COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE « LE RÉGIME INDEMNITAIRE DES ÉLUS LOCAUX » (14 MARS 2018)

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et co-président du groupe de travail « Statut de l'élu local » . - Nous réalisons un important travail sur le statut de l'élu local, fondé sur une vaste consultation - disponible sur le site du Sénat - qui a obtenu plus de 17 500 réponses sur les attentes et les difficultés des élus. Le groupe de travail de notre délégation sur ce thème a scindé ce vaste travail en différentes thématiques ayant chacune deux à trois co-rapporteurs. Avec Mathieu Darnaud, nous assurons une coordination générale de la démarche. Nous devons être prêts avant la Conférence nationale des territoires (CNT) fin juin. Notre groupe de travail s'est déjà réuni lors d'une table-ronde inaugurale en présence de Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'intérieur, et de François Zocchetto notamment.

Nous réunissons aujourd'hui une première table-ronde thématique sur le régime indemnitaire, champ d'action prioritaire pour 16 % des élus - un chiffre élevé, sachant que les principaux items atteignent ce chiffre de 16 à 17%. Plus de 85% des répondants - souvent des maires ou adjoints - ont affirmé percevoir une indemnité, même si la majorité des élus locaux n'en touchent pas. Plus de 57% considèrent ce régime insuffisant, contre 35% qui le trouvent suffisant. Plus de 54% d'entre eux le jugent illisible. Quelles sont les pistes d'évolution concrètes ? Vous pourrez aussi nous faire part de contributions écrites.

M. Mathieu Darnaud, co-président du groupe de travail . - Vous avez rappelé l'importance de ces tables rondes alimentant la réflexion sur le statut de l'élu local, sujet complexe dont nous débattons depuis de nombreuses années sans pour autant avoir trouvé une solution satisfaisante.

Le terme « statut de l'élu local » a été remis en cause par Mme Gourault lors de notre première table ronde. Nous souhaitons prendre en compte tous les paramètres relatifs à la vie de l'élu : la formation, le régime indemnitaire, les responsabilités... Nous avons abordé tous ces thèmes lors de la première rencontre, et entrons désormais dans le vif du sujet avec une approche thématique. Nous souhaitons donner une certaine solennité à ce sujet en raison de la future CNT, pour déboucher - enfin ! - sur des pistes.

Le régime indemnitaire est l'un des sujets les plus complexes, souvent tabou. Nous connaissons les limites de la loi : nous avions légiféré pour permettre aux maires des plus petites communes de toucher le maximum du régime indemnitaire ; nous avons vu ce qui s'est passé par la suite... Ce sujet, de plus en plus complexe, est essentiel, eu égard au nombre de sollicitations des élus locaux. Les périmètres intercommunaux ont été aussi largement agrandis. Les charges de représentation sont chronophages mais génèrent aussi des frais de déplacements importants qu'est censé couvrir le régime indemnitaire. Qu'en pensez-vous ? Quelle définition donner au régime indemnitaire ?

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Nous souhaitons avancer rapidement sur cet important sujet et sur plusieurs questions techniques, au premier rang desquelles les indemnités de fonction. Nous voulons faciliter l'accès de tous les citoyens à des fonctions électives, en faciliter l'exercice, et que les élus les concilient mieux avec leur profession. Les réponses ne sont pas les mêmes si l'élu exerce son mandat à mi-temps ou à plein-temps.

Je voudrais recueillir votre avis sur des suggestions qui nous ont été adressées par des élus locaux depuis le début de nos travaux, en particulier au cours de notre première table ronde et de notre consultation.

Jugez-vous souhaitable de supprimer le principe de gratuité des mandats locaux ? Ce principe fondateur se justifie-t-il toujours ? Les indemnités, quoique n'étant pas considérées comme des revenus, sont soumises à plusieurs prélèvements fiscaux et sociaux. Un tel modèle se rapprocherait de la fonctionnarisation de certains élus locaux allemands durant la durée de leur mandat. Mais rompre avec ce principe ne donnerait-il pas l'impression d'une professionnalisation de la vie et du personnel politiques ?

Faut-il se dispenser d'une délibération pour déterminer les indemnités de fonction des élus locaux, ou prévoir leur fixation automatique au taux maximal, à l'image de ce qui existe pour les maires ? Plusieurs intervenants de la table-ronde inaugurale avaient déploré le message envoyé aux électeurs d'une assemblée municipale nouvellement élue dont l'une des premières délibérations concerne le montant des indemnités. En cas de modification législative, évitons toutefois de réitérer le scénario de la loi Gourault-Sueur qui prévoyait que le conseil municipal ne puisse fixer une indemnité de fonction inférieure au barème pour les maires des communes de moins de 1 000 habitants. Mal comprise, cette disposition avait suscité une polémique chez certains maires qui renonçaient à tout ou partie de leur indemnité pour ne pas grever le budget communal. Elle fut finalement abrogée par la loi du 8 novembre 2016. Maintenons un dialogue permanent avec les associations d'élus.

Souhaitez-vous des ajustements au barème applicable aux indemnités de fonction de votre échelon ? Les règles relatives à l'enveloppe indemnitaire globale, ou au cumul des indemnités, doivent-elles également évoluer ?

