différentes mesures produisent leurs effets selon une montée en charge progressive décrite dans le tableau suivant.

Effets des mesures de la nouvelle convention d'assurance-chômage
sur la réduction du déficit

(en millions d'euros)

Mesures

2017

2018

2019

2020

2021

Régime de croisière

En dépenses

Détermination du droit

- 20

- 260

- 400

- 450

- 540

- 550

Séniors

0

0

- 5

- 130

- 310

- 430

Différé spécifique

0

41

68

66

52

53

Départs volontaires

1

16

40

40

40

40

Créateurs d'entreprise

0

- 34

- 34

- 34

- 34

- 34

En recettes

Augmentation des contributions

79

307

291

198

- 23

6

Effet financier global

- 93

- 550

- 620

- 710

- 770

- 930

Source : Unédic

D'autre part, au niveau européen, le projet de réforme des règles de coordination des régimes d'assurance chômage pour les travailleurs frontaliers semble avancer rapidement. L'Unédic estime que les économies qui pourraient en résulter pour le régime d'assurance-chômage seraient comprises dans une fourchette de 580 à 640 millions d'euros.

Conjugué aux effets de la nouvelle convention d'assurance-chômage, ce projet permettrait de réduire le déficit du régime d'assurance chômage de 1,4 milliard d'euros, un montant du même ordre que son déficit structurel (1,5 milliard d'euros).

Cependant, à l'inverse, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, actuellement examiné par le Parlement, est susceptible de se traduire par des charges nouvelles d'un montant compris entre 280 et 570 millions d'euros en rythme de croisière en fonction des arbitrages qui seront finalement retenus (indemnisation des salariés démissionnaires, indemnisation forfaitaire des travailleurs indépendants, etc.).

De ce fait, l'objectif de la convention d'avril 2017 de ramener le solde structurel de l'Unédic à un niveau zéro ne sera pas tenu, et un solde structurel négatif devrait persister à moyen terme.

Perspectives financières de l'assurance-chômage

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

Recettes

37 969

38 745

39 930

40 900

Dépenses

39 378

38 875

38 327

37 313

Éléments exceptionnels

40

40

20

10

Solde financier

- 1363

- 89

1 623

3 597

Dette

34 912

35 001

33 379

29 781

Source : Unédic

Au vu de ces projections, la dette serait stabilisée à un niveau élevé en 2019, à 35 milliards d'euros soit 90 % des recettes annuelles.

Selon les projections de l'Unédic, l'ampleur du désendettement serait ensuite intimement liée à l'ampleur et à la durée du cycle de reprise économique :

- dans une hypothèse haute de cycle économique positif long, comme en 1999-2008, la dette de l'assurance-chômage serait ramenée à un mois de recettes en 2029 ;

- dans une hypothèse basse de cycle positif plus court, comme en 1988-1991, la résorption de la dette serait plus limitée et il resterait, en 2024, l'équivalent de six mois de recettes en endettement net.

C. LES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

En 2018, le déficit du régime général et du FSV serait ramené à 300 millions d'euros, soit un niveau très proche de l'équilibre.

L'amélioration du solde serait de 4,8 milliards d'euros, répartie de la façon suivante.

Solde du régime général et du FSV en 2017 et 2018

(en milliards d'euros)

2017

2018

Evolution 2017/2018

Maladie

- 4,9

- 0,5

4,4

AT-MP

1,1

0,8

- 0,3

Vieillesse

1,8

1,3

- 0,5

Famille

- 0,2

0,8

1,0

Régime général

- 2,2

2,5

4,7

FSV

- 2,9

- 2,8

0,1

Régime général+ FSV

- 5,1

- 0,3

4,8

Source : CCSS juin 2018

Cette amélioration est meilleure, de 1,9 milliard d'euros, que la prévision de la loi de financement pour 2018.

Comparaison entre les soldes prévus par la LFSS et la CCSS

(en milliards d'euros)

PLFSS 2018

Rectification CCSS

écart

Maladie

- 0,7

- 0,5

0,2

AT-MP

0,4

0,8

0,4

Vieillesse

0,2

1,3

1,1

Famille

1,3

0,8

-0,5

Régime général

1,2

2,5

1,3

FSV

- 3,5

- 2,8

0,7

Régime général+ FSV

- 2,2

- 0,3

1,9

Source : LFSS et CCSS juin 2018

Néanmoins, quelques éléments amènent à considérer les prévisions de la CCSS comme optimistes, l'exécution réelle risquant d'être moins favorable.

En premier lieu, ces chiffres intègrent une compensation, juridiquement fondée pour le moment, du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS). Or, d'une part, celui-ci n'a pas été compensée en 2017 et, d'autre part, il est appelé à disparaître en même temps que le CICE, début 2019.

Dans ces conditions, une compensation de l'exercice 2018 apparaît hautement improbable, ce qui dégraderait le solde du régime général d'environ 600 millions d'euros 3 ( * ) . Dès lors, une prévision de déficit de 900 millions d'euros pour l'ensemble régime général + FSV est plus conforme à la réalité .

En second lieu, la prévision de la CCSS repose sur une hypothèse de croissance optimiste , de 2 % pour le PIB et de 3,9 % pour la masse salariale privée, dont la réalisation est incertaine, notamment après le ralentissement de la croissance observé par l'Insee au premier trimestre de l'année 2018.

1. La branche maladie

Sous le bénéfice des hypothèses optimistes retenues par la CCSS, en 2018, le déficit de la branche maladie devrait être ramené à 466 millions d'euros , ce qui est mieux que le solde de 0,7 milliard d'euros figurant dans la LFSS pour 2018.

Le tableau ci-après retrace les prévisions de la commission des comptes. Il est à noter que ces comptes prévisionnels 2018 intègrent certaines dépenses dites « spécifiques » relevant auparavant du régime social des indépendants (RSI), essentiellement les indemnités journalières maladie et maternité, à la suite de son intégration au sein du régime général. Cette intégration n'a quasiment pas d'impact sur le solde.

Charges et produits de la branche maladie en 2018

(en millions d'euros)

2018

Prestations sociales

198 013

Ondam

185 398

hors Ondam

12 614

Transferts

6 202

Charges de gestion courante

6 615

Autres charges nettes

42

Charges nettes

210 871

Cotisations, impôts et taxes nets

203 725

Cotisations sociales brutes

88 523

Cotisations prises en charge par l'Etat

2 671

CSG brute

93 794

Impôts, taxes et autres cotisations sociales bruts

20 120

Charges nettes de non recouvrement

- 1 383

Transferts nets

2 563

Transferts des régimes de base

1 238

Autres produits nets

1 326

Autres produits nets

4 117

Produits nets

210 404

Résultat net

- 466

Source : CCSS juin 2018

Le scénario retenu par la CCSS repose donc sur une augmentation de 4,5 % des recettes et de 2,1 % des charges.

S'agissant des recettes, leur structure est sensiblement affectée par la mesure en faveur du pouvoir d'achat des salariés de la dernière loi de financement. Ainsi :

- le relèvement de 1,7 point du taux de CSG est largement favorable à la branche, surtout dans un contexte de fort dynamisme de la ressource ;

- les effets baissiers des modifications de taux de cotisations sociales seraient, eux aussi, tempérés par le dynamisme de la masse salariale, et limités concrètement à -2,2 % ;

- les recettes fiscales diminueraient de plus d'un tiers, du fait d'une forte diminution de la fraction de TVA affectée à la branche 4 ( * ) et d'une répartition également moins favorable de la taxe sur les salaires. Le relèvement des droits tabac ne compense pas ce mouvement.

Pour ce qui concerne les charges, leur progression globale est inférieure à l'Ondam, notamment du fait de la diminution des coûts administratifs.

Quant à l'Ondam, fixé à 2,3 %, il se décompose de la façon suivante.

Décomposition de l'Ondam 2018

Base 2018
(en milliards d'euros)

Objectif 2018
(en milliards d'euros)

Taux d'évolution

Soins de ville

87,1

88,9

2,1 %

Établissements de santé

78,7

80,7

2,5 %

Établissements
et services médico-sociaux

20,0

20,5

2,5 %

Fonds d'intervention régional

3,3

3,4

3,1 %

Autres prises en charge

1,7

1,8

4,3 %

Total

190,8

195,2

2,3 %

Sources : LFSS pour 2018 et comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie

Selon l'avis n° 2018-2 du 30 mai 2018 du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie, la trajectoire globale ainsi définie devrait être respectée du fait de la mise en réserve de quelque 625 millions d'euros de crédits.

Néanmoins, selon les projections tirées de l'exécution des quatre premiers mois de l'année, la trajectoire au niveau des sous-objectifs diverge encore fortement par rapport à ce que prévoit la LFSS. Ainsi, les dépenses de soins de ville se situeraient sur une trajectoire de + 4,8 % , très au-dessus de l'objectif avec, en particulier, une forte progression des dépenses d'honoraires médicaux et dentaires (+ 7,1 %), des transports (+ 5,3 %) et des indemnités journalières (+ 5,7 %).

Or les mises en réserve concernent l'Ondam hospitalier (415 millions d'euros), le médico-social (152 millions d'euros), le fonds d'intervention régional (45 millions d'euros) et le sixième sous-objectif (13 millions d'euros). Un gel de ces crédits pourrait donc, in fine , accentuer le déséquilibre déjà observé depuis le début de l'année (ainsi que les années précédentes).

Votre rapporteur général considère qu'il n'est plus possible de tenir l'Ondam au moyen d'une régulation de ce type et qu'une remise à plat de l'ensemble du système doit permettre un rééquilibrage entre sous-objectifs.

2. La branche vieillesse et le FSV
a) La branche vieillesse

La branche vieillesse resterait excédentaire en 2018, pour la troisième année consécutive, mais avec un excédent en retrait par rapport au 1,797 milliard d'euros de l'exercice 2017.

Charges et produits de la branche vieillesse

(en millions d'euros)

2018

Prestations sociales nettes

133 712

Droits propres

126 035

Droits dérivés

12 037

Autres prestations nettes

343

Transferts nets

5 430

Compensation démographique

3 350

Autres transferts (dont transferts d'équilibrages)

2 080

Charges de gestion courante

1 618

Autres charges nettes

36

Charges nettes

133 712

Cotisations, impôts et taxes nets

105 556

Cotisations sociales brutes

88 996

Contributions, impôts et taxes

17 607

Charges nettes de non recouvrement

- 1 047

Transferts nets

29 180

Transferts avec régimes de base et complémentaires

11 880

Transferts des régimes de base avec les fonds

17 292

Autres produits nets

309

Produits nets

135 045

Résultat net

1 334

Source : CCSS juin 2018

La prévision actualisée est meilleure que la prévision figurant dans la LFSS pour 2018 (+0,3 milliard d'euros).

Les recettes progresseraient de 2,6 %, avec une hausse des cotisations (+ 3,6 %) et des impositions (+ 4,4 %) même si ce niveau implique la compensation très incertaine du CITS en 2018 ; pour leur part, les transferts reçus diminueraient de 1,5 %, dans la lignée de la tendance observée en 2017.

Les dépenses de la branche devraient rebondir cette année (+3 %), sous l'effet de la fin du décalage de l'âge légal de départ à la retraite, à 62 ans pour l'ensemble de la génération des personnes nées en 1956. En outre, l'effet de la revalorisation des pensions de 0,8 % au 1 er octobre 2017 se fera sentir au cours des neuf premiers mois de l'année.

b) Le FSV

Le déficit prévisionnel du Fonds de solidarité vieillesse devrait poursuivre sa diminution sur un rythme plus lent, pour atteindre 2,762 milliards d'euros à fin 2018 (contre 2,938 milliards d'euros en 2017).

Le FSV n'a pas connu d'excédent depuis 2008.

La LFSS pour 2018 prévoyait un déficit de 3,5 milliards d'euros.

Charges et produits du Fonds de solidarité vieillesse

(en millions d'euros)

2018

Transferts nets

18 800

Transfert des régimes de base avec les fonds

18 461

Prises en charge de cotisations

13 501

Prise en charge de prestations

4 960

Transfert avec les régimes complémentaires

339

Autres charges nettes

124

Charges nettes

18 924

Contributions, impôts et taxes nets

16 162

CSG brute

12 267

Contributions sociales diverses

4 166

Impôts et taxes

-

Charges nettes de non recouvrement

- 271

Autres produits nets

-

Produits nets

16 162

Résultat net

- 2 762

Source : CCSS juin 2018

Cette légère amélioration serait due à un repli des charges du fonds (-3,3 %) plus fort que celui de ses produits (-2,8 %).

