B. UN RÉGIME SOCIAL TROP FLOU DANS SON APPLICATION

Les difficultés liées à la complexité du régime social ne se limitent pas aux usagers. Le manque de clarté entourant certaines dispositions spécifiques aux élus locaux peut conduire à une application des règles par certains organismes, et en premier lieu les URSSAF, non conforme à la législation et à la réglementation en vigueur et débouchant in fine sur de trop nombreux contentieux. Ces points ont pu faire l'objet de saisies régulières par l'AMF notamment, comme l'a confirmé sa représentante auditionnée par vos rapporteurs. Ces saisines avaient consisté, depuis cinq ans, en quatre courriers officiels et plusieurs courriels au ministère mais toutes étaient restées sans réponse.

Tout d'abord, certaines URSSAF semblent considérer que la moitié des versements au régime de retraite supplémentaire, FONPEL ou CAREL, prise en charge par les collectivités sur leurs budgets doit être assujettie aux cotisations sociales. Or cela ne semble s'appuyer sur aucun fondement juridique apparent. De nombreuses collectivités subissent donc des redressements pour des cotisations appliquées sans être prévues ni dans la législation ni dans la réglementation, la circulaire de référence, du 14 mai 2013, en la matière, précédemment mentionnée, n'y faisant aucune allusion. Le représentant de la direction de la sécurité sociale a indiqué à vos rapporteurs que ce sujet méritait d'être définitivement tranché.

Ensuite, des organisations telles que la Caisse nationale du barreau français (CNBF) exigent que leurs affiliés aient liquidé leur retraite Ircantec pour qu'elles acceptent les demandes de cumul emploi-retraite de certains élus locaux. Elles considèrent en effet que, pour les élus locaux recevant une indemnité de fonction, l'Ircantec étant un régime de retraite obligatoire, cette situation s'apparente à celle du cumul emploi-retraite, d'où l'obligation de liquidation des retraites Ircantec. Dès lors qu'ils veulent continuer à percevoir leurs indemnités de fonction, certains élus peuvent donc se retrouver pénalisés par cette lecture stricte faite de la législation relative aux règles de cumul emploi-retraite par certains régimes. Cette vision est en outre en inadéquation avec celle adoptée par l'Ircantec, issue de la lettre interministérielle de 1996, qui lui a été confirmé par les ministères de tutelle. L'Ircantec exige uniquement, quant à elle, que l'élu ait cessé de cotiser à l'Ircantec au titre de son mandat pour liquider la retraite afférente à la même catégorie de mandat et exclut ipso facto la retraite d'élu Ircantec du champ des retraites obligatoires devant être liquidées pour bénéficier du cumul emploi-retraite.

De plus, cette conception semble aller à contre-courant de l'esprit de la loi du 20 janvier 2014, le rapport du Sénat de l'époque 16 ( * ) précisant que « l'exercice d'un mandat local ne constitue pas une activité salariée » et que les règles de cumul ne font pas obstacle à la perception d'indemnités au titre du mandat. Le Conseil d'État a, dans sa décision n° 398310 du 22 septembre 2017, d'ailleurs statué en faveur d'un élu local dont la demande d'annuler la décision du 17 septembre 2013 du directeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), lui refusant de pouvoir cumuler entièrement la pension de retraite qu'il perçoit avec la rémunération qui lui est versée par le syndicat intercommunal d'assainissement de Marne-la-Vallée, a été jugée fondée. L'Ircantec a suggéré à vos rapporteurs qu'une « modification de la législation consistant à exclure la retraite d'élu Ircantec de l'ensemble des retraites obligatoires devant être liquidées pourrait résoudre cette problématique » et qu'une « instruction en ce sens des pouvoirs publics aux régimes concernés pourrait également être de nature à solutionner cette question ».

Le Gouvernement a lui-même indiqué dans plusieurs réponses à des questions parlementaires 17 ( * ) que « les mandats électifs donnant lieu à perception d'indemnités sont exclus du champ d'application de la règle de cessation d'activité, qui conditionne la liquidation des pensions de vieillesse, et que les indemnités des élus ne sont pas prises en compte comme des revenus d'activité pour l'appréciation du plafond de ressources retenu dans le cadre du cumul emploi-retraite "plafonné" ».

Il semble également subsister un retard dans l'application de l'exclusion de la fraction représentative des frais d'emploi qui, comme rappelé dans la première partie de ce chapitre, n'est plus prise en compte dans le calcul des ressources ouvrant droit à une prestation sociale depuis la loi du 31 mars 2015. L'AMF a ainsi alerté l'attention de vos rapporteurs sur le témoignage d'une élue ayant dû rembourser plus de 3 000 euros suite à une application erronée de ces nouvelles dispositions.

Certaines remontées témoignent enfin d'une application encore imparfaite de l'assimilation des crédits d'heures, non rémunérés, à une durée de travail effective pour la détermination du droit aux prestations sociales, conformément à l'article L. 2123-25 du CGCT pour les élus communaux, par exemple.

Recommandation n° 5 : Publier une ou plusieurs circulaires afin de s'assurer de la bonne et limpide application des dispositions suivantes :

- la disparition effective des cotisations appliquées à la part versée par les collectivités au régime de retraite supplémentaire type FONPEL/CAREL ;

- l'exclusion certaine du régime de retraite obligatoire Ircantec des élus locaux des règles de cumul emploi-retraite ;

- la stricte application de l'exclusion de la fraction représentative des frais d'emploi pour le calcul des ressources ouvrant droit à une prestation sociale ;

- la stricte application de l'assimilation des crédits d'heures, non rémunérés, à une durée de travail effective pour la détermination du droit aux prestations sociales.

Recommandation n° 6 : Faire parallèlement évoluer la législation pour énoncer expressément l'exclusion du régime de retraite obligatoire Ircantec des élus locaux des règles de cumul emploi-retraite .

Les acteurs concernés par le régime social des élus locaux pourraient, pour clarifier son utilisation et son application, réaliser en commun un guide de bonnes pratiques que les associations d'élus et les caisses de sécurité sociale diffuseraient auprès de leurs intéressés. Le directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, auditionné par vos rapporteurs, s'était d'ailleurs montré favorable à la rédaction d'un guide sur la retraite des élus locaux en lien avec l'Ircantec et les régimes FONPEL et CAREL. Ce guide pourrait éventuellement être inclus dans un vade-mecum plus général traitant de l'ensemble des conditions d'exercice des mandats locaux.

Recommandation n° 7 : Élaborer un guide commun de bonnes pratiques pour l'application du régime social .


* 16 Rapport n° 95 (2013-2014) de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des Affaires sociales, déposé le 25 octobre 2013.

* 17 Exemples :

- Réponse ministérielle à la question écrite de M. Grosdidier, n°20969 du 31/03/2016, JO Sénat.

- Réponse ministérielle à la question écrite de M. Vasselle, n°20757 du 24/03/2016, JO Sénat.

- Réponse ministérielle à la question écrite de M. Lenoir, n°20033 du 11/02/2016, JO Sénat.

- Réponse ministérielle à la question écrite de M. Leroy, n°94638 du 05/04/2016, JO Assemblée nationale.

- Réponse ministérielle à la question écrite de Mme Zimmermann, n°87828 du 08/09/2015, JO Assemblée nationale.

- Réponse ministérielle à la question écrite de M. de la Verpillère, n°72330 du 13/01/2015, JO Assemblée nationale.

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