Quel est l'impact constaté ou attendu des textes portant réforme territoriale - réforme de la carte intercommunale, article 42 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) - en matière de montant d'indemnités des élus locaux ? Entrant en vigueur en 2020, cet article 42 a modifié le code général des collectivités territoriales pour prévoir notamment que seules les fonctions de président ou de vice-président de syndicats de communes ou de syndicats mixtes dont le périmètre est supérieur à celui de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ouvrent droit à indemnité.

Les indemnités des élus intercommunaux varient selon de nombreux facteurs : taille de l'intercommunalité, statut, existence d'un accord local, nature des fonctions. Comment introduire davantage de lisibilité ?

Souhaitez-vous introduire de nouvelles possibilités de majoration des indemnités ? Nos concitoyens sont sensibles à l'assiduité des élus. L'article 4 de la loi Gourault-Sueur a permis de moduler le montant des indemnités des conseillers départementaux et des conseillers régionaux en fonction de leur participation effective aux séances plénières et aux réunions des commissions auxquelles ils appartiennent. Une majoration des indemnités pourrait être corrélée à la participation des élus à ces réunions.

Estimez-vous nécessaire de mutualiser davantage le financement des indemnités entre les collectivités d'un même échelon ? À cette fin, la dotation « élu local » doit-elle être élargie ou revalorisée ?

M. Bernard Delcros, rapporteur . - Faut-il maintenir le système actuel des remboursements de frais ou élargir leur assiette pour tenir compte de l'évolution des missions, plus nombreuses et chronophages ? Quelle connaissance les élus ont-ils de ces dispositifs ? Quid du financement dans les petites collectivités ? Un maire ou un adjoint peut avoir du mal à faire admettre qu'il peut bénéficier d'une indemnité à son taux maximum, même si elle n'est pas très élevée, et l'incompréhension est totale pour les remboursements de frais. Comment les élus pourraient bénéficier de ces dispositifs, existants mais non utilisés ? Faut-il revaloriser la dotation « élu local » ?

Je partage le point de vue de François Zocchetto exprimé lors de la table-ronde inaugurale : préférons l'expression « conditions d'exercice des mandats locaux » plutôt que « statut de l'élu ».

M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci de l'avoir rappelé.

M. Charles Guené, rapporteur . - Ces dernières années, la charge fiscale et sociale pesant sur les indemnités de fonction s'est alourdie : après avoir été soumises à cotisations sociales en 2013, elles font face à la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) et à la suppression du prélèvement libératoire depuis le 1 er janvier dernier. Si nous aborderons en détail le régime social des élus locaux la semaine prochaine, la question de la fiscalité se pose dès à présent.

Quel jugement portez-vous sur l'alourdissement des prélèvements fiscaux et sociaux applicables aux indemnités de fonctions, en particulier sur la suppression du prélèvement libératoire ? Nous faisons face à un changement de nature. Auparavant, les élus étaient indemnisés. On considère désormais quasiment qu'ils touchent un salaire.

Le montant de la fraction représentative des frais d'emploi, dite « allocation pour frais d'emploi » vous parait-il adapté ? La tranche zéro n'existe plus, ce qui est fortement préjudiciable pour les élus ruraux dont les collectivités ne peuvent procéder à des remboursements de frais. Ne faudrait-il pas revoir le montant de cette allocation pour frais d'emploi ?

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous propose que nous écoutions successivement les associations d'élus locaux puis la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et la Direction générale des finances publiques (DGFIP).

M. Stéphane Brunot, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la Direction générale des collectivités locales (DGCL) . - En tant que représentants de la DGCL, nous ne vous présenterons pas la position du Gouvernement mais seulement des éclairages.

M. François Zocchetto, maire de Laval, membre du Comité directeur de l'Association des maires de France (AMF) . - Je suis la victime consentante de la fin du cumul des mandats, et vis au jour le jour cette question du statut de l'élu local. Lorsque j'étais parlementaire, je ne percevais pas d'indemnité comme maire de Laval ou président de son agglomération. J'ai demandé au conseil municipal et au conseil communautaire de délibérer pour me la verser.

Je remercie le Sénat de se pencher sur cette question très importante de la gratuité des mandats. La complexité juridique des normes s'accroit, de même que la responsabilité des élus locaux ; les populations exigent davantage d'informations, et les services de l'État se désengagent. L'exercice est devenu très difficile. Le Parlement, dans sa nouvelle configuration, qui compte de nombreux parlementaires n'ayant jamais exercé de fonctions locales, risque de mal percevoir le mandat des élus locaux et ses conditions d'exercice.

L'AMF a créé un groupe de travail sur le mandat des élus locaux, présidé par Hervé Féron, maire de Tomblaine, et moi-même. Ses conclusions devront être adoptées par le Bureau de l'AMF avant de vous être transmises officiellement, dans les deux mois. Je m'exprimerai donc à titre personnel. Nous vous avons également transmis une note technique.

J'approuve le principe de la gratuité des mandats, pour éviter que la politique soit une profession. Un de mes prédécesseurs à Laval, Robert Buron, avait intitulé un de ses livres sur la fonction de maire Le plus beau des métiers . Plus je l'exerce, plus je me dis que ce n'est pas un métier. Qu'en serait-il alors de la fonction de conseiller municipal ? Les Allemands connaissent une fonctionnarisation de la fonction ; je ne la souhaite pas. Gardons la gratuité des mandats avec des indemnisations. Certes, ces indemnités sont fiscalisées dans des conditions de droit commun, et soumises à la CSG - comme l'indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) me semble-t-il... De plus, ces indemnités sont soumises aux cotisations sociales dans des conditions devant être précisées : des contentieux et des redressements sont en cours. Clarifions le sujet : est-ce une rémunération ou une indemnisation, et dans ce cas, pourquoi serait-elle fiscalisée ? Certains élus perçoivent de faibles indemnités qui ne compensent pas le coût de leur charge ; cela n'attire pas des non-retraités vers ces fonctions.