La contribution du fonds au financement du minimum contributif doit diminuer de 0,8 milliard d'euros cette année. S'ajouterait une baisse du transfert au titre au titre du chômage.

3. La branche famille

Avec un excédent de 753 millions d'euros, la branche famille poursuivrait une trajectoire d'amélioration de son solde en 2018, et renouerait même avec l'équilibre pour la première fois depuis 2007.

Cet excédent est néanmoins inférieur à la prévision initiale, le solde prévisionnel de la loi de financement pour 2018 étant de 1,3 milliard d'euros.

Charges et produits de la branche famille

(en millions d'euros)

2018

Prestations sociales nettes

36 981

Prestations légales nettes

31 403

Prestations extralégales nettes

5 577

Transferts versés nets

10 166

Charges de gestion courante

2 950

Autres charges nettes

30

Charges nettes

50 127

Cotisations, impôts et taxes nets

49 873

Cotisations sociales brutes

29 542

Cotisations prises en charge par l'État

825

CSG brute

10 508

Impôts, taxes et autres cotisations sociales bruts

9 437

Charges nettes de non recouvrement

- 439

Transferts nets

226

Autres produits nets

781

Produits nets

50 880

Résultat net

753

Source : CCSS juin 2018

Les dépenses de la branche resteraient quasiment stables par rapport à 2017 (+ 0,3 %), la hausse des dépenses d'entretien compensant la poursuite de la baisse des dépenses liées aux prestations pour la petite enfance.

Comme pour les autres branches, le dynamisme escompté des recettes du fait de la croissance de la masse salariale explique un niveau de recettes meilleur que prévu (+2,3 %).

4. La branche AT-MP

L'excédent de la branche AT-MP, qui a retrouvé l'équilibre en 2013, devrait diminuer en 2018, à 846 millions d'euros contre 1,130 milliard d'euros en 2017.

La prévision figurant dans la LFSS pour 2018 s'établissait à 0,4 milliard d'euros.

Charges et produits de la branche AT-MP

(en millions d'euros)

2018

Prestations sociales nettes

8 999

Prestations Ondam nettes

4 032

Autres prestations

4 967

Transferts

2 104

Charges de gestion courante

893

Autres charges nettes

5

Charges nettes

12 001

Cotisations, impôts et taxes nets

12 424

Cotisations sociales brutes

12 620

Impôts, taxes et autres cotisations sociales bruts

-

Charges nettes de non recouvrement

- 241

Autres produits nets

423

Produits nets

12 847

Résultat net

846

Source : CCSS juin 2018

L'évolution du solde de la branche s'explique :

- d'une part, par l'augmentation anticipée des charges (+ 2,3 %), principalement sous l'effet de la poursuite de la montée en puissance des indemnités journalières (+ 3,6 %) ;

- d'autre part, de la baisse du taux de cotisation de 0,1 point opérée dans le cadre de la LFSS pour 2018, au profit d'une augmentation équivalente de la cotisation patronale maladie.

5. L'Acoss

Si les résultats prévisionnels du régime général et du FSV étaient tenus conformément à la prévision, le niveau des déficits cumulés portés par l'ACOSS varierait peu, restant compris entre 23 et 24 milliards d'euros, soit un niveau proche du montant de dette transféré à la Cades en 2016.

En outre, comme l'a souligné le directeur de l'agence, M. Yann-Gaël Amghar, lors de son audition par la MECSS, le 17 avril 2018, l'exercice est marqué par :

- l'instauration de la déclaration sociale nominative (DSN), qui s'est traduite par le passage volontaire d'un grand nombre d'entreprises d'un paiement trimestriel à un paiement mensuel de leurs cotisations, ce qui a eu un effet positif sur la trésorerie de la sécurité sociale ;

- la mise en place d'une garantie par la sécurité sociale à l'assurance chômage du paiement de l'intégralité de ses recettes de contributions salariales, en application de la LFSS pour 2018, la compensation prenant la forme de l'affectation d'une fraction du produit de la TVA à l'Acoss. Il conviendra de tirer le bilan financier de cette opération à la fin de l'année, étant entendu que, en cas d'écart entre ce produit de TVA et ce qui est reversé à l'Unedic, ces comptes seront répartis vers les différentes branches de la sécurité sociale.

Selon M. Amghar, pour la trésorerie de l'Acoss, le point bas de l'exercice devrait se situer à 33,1 milliards d'euros, ce qui est assez loin du plafond d'encours voté en LFSS pour 2018 (38 milliards d'euros).

Le maintien de taux d'intérêt négatifs permet d'envisager un résultat financier de l'Acoss positif en 2018, comme en 2016 et en 2017, de l'ordre de 125 millions d'euros.

6. La Cades

Comme en 2016, le montant des dettes reprises par la Cades à la fin de l'année 2017 s'élevait à 260,5 milliards d'euros.

Compte tenu de ses prévisions de recettes, la Cades amortirait 15,4 milliards d'euros de dettes, ce qui porterait à 155,1 milliards d'euros la dette amortie et à 105,4 milliards d'euros la dette restant à amortir.

Selon les dernières simulations, l'intégralité de la dette de la Cades devrait avoir été amortie en 2024.

III. DES COMPTES SOCIAUX EN ÉQUILIBRE INSTABLE

Le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques, rejoignant les hypothèses de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, prévoit une « amélioration durable de l'équilibre des comptes sociaux ».

Plus précisément, dès 2019 et jusqu'en 2022, les ASSO dégageraient un excédent stabilisé à 0,8 point de PIB.

Au regard de cette programmation, les déficits sociaux seraient destinés à n'être à brève échéance qu'un lointain souvenir.

Votre rapporteur général se félicite qu'après de nombreuses années de déficit, les perspectives financières des administrations de sécurité sociale se soient objectivement améliorées. Néanmoins, il se doit de souligner qu'en l'état, l'équilibre naissant des comptes des ASSO reste un équilibre instable. En effet, plusieurs hypothèses sont susceptibles de modifier de façon très significative la trajectoire affichée par le Gouvernement.

A. DES HYPOTHÈSES DE CROISSANCE OPTIMISTES

Le Gouvernement s'appuie sur l'hypothèse d'une croissance soutenue jusqu'en 2022. Le PIB croîtrait ainsi de 2 % en 2018, puis 1,9 % en 2019 et 1,7 % de 2020 à 2022.

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes qualifie ce scénario d' « optimiste ».

Hypothèses de croissance et de croissance potentielle du programme de stabilité

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance du PIB

1,8

2,0

1,9

1,7

1,7

1,7

Croissance potentielle

1,25

1,25

1,25

1,25

1,3

1,35

Écart de production

- 0,9

- 0,2

0,4

0,9

1,3

1,35

Écart entre croissance du PIB et croissance potentielle

0,55

0,75

0,65

0,65

0,4

0,35

Source : programme de stabilité d'avril 2018

De fait, comme le montre le tableau ci-dessus, ce scénario fait le pari que, pendant six années consécutives, la croissance réelle sera supérieure, parfois nettement, à la croissance potentielle de l'économie française.

La Cour des comptes observe que cela ne s'est jamais produit au cours des quarante dernières années, le record en la matière s'établissant à quatre années consécutives.

Les comptes sociaux étant, en recettes et pour certains en dépenses, très sensibles à la conjoncture, une erreur de prévision serait de nature à modifier la trajectoire financière des ASSO.

B. UNE TRAJECTOIRE DES DÉPENSES SOCIALES INCERTAINE

L'article 8 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 précitée prévoit les taux de croissance des dépenses des ASSO en volume suivants durant la même période 2018-2022.

Trajectoire envisagée des dépenses des ASSO

2018

2019

2020

2021

2022

Taux de croissance des dépenses des ASSO

2,0

1,9

1,7

1,7

1,7

Source : loi de programmation des finances publiques 2018-2022

Là encore, cette trajectoire apparaît particulièrement ambitieuse.

En effet, certains éléments connus composant cette trajectoire présentent une dynamique sensiblement supérieure, qu'il s'agisse :

- de l'Ondam, dont le programme de stabilité prévoit qu'il sera « contenu en-deçà de 2,3 % » sur l'ensemble de la période ;

- des retraites qui, avec la fin de l'effet des mesures liées au recul de l'âge de prise de la retraite, vont de nouveau croître de façon sensible (+ 5 % prévu en 2018, après les 2,9 % de 2017).

Les économies à réaliser sur les autres secteurs, qui sont les moins porteurs en volume, sont donc importantes et ne sont pas documentées à ce stade par le Gouvernement.

En outre, des éléments d'alourdissement de ces dépenses pourraient survenir au cours des prochaines années. C'est vrai de la dépendance, qui doit faire l'objet d'une loi en 2019. Et ce pourrait être vrai à l'issue de la réforme des retraites prévue la même année, un alignement de l'ensemble des régimes pouvant être difficile, en pratique, à réaliser à coûts constants.

C. LE GRAND FLOU DES RECETTES SOCIALES

En dehors même des incertitudes liées à la croissance, les ASSO vont connaître un bouleversement de leur financement lié, pour l'essentiel, aux mesures adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances pour 2018, en attendant une révision annoncée des relations entre l'État et la sécurité sociale.

1. Le grand basculement entre impôts et cotisations

Plusieurs mesures figurant dans les lois financières de l'automne dernier se traduisent par une évolution notable du financement des ASSO. Il s'agit en particulier :

- de la baisse des contributions d'assurance-chômage financée par une augmentation de 1,5 point de CSG, l'ACOSS prenant à sa charge, durant l'année 2018, le financement de l'Unédic comme si le taux des contributions était resté inchangé ;

- et de la suppression du CICE, en fait « transformé » en réduction de diverses cotisations sociales, dont les modalités de compensation devront être définies par la LFSS pour 2019.

Le tableau suivant montre l'ampleur de la baisse des taux des différentes cotisations pour les employeurs et les salariés entre le 1 er janvier 2017 et le 1 er janvier 2019.

Bien entendu, cette évolution ne sera pas sans conséquence pour les organismes gestionnaires. Par exemple, pour l'Unédic, le basculement entre cotisations et impôt concernera 45 % du total de ses ressources. Votre rapporteur général ne dispose pas d'évaluation à moyen et long termes de ce changement, les assiettes de ces prélèvements obligatoires n'évoluant pas de la même façon.

Au demeurant, ce changement de mode de financement peut receler en lui-même une évolution systémique du risque ainsi financé. En effet, comme le relève le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel 5 ( * ) , il n'est pas certain que l'absence de cotisation salariale n'entraîne pas de façon nécessaire le basculement de l'assurance-chômage en proportion la rémunération précédente (et donc aux cotisations) vers une couverture universelle. Il est tout à fait regrettable qu'au vu de l'ampleur de ces enjeux, ces questions semblent ne pas faire partie du débat public aux yeux du Gouvernement, ni à l'automne dernier, ni dans le cadre du projet de loi précité en cours d'examen.

2. Quel avenir pour les relations financières entre l'État et les ASSO ?

Au-delà de ces mesures déjà inscrites dans la loi, aux termes de l'article 27 de la loi n° 2018-32 précitée, « Avant la fin du premier trimestre 2018, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Ce rapport détaille l'ensemble des compensations par type de mesure, en précisant s'il s'agit de compensation totale ou partielle. »

Les relations financières entre l'État et la sécurité sociale ont donc vocation à être rénovées.

Pourtant, plus de trois mois après la date fixée par la loi et au moment où votre commission a adopté le présent rapport d'information, le Parlement ne disposait toujours pas du rapport du Gouvernement.

Votre rapporteur général considère que ce retard est préoccupant. De fait, les décisions qui pourront être prises sont susceptibles d'augmenter de manière significative l'instabilité des comptes sociaux, notamment si l'État considérait, à tort, que des ASSO revenus à l'équilibre constituaient une tirelire commode. A l'heure où sont écrites les présentes lignes, aucun élément n'est susceptible de le rassurer quant à l'approche de cette question par le Gouvernement.

D. LES PRINCIPES SUR LESQUELS FONDER UN ÉQUILIBRE SOLIDE DES COMPTES SOCIAUX

Les lourdes incertitudes de nature diverse pesant sur les comptes sociaux, l'équilibre qu'ils viennent de retrouver apparaît donc encore très instable.

Sans se montrer hostile au changement, votre rapporteur général tient à exposer les principes que toute révision des relations entre l'État et les ASSO gagnerait à respecter pour ne pas fragiliser cet équilibre à peine retrouvé.

