II. LA MUTATION DES MOBILITÉS ACCÉLÉRÉE PAR LE NUMERIQUE

A. LA RÉVOLUTION DES MOBILITÉS DÉJÀ VISIBLE

1. Vers la fin du moteur à explosion ?
a) Le véhicule électrique, alternative désormais crédible au véhicule à moteur thermique.

La mobilité individuelle motorisée sur longue mais aussi sur courte distance repose aujourd'hui largement sur les automobiles à moteur thermique, alimenté par l'essence ou le diesel. Mais ce modèle a un défaut majeur : ses effets environnementaux très néfastes en termes de production de GES et d'émission de polluants, en particulier en ville.

Les progrès technologiques des dernières années ont montré qu'il était possible de produire des véhicules électriques (VE) capables de faire des trajets de plus en plus longs, de 150 à 300 kilomètres, et à des coûts certes plus élevés que les véhicules à moteurs thermiques, mais qui leur deviennent peu à peu comparables grâce notamment à la baisse rapide du coût de production des batteries au lithium et l'arrivée de batteries à charge rapide. Le véhicule électrique est donc passé dans les années 2010 de l'utopie à la réalité.

Les constructeurs automobiles traditionnels (Ford, General Motors, Toyota, Mitsubishi, Volkswagen, BMW, Renault-Nissan etc...) et les nouveaux acteurs sur le marché (Tesla, le Chinois Geely ayant récemment racheté le constructeur Volvo) misent fortement sur les véhicules à faibles émissions, et proposent une gamme de plus en plus étendue de solutions allant de l'hybride au véhicule 100 % électrique. À l'occasion du salon automobile de Detroit début 2018, l'Agence Reuters avait estimé à 90 milliards de dollars les investissements annoncés par les grands constructeurs automobiles dans l'électrique 33 ( * ) .

Les différents types de véhicules à faibles émissions

Il existe plusieurs familles de véhicules électriques, seuls les véhicules fonctionnant intégralement sur batterie pouvant être considérés comme 100 % électriques :

- Les véhicules électriques à batterie (VEB) fonctionnent uniquement grâce à l'énergie électrique stockée dans ses batteries et disposent d'une transmission électrique. Leur autonomie dépend de la capacité des batteries mais est généralement réduite. Ils sont plutôt destinés aux déplacements urbains et aux courtes distances car il est nécessaire de recharger les batteries souvent. Ils n'émettent aucun rejet polluant lorsqu'ils roulent.

- Les véhicules hybrides classiques (VHC) existent depuis plus de 20 ans. Ils disposent de deux moteurs : l'un électrique et l'autre thermique. Le moteur électrique sert au démarrage et à basse vitesse. Il se recharge en roulant lorsque le moteur thermique prend le relais pour la propulsion. Ces véhicules disposent d'une grande autonomie mais émettent autant de rejets polluants que les véhicules thermiques classiques lorsque leur moteur thermique est sollicité.

- Les véhicules hybrides rechargeables (VHR) existent depuis le début des années 2010. Ils fonctionnent principalement à l'électricité et sont alimentés par une batterie qui peut être rechargée en étant branchée sur le réseau électrique. Ils sont dotés d'un moteur thermique qui peut servir à recharger la batterie, prendre le relais du moteur électrique ou fournir une puissance supplémentaire lorsque la batterie est faible.

- Les véhicules électriques à hydrogène (VEH 2 ) n'émettent pas non plus de polluants atmosphériques et de GES. Ils peuvent reposer sur diverses techniques, notamment la pile à combustible.

À l'instar d'autres pays de l'Union européenne voire hors Union européenne (Norvège), mais aussi des Etats-Unis ou encore de la Chine, la France s'engage dans une politique volontariste de transition vers le VE, avec l'annonce dans le cadre du plan climat présenté par le Gouvernement en juillet 2017 de l'interdiction à l'horizon 2040 de la vente de véhicules émettant des GES .

Le marché des véhicules électriques est en forte progression, avec des ventes en hausse de 60 % entre 2016 et 2017. Cette dynamique est vertueuse puisqu'elle doit permettre la massification de ce marché et conduire à terme à une baisse des coûts unitaires, rendant la voiture électrique aussi compétitive que les véhicules classiques. On en est cependant encore loin : les ventes de véhicules électriques ont atteint 1,2 millions d'unités dans le monde en 2017, mais ne représentent encore que 1,5 % des ventes totales de voitures neuves 34 ( * ) , même si certaines « zones pionnières » connaissent un développement rapide avec une part de marché dans les ventes supérieure à 10 % : la Norvège, certaines villes chinoises (la Chine représentant 50 % des ventes mondiales de véhicules électriques, principalement des VEB) ou encore la Californie.

En France, les ventes de voitures à faibles émissions augmentent de 15 % par an et représentaient en 2017 plus de 30 000 immatriculations pour les VEB (dont 60 % pour la Renault Zoé) et près de 11 000 immatriculations pour les VHR. Ce marché représente cependant moins de 2 % des ventes de véhicules neufs.

b) D'importants obstacles à la généralisation des véhicules électriques.

Si des véhicules électriques sont déjà sur le marché, leur généralisation se heurte à d'importantes difficultés et la phase de transition du moteur thermique vers le tout électrique pourrait durer plusieurs décennies.