Faut-il que les élus prennent une délibération spécifique ? Les collectivités territoriales s'administrent librement par leurs conseils élus. Si l'indemnité est fixée comme une rémunération des fonctionnaires, on en revient à la question précédente. En France, quelle que soit la taille de la commune, pour des raisons historiques, nous prélevons la rémunération fixée par les textes. Pour fixer ma rémunération de 3 200 euros nets comme maire de Laval, j'ai dû me justifier par un débat, avec de multiples oppositions...

Dans des communes de petite taille, on considère souvent qu'un maire retraité ou propriétaire de sa maison n'a pas besoin de cette indemnité. De nombreux élus préfèreraient ne pas avoir à délibérer, mais cela se heurte au principe de libre administration des collectivités.

Si la proposition de loi Ferrand est adoptée, les syndicats d'eau et d'assainissement pourront fonctionner jusqu'en 2026. Je m'en remets à la décision du Parlement. Si ces élus travaillent jusqu'en 2026, il me semblerait juste qu'ils continuent à percevoir leur rémunération, souvent très raisonnable.

Le nombre d'habitants est le premier critère de fixation du montant de l'indemnité. L'indemnité prévue pour les communes rurales, bien que rehaussée substantiellement, ne compense pas le temps passé par les élus. Mais de nombreux maires de ces petites communes sont retraités. Pourquoi y a-t-il peu de femmes, de jeunes ou d'actifs dans ces fonctions ? Le dédommagement ne compense pas le manque à gagner. Une personne devant rembourser un emprunt ou payer les études de ses enfants ne peut pas s'y retrouver. Les maires gagnent entre 10% et la moitié de ce que perçoivent les parlementaires. Envisageons d'autres critères que la population : la responsabilité - notamment sur le plan pénal - est la même pour une commune de petite taille que pour une grande ville.

Je suis favorable à l'élaboration de nouvelles règles, reposant notamment sur l'assiduité. Elles ont été mises en place au Parlement et dans les conseils départementaux et régionaux. J'envisage ce dispositif à Laval, mais ne peux l'instaurer en cours de mandat. Une loi serait bienvenue pour donner quelques règles. Il n'est pas normal qu'un élu peu assidu perçoive autant qu'un élu très présent. Retirer les délégations n'est pas toujours possible - et les absences sont parfois dues à des raisons valables.

Nous sommes plutôt favorables à la mutualisation de la dotation « élu local » car il existe de telles différences de richesse sur les territoires qu'il faut limiter cette hétérogénéité. Qui financera les maisons de santé, assurera le fonctionnement d'une justice de proximité, dédommagera bien ses élus, hormis les communes riches ? On accroitra la paupérisation voire le misérabilisme de certains secteurs.

Les remboursements de frais relèvent d'une grande hypocrisie. Trouver une nuitée à 60 euros est rare... L'élu doit souvent en être de sa poche. De nombreuses dispositions existent sur les frais de représentation mais ne sont pas appliquées. Elles nécessitent des justificatifs, et la plupart des élus communaux et intercommunaux ne se font pas rembourser leurs frais de transport ou d'hébergement. L'indemnité touchée sert à ces remboursements, alors que les déplacements sont de plus en plus nombreux avec les réunions d'intercommunalité. Ceux n'ayant pas connu cela ne peuvent s'imaginer le nombre de déplacements. Si l'indemnité est fiscalisée et soumise à cotisations sociales, cela pose problème. Une dépense engagée doit être remboursée comme à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Sur la fiscalité et les charges sociales, le système n'est pas acceptable en l'état. La hausse de la CSG n'est pas compensée par la baisse des charges sociales, comme pour les retraités. Or ils effectuent un travail. Si en plus la hausse de la CSG n'est pas compensée, ce sera vécu comme une injustice de plus par les petites collectivités territoriales. C'est le flou complet sur les charges sociales. L'AMF a adressé de nombreux courriers aux ministres ; la réponse du ministre de l'intérieur n'est pas satisfaisante, et la ministre de la santé n'a pas répondu. Voyez les contentieux sur les cotisations sociales sur les contrats FONPEL ou CAREL. Doit-on prélever des cotisations sociales sur les cotisations du régime complémentaire ? Des cotisations versées à l'Ircantec par des élus retraités ouvrent-elles des droits nouveaux, ou est-ce le royaume de l'arbitraire ?

Le Sénat a raison de faire le grand ménage sur le régime indemnitaire des élus communaux. Nous attendons beaucoup de votre travail. J'ajoute que la conciliation d'une activité professionnelle avec un mandat local est un problème.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie. Notre questionnaire était très détaillé sur ce point, qui arrive parmi les tout premiers items .

M. Philippe Bluteau, avocat au Barreau de Paris et conseiller juridique de l'Association des petites villes de France (APVF) . - Le premier document publié par l'APVF, un livre blanc intitulé Moderniser les conditions d'exercice des mandats locaux en 2001 portait sur ce sujet. Cette réflexion vieille de vingt ans continue. Un deuxième livre blanc a été publié en 2005. Actuellement, nous rassemblons des propositions qui ont évolué.