1. Supprimer au plus vite la dette des régimes d'assurance sociale

En premier lieu, l'ampleur de la dette sociale incite à placer en tête des priorités le bon achèvement du remboursement de la dette des régimes d'assurance sociale , qu'elle soit portée par la Cades, l'ACOSS (dont ce n'est au demeurant pas le rôle) ou encore l'Unédic, soit un total de plus de 170 milliards d'euros.

En effet, les dépenses d'assurance sociale qui sont, par nature, des dépenses de répartition, ont naturellement vocation à se trouver en équilibre, au moins à moyen terme. Pour ce type de dépense, toute dette accumulée au fil du temps doit s'analyser comme un transfert de charge illégitime aux générations suivantes.

Toute « ponction » de l'État sur les ASSO qui se ferait au détriment du remboursement programmé des dettes des régimes d'assurance sociale serait donc, lui aussi, illégitime et de courte vue, n'ayant en outre aucun effet sur la dette globale des administrations publiques.

2. Ne pas créer les conditions du creusement d'un nouveau « trou » de la sécurité sociale

Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, les relations rénovées État - ASSO doivent assurer l'équilibre structurel des ASSO, en particulier des régimes assurantiels .

Si l'arbitrage implicite consistait à faire en sorte que les comptes sociaux soient tout juste à l'équilibre les « bonnes » années sans accumuler alors les excédents permettant de faire face aux « mauvaises » années, on recréerait objectivement les conditions du creusement d'un nouveau « trou de la sécu » avant même d'avoir comblé le précédent.

Il est peut-être nécessaire de rappeler à cet égard qu'à l'inverse des recettes de l'État, les recettes sociales n'ont pas vocation à faire partie d'un « pot commun » mais sont, au contraire, par nature, fléchées. Il ne s'agit donc pas de construire chaque année une tuyauterie complexe mais à définir un système où recettes dédiées et charges financées s'équilibrent à moyen terme, en dehors des aléas liés à la conjoncture économique.

3. Simplifier les relations État - ASSO en faisant coïncider les ressources et la nature des risques qu'ils financent

Enfin, la complexité des relations financières entre l'État et les administrations de sécurité sociale étant, à juste titre, soulignées, une démarche de rénovation gagnerait à se faire à partir d'idées simples et respectueuses de la nature de la sécurité sociale et des autres ASSO .

Les risques « assurantiels » (retraite, chômage et AT-MP), pour lesquels la prestation est liée à la qualité de cotisant et a fortiori lorsque la prestation est normalement proportionnelle à la contribution, doivent reposer majoritairement sur des cotisations des employés et de leurs employeurs (ou uniquement de ceux-ci s'agissant de l'AT-MP).

Les autres risques , relevant d'une logique de solidarité (assurance maladie depuis la mise en place de la Puma et famille, ainsi que, peut-être, les dépenses liées à la dépendance à l'avenir), ont vocation à être financées principalement par une ressource fiscale dédiée à la sécurité sociale et qui a fait la preuve de son efficacité, la CSG .

Quant à la compensation des mesures prises par l'État , il est permis de rappeler que leur mode normal de financement est budgétaire , ce qui présente le mérite de bien faire apparaître au ministère bénéficiaire de la politique le coût de la mesure dont il est à l'origine. Lorsqu'il s'agit d'une mesure transversale ou tellement massive qu'un financement budgétaire serait difficilement envisageable, le saupoudrage d'impôt divers est à proscrire. L'attribution d'une fraction d'un impôt de fort rendement tel que la TVA serait beaucoup plus simple.

Pour le reste, seule l'affectation de quelques impôts comportementaux au lien évident avec la sécurité sociale, comme les emblématiques droits tabac à destination de l'assurance-maladie, serait légitime.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS

_______

Réunie le mercredi 4 avril 2018, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission entend M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur la situation des finances sociales.

M. Alain Milon, président . - Nous accueillons cet après-midi M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

Après la communication, le 15 mars dernier, des résultats du régime général de sécurité sociale et la publication par l'INSEE, le 26 mars, des premiers résultats des comptes nationaux pour 2017, j'ai souhaité que notre commission des affaires sociales fasse un point sur la situation et les perspectives des comptes sociaux.

Ces résultats ne sont en effet que très partiellement disponibles et ne permettent pas, en l'état, de comprendre, par exemple, pourquoi le solde de l'assurance maladie enregistre une dégradation par rapport à la prévision, alors que les résultats globaux s'améliorent et que les recettes sont meilleures que prévu grâce à une progression soutenue de la masse salariale.

Nous souhaitons également faire le lien entre les régimes obligatoires de base, qui forment le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale et les administrations de sécurité sociale (ASSO) dont la contribution à la dette publique augmente alors qu'elles sont en excédent pour la première fois depuis 2008.

Nous avons également souhaité vous entendre, alors que le programme de stabilité devrait être présenté la semaine prochaine, sur les conséquences de ces résultats sur la période à venir, mais aussi sur les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne les textes financiers. Ce sera l'occasion pour notre commission de vous exposer ses propositions dans ce domaine.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Je vous remercie de votre invitation pour évoquer les résultats des comptes sociaux et répondre à vos questions en cours d'année, alors que nous sommes en train de préparer l'avenir.

La situation des finances sociales s'est améliorée, comme l'ont montré les résultats du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) publiés mi-mars.

Le régime général reste certes déficitaire, mais connaît une amélioration patente, avec un déficit ramené à 5,1 milliards d'euros, soit le plus faible depuis quinze ans. Ce résultat est conforme aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

La situation financière de la plupart des branches s'améliore sensiblement. À 1,1 milliard d'euros, le déficit cumulé de la branche retraite et du FSV se réduit de 1,6 milliard d'euros par rapport à 2016, sous l'effet du dynamisme des recettes assises sur les revenus du capital, dont bénéficie le FSV. Celui-ci connaît un recul de son déficit, inférieur à 3 milliards d'euros pour la première fois depuis cinq ans.

La branche famille est proche de l'équilibre, avec un solde de moins 200 millions d'euros, dans un contexte d'accélération importante de créations de places d'accueil de jeunes enfants en 2017.

La branche maladie stabilise son déficit à hauteur de 4,9 milliards d'euros, malgré la perte du produit de la TVA. En tenant compte de l'évolution des recettes, sa situation s'améliore de 1 milliard d'euros sur l'année.

Enfin, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) enregistre un excédent de 1,1 milliard d'euros.

Les administrations de sécurité sociale, soit la sécurité sociale, les régimes complémentaires des salariés, AGIRC et ARRCO, l'Unédic, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la Caisse d'amortissement de la dette sociale sont en excédent de plus de 5 milliards d'euros, alors qu'elles étaient encore en déficit l'an dernier. Cette situation est plus favorable que ne le prévoyait la loi de programmation des finances publiques, construite sur des hypothèses prudentes en termes de contexte macro-économique.

Cette amélioration découle d'une reprise économique marquée. La masse salariale sur laquelle une large part des recettes sociales reste assise est en augmentation de 3,5 %. L'amélioration de la conjoncture a profité aux recettes de la fiscalité du capital affectées au FSV. De même, les recettes assises sur les revenus des travailleurs indépendants ont été plus dynamiques que prévu. À l'inverse, les cotisations dans le secteur agricole et au titre des agents publics sont inférieures aux prévisions.

Cette amélioration s'explique par la reprise économique, mais traduit également la maîtrise des dépenses. L'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est tenu à 2,2 %, les prestations vieillesse n'accélèrent pas et l'accord Agirc Arrco de 2015 porte ses fruits, de même que l'on note un ralentissement des dépenses d'indemnisation chômage.

Cette amélioration touche la majeure partie du champ des administrations de sécurité sociale. Ainsi, les régimes complémentaires vieillesse pris dans leur intégralité sont à l'équilibre, avec un léger excédent de 300 millions d'euros, alors qu'ils étaient en déficit l'année dernière. L'AGIRC, l'ARRCO et l'Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) connaissent, quant à eux, un déficit bien moins important qu'en 2016. Cette amélioration s'explique par le rebond des recettes mais elle reflète également la maîtrise des dépenses, notamment la sous indexation d'un point de la revalorisation des pensions inscrite dans l'accord sur les retraites complémentaires de 2015. Enfin, l'Unédic réduit son déficit de 1 milliard d'euros par rapport à l'année précédente.

Ces bons résultats nous confortent dans la volonté de redressement des comptes publics. L'amélioration des comptes des administrations de sécurité sociale est un signal favorable, qui ne doit pas être mal interprété. La situation économique devrait continuer à porter ses fruits, mais les administrations de sécurité sociale n'ont pas de marges de manoeuvre. Nos engagements européens seront jugés sur notre capacité à poursuivre nos efforts en matière de maîtrise de la dépense. Chaque secteur des administrations publiques prend sa part dans cet effort. C'est dans ce contexte que le Gouvernement construit le programme de stabilité budgétaire 2018 2022, qui sera présenté dans quelques jours.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Nous avons demandé à tous les ministres successifs de disposer d'une vision claire des comptes sociaux à la mi-avril. Nous avons le programme de stabilité financière mais nous ne disposons pas des données complètes chiffrées, qui doivent pourtant être disponibles.

Les risques maladie et famille sont connus, ils pèsent 250 milliards d'euros, ce qui impacte considérablement le budget de la France. De ce point de vue, une avancée du calendrier de publication des chiffres est souhaitable, mais est-elle possible ?

Comment la résorption de la dette qui n'est pas portée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est-elle intégrée dans le scénario de plafonnement de l'excédent des ASSO prévu par la loi de programmation des finances publiques ?

Les résultats de l'assurance maladie pour 2017 sont déficitaires de 4,9 milliards d'euros. Notre commission avait mis l'accent sur la mobilisation exceptionnelle des recettes en faveur de cette branche. Comment expliquer, dès lors, un tel déficit, alors que la loi de financement pour 2017 prévoyait 2,6 milliards d'euros et la loi de financement pour 2018 une prévision rectifiée de 4 milliards d'euros ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - S'agissant des comptes publics, nous entendons votre demande. Vous savez que la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) procède à cette analyse détaillée en juin. Nous devons préparer le débat du programme de stabilité budgétaire en y intégrant un réajustement des prévisions. Or ce sont les mêmes équipes qui travaillent sur ces sujets et il leur est difficile de mener deux tâches de front dans les mêmes délais. Il existe sans doute des pistes d'amélioration afin de nous permettre d'être plus précis devant le Parlement.

En ce qui concerne l'assurance maladie, elle a subi une opération comptable. En 2017, 7,03 % du produit de la TVA était affecté, contre 0,34 % en 2018, à quoi il faut ajouter 5,5 % affecté à l'ACCOS. Ce changement d'affectation a joué un rôle dès 2017 sur les comptes de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), entraînant une perte de 1 milliard d'euros.

Comme je l'ai dit, compte tenu de cette opération comptable, qui a conduit à dégrader son déficit, l'assurance maladie a connu une amélioration de ses conditions financières.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Votre réponse n'est pas tout à fait satisfaisante : vous affirmez manquer de moyens humains pour nous présenter une vision claire et complète, alors que vous la préparez pour le programme de stabilité. Au vu du poids des comptes sociaux dans le programme de stabilité budgétaire, nous devrions disposer d'une information complète. Je ne comprends pas que l'on puisse dire que cela attendra !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Je n'ai pas la certitude que nous disposions de la capacité d'être aussi précis que vous le souhaitez, mais nous pouvons certainement faire mieux.

J'ajoute, au sujet de l'affectation de la TVA, qu'il s'agit d'une opération comptable ponctuelle. Elle a un effet sur le déficit mais elle ne se reproduira pas les années suivantes.

M. René-Paul Savary . - Ma question porte sur les retraites, alors que la réforme systémique annoncée est en cours d'élaboration. Avec 330 milliards d'euros, soit 14 % du PIB en dépense, celles-ci pèsent plus lourd en France que dans les autres pays européens. Les recettes correspondantes représentent 13,8 % du PIB, entraînant un déficit annuel de 4,4 milliards d'euros. Comment prenez-vous en compte ce déficit dans la réforme à venir ? Faites-vous une priorité de sa réduction ? Avez-vous des discussions à l'échelle européenne sur ces besoins de financement qui influent sur l'équilibre des comptes sociaux ? L'Europe a-t-elle émis un avis sur cette réforme ?

Mme Frédérique Puissat . - La dette de l'Unédic représente onze mois de cotisations. À l'aube de la réforme de l'assurance chômage, quelle vision le Gouvernement a-t-il de cette dette, de ses échéances et des modalités de son apurement ?

M. Yves Daudigny . - L'amélioration des comptes sociaux, en particulier de la sécurité sociale, est une bonne nouvelle mais il ne faudrait pas qu'elle s'accompagne d'une dégradation de notre système de santé. Nous nous félicitons de voir l'Ondam rester équilibré mais, en parallèle, la situation de l'hôpital est très dégradée et demande que l'on y consacre des moyens.

Cette trajectoire de rétablissement des comptes a été initiée, et réussie, par le gouvernement précédent.

L'amélioration du FSV était inattendue ; en revanche, le maintien du déficit de la branche maladie est une mauvaise nouvelle. L'amélioration est due à l'augmentation de la masse salariale et des recettes tirées des revenus du capital. La réforme de la fiscalité du capital en cours ne risque-t-elle pas de provoquer une diminution de cette partie des recettes ?

M. Daniel Chasseing . - Je me félicite également de cette amélioration et de la reprise économique qu'elle traduit. Il faut maintenant poursuivre les efforts pour la sécurité sociale et l'Unédic.

En 2019, il sera nécessaire de prévoir des crédits supplémentaires pour les hôpitaux et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), qui souffrent d'un manque d'investissements et de personnel.

M. Olivier Dussopt , secrétaire d'État. - Monsieur Savary, vous aurez l'occasion de travailler sur les retraites, vous connaissez le calendrier, la réforme doit aboutir en 2019. L'objectif qui a été fixé est de mener une réforme juste du système de répartition, permettant à tous ceux qui cotisent de bénéficier du même rendement. Nous sommes animés d'une volonté de protection, d'égalité et de simplification des systèmes articulés aujourd'hui autour de presque quarante régimes. Il ne s'agit pas de les faire tous disparaître mais la convergence est une nécessité. Le Haut-Commissaire Delevoye mène les concertations, il est à la disposition des assemblées pour évoquer le sujet, mais le Premier ministre n'ayant pas rendu ses arbitrages, vous imaginez bien que je ne vais pas les préempter.

Le sujet est important, au vu du poids qu'il représente et de la dette, mais la question n'est pas communautaire car les discussions avec les autorités européennes portent sur le solde et non sur la nature des dépenses. Je peux donc vous assurer que notre réflexion est libre de toute interférence communautaire.

Madame Frédérique Puissat , s'agissant de la dette de l'Unédic, la réforme de l'assurance chômage est conduite avec un objectif comptable clair : stabiliser la dette et ne pas l'alourdir. À ce stade, il n'est pas encore question d'apurement car nous devons construire la réforme avant d'étudier cette question. Dans un premier temps, nous veillons à ne pas aggraver la situation.

Messieurs Daudigny et Chasseing, l'Ondam a été fixé à 2,3 %, c'est-à-dire à un niveau élevé au regard des années précédentes. La trajectoire budgétaire prévoit que ce niveau sera maintenu jusqu'en 2022. Il faut ajouter à cela les réformes engagées : nous avons ainsi affecté 250 millions d'euros aux hôpitaux en février pour leur permettre de répondre à leurs besoins. Parmi les cinq chantiers qui font l'objet de concertation figurent la question de la tarification et celle de l'offre de soins, avec l'objectif de lutter contre la saturation des urgences. Nous réformons, nous revoyons l'offre de soins et nous maintenons le niveau de l'Ondam afin de garantir que les moyens nécessaires seront disponibles.

S'agissant de la réforme de la fiscalité, monsieur Daudigny, le risque que vous évoquez n'existe pas puisqu'elle permet de maintenir le même niveau de recettes pour le FSV.

M. Alain Milon, président . - Je peine à comprendre comment on peut se satisfaire d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux alors qu'il s'est fait au détriment de l'humain, des hôpitaux et des Ehpad. On peut, certes, se féliciter d'un retour de l'activité économique, mais l'Ondam est insuffisant, car la progression tendancielle des dépenses est aux environs de 4 %.

Comment peut-on se satisfaire de donner 250 millions d'euros aux hôpitaux alors que leur déficit atteignait 500 millions d'euros en 2016 et 1 milliard d'euros l'année suivante ?

Le message positif, c'est la réussite économique et l'émergence de nouvelles ressources. Il faudrait plutôt communiquer sur ce sujet et annoncer qu'un jour l'activité économique permettra de fixer l'Ondam à un niveau suffisant pour que le personnel médical puisse enfin respirer.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - J'accueille toujours vos conseils avec plaisir, monsieur le président. Vos propos sont de bon sens, il faut encourager la reprise. Nous savons les efforts demandés et nous connaissons la situation des hôpitaux et des Ehpad, qui est née de l'accumulation des difficultés et de l'évolution des besoins.

Nous avons intérêt à veiller à l'évolution des dépenses et à souhaiter des recettes très supérieures ; le relèvement de l'Ondam à 4 % représenterait une dépense de 3,4 milliards d'euros par an, mais ce ne serait pas de l'argent mal employé.

Mme Laurence Rossignol . - Ces résultats n'ont pas été obtenus d'un coup de baguette magique mais sont le fruit d'un processus long. La situation des hôpitaux ne peut être mise exclusivement au débit du gouvernement actuel, mais relève aussi de la responsabilité du précédent, et il en va de même en ce qui concerne les bons chiffres de la branche famille dont le déficit atteignait 2,5 milliards d'euros en 2012, contre 200 millions d'euros aujourd'hui.

Vous évoquez l'augmentation des créations de places d'accueil de jeunes enfants : l'augmentation de 60 % constatée cette année sur les demandes de subventions a été engagée en 2017 - vous avez été maire, vous savez comment cela se passe. Ce chiffre est le résultat d'une politique volontariste et je souhaite que cet effort se poursuive dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - En effet, on succède toujours à quelqu'un !

Mme Laurence Rossignol . - Et on a souvent un successeur !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Je suis d'accord avec vous, madame Rossignol, et s'agissant de la Cnaf, je ferai part de votre remarque à Mme la ministre des solidarités et de la santé car ce dossier n'est pas de mon ressort.

Mme Catherine Deroche . - N'oublions pas que l'amélioration de la branche famille s'est faite au détriment des classes moyennes.

Mme Laurence Rossignol . - Vous voulez dire des classes supérieures. L'effort a concerné les familles disposant de revenus mensuels supérieurs à 6 500 euros par mois.

Réunie le mercredi 17 avril 2018, sous la présidence de M. Jean-Noël Cardoux, président, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale entend M. Yann-Gaël Amghar, directeur et M. Alain Gubian, directeur financier de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

M. Jean-Noël Cardoux , président. - Nous entendons aujourd'hui M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Monsieur le directeur, vous pourrez ainsi nous expliquer l'évolution des recettes de la sécurité sociale en 2017 et les écarts constatés à l'issue de cet exercice par rapport à la prévision initiale, ainsi que le rendement des mesures nouvelles.

S'agissant des allègements généraux de cotisations, dont le Gouvernement envisage de revoir la règle de compensation, de quel montant parlons-nous ? Et, à votre connaissance, l'éventuel « effet retour » des créations d'emplois induites par ces mesures a-t-il été évalué ?

Il nous serait également utile que vous nous éclairiez sur les conséquences des allègements de charges sociales consentis par le précédent gouvernement, en particulier sur la branche famille - qui, je le rappelle, avaient été compensés par une augmentation de la TVA qui se disait « TVA sociale » sans l'être - et des modifications de la clé d'affectation de TVA, sur lesquelles de nouvelles réflexions seraient en cours dans le cadre du nouveau gouvernement.

Au bout du compte, pourriez-vous nous indiquer le niveau du stock de la dette de l'Acoss, qu'il n'est plus possible de transférer à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ? Selon vous, quel est l'état du risque que pourrait faire courir une augmentation des taux d'intérêt sur ce stock de dette ?

Enfin, sur un tout autre sujet, pourriez-vous faire un point sur l'état d'avancement de la réforme du régime social des indépendants (RSI) ? De premiers retours font état d'une situation difficile, ce qui, je vous le dis franchement, n'est pas pour m'étonner.

M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Acoss. - En ce qui concerne les réflexions en cours sur les règles de compensation des allègements de cotisations, nous n'avons pas, en tant qu'opérateur, d'éléments particuliers à porter à votre information.

S'agissant du niveau de dette porté par l'Acoss, le plafond d'encours voté en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 est de 38 milliards d'euros. Nous estimons que, pour différentes raisons tenant à la fois à l'amélioration de la conjoncture et aux évolutions du calendrier de paiement des entreprises, le point bas de l'exercice devrait se situer à 33,1 milliards d'euros, soit assez loin de ce plafond d'autorisation. Cette estimation est plutôt positive : elle montre que la situation de la sécurité sociale ne va pas en se dégradant. Elle est par ailleurs cohérente avec l'amélioration observée des comptes de la sécurité sociale.

En début d'année, de nombreuses entreprises sont passées d'un paiement trimestriel à un paiement mensuel de leurs cotisations, ce qui a eu un effet positif sur la trésorerie de la sécurité sociale. Cette évolution était prévue par un décret portant sur la mise en oeuvre de la déclaration sociale nominative (DSN), qui a renversé la logique prévalant en la matière : auparavant, une entreprise n'atteignant pas une certaine taille répondait au régime du paiement trimestriel, sauf choix contraire ; désormais, la logique qui prévaut est celle du paiement mensuel par principe, sauf choix contraire. Nous avons bien entendu accompagné cette évolution en déployant plusieurs campagnes d'information à destination des entreprises, afin de leur permettre d'exercer leur choix. Ces campagnes sont intervenues à la fin de l'année 2017 et en janvier 2018, soit après l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation, de manière à ouvrir un « droit au remords » pour les entreprises. Nous constatons à cette date que 85 à 90 % des entreprises concernées - les chiffres sont encore en cours de stabilisation - sont passées à un paiement mensuel, sans difficultés particulières de paiement, ce qui a sensiblement dépassé nos prévisions.

La dette de la sécurité sociale est actuellement financée dans un contexte de marché plutôt favorable, qui se caractérise par une grande facilité à trouver des investisseurs ainsi que par la reconnaissance, par les organismes de la place, d'une haute qualité à la signature de l'Acoss comme à notre politique d'émission. Notre dette continue ainsi d'être émise à des taux négatifs, ce qui explique que nous constations une nouvelle fois en 2017 des produits financiers liés à la gestion de cette dette. D'un point de vue technique, le portage de cette dette n'est donc pas une difficulté. Pour les années qui viennent, nous anticipons, si la trajectoire prévue des comptes sociaux se confirme, une stabilisation puis une décroissance de cette dette.

S'agissant de la réforme du RSI, nous sommes toujours en transition : il n'y a pas eu de bouleversement majeur en début d'année. Le pilotage de l'activité de recouvrement, jusqu'alors partagé entre les deux réseaux, est désormais géré par des pilotes relevant de l'Union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) : c'est le principal changement. D'autres modifications sont intervenues concernant notamment la gestion du courrier ou la refonte des sites d'information. Du fait du caractère mineur de ces aménagements, nous n'avons pas à ce jour constaté de véritables difficultés.

Sur les améliorations qui doivent être apportées en termes de services, j'aimerais porter plusieurs éléments à votre connaissance. En premier lieu, le niveau de réponse téléphonique, qui constitue l'un des principaux critères d'évaluation du service rendu, a très fortement progressé en début d'année, atteignant 85 à 90 %. Dans le même temps, le volume des réclamations continue de diminuer, ce qui constitue également un élément satisfaisant.

Nous continuons par ailleurs à mettre en oeuvre un certain nombre d'améliorations du service rendu, dans le cadre du plan présenté par le Premier ministre le 5 septembre dernier. À ce titre, nous expérimentons notamment dans deux régions un accompagnement dédié aux créateurs d'entreprise, avec de premiers retours très intéressants. Nous avons aussi mis en service une application permettant aux micro-entrepreneurs d'effectuer leurs opérations de déclaration et de paiement.

Nous travaillons également à développer la possibilité pour les travailleurs indépendants d'ajuster plus rapidement leurs échéanciers, ce qui reviendra à mettre en place une forme d'autoliquidation maîtrisée d'ici à la fin de l'année. Nous nous sommes enfin attelés à la réforme de l'offre en ligne pour les autoentrepreneurs. S'agissant des améliorations déjà réalisées, je peux vous citer l'ouverture d'une possibilité de paiement par carte bancaire pour les artisans et commerçants.

L'ensemble de ces modifications s'inscrivent dans un mouvement d'évolution conforme aux prévisions annoncées, et non dans une rupture, que tout le monde souhaitait du reste éviter.