Dès le premier livre blanc de 2001, les élus de l'APVF voulaient se débarrasser de cette disposition obsolète de la gratuité, pour des raisons moins de condition réelle d'exercice des mandats locaux que l'enjeu d'intérêt général de l'autorité de la loi et le souci d'une conformité minimale entre les dispositions législatives et la réalité. Mes étudiants à qui j'explique le principe de la gratuité, le tableau d'indemnités et la fraction représentative des frais d'emploi ouvrent grand leurs yeux. Au-dessus de cette fraction, n'est-ce pas une rémunération ?

Toilettons ces dispositions qui font penser à l'article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales : « le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes », dont nous devrions aussi nous débarrasser. Je ne suis pas sûr que la suppression de la gratuité provoque un appel d'air immédiat pour y voir une professionnalisation - si tant est que soit infâmant. Si ces fonctions sont rémunérées, ce serait une simple mise en conformité avec la réalité...

Le montant de l'indemnité est une préoccupation majeure chez les élus communaux urbains des petites villes - de 3 à 20 000 habitants. Les élus ruraux ont peu d'habitants à gérer, et les maires des grandes villes sont correctement dotés. Ces élus des petites villes sont agacés car ils touchent moins qu'un conseiller départemental d'opposition - sans dénigrer leur travail. Un maire d'une commune de 4 à 5 000 habitants touche à peine plus de 2 000 euros par mois, alors qu'un conseiller départemental d'opposition dans un département moyen de 500 000 à 1 million d'habitants touche 2 200 euros par mois... Cela pose problème.

Le message de l'APVF est clair et constructif : le montant de l'indemnité ne correspond pas à la charge de travail des maires de petites villes et mérite d'être relevé. Pour ne pas être démagogique, ces nouveaux montants doivent être lisibles. Les critères de 60 ou 75% de l'indice 1015 ne sont pas parlants ? Fondons un nouveau système sur la base des grilles indiciaires des directeurs généraux des services (DGS) pour des communes à partir de 2 000 habitants, qui reflètent peut-être pertinemment la charge de travail et de responsabilité. En fin de carrière, un DGS d'une ville de 2 000 habitants touche un salaire brut terminal de 3 172 euros, contre 4 976 euros pour une ville de 150 000 habitants. Un écart de 1 à 1,5 est honnête, pertinent, et révèle la différence de leur charge de travail.

Prévoyons une indemnité fixe sans délibération ni dérogation, pour un souci d'égalité. Pour un maire soumis à des rapports de force ou à des moyens financiers différents d'un autre, pourquoi lui faire subir une indemnité inférieure à celle d'un homologue ? Le principe d'égalité de traitement commande une indemnité fixe. Vous rappeliez le précédent fâcheux de la loi Gourault-Sueur pour les communes de moins de 1 000 habitants, qui prenait le problème à l'envers. C'est dans ces petites communes qu'une indemnité fixe pose problème : elle représentait une part insupportable de leur budget, et elles ont demandé plus de souplesse. Utilisons ce seuil de 1 000 habitants pour décider qu'en-dessous, nous gardons le régime actuel, mais qu'au-dessus, l'indemnité est fixe. Augmenter de quelques centaines d'euros par mois l'indemnité du maire ne met pas en danger le budget de la commune.

Quel doit être le montant de l'indemnité ? Serait versée au maire une indemnité égale au salaire brut correspondant à l'indice terminal de la grille indiciaire du DGS de la strate en question. Cela représente une hausse non négligeable, le salaire passant de 2 100 à 3 100 euros par mois pour les maires de petites villes, mais la progressivité se tarit à fur et à mesure qu'on augmente de strate.

L'effet de cette proposition est significatif mais raisonnable : il reconnait le caractère progressif de la responsabilité de la fonction. Au-dessus de 100 000 habitants, l'indemnité des maires diminuerait. Ce principe pourrait alors être subsidiaire ; lorsqu'elle aboutit à un montant supérieur, l'indemnité est fixée ainsi. L'indemnité augmenterait pour les villes entre 1 000 et 100 000 habitants, et les autres n'y perdraient pas.

Cela pourrait se décliner facilement pour les adjoints, qui touchent 33% de ce montant. Ils percevraient un montant raisonnable. Un adjoint de petite ville verrait son indemnité augmenter de 800 à 1 200 euros ; un adjoint d'une ville de 10 à 20 000 habitants de 1 000 à 1 200 euros, et l'effet s'arrêterait pour les élus de plus de 20 000 habitants. Cela résoudrait la question de l'indemnité des conseillers municipaux. Seuls ceux des villes de plus de 100 000 habitants ont droit à une indemnité. Pourquoi ne pas leur verser 5% de l'indemnité du maire ? Ils percevraient alors une somme progressive, de 150 euros par mois pour les petites villes à 225 euros par mois pour les conseillers des villes de plus de 100 000 habitants.

Faut-il prendre en compte le fait qu'un élu ait ou non cessé son activité professionnelle ? Notre groupe de travail, présidé par M. Christophe Rouillon, maire de Coulaines, a fait état d'une difficulté pratique : autant il est aisé de constater si un salarié a cessé totalement ou partiellement son activité professionnelle - et il a droit à une suspension de son contrat de travail - autant c'est un problème pour les professions libérales. Le maire avocat ou médecin peut consulter encore une demi-journée par semaine. Est-ce si terrible ? Cesser complètement son activité - si tant est qu'on puisse le faire - sera plus difficile à quantifier, sauf à trouver un seuil.