J'en reviens à l'exécution de la LFSS pour 2017. Cet exercice a été marqué par une croissance de 3,5 % de la masse salariale, à 0,8 point au-dessus de qui avait été prévu. Les recettes pour 2017 se situent à un niveau très proche de la prévision : un écart négatif de seulement 900 millions d'euros seulement a été constaté, écart qui n'est pas dû au montant des recettes portant sur les revenus d'activité, mais à celui de à certaines recettes fiscales, notamment en raison de la révision des affectations de recettes de la TVA. Les différentes mesures nouvelles ont produit les effets attendus : la baisse des cotisations famille a eu un effet de 920 millions d'euros en 2017 ; la hausse du taux des cotisations vieillesse, programmé dans le cadre des réformes des retraites, a eu un effet de l'ordre de 500 millions.

S'agissant de l'évolution de l'affectation de la TVA, une compensation nouvelle de la sécurité sociale à l'assurance chômage au titre de la baisse des cotisations salariales a été introduite en 2018 : la sécurité sociale garantit à l'assurance chômage l'intégralité de ses recettes de cotisations avant tout allègement, et se voit compenser le coût de cette prise en charge par l'affectation d'une fraction du produit de la TVA à l'Acoss. Cela se traduit par l'apparition d'un compte propre de l'Acoss, qui était jusqu'à présent transparente et se bornait à reverser les montants nécessaires aux différentes branches. Il est bien entendu que l'Acoss n'a pas vocation à accumuler des excédents et que, en cas d'écart entre ce produit de TVA et ce qui est reversé à l'Unédic, ces comptes seront répartis vers les différentes branches de la sécurité sociale.

Sur les perspectives pour 2018, la LFSS envisage une croissance de la masse salariale de 3,1 %, ce qui apparaît relativement prudent mais permettrait de constater, pour la première fois depuis 2001, un excédent du solde de la sécurité sociale de 1,2 milliard d'euros. L'ensemble constitué par le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) resterait cependant déficitaire (- 2,2 milliards d'euros), du fait du déficit toujours substantiel du FSV, marqué par l'effet durable du niveau de chômage qui se traduit mécaniquement dans ses dépenses. Le FSV sert en quelque sorte d'assurance pour le solde de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) vis-à-vis des variations de la conjoncture.

Concernant le bilan de l'impact sur l'emploi des mesures prises, nous ne produisons pas nous-mêmes d'évaluation macro-économique de ce type.

M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss. - Le dynamisme de la masse salariale en 2017 explique une partie importante de l'augmentation des recettes de cotisations.

Toutefois, il faut noter que le montant des allègements généraux a augmenté, de 7,3 %, ou 4 % si on exclut l'effet de l'allègement des cotisations familiales, soit une progression nettement plus rapide que les prévisions. Le montant des autres exonérations n'a augmenté dans le même temps que de 0,3 %.

Les créations d'emploi sur la période récente ont en effet été concentrées sur les secteurs pour lesquels ces allègements généraux sont les plus important et ont concerné des postes rémunérés autour du Smic. Les recettes supplémentaires liées à la progression de la masse salariale se sont ainsi élevées à 300 millions d'euros au lieu de 1,3 milliard d'euros.

À l'inverse, la hausse de la croissance économique a eu un effet important sur les recettes assises sur les revenus du capital, qui ont excédé les prévisions de plus de 800 millions d'euros. Le forfait social a également connu un rendement supérieur aux prévisions, de 200 millions d'euros.

La LFSS pour 2018 a prévu la non-compensation des 500 millions d'euros de moindres recettes liées au crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires. Cette loi a également acté l'abandon de la mise en place de la contribution supplémentaire de solidarité, ce qui représente un manque à gagner de 400 millions d'euros.

La Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a perdu l'affectation d'une part de TVA, remplacée par une fraction de CSG. À compter du 1 er janvier 2018. La Cnam n'a donc pas bénéficié du versement de TVA prévu en janvier mais qui correspondait à des ressources au titre de l'année 2017. Cela représente environ un milliard d'euros de moindres recettes.

S'agissant des déficits cumulés de l'Acoss, il restait 6 milliards d'euros de déficit non repris par la Cades fin 2015. Ce montant atteignait 13,9 milliards d'euros fin 2016 et 19 milliards d'euros fin 2017. Compte tenu des prévisions de déficit pour 2018, il atteindrait 21,2 milliards d'euros à la fin de cette année.

M. Jean-Noël Cardoux , président . - Il faut distinguer ce montant de dette comptable avec le point bas de trésorerie en cours d'exercice, qui est d'environ 33 milliards d'euros.

M. Alain Gubian. - Tout à fait. De plus, l'Acoss assure par ailleurs le financement d'autres organismes, notamment la Mutualité sociale agricole (MSA), ce qui peut augmenter les besoins de trésorerie.

Pour 2018, nous n'avons pas encore d'éléments comptables pour apprécier la mise en oeuvre de la loi de financement. Nous constatons toutefois que les prévisions de croissance convergent vers un niveau de 2 %, alors que la LFSS a été construite sur une hypothèse de 1,7 %. Cet écart entre les prévisions et la réalité est d'ailleurs courant dans les phases de reprise économique. L'hypothèse de progression de la masse salariale retenue était de 3,1 %. Or, on prévoit qu'elle atteindra au moins le niveau observé pour le quatrième trimestre 2017, soit 3,5 %. Toutes choses égales par ailleurs, une telle progression de la masse salariale entraînerait une hausse des recettes assises sur les revenus d'activité de l'ordre de 800 millions d'euros.

Les données de trésorerie dont nous disposons à ce stade vont également dans le sens d'une masse salariale dynamique, portée notamment par une adhésion plus forte que prévu des petites entreprises au prélèvement mensuel.

M. Jean-Noël Cardoux , président . - Je vous remercie pour ces éléments. Je souligne avant de passer la parole au rapporteur général que la tuyauterie que représentent les flux de financement de la sécurité sociale est de plus en plus complexe. Cela est peut-être de nature à justifier un rapprochement des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Pourriez-vous nous présenter les conditions de financement de la dette portée par l'Acoss ? Percevez-vous un risque particulier lié à la sensibilité de votre agence aux évolutions de taux ?

La loi de programmation des finances publiques, tout comme le programme de stabilité prévoient pour la période 2018-2022 un écrêtement du « bénéfice » des administrations de sécurité sociale (ASSO) à 0,8 % du PIB. Quelles conséquences de cet écrêtement prévoyez-vous pour la dette de l'ACOSS à cet horizon ? Est-ce compatible avec une réduction satisfaisante de cette dette ?

Dans le même esprit, avez-vous davantage de précisions sur la possible évolution de principe de compensation des mesures d'exonérations de portée générale ? Nous sommes également à l'écoute de vos commentaires sur un tel mécanisme.

M. Yann-Gaël Amghar. - Je ne connais pas la décomposition de l'écrêtement prévu par la loi de programmation des finances publiques, notamment en ce qui concerne l'Acoss. Néanmoins, si les prévisions de retour à l'équilibre puis à un excédent des comptes sociaux à partir de 2020 se confirment, cela devrait permettre une décrue rapide de la dette.

Le principe de compensation est mis en oeuvre de manière différente selon les exonérations. Pour les allègements généraux, il s'agit d'un panier de ressources fiscales affectées. Cela peut par définition entraîner une décorrélation entre le coût effectif des exonérations et le montant de la compensation.

Les autres exonérations sont généralement compensées à l'euro près. Il convient de noter qu'un certain nombre d'exonérations qui n'étaient pas compensées le sont depuis 2017. Cela me semble relever d'une logique de gestion vertueuse.

S'agissant des effets sur l'emploi de ces exonérations, il existe une littérature abondante sur les allégements généraux, mais ce n'est pas le cas pour les mesures récentes ni pour les exonérations ciblées.

M. Alain Gubian. - Pour répondre à l'interrogation sur le financement de la dette, il faut comprendre qu'elle est très liée à la création d'emplois. Si la croissance du PIB est moins dynamique qu'au début des années 2000, on constate que c'est une croissance plus enrichie en emplois que par le passé. Cela ne remet pas forcément en cause les effets des allègements de charges sur l'emploi mais c'est bien le facteur clé qui explique la dynamique de l'emploi. Une dynamique qui est d'ailleurs plus forte que ce que devrait générer spontanément les 2 % de croissance.

S'agissant du modèle de financement de l'Acoss, nous avons opéré un changement depuis plusieurs années : nous nous appuyons sur les marchés financiers de court terme. Sur la place de Paris, nous utilisons en particulier depuis 2007 des produits comme les Negotiable European Commercial Papers (NEU CP), qui sont les anciens billets de trésorerie. Depuis la crise de 2010 et l'explosion de la dette publique, nous sommes autorisés à nous financer sur les marchés internationaux pour diminuer le coût de gestion de notre trésorerie et en particulier à Londres où nous émettons des Euro Commercial Paper (ECP). Le recours à ces marchés plus profonds permet de diminuer nos coûts de financement.

Depuis trois ou quatre ans, la part de ces deux instruments dans le financement de l'Acoss est très importante : 22 % pour les NEU CP et 74 % pour les ECP, soit une part totale de 96 % de nos financements. Pour le reste, il s'agit des apports de trésorerie provenant d'une part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pour 800 millions d'euros en 2017, et d'autre part de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le recours à la CDC nous est très utile, spécifiquement le 9 de chaque mois, lorsque nous devons honorer le paiement des pensions du régime général et que nous avons à ce titre un besoin de trésorerie de 9 milliards d'euros. En plus des financements de marché, le prêt de très court terme de la CDC est vraiment le bienvenu. Nous sommes d'ailleurs en cours de renégociation de notre convention avec la CDC et souhaitons sécuriser ce prêt mensuel pour faire face aux creux de notre trésorerie.

Pour répondre à la question du rapporteur général sur le risque d'une remontée des taux d'intérêt, il est indéniable que nous avons engrangé les bénéfices de la faiblesse des taux. Sur les quatre premiers mois de l'année 2018, nous nous refinançons en effet à des taux négatifs de 0,45 % sur les NEU CP et 0,57 % sur les ECP. A ce stade, la tendance est claire jusqu'à la fin de l'année : la Banque centrale européenne (BCE) n'anticipe pas une remontée des taux sur les marchés donc il en sera de même pour ses taux directeurs. Le cas échéant, nous pourrions d'ailleurs encore allonger nos maturités. Nous avons d'ailleurs affiché, pour nos investisseurs étrangers, notre plafond de dette de façon à ce qu'ils comprennent que nous disposons d'un volume de dette important à financer. Au regard du taux Eonia actuel de 0,35 %, nous bénéficions vraiment de taux très avantageux.

Néanmoins, des risques pèsent sur l'avenir si la dette de l'Acoss ne se réduit pas. Elle est évidemment liée à la chronique des excédents et déficits du régime général. Les hypothèses de la LFSS prévoient des excédents donc on peut imaginer que la dette va se réduire à hauteur de ces 5 à 10 milliards d'euros d'excédents, s'ils se concrétisent. C'est bien la logique du modèle de la sécurité sociale que de se trouver à l'équilibre sur le cycle, l'Acoss devant bénéficier des pics et faire face aux creux de conjoncture. Sur les taux de long terme, il n'y a pas de tensions perceptibles puisqu'ils demeurent assez stables. On essaye d'avoir les meilleurs taux et l'Acoss jouit d'une position d'émetteur public de qualité en particulier sur le marché des devises.

M. Jean-Marie Morisset . - Lorsque le législateur décide, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, d'alléger les cotisations sociales des actifs, en contrepartie d'une hausse de la CSG, quel effet ces mesures ont-elles concrètement sur la feuille de paie du salarié ?

En contrepartie, comment la compensation pour la sécurité sociale s'opère-t-elle et à partir de quelles recettes ? Et comment l'Acoss reverse-t-elle ces recettes aux caisses ?

M. Yves Daudigny . - Une première question sur le FSV. Pouvez-vous me confirmer que le déficit du FSV est de 3,4 milliards d'euros ?

M. Yann-Gaël Amghar. - Oui...

M. Yves Daudigny . - L'essentiel des recettes du FSV est désormais tiré essentiellement des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Comment évoluent ces recettes au regard de la conjoncture économique alors que l'on sait que le FSV, qui finance notamment les validations de trimestre gratuits au titre du chômage, joue un rôle de stabilisateur automatique auprès des régimes de retraite ?

Pouvez-vous par ailleurs me confirmer que la hausse des recettes de cotisations sociales consécutive au fort dynamisme de la masse salariale (+ 3,5 %) n'a été que de 300 millions d'euros en 2017 alors qu'elle aurait dû être de 1,3 milliard d'euros sans les allègements généraux ?

M. Yann-Gaël Amghar. - Tout à fait. La perte liée à ces allègements peut être estimée à 1 milliard d'euros.

M. Yves Daudigny . - Enfin, à en croire un article de Patrick Artus dans l'édition du jour du quotidien Les Échos, le pic de croissance constaté à la fin de l'année 2017 dans la zone euro serait derrière nous. Quelle importance accordez-vous à ce jugement et quelles conséquences sur les recettes de la sécurité sociale ?

Mme Catherine Fournier . - Pouvez-vous me précisez où le coût de gestion de la dette sociale portée par l'Acoss figure dans vos comptes ? Est-il imputé dans le résultat année par année ? De même, j'ai bien compris le cercle vertueux entre hausse de la croissance et réduction de cette dette. Mais ne peut-on tout de même pas craindre que l'amélioration de la conjoncture ne fasse augmenter les taux d'intérêt ? De même, dans quelle mesure les allègements successifs de cotisations sociales ralentissent-ils l'amortissement de votre dette ?

M. Yann-Gaël Amghar. - Je pense qu'il faut distinguer les évolutions comptables, qui comprennent notamment les droits transférés entre caisses puis entre bénéficiaires, et les sujets plus opérationnels. Les recettes de l'agence sont de l'ordre de 500 milliards d'euros en 2017. Pour les trois quarts, elles viennent des cotisations versées par les employeurs, qu'ils soient privés ou publics, en règle général chaque mois, sauf pour les travailleurs indépendants, pour lesquels le versement est trimestriel. Ces ressources sont immédiatement mises à disposition des organismes habilités, comme les caisses de sécurité sociale pour les dépenses de retraite, les dépenses d'assurance maladie et les allocations familiales, l'assurance chômage, les autorités organisatrices de transport auxquelles nous versons le produit du versement transport, ainsi que la CNSA. Le calendrier de nos versements est variable car il dépend des besoins de trésorerie des organismes. Les versements les plus importants ont lieu le 9 de chaque mois et concernent les pensions de retraite du régime général. S'agissant des dépenses d'assurance maladie, d'allocations familiales ou de RSA, les versements sont plus réguliers.

J'en viens aux mesures en faveur du pouvoir d'achat des salariés votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Le coût prévu de la baisse de cotisations s'élève à 14 milliards d'euros pour les salariés, 2,3 milliards pour les travailleurs indépendants et 700 millions pour les fonctionnaires à travers la mobilisation de dispositifs spécifiques. Cette baisse est compensée par une hausse de la CSG de 1,7 point, qui représente 15,3 milliards d'euros. Une partie est affectée à la sécurité sociale, qui bénéficie également d'une affectation de TVA pour le solde. Afin d'éviter que l'assurance chômage ne subisse une baisse de ses ressources, le versement de l'agence est calculé en fonction des règles antérieures aux mesures en faveur du pouvoir d'achat. En somme, on transforme la recette fiscale en cotisations pour l'assurance chômage.

Il faudrait effectivement une analyse économique, qui ne relève pas de nos missions, pour savoir si nous aurions enregistré 300 millions d'euros de recettes supplémentaires si les allègements n'avaient pas été mis en place, pour déterminer leurs effets sur l'emploi et donc sur la masse salariale.

Concernant la dette sociale, elle nous rapporte de l'argent depuis peu, à hauteur de 100 millions d'euros par an, en raison de l'évolution des taux d'intérêt. La dette étant intégrée à notre compte de résultat, son coût alourdissait notre déficit annuel il y a encore quelques années et il avoisinait même parfois un milliard d'euros. Je rappelle que la dette de l'Acoss n'est que la résultante des déficits successifs, desquels on retranche la dette transférée à la Cades.

Le montant de 3,4 milliards d'euros pour le FSV que j'ai évoqué est celui mentionné dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, qui se fondait sur les prévisions réalisées en septembre 2017. Ce montant n'intègre pas l'amélioration des revenus du capital observée l'année dernière. S'il est trop tôt pour connaître le montant exact de ces revenus, il est toutefois possible que l'on observe une amélioration des comptes du FSV en 2018.

M. Alain Gubian - Le déficit du FSV fin 2017 était de 2,9 milliards d'euros, contre une prévision de 3,6 milliards. En 2018, nous ne savons pas encore précisément comment évolueront les comptes du FSV, qui ne sont pas uniquement sensibles à la croissance économique.

Il ne rentre pas dans les missions de l'Acoss de faire des prévisions sur l'évolution à moyen terme de la croissance économique. Nous intégrons seulement les observations conjoncturelles les plus récentes dans nos travaux. Le consensus des économistes qui alimente notre réflexion table sur une croissance de 2 % pour 2018, sans préjuger du taux en 2019. En tout état de cause, la croissance en 2018 sera supérieure à ce que nous attendions lors de notre prévision en 2017. En cas de reprise, les prévisions sont souvent revues à la hausse, mais il arrive forcément un moment où les prévisions se retournent. Certains économistes, à l'instar de Patrick Artus, pensent que nous avons déjà dépassé le point haut de la croissance. Les difficultés de recrutement peuvent en effet parfois annoncer un regain d'inflation et un ralentissement de la croissance. Je n'ai pas l'autorité pour trancher ce débat entre économistes. Notre baromètre mensuel du mois de mars, qui sortira prochainement, montre que les embauches sont très dynamiques, corroborant l'enquête Besoins en Main-d'OEuvre (BMO) de Pôle emploi publiée la semaine dernière.

II. EXAMEN EN COMMISSION

__________

Réunie le mercredi 4 juillet 2018, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission entend la présentation du rapport d'information de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, sur la situation des finances sociales.

M. Alain Milon , président . - Nous passons à l'examen du rapport de notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe sur la situation des finances sociales dans la perspective du débat d'orientation des finances publiques du 12 juillet prochain. Je vous indique que l'horaire du débat a changé, il aura lieu à 15 h 30.

Il s'agit d'un travail réalisé dans le cadre du programme de travail annuel de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la Mecss, dont je salue le président, Jean-Noël Cardoux.

Je rappelle que la publication des rapports de la Mecss doit être autorisée par la commission dans son ensemble.

Notre commission examine ce rapport pour la quatrième année consécutive dans le contexte particulier du débat sur la révision constitutionnelle.

Je rappelle que ce travail est né d'une triple insatisfaction : l'examen de l'application de la loi de financement échappe largement au contrôle parlementaire, car il est tardif, expéditif et partiel.

Ce contrôle est tardif : le compte rendu de l'application de la loi de financement au mois de juin s'effectue en dehors du Parlement, dans le cadre de la commission des comptes de la sécurité sociale créée en 1979, soit bien avant la création du PLFSS ;

Il faut attendre la fin du mois de septembre avec la publication du rapport de la Cour des comptes sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour disposer d'une analyse plus fine.

Ce contrôle est expéditif : l'examen de la première partie de la loi de financement ne prend le plus souvent que quelques secondes en séance publique.

Ce contrôle est partiel : le périmètre est celui du régime général de sécurité sociale qui ne correspond pas à celui du PLFSS alors que notre commission examine plus largement le périmètre des ASSO, qui fait l'objet de la loi de programmation des finances publiques

Pour toutes ces raisons, nous avons demandé au rapporteur général de faire ce travail et de le restituer au moment où nous en avons besoin, c'est-à-dire avant l'été.

J'ajoute que nous n'avons pas jugé nécessaire que nos collègues députés en inscrivent le principe dans la Constitution pour entendre les ministres chargés du budget sur les comptes sociaux, ce que nous faisons chaque année au printemps depuis 4 ans.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Comme ces dernières années, la MECSS m'a invité à dresser devant notre commission le tableau de la situation des finances sociales à l'approche du débat d'orientation des finances publiques (DOFP) en séance publique. C'est avec plaisir que je vous en livre les éléments les plus saillants, étant entendu que vous trouverez des informations plus détaillées dans le rapport écrit que vous m'autoriserez peut-être à publier à l'issue de nos échanges.

Comme le veut cet exercice, il convient de distinguer deux périmètres d'examen des comptes sociaux :

- d'une part, en comptabilité générale, le périmètre de la « sécurité sociale », qui correspond au périmètre actuel des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) sur lesquelles nous nous prononçons chaque automne ;

- d'autre part, en comptabilité nationale, l'ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui est le périmètre de nos engagements européens, celui à partir duquel sont appréciés le solde des administrations publiques et la dette publique au sens du Traité de Maastricht. En plus de la sécurité sociale, il inclut les retraites complémentaires obligatoires, l'assurance chômage ou encore la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). C'est par ce dernier périmètre que je débuterai mon propos.

Comme vous l'avez entendu ces dernières semaines, en prenant en compte l'ensemble des ASSO, les comptes sociaux sont enfin à l'équilibre en 2017 pour la première fois depuis une décennie : + 5,1 milliards d'euros, soit 0,2 % du produit intérieur brut (PIB).

Il s'agit d'une bonne nouvelle, dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Pour autant, nous ne pouvons éluder les fragilités qui demeurent au-delà de cette bonne performance.

Tout d'abord, ce résultat positif intègre les 14,3 milliards d'euros amortis par la Cades l'année dernière. Cette intégration n'est pas contestable d'un point de vue comptable. Mais en dehors du résultat de cette structure provisoire en grande partie financée par une ressource - la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) - destinée à s'éteindre en 2024, les administrations de sécurité sociale ont enregistré, en 2017, un besoin de financement de 9,2 milliards d'euros. La notion d'équilibre retrouvé est donc à relativiser.

En outre, le bon résultat de l'année dernière est très largement le fait du dynamisme des recettes. Poussées par la très bonne conjoncture économique, à laquelle elles sont intimement liées du fait de l'assiette salariale de la majorité d'entre elles, les recettes de l'ensemble des ASSO sont en effet passées de 580,7 milliards d'euros en 2016 à 604 milliards en 2017, soit une hausse de près de 4 % en un an. Les prélèvements obligatoires, impôts et cotisations, sont prépondérants : avec 553,1 milliards d'euros l'an dernier, ils ont représenté 53,3 % de l'ensemble des prélèvements obligatoires, et 24,1 % du PIB.

Dans son rapport sur les comptes publics, en prenant un peu de recul, la Cour des comptes souligne que, depuis 10 ans, les administrations de sécurité sociale ont bénéficié d'une hausse de leurs recettes de 2,3 points de PIB, dont :

- 1,2 point d'évolution « spontanée », avec un fort effet de l'année 2009 au cours de laquelle la masse salariale s'est globalement maintenue malgré une nette baisse du PIB ;

- et 0,9 point dû à des mesures de hausse des prélèvements en faveur des ASSO, en distinguant deux périodes contrastées, une période 2010-2014 au cours de laquelle les mesures ont abouti à une hausse de 1,2 point et une période depuis 2014 qui voit ce mouvement quelque peu refluer (- 0,3 point dû aux mesures prises depuis lors).

En allant un peu plus dans le détail, les comptes de l'Unédic ont affiché un déficit de 3,6 milliards d'euros en 2017, en repli par rapport aux 4,3 milliards de 2016. Là encore, c'est l'augmentation des recettes qui explique cette amélioration, les dépenses de l'assurance chômage ayant légèrement augmenté, de quelque 300 millions d'euros pour atteindre 39,9 milliards d'euros l'année dernière. On relèvera, à cet égard, que les effets de la nouvelle convention conclue par les partenaires sociaux en 2017 n'ont guère pu se faire sentir sur l'exercice précédent, ce texte étant entré en vigueur au mois de novembre. C'est donc l'année 2018 qui permettra d'en faire un premier bilan. En tout cas, au 31 décembre, la dette de l'Unédic représentait un montant de 33,5 milliards d'euros ; sans anticiper sur la suite, vous vous souvenez sans doute que les responsables de l'organisation que nous avons entendus en commission prévoient un « pic » de dette de l'ordre de 35 milliards d'euros en 2019 avant que la décrue ne s'amorce à compter de 2020.

S'agissant des régimes complémentaires obligatoires de retraite, l'Agirc-Arrco a enregistré un déficit technique de 2,9 milliards d'euros en 2017, en repli par rapport aux 4,2 milliards de 2016 mais surtout en « avance » d'environ 2 milliards d'euros par rapport à la prévision d'un déficit de 5 milliards en 2017 qui figurait dans l'accord du 30 octobre 2015. Après prise en compte des résultats financiers, ce déficit est ramené à 569 millions d'euros, prélevés sur les réserves puisque les régimes complémentaires ne peuvent avoir recours à l'endettement. La réserve de financement de l'Agirc-Arcco s'établissait à 62,5 milliards d'euros à fin 2017.