Nous approuvons la proposition de moduler l'indemnité en fonction de l'assiduité ; cela règlera la situation d'élus de l'opposition systématiquement absents au cours de leur mandat - en Alsace-Moselle, on peut suspendre leur mandat.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci pour ces propositions construites.

M. Charles Guené, rapporteur . - C'est une idée intéressante mais le seuil de 1 000 habitants n'est pas forcément une réalité. Pour un maire, il vaudrait mieux prendre en compte l'existence ou non de services municipaux, donc un seuil plutôt de 2 000 habitants. Il faudrait une équivalence en frais d'emplois.

M. Philippe Bluteau . - Effectivement, la grille des DGS commence pour des communes de 2 000 habitants, mais le seuil de 1 000 habitants correspond davantage à une réalité politique vécue des maires.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous sommes déjà dans le « comment » !

Mme Nathalie Alazard, conseillère juridique de l'Assemblée des départements de France (ADF) . - Je ne suis ni avocate ni élue mais conseillère technique chargée depuis dix ans, en lien avec les élus, de les accompagner dans le maquis des calculs de leurs droits, indemnités et frais de déplacement. Titulaire d'une formation de juriste en droit des affaires, il m'a été difficile de comprendre initialement comment ils pouvaient exercer une fonction gratuite mais avec une indemnité et la déduction d'une indemnité représentative de frais d'emploi, moi qui avais toujours eu un salaire imposé. Il est nécessaire de clarifier et simplifier les choses, les élus ont aussi beaucoup de mal à s'y retrouver.

Nous avons constitué un groupe de travail, dont les propositions seront soumises au Bureau de l'ADF.

Je rejoins l'AMF et l'APVF sur la gratuité : les élus sont attachés à cette tradition de la gratuité du mandat électif et d'une non- fonctionnarisation, même si la société est peut-être prête à comprendre que les contraintes liées à la fonction mériteraient une rémunération. L'indemnité, via les prélèvements, s'assimile de plus en plus à une rémunération. Il faut le temps de franchir le pas.

Attachés au principe de libre administration des collectivités territoriales, les élus souhaitent maintenir le principe d'une délibération sur les indemnités. En l'état, il est difficile de faire des propositions de critères pour fixer le montant de l'indemnité.

Les collectivités sont de plus en plus soumises à des redressements des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) sur les cotisations CAREL et FONPEL. Nous avons aussi étudié des cas de redressement des collectivités pour certains fonctionnaires exerçant des fonctions électives en détachement. L'ADF a saisi les services de la DGCL depuis 2015.

Les remboursements de frais sont extrêmement complexes. Les élus s'en servent même s'il est difficile de leur faire comprendre, avec l'évolution du périmètre régional, qu'il sera difficile de faire rembourser tous leurs frais de déplacement.

Je vous rejoins sur la charge fiscale des élus : la non compensation de la CSG est difficile à accepter. Le gel de l'indice jusqu'en 2019 a aussi ajouté à la grogne.

M. Stéphane Brunot . - On compte seulement 200 000 élus locaux sur 550 000 qui perçoivent des indemnités de fonction. Le modèle allemand cité est une fonctionnarisation mais pas de tous les élus.

M. Jean-Marie Bockel, président . - C'est le cas du maire et d'un ou deux adjoints qui, durant leur mandat, bénéficient d'un statut de fonctionnaire, avec des obligations de formation avant ou pendant leur mandat.

M. Stéphane Brunot . - Il s'agit d'une sorte de spécialisation pour exercer des fonctions électives.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Cela concerne les grandes communes. Hormis Fribourg, aucune commune frontalière n'avait plus de 10 000 habitants. Des regroupements forcés ont eu lieu dans les années 1950. En-deçà d'un certain niveau, les communes emploient des fonctionnaires mais pas d'équivalent au DGS.

Il existe un plus de 10 000 communes dans un pays qui compte 80 000 habitants. Mais c'est un autre sujet, qui comprend aussi des effets pervers... Comparaison n'est pas raison.

M. Stéphane Brunot . - Lorsqu'on établit des comparaisons, il faut entrer dans les détails pour ne pas caricaturer le modèle.

Le débat de fond sur la gratuité de la fonction est philosophique. J'apporterai juste une précision juridique : le juge a utilisé le principe de gratuité fixé par la loi pour censurer des dispositifs créés localement sans avoir été prévus par le législateur. On peut toutefois penser que le juge trouverait d'autres moyens d'annuler ce qui est décidé hors du cadre légal.

Sur la nécessité d'une délibération, Mme Gourault a rappelé le débat sur la fixation automatique. Le code général des collectivités territoriales a été complété pour assurer la transparence des indemnités - que l'on identifie bien qui perçoit quelle indemnité - via la délibération.

L'indemnité ne serait pas automatiquement maximale pour tout le monde si la délibération était supprimée, ce qui avait été décidé pour les communes de moins de 1 000 habitants, puisqu'il peut être décidé que les adjoints perçoivent moins afin que les conseillers municipaux aient plus. En outre, les communes ont la possibilité d'adopter des majorations, assez nombreuses, sur lesquelles il faut nécessairement délibérer. Celles-ci, d'ailleurs, brouillent le paysage des indemnités.

Il faut conserver la lisibilité du barème. Le système actuel, en pourcentage d'un indice brut terminal, est assez simple. On sait facilement retrouver la somme pour toutes les catégories de collectivités. Par ailleurs, cela aligne les plafonds sur la dynamique du point d'indice de la fonction publique, qui a pu être forte à une époque mais l'est beaucoup moins aujourd'hui.

Les barèmes sont assez anciens. Les dernières revalorisations substantielles du barème des maires et adjoints datent de 2000 et de 2002. En 2000, dans la loi sur la limitation du cumul des mandats électoraux, le niveau global a été augmenté de 45 % pour les maires ; en 2002, dans la loi sur la démocratie de proximité, il l'a été de 33 % pour les adjoints au maire.

Les barèmes des conseils régionaux et départementaux datent de 1992 et ont peu été modifiés depuis.

Des changements ont toutefois été inclus dans la loi de finances pour 2018 avec la possibilité de majorer de 40 % les indemnités des présidents de région, département, commune et EPCI de plus de 100 000 habitants.

Dans l'état actuel du droit, il est impossible de mettre en place des sanctions pour absentéisme non prévues par la loi. Elles le sont aujourd'hui pour les départements, les régions et les conseils municipaux de Paris, Lyon et Marseille. Une question se pose si l'on veut les étendre à d'autres collectivités territoriales.

La dotation « élu local » est réservée aux communes de moins de 1 000 habitants dont le potentiel financier est inférieur à 1,25 fois la moyenne de la strate, soit 22 000 communes. Son montant total est de 65 millions d'euros, à rapporter aux 340 millions d'euros d'indemnités pour l'ensemble des communes de la strate de moins de 1 000 habitants - c'est environ un quart du montant global. Pour rappel, l'ensemble des indemnités de fonction versées au bloc communal est d'1,15 milliard d'euros.

Il y a un écart entre l'outil actuel et l'assiette totale. Si la dotation devait augmenter, ce serait très probablement à enveloppe constante, donc en lien avec les autres dotations.

Le droit sur les remboursements de frais est un peu compliqué. S'agissant des frais de mission, le remboursement d'hébergement de 68 euros par nuitée pose problème aux élus comme aux fonctionnaires. Une concertation engagée par le ministre de l'Action et des comptes publics devrait conclure très prochainement à un relèvement de ce plafond. On évoque un montant de 85 euros par nuitée pour être plus proche de la réalité du marché hôtelier.

Une nouvelle problématique liée aux déplacements au sein des collectivités territoriales telles que les grandes régions a émergé. Les frais de déplacement jusqu'à l'organe délibérant, au chef-lieu, sont prévus, contrairement aux frais de déplacement dans le cadre de missions au sein de la collectivité territoriale, sauf à recourir à d'autres modalités plus ponctuelles comme le mandat spécial. On constate quelques trous dans la raquette pour rembourser les frais des élus assurant des missions exécutives.

M. Étienne Duvivier, sous-directeur de la gestion comptable et financière des collectivités locales à la Direction générale des finances publiques (DGFIP) . - Je me garderai d'aborder les questions de cotisations sociales et de CSG. J'évoquerai en revanche la réforme du régime d'imposition des indemnités de fonction des élus locaux.

Ce régime se caractérisait par deux éléments dérogatoires : une retenue à la source spécifique considérant fictivement les indemnités comme un revenu unique soumis au barème correspondant à un célibataire ; un abattement d'assiette correspondant à l'allocation pour frais d'emploi. Une partie de l'ensemble des indemnités imposables était de fait exonérée. Pour un mandat simple, le plafond était d'environ 7 900 euros par an ; en cas de cumul des mandats, il était d'environ 11 800 euros par an.

La retenue à la source libératoire a été supprimée. En revanche, le deuxième élément demeure. Le régime fiscal reste dérogatoire et plus avantageux que le droit commun.

La retenue à la source ne fonctionnait pas très bien et souffrait d'un défaut de contrôle en raison de son illisibilité. On pouvait opter pour le droit commun soit ex ante soit ex post . Les élus eux-mêmes prenaient parfois des dispositions défavorables à leur intérêt. Les réponses au questionnaire montrent que 48 % des élus jugent le dispositif illisible : effectivement, il l'était.

L'allocation pour frais d'emploi est maintenue. Ce n'est donc pas totalement le droit commun. De fait, cette allocation a pour conséquence l'exonération totale des indemnités des élus dans les communes de moins de 500 habitants. Il n'y aura pas de retenue à la source pour les élus dont les indemnités sont inférieures au montant de l'allocation pour frais d'emploi.

J'ajoute qu'il y a eu une année blanche pour les élus. En 2017, il n'y a plus eu de retenue à la source ; en 2018, l'impôt sera de droit commun sous déduction de l'abattement ; en 2019, le prélèvement à la source sera pratiqué par les collectivités territoriales.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous sommes demandeurs d'écrits complémentaires.

M. Charles Guené, rapporteur . - Dans les propos de M. Duvivier, j'entends des éléments de langage. Il y a eu un renoncement à percevoir de l'État, mais, en raison du décalage d'un an de la mesure, il n'a pas concerné certains élus. Le prélèvement à la source n'aurait pas bien fonctionné, dites-vous : je pense qu'il aurait été possible de s'arranger.

Monsieur Brunot, pourrions-nous connaître les montants pour chaque strate d'élus ? Quelle est la somme totale d'impôts prélevés ?