J'en arrive à présent au périmètre de la LFSS. Le résultat 2017, quoique poursuivant son amélioration de ces dernières années, reste déficitaire de 5,1 milliards d'euros :

- 2,2 milliards d'euros pour le régime général ;

- et 2,9 milliards d'euros pour le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Il est permis de relever que ce chiffre est moins bon que la prévision que nous avons votée dans le cadre du PLFSS 2017, c'est-à-dire un déficit de 4,2 milliards d'euros. Il est en revanche, en ligne avec la prévision rectifiée du PLFSS 2018.

En allant au niveau des branches, la branche maladie affiche un déficit de 4,9 milliards d'euros, quasiment stable par rapport à 2016. Les recettes comme les dépenses ont augmenté de 3,5 %. Cela correspond pour l'essentiel à l'augmentation des cotisations en ce qui concerne les recettes. Quant à la hausse des dépenses, elle correspond, d'une part, à l'Ondam, tenu comme prévu à 2,2 %, et d'autre part à des changements de périmètre, notamment le transfert (compensé) de l'État à l'assurance maladie du financement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

De manière un peu moins marquée que lors des exercices précédents, mais de manière réelle, on relèvera (sans surprise) que la tenue de l'Ondam ne signifie pas que chacun de ses sous-objectifs a respecté son enveloppe prévisionnelle. Comme l'indique le comité d'alerte, par rapport aux objectifs initiaux, les dépenses de soins de ville sont supérieures de 0,6 milliard d'euros, tandis que les versements de l'assurance maladie aux établissements, notamment hospitaliers, sont en retrait du même montant par rapport à la prévision.

La ministre semble consciente du fait qu'avec la fragilisation financière croissante des hôpitaux, nous avons sans doute atteint les limites de ce type de régulation. Il est en tout cas indispensable que l'effort de tenue de l'Ondam soit mieux partagé à l'avenir et inclue donc une meilleure maîtrise des dépenses de ville, notamment des indemnités journalières et des frais de transport médicalisé.

L'excédent de la branche AT-MP a fortement augmenté en 2017 pour s'établir à 1,1 milliard d'euros. Les recettes ont presque connu le même dynamisme que dans les autres branches (+ 2,4 %) malgré une baisse du taux de cotisation, tandis que les dépenses de la branche ont diminué de 0,6 %.

La branche retraites est également restée excédentaire en 2017, à + 1,1 milliard d'euros. Là encore, du côté des recettes, les cotisations ont été relativement dynamiques (+ 2,5 %). En revanche, la branche a subi les effets du transfert de la fraction de la taxe sur les salaires dont elle bénéficiait en contrepartie de l'affectation intégrale de la CSSS, qui n'a pas compensé cette perte. Du côté des charges, les prestations servies ont connu une progression maîtrisée (+ 1,9 % contre 2,2 % en 2016) ; comme le souligne la commission des comptes de la sécurité sociale, les effets modérateurs des mesures de report d'âge ont été forts en 2017.

La branche famille a considérablement réduit son déficit l'année dernière, celui-ci étant passé de 1 milliard d'euros à 200 millions d'euros. On relèvera une croissance très modérée des charges (+ 0,7 %) avec, pour la troisième année consécutive, une baisse des prestations légales (- 0,2 %), en particulier des dépenses liées à la petite enfance (- 3,8 %). Dans le même temps, comme pour l'ensemble des branches, la croissance économique a stimulé les recettes (+ 2,4 %).

Le solde du FSV a été de - 2,9 milliards d'euros en 2017, après un déficit de 3,7 milliards en 2016. Cette amélioration s'explique essentiellement par l'évolution des dépenses, en assez nette diminution du fait de la réforme du financement du minimum contributif décidée dans le cadre de la LFSS 2017.

Pour conclure ce regard sur l'année 2017, observons qu'en raison de conditions d'emprunt atypiques, l'Acoss a paradoxalement affiché un résultat positif de 125 millions d'euros de gestion de trésorerie malgré une situation de trésorerie défavorable : - 23,4 milliards d'euros au 31 décembre, soit une dégradation de 6,1 milliards d'euros par rapport à l'année précédente. Le point bas de l'année s'est établi à - 32,7 milliards d'euros en septembre, soit un niveau proche de l'autorisation de découvert de 33 milliards d'euros que le Parlement avait octroyé à l'agence en LFSS 2017.

En résumé, l'exercice 2017 s'est donc traduit par une amélioration du solde de l'ensemble des régimes, hors assurance maladie, pour aboutir à une situation d'équilibre, du fait de l'inclusion (certes logique) de la Cades dans le périmètre des ASSO. Pour le reste, l'Agirc-Arrco, l'assurance chômage, le régime général et le FSV ont en fait connu une situation de moindre déficit par rapport à 2016 sans avoir encore équilibré leurs comptes (à l'exception des branches retraites et AT-MP).

Mais, vous le savez, notre exercice ne consiste pas seulement à regarder dans le rétroviseur mais aussi à tracer des perspectives d'avenir, pour l'exercice 2018 en cours et à plus long terme.

Pour 2018, vous avez sans doute lu la presse, l'optimisme semble de mise. La contribution des ASSO au solde des administrations publiques bondirait à + 0,7 % de PIB. Par la suite, nous y reviendrons, il atteindrait un plafond de 0,8 point de PIB.

Les évolutions les plus significatives de 2018 seraient les suivantes :

- l'Unédic prévoit un net repli de son déficit pour l'année en cours ; celui-ci passerait de 3,5 milliards à 1,3 milliard, avec, toujours, un dynamisme des recettes et, en parallèle, une diminution des dépenses allocataires ;

- et, de façon encore plus spectaculaire pour l'opinion publique, les dernières prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale font état d'un quasi équilibre de l'ensemble régime général + FSV, avec un déficit ramené à quelque 300 millions d'euros, toujours sous l'effet d'une forte croissance de la masse salariale. Le régime général stricto sensu serait même en excédent de 2,5 milliards d'euros. Comme l'ont titré certains journaux, le « trou » de la sécurité sociale serait-il donc en passe d'être comblé ?

Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, je dois vous livrer quelques éléments qui tempèrent quelque peu cet enthousiasme. Si équilibre des comptes sociaux il y a, disons qu'il s'agit d'un équilibre instable...

En premier lieu, sans remettre en cause tous les équilibres, la prévision pour 2018 de la commission des comptes inclut une compensation de l'État aux organismes de sécurité sociale de 600 millions d'euros au titre du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) dont il y a tout lieu de penser qu'elle sera supprimée dans le cadre de la LFSS 2019. Un déficit de 900 millions d'euros pour le régime général et le FSV est donc sans doute plus réaliste que les 300 millions affichés.

Ensuite, la prévision de 2018 repose sur une croissance une nouvelle fois très forte de la masse salariale, de l'ordre de 4 %. Cet objectif n'est pas inatteignable. Il est néanmoins ambitieux, d'autant que la croissance du PIB a nettement marqué le pas au premier trimestre de l'année selon l'Insee.

Ce relatif optimisme du Gouvernement sur la croissance à venir est encore plus net pour les années suivantes puisque le scénario retenu est celui d'une croissance de 1,9 % du PIB en 2019 puis 1,7 % chaque année de 2020 à 2022. Comme le relève la Cour des comptes, ce scénario repose sur l'hypothèse d'un écart entre croissance effective et croissance potentielle qui resterait durablement positif pendant six années consécutives, ce qui ne s'est jamais produit au cours des 40 dernières années.

Les hypothèses économiques sur lesquelles se fonde le redressement des comptes sociaux méritent donc d'être vérifiées, dès cette année et plus encore à moyen terme.

S'agissant des dépenses, nous avons déjà évoqué l'Ondam, pour lequel l'enjeu des années à venir est davantage celui du rééquilibrage entre sous-objectifs que sa tenue globale.

Mais des évolutions notables sont susceptibles de survenir dès 2019, année durant laquelle le traitement du financement de la dépendance et la réforme des retraites peuvent remettre en cause les équilibres connus aujourd'hui. Nous devrons alors, mes chers collègues, nous montrer très attentifs à ce que les décisions que nous prendrons ne recréent pas une situation de déficit structurel des comptes sociaux.

Enfin, vous le savez, le principal facteur de déséquilibre à moyen terme réside peut-être dans la révision annoncée des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Je vous rappelle qu'aux termes de l'article 27 de la dernière loi de programmation des finances publiques, « Avant la fin du premier trimestre 2018, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Ce rapport détaille l'ensemble des compensations par type de mesure, en précisant s'il s'agit de compensation totale ou partielle. » Nous sommes à présent le 4 juillet, nous abordons le débat d'orientation des finances publiques et le Parlement ne dispose toujours pas de ce fameux rapport. Je considère cela comme difficilement acceptable et je ne manquerai de le faire savoir aux ministres lors de la séance publique.

Réviser périodiquement les relations financières entre l'État et la sécurité sociale n'est évidemment pas malsain. Nous le savons, celles-ci sont pour le moins complexes, pour ne pas dire illisibles.

De plus, d'un point de vue financier, reconnaissons qu'il serait étrange que, dans un scénario « rose », les organismes de sécurité sociale, ou de protection sociale au sens large, accumulent les excédents tandis que l'État continuerait, lui, d'accumuler des déficits tout en transférant des ressources financières importantes aux organismes sociaux.

Néanmoins, il nous revient, me semble-t-il, de rappeler quelques principes qui semblent ne plus être tout à fait des évidences aux yeux de tous :

- d'une part, le financement des différents régimes de protection sociale ne saurait s'aborder à des considérations uniquement budgétaires puisqu'ils correspondent chacun à des logiques différentes (assurantielles et solidaires, pour faire bref) qui devraient correspondre à des modes de financement différents (cotisations ou impôts). Les débats actuels sur le financement de l'assurance chômage illustrent d'ailleurs la confusion qui règne parfois de ce point de vue ;

- d'autre part, tant que subsiste une dette de la sécurité sociale, qu'elle soit portée par l'Acoss ou par la Cades, mais cela vaut aussi pour la dette de l'Unédic, la priorité doit être de la rembourser. Ce n'est pas parce que, depuis quelques décennies, les Français se sont habitués à ce que puisse exister un « trou » de la sécurité sociale que cette situation n'est pas profondément anormale. Au vu de la nature de ces dépenses, toute dette sociale correspond, par définition, à un transfert de nos charges aux générations à venir, ce qui ne serait pas responsable. La révision des relations financières entre l'État et la sécurité sociale ne saurait donc être acceptée que si elle permet le remboursement intégral et à l'échéance de la dette sociale, sauf à conduire la « politique des Shadoks », où on comble un trou en en creusant un autre ;

- enfin, pour les mêmes raisons, cette révision ne doit pas conduire à ce que les comptes sociaux soient tout juste à l'équilibre les années économiques fastes et en déficit les mauvaises années, ce qui conduirait inéluctablement à recreuser un « trou de la sécu » avant même d'avoir comblé le précédent. Une situation de déficit structurel de moyen terme serait tout aussi peu satisfaisante qu'une situation d'excédent structurel.

Ce n'est qu'à ces conditions, mes chers collègues, que les comptes sociaux, enfin revenus à l'équilibre, pourront passer d'un équilibre instable à l'équilibre stable que nous souhaitons tous. Il nous reviendra d'y veiller ensemble lors des débats à venir.

Je vous remercie de votre attention.

M. Jean-Noël Cardoux . - Je remercie beaucoup le rapporteur général de cette intervention, notamment des tempéraments qu'elle a su apporter au vent d'optimisme ambiant qui me paraît excessif à bien des égards.

Si l'on s'en tient aux strictes données macroéconomiques, je ne suis pas sûr que le Gouvernement ait entièrement intégré la tendance actuelle baissière de la croissance, ainsi que le renchérissement du coût de l'énergie. Maîtrise-t-il bien l'impact à venir, à mon sens décisif, du prélèvement à la source sur la consommation des ménages ? Je formule la même question pour les mouvements de grève dont on nous annonce une relance pour septembre, et dont on mesure rarement l'effet sur les comportements économiques.