M. Jean-Marie Bockel, président . - Notre délégation, transversale, accueille des membres de la commission des finances, ce qui nous a d'ailleurs permis, avec Charles Guené, Jacques Mézard et Philippe Dallier, de mener un travail sur les conséquences des baisses de dotations en allant dans le détail.

M. Stéphane Brunot . - Je peux vous communiquer le détail des chiffres par strates.

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Je suis conseillère départementale d'opposition dans le Cantal. Je suis chagrinée de constater la différence entre mes indemnités et celles des maires de petites communes qui assument toutes les fonctions. Cela ne va pas. Leur charge de travail, leurs responsabilités sont énormes - la sanction, lorsqu'un problème survient, est aussi lourde que pour un maire de grande ville. Un conseiller départemental ou régional d'opposition, même s'il est sérieux, n'a pas autant de responsabilités.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Moi qui ai été conseiller départemental dans l'opposition, je confirme les propos de Mme Costes.

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Le déséquilibre est énorme. Il faut d'urgence le réduire. J'ai été élue d'une ville moyenne. Entre l'élu qui ne reçoit aucune indemnité et celui qui perçoit entre 800 et 1 000 euros par mois, la différence de travail n'est pas si grande. L'enthousiasme, l'implication s'émoussent logiquement. Nombre de systèmes sont contre-productifs.

M. François Zocchetto . - J'ai été conseiller régional d'opposition. Je ne le suis pas resté longtemps car je me sentais mal à l'aise.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Lorsque j'étais conseiller municipal d'opposition à Mulhouse, il y a 35 ans, je ne recevais pas d'indemnité.

M. Bernard Delcros, rapporteur . - Je partage ces propos. Il existe un décalage très fort entre les conseillers départementaux et régionaux de base et les maires de petites communes. Le montant des indemnités est inversement proportionnel à la charge de travail et aux responsabilités.

Ne pourrait-on pas établir un parallèle entre la rémunération d'un directeur général des services et d'un élu ?

La question des indemnités se pose quelle que soit le niveau de la population. J'ai longtemps été maire d'une commune de moins de 500 habitants. C'est une charge de travail et une responsabilité énormes car le maire ne peut s'appuyer sur aucune administration. Il a une secrétaire de mairie à temps partiel et assure toutes les tâches.

Le problème des moyens financiers des communes et du ressenti de l'indemnisation par la population se pose. C'est le rôle de l'État de compenser les différences de richesse entre les territoires. Les petites communes ont souvent moins de moyens financiers et une population dont la sensibilité à ce sujet est très grande.

J'aimerais aussi des chiffres sur la fiscalité perçue par l'État.

M. Éric Kerrouche . - J'ai la même question que Charles Guené sur la ventilation et les montants. Cela aidera à dégonfler les fantasmes sur le volume, qui n'est pas si important.

Concernant la délibération sur les indemnités, les élus doivent balayer devant leur porte. Quand on est dans l'opposition, on attaque la majorité sur ce point, puis on se fait attaquer quand on devient majoritaire. Les problèmes sont liés au comportement des élus. La solution serait de décaler la délibération au budget. On ne peut pas dire qu'il faut régler par la loi un problème que l'on ne parvient pas à régler politiquement.

Vous dites que l'indexation du barème sur l'indice 1015 est très bonne et lisible. Mais ce n'est qu'une référence parmi d'autres. Au Portugal, la référence est le salaire du président de la République. Pourquoi adosser le barème des élus à la fonction publique ?

Mme Françoise Gatel . - Le principe de l'engagement citoyen gratuit au service des communes a des effets collatéraux, si l'on veut attirer des populations diversifiées vers la fonction d'élu. On constate également une instabilité des conseils municipaux, notamment depuis l'introduction du scrutin de liste dans les communes de 1 000 habitants.

Je ne nie pas l'argument du coût que l'on va nous opposer.

J'ai été maire et j'ai vu des élus extrêmement présents qui n'étaient pas indemnisés. On ne peut pas s'empêcher de se dire que l'engagement, le niveau de responsabilité et d'expertise d'un conseiller régional ou d'un conseiller départemental d'opposition n'ont absolument rien à voir avec ceux d'un maire, quelle que soit la taille de sa commune. Osons raisonner hors des cases. Parlons du statut de l'élu local et pas seulement de l'élu municipal.

Si la République considère qu'elle ne peut pas fonctionner sans l'engagement de citoyens sur le territoire pour faire fonctionner la République du quotidien et si l'État confie au maire des missions à exécuter en son nom, il doit compenser par des dotations spécifiques qui ne doivent pas peser sur le budget des communes. Sinon, les différences entre communes persisteront.

Enfin, je suis complètement perturbée intellectuellement par le point juridique selon lequel le salarié d'une collectivité territoriale ne peut pas y être élu, alors que les indemnités des élus sont traitées comme des salaires puisqu'il y a des cotisations sociales.

Je vais vous exposer un cas très concret, sur lequel j'ai interpellé les ministres. Dans le Morbihan, à Pontivy, deux adjoints au maire exerçant une activité professionnelle ont eu un arrêt de travail. Pour ces arrêts, ils ont perçu des indemnités dont l'Urssaf réclame le remboursement - c'est entre 8 000 et 15 000 euros - au motif qu'elles seraient assimilables à des salaires. Il aurait suffi, paraît-il, que le médecin écrive que ces arrêts n'étaient pas incompatibles avec l'exercice de leur mandat. Il y a conflit juridique entre un engagement citoyen exercé librement et l'Urssaf qui considère que c'est une activité salariée.

M. François Bonhomme . - Il n'existe pas de système de contrôle de l'assiduité dans les communes. Le maire n'a pas besoin d'être contrôlé, eu égard à ses responsabilités et à son exposition. C'est le signe de la singularité de la fonction d'élu communal et particulièrement de maire : il est chef d'exécutif. La différence de traitement me semble justifiée.

À chaque renouvellement de conseil municipal, une polémique sur les indemnités fleurit dans les journaux, qui ne comprennent pas toujours les subtilités. Après la fin du cumul des mandats, même les plus grands médias nationaux ont écrit que tel ou tel maire avait augmenté ses indemnités alors qu'il s'agissait simplement d'un retour à la normale. Cela fait beaucoup de mal à la démocratie. On pourrait neutraliser cette situation avec une part de fixité. En outre, ces indemnités pèsent sur les budgets communaux, ce qui nourrit le débat local.

Les grands ensembles régionaux comptent jusqu'à 200 élus. Or ils se résument à un président d'exécutif, un super-cabinet et quelques élus très actifs notamment.

M. François Zocchetto . - Nous avons pléthore de candidats pour établir une liste aux élections régionales, c'est moins le cas aux élections municipales.

Mme Maryline Jouvien, conseillère chargée des relations avec le Parlement à l'Association des départements de France . - Je voudrais défendre les élus départementaux d'opposition. Je crois beaucoup à leur engagement politique. Ils ont la responsabilité de leur canton. Ils siègent au sein des commissions. La vie démocratique de nos départements est vivante. Il ne faut pas juger nos élus selon le montant de leurs indemnités, même si nous regrettons que les élus des petites villes n'aient pas d'indemnités nettement plus élevées.

M. Bernard Delcros, rapporteur . - Nous dressons un parallèle entre le montant des indemnités des conseillers départementaux, d'opposition ou pas, et celui des maires de petites communes.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Chacun a bien compris. J'ai été élu d'opposition et je sais que c'est un travail.

Mme Michelle Gréaume . - Tout conseiller municipal, qu'il soit d'opposition ou de la majorité, est important.

Il faudrait une dotation qui couvre l'ensemble des frais afin que ceux-ci ne pèsent pas sur le budget municipal ; on éviterait ainsi les polémiques. Pour ne pas grever le budget, certains ne perçoivent pas de frais et ceux qui l'osent sont l'objet de critiques. Les frais devraient être inclus d'office - sur justificatif, bien sûr.

Je voudrais rappeler le cas des conseillers délégués, de plus en plus nombreux, qui sont un peu moins payés que les adjoints mais qui reçoivent tout de même une rémunération.

Il y a très peu de femmes et d'actifs au sein des conseils municipaux. Je remercie la loi sur la parité sans laquelle nous aurions eu du mal à progresser. Il est en revanche difficile d'attirer des actifs car ils ont peur du chômage. Quand on n'exerce pas de profession libérale et que l'on n'est pas fonctionnaire, on a peur de perdre son emploi. Il n'y a pas de sûreté du contrat de travail.

La cotisation au FONPEL et au CAREL n'est pas obligatoire. La municipalité peut payer ou non, ce qui entraîne une inégalité entre les communes. Il faudrait approfondir ce sujet.

M. François Zocchetto . - Je recommande à la délégation de s'intéresser au cas particulier des exécutifs d'intercommunalités qui comptent très peu de femmes et où les retraités sont absolument surreprésentés.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Le débat en toile de fond est celui de leur mode d'élection.

Mme Josiane Costes, rapporteure . - Pour une bonne représentativité de la population française chez les élus communaux, il faut répondre au problème de la garde d'enfants. Il est dommage que les femmes présentes aient un certain âge, ne soient pas au coeur de la vie. Certains pays versent des indemnités de garde pour favoriser la représentation de la population féminine.

M. François Zocchetto . - Les dispositions existent. La question est : pourquoi ne sont-elles pas appliquées ?

Mme Françoise Gatel . - Les femmes jeunes ont parfois des enfants en bas âge, un travail, voire un conjoint peu disponible. Peu de femmes d'une certaine tranche d'âge s'engagent. Or leur présence est extrêmement importante puisque la commune traite de sujets de petite enfance. En outre, les femmes représentent une part importante de la population communale. Traitons ce problème sans gêne.

En tant que représentante de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), j'ai participé il y a plusieurs années à une audition de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale sur la faiblesse de la parité dans les exécutifs locaux. La présidente de la délégation estimait qu'il fallait absolument que les exécutifs intercommunaux soient paritaires. Si l'idée est excellente pour la diversité, on ne doit pas s'interdire de réfléchir ; or il est parfois souhaitable, par efficacité, que ces exécutifs soient composés de maires. On ne peut pas décider que les maires d'une intercommunalité soient à parité des hommes et des femmes. La meilleure des intentions mérite d'être étudiée sans caricature.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous veillerons à travailler sur ce sujet lors d'une table ronde ultérieure.

M. Bernard Delcros, rapporteur . - Nous devrons nous poser la question de l'amélioration des dispositifs, mais aussi de pourquoi les dispositifs existants - qui sont nombreux - ne sont pas mis en oeuvre.

M. François Zocchetto . - Allez-vous auditionner la direction de la sécurité sociale ? C'est très important pour l'AMF.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Oui, c'est prévu.

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