Concernant l'équilibre des comptes, en tant que président de la Mecss, je suis intervenu à ce sujet au conseil d'administration de la Cades. Cette dernière se montre pour l'heure très optimiste quant à sa capacité de remboursement de ses emprunts d'ici 2024, notamment grâce à l'engagement de plusieurs souscriptions aux États-Unis. Fort bien. Mais cette assurance ne prend pas en compte les déficits persistants et non transférés de l'Acoss, qui demeurent un problème structurel. Je rappelle qu'il est impossible à l'Acoss de les transférer à la Cades sans autorisation expresse du Parlement. Je serais pour ma part d'avis de rediriger une fraction de la CRDS vers le remboursement de ces déficits non transférés.

Mme Catherine Deroche . - Je partage entièrement l'avis de notre rapporteur général quant à l'effet d'optique qu'induit une observation du rythme du seul Ondam, sans prise en compte de ses sous-objectifs. J'exprime à cet égard mon inquiétude quant à la volonté affichée du Gouvernement, à des fins de protection de l'Ondam hospitalier, de faire peser l'essentiel de l'effort de dépenses sur l'Ondam soins de ville. Le développement de la prise en charge ambulatoire et la chronicisation de certaines pathologies ont au contraire vocation à accompagner le patient hors les murs de l'hôpital et à le faire relever de la médecine de ville. C'est par ailleurs une vision de très court terme, qui ne tient absolument pas compte du retour sur investissement potentiel de certains médicaments innovants dont les prix, au cours de la première phase de leur cycle de vie, seront nécessairement élevés et que l'assurance maladie se doit d'absorber.

M. Yves Daudigny . - Je rejoins totalement le rapporteur général sur tous les points de son exposé, et particulièrement sur celui où il souligne à quel point la protection sociale ne saurait être réductible à des considérations budgétaires. Je tenais néanmoins à rappeler que, bien que les objectifs annoncés n'aient pas tous été atteints, c'est au Gouvernement précédent qu'il revient d'avoir impulsé en premier la dynamique d'effort dont on recueille les fruits aujourd'hui.

Ayons par ailleurs toujours à l'esprit que les dépenses de protection sociale, parce qu'elles visent l'humain, ne sont pas qu'un coût mais également un investissement. Il y a certaines économies dont il n'est pas de bon ton de se réjouir. Nos hôpitaux sont soumis à des pressions budgétaires difficilement tolérables - il me suffit à ce titre d'évoquer le souvenir de la tentative de suicide d'un médecin de renom il y a seulement quelques jours. La grande réforme de la santé promise par la ministre des solidarités est reportée à septembre prochain.

Enfin, les données économiques sur lesquelles reposent les scénarios les plus optimistes sont pour le moins sujettes à caution. Une croissance qui se ralentit, une consommation qui stagne, un pouvoir d'achat qui recule de 0,6 % au premier trimestre sont autant d'indicateurs qui, malgré la reprise, fragilisent considérablement le redressement de nos comptes sociaux.

Mme Laurence Cohen . - Je souscris absolument aux propos de mes collègues qui ont rappelé que l'on ne doit pas traiter la protection sociale sous l'unique angle budgétaire, mais également intégrer la dimension humaine sous-jacente. Une baisse des dépenses de protection sociale se traduit toujours par une baisse de la qualité des soins.

Ainsi, plutôt que de se réjouir d'une trajectoire budgétaire maîtrisée en raison d'économies importantes, mon groupe propose une réforme ambitieuse du financement de la protection sociale, que j'aurai ultérieurement l'occasion de vous exposer.

Mme Deroche a parfaitement raison d'évoquer le trompe-l'oeil du montant général de l'Ondam, lorsque l'on sait que l'essentiel se joue au niveau de ses sous-objectifs. Le niveau de l'Ondam hospitalier fait certes peser un risque indéniable d'asphyxie financière sur les établissements hospitaliers publics, mais la solution qui consiste à faire du seul Ondam soins de ville la variable d'ajustement n'est pas plus viable. Les deux milieux de soins sont complémentaires et ne peuvent pas être financièrement montés l'un contre l'autre : comment répondra-t-on au problème des déserts médicaux si les efforts doivent tous être supportés par la médecine de ville ?

J'exprime enfin une inquiétude relative à l'article 7 du projet de loi constitutionnelle actuellement examiné par nos collègues de l'Assemblée nationale. Ces derniers ont récemment adopté en commission des lois un amendement substituant le terme de « protection sociale » à celui de « sécurité sociale ». Mon groupe reste pour sa part farouchement attaché au système assurantiel, qui garantit au salarié une couverture contre les risques sociaux indépendamment de son revenu. Or nous savons fort bien que le terme « protection sociale », qui renvoie au champ de la solidarité nationale, conditionne le versement des prestations aux ressources du bénéficiaire, ce que nous ne pouvons tolérer.

M. Michel Amiel . - En écho aux propos qu'ont tenu jusqu'à présent mes collègues, je me permettrais cette incise de René Char : « les mots savent de nous ce que nous ignorons d'eux ». Il est tout à fait vrai que derrière les chiffres, se cachent des réalités humaines et médicales de plus en plus difficilement supportables. Comme médecin, je ne me prononcerai que sur les dépenses d'assurance maladie. Malgré les espoirs suscités par les réformes impulsées dans chacun des deux principaux secteurs financés par les sous-objectifs de l'Ondam - tarification à l'activité (T2A) pour les hôpitaux et télémédecine pour la médecine de ville - le poids de certaines structures nous expose à ce que les choses mettent au moins une vingtaine d'années à profondément se modifier. D'ici là, il nous faut à mon sens nous résoudre à ce que ces secteurs souffrent de pénuries financières importantes.

Permettez-moi d'émettre trois réserves sur les économies de près de 2 milliards d'euros qui nous sont annoncées par le directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie. Le virage ambulatoire, dont on espère beaucoup, ne pourra pas être étendu aux patients du 3 e ou du 4 e âge, qui représenteront tout de même une partie importante de la patientèle à venir ; l'économie sur les indemnités journalières ne me paraît pas non plus compatible avec l'allongement de la durée du travail et l'exposition plus sensible des travailleurs âgés aux arrêts-maladie ; enfin, les médicaments innovants demeureront diffusés sur le marché à des prix de départ exorbitants - j'en veux pour preuve l'exemple des médicaments pour le traitement de l'hépatite.

J'ajoute qu'à ces stricts problèmes budgétaires viendra s'ajouter la question de plus en plus prégnante de la démographie médicale, que ne règleront ni les mesures d'incitation, ni les mesures de sanction.

M. René-Paul Savary . - Ce rapport est d'une qualité incontestable, bien que le sujet dont il traite me pose de nombreux problèmes. Notre système de protection sociale présente tout de même d'importantes incohérences de fond auxquelles il me paraît urgent d'apporter une réponse systémique. Je suis tout de même très surpris que ne soit jamais remis en question son caractère profondément contra-cyclique : les dépenses ne sont jamais aussi fortes que lorsque les recettes sont les moins dynamiques !

Par ailleurs, rien n'est jamais dit de la nécessité de mener une politique de natalité, qui seule présente la garantie de la pérennité de notre système de retraite. On doit effectivement à tout prix sortir de ces raisonnements et de ces approches dichotomiques entre budgétaire et humain, entre chacune des branches de la sécurité sociale, entre les sous-objectifs de l'Ondam, qui, réduisant excessivement l'échelle de nos analyses, nous font passer à côté de l'essentiel.

Je souscris enfin aux propos de ma collègue sur l'article 7 du projet de loi constitutionnelle.

M. Olivier Henno . - Ne pourrait-on justement profiter de ce moment d'équilibre - bien que celui-ci soit discutable - pour aborder le sujet plus structurel du financement de notre protection sociale ? La demande de clarification est forte de la part de nos citoyens, et la conjoncture est peut-être propice à ce que nous nous y adonnions.

M. Jean-Louis Tourenne . - Je souhaiterais pour ma part revenir sur l'évocation par le rapporteur général d'un scénario « rose » aux termes duquel les organismes de sécurité sociale accumuleraient les excédents tandis que l'État continuerait, lui, d'accumuler des déficits. Je trouve cette hypothèse fort dangereuse, non pas, comme l'entend le rapporteur général, parce qu'elle entretiendrait le déficit de l'État qui continuerait de transférer des recettes à la sécurité sociale, mais parce qu'au contraire elle induit la tentation pour l'État d'aller puiser dans les caisses de la sécurité sociale pour combler son propre déficit. Je suis persuadé qu'il nous faut aller plus loin dans l'autonomie de gestion du système de sécurité sociale, qu'il faut protéger des ponctions injustifiées que pourrait y faire un État en déficit structurel. Il faut vraiment laisser à la sécurité sociale le soin d'adapter son budget et ses prestations.

M. Daniel Chasseing . - Les soins ambulatoires ont été fréquemment mentionnés comme sources d'économies, mais permettez-moi de signaler qu'une personne prise en charge en ambulatoire et soignée à domicile, surtout quand elle est âgée, requerra de toute façon un niveau important de soins infirmiers. Je ne suis absolument pas sûr de l'économie !

Les hôpitaux présentent certes un déficit important en fonctionnement, mais également en investissement.

Enfin, le vieillissement de la population appelle selon moi une médicalisation accrue des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ainsi qu'un renforcement de leurs effectifs, ce qui, là encore, n'engendrera certainement pas les économies souhaitées. Si j'ajoute à tout cela la croissance en berne, je suis contraint d'émettre les plus grandes réserves sur l'atteinte de l'équilibre de nos comptes sociaux.

M. Alain Milon , président . - Je souhaiterais pour ma part que nous prêtions une plus forte attention aux organismes de protection complémentaire, qui participent au financement de la protection sociale mais qui se distinguent par les gains financiers qu'ils en retirent.

Par ailleurs, je ne parviens pas à comprendre pourquoi les établissements hospitaliers publics sont tenus au remboursement de leurs dépenses d'investissement immobilier. Il me semble que les établissements scolaires ne sont pas soumis aux mêmes exigences, sans que cette différence de traitement ne se justifie.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Sur cette dernière question, c'est effectivement le souhait réitéré de la commission des affaires sociales que l'investissement immobilier ne soit pas intégré au budget des hôpitaux publics, mais soient supporté par un fonds distinct. Je partage également les préconisations du président concernant les organismes de protection complémentaire, d'autant que plusieurs études ont chiffré leur contribution potentielle à près de 6 milliards d'euros.

Je prends acte des inquiétudes manifestées par nos collègues. Je tiens à les assurer du maintien de notre vigilance sur toutes les questions abordées, notamment sur la tendance à plafonner les excédents des organismes de sécurité sociale au profit de l'État et sur la résorption de la dette non transférée de l'Acoss.

La gouvernance et le pilotage de l'Ondam doivent être intégralement revus. Il est exact que les soins de ville et les soins hospitaliers sont beaucoup trop interdépendants pour être financés de façon aussi cloisonnée. Nous ne pourrons pas nous satisfaire en septembre prochain d'un simple « Plan Hôpital », là où un plan général de la santé est nécessaire. J'ai également bien pris en compte les avertissements que vous avez émis sur la nature relative des excédents à venir, en regard des dépenses non anticipées et non couvertes. Notre collègue a évoqué à ce titre les dépenses de médicalisation des Ehpad, qui sont pour l'heure fort modestes, mais dont l'augmentation annoncée n'est pas chiffrée.

Je tempérerais toutefois l'alarmisme de certaines interventions en mentionnant la dimension de prévention, censée endiguer les dépenses de soins, dont ce Gouvernement a fait une composante importante des mesures de santé, et qu'on peine à faire apparaître d'un strict point de vue comptable. Elle ne doit pas pour autant être négligée.

Enfin, la remise, que nous espérons, du fameux rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale pourra servir de base à la grande réforme structurelle de la protection sociale que plusieurs d'entre vous avez évoquée.

La commission autorise la publication du rapport d'information.


* 1 Cf., par exemple, rapport d'information Sénat n° 635 (2016-2017), pp. 23-25.

* 2 Organismes divers d'administration centrale. Dissous le 31 décembre 2017 en vertu de l'article 143 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, l'établissement public Fonds de solidarité assurait le financement du régime de solidarité, qui rassemble les allocations de solidarité versées aux demandeurs d'emploi qui ne peuvent pas bénéficier du régime d'assurance chômage `allocation de solidarité spécifique, allocation de fin de droits, etc.).

* 3 À répartir entre les branches maladie, vieillesse et famille.

* 4 Le montant de TVA nette perçu par la branche maladie passerait 10,3 milliards d'euros en 2017 à 579 millions d'euros en 2018.

* 5 En cohérence avec les principes dégagés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014 sur les différences de nature entre impôts et cotisations.

Page mise à jour le

Partager cette page