Une première condition au déploiement de véhicules électriques réside dans l'adaptation de l'infrastructure d'approvisionnement énergétique aux nouveaux besoins . On comptait au 1 er janvier 2018 environ 22 000 bornes de recharges publiques, s'ajoutant aux bornes installées aux domiciles des utilisateurs et dans les entreprises. Au-delà des points de recharge publics, qui doivent assurer un maillage dense du territoire, la rapidité de la charge et la durée d'attente au point de recharge sont des questions majeures pour satisfaire l'utilisateur. Le passage au tout électrique pourrait aussi conduire à devoir renforcer la capacité de production électrique et à faire face à de nouveaux pics de consommation au moment de la recharge des véhicules, mais également le réseau de distribution électrique là où il est aujourd'hui sous-dimensionné. Ces questions ne sont pas insurmontables, d'autant que le véhicule électrique peut aussi ouvrir de nouvelles opportunités pour le stockage de l'électricité sur les batteries des véhicules, dans le cadre d'un réseau électrique intelligent interconnecté ( smart grid ) qui reste à construire.

La généralisation du véhicule électrique pose aussi des questions d'un point de vue économique pour l'État, pour les firmes et pour les particuliers . Pour l'État, la généralisation du véhicule électrique conduirait à une réduction considérable de l'utilisation des carburants, sur lesquels est assise une partie non négligeable de la fiscalité. Pour les particuliers, la question du coût d'utilisation des véhicules serait à totalement revisiter : l'investissement dans les véhicules pourrait n'être rentable qu'à la condition d'utiliser plus intensément ces équipements plus couteux à l'achat. Enfin, pour les firmes, le véhicule électrique rebat les cartes de la chaîne de valeur : certains équipements (moteur à combustion, échappements, boite de vitesse) étant remplacés par d'autres (batteries), tout le système industriel de production est à revoir. La question de la maîtrise des approvisionnements en lithium, en cobalt et en terres rares nécessaires à la fabrication de batteries est elle aussi stratégique et revêt une dimension géopolitique. Le rôle majeur joué dans ce secteur aujourd'hui par la Chine, qui produit 85 à 95 % des terres rares, pourrait conduire les industriels chinois à être demain les acteurs dominants du marché mondial du véhicule électrique.

Enfin, une dernière interrogation concerne le vrai bilan environnemental du véhicule électrique , en prenant en compte l'ensemble des facteurs. Dans un article récent de la revue Futurible 35 ( * ) , Pierre Bonnaure indique que « le bilan de la voiture électrique « du berceau à la tombe » n'est pas aussi brillant qu'on veut bien le dire ». C'est d'abord l'empreinte carbone de la fabrication du véhicule électrique et de ses composants, notamment les batteries, qui interroge : une étude de l'ADEME de 2016 estimait que la fabrication d'une voiture électrique consommait 6,6 teqCO 2 , dont près de la moitié pour les batteries, contre 3,8 teqCo 2 pour un véhicule thermique. C'est ensuite l'efficacité énergétique du véhicule électrique qui est mise en cause. Dans le même article, il est rappelé d'une part que le rendement global de la centrale électrique à la roue ne s'élevait qu'à 65 %, compte tenu des pertes en ligne du réseau, du rendement du moteur électrique et des pertes lors des cycles de charge et décharge des batteries, et d'autre part que le bilan CO 2 du véhicule électrique doit prendre en compte les conditions de production de l'électricité, très défavorables en matière de rejet de CO 2 lorsque la production électrique provient du charbon ou d'autres sources fossiles. Une étude de la fondation pour la nature et l'homme de décembre 2017 36 ( * ) confirme que, si la contribution du véhicule électrique à la lutte contre la pollution de l'air en ville est évidente et bien connue, sa contribution à la lutte contre le changement climatique à travers la réduction des rejets de CO 2 dépend de nombreux facteurs externes comme le choix du mix énergétique ou encore l'engagement dans une politique de recyclage des batteries. Cette question du bilan énergétique global touche aussi les véhicules à hydrogène, car si le moteur à hydrogène ne pollue pas, la fabrication de l'hydrogène peut s'avérer énergivore (hydrogène gris, produit à partir d'hydrocarbures).

c) La nécessité de politiques volontaristes pour favoriser les véhicules à faibles émissions.

En tout état de cause, la diffusion rapide des véhicules peu voire pas polluants, à faibles émissions, en remplacement des véhicules actuels à moteurs thermiques ne semble pas possible sans une politique volontariste favorisant cette transition. C'est la conclusion des travaux de France stratégie publiés en mai 2018 (cf. supra), qui identifient plusieurs leviers utilisés à des degrés divers dans les pays qui se sont engagés dans cette voie :

- Un levier puissant consiste à imposer aux constructeurs des quotas de ventes de véhicules à faibles émissions : c'est la voie choisie par la Californie depuis de nombreuses années et adoptée par la Chine à partir de 2019. La mise en place de normes d'émissions drastiques dans l'Union européenne pourrait aussi avoir le même effet de substitution entre électrique et thermique.

- Un autre levier consiste à apporter des aides financières à l'acquisition de véhicules électriques , compensant le surcoût par rapport aux véhicules thermiques. Tous les pays voulant favoriser le véhicule électrique utilisent cet outil, la Chine allant jusqu'à subventionner à hauteur de 50 % l'acquisition de véhicule. Ce levier paraît indispensable : au Danemark, l'arrêt de la subvention à l'acquisition de véhicules électriques a conduit à l'effondrement des ventes. Des mécanismes sophistiqués de modulations des aides en fonction de critères environnementaux ou sociaux peuvent être utilisés.

- Enfin, des incitations indirectes peuvent renforcer l'attractivité du véhicule électrique par rapport au véhicule thermique : tarification favorable, pouvant aller jusqu'à la gratuité pour les autoroutes, le stationnement, voies de circulation ou places de parking réservées, interdiction de l'accès à des zones de circulation restreinte aux véhicules thermiques etc...

France stratégie rappelle aussi que « le véhicule électrique ne prendra son plein essor que « lorsqu'il sera accessible aux ménages des déciles les plus faibles possesseurs d'une automobile », ce qui n'est pas le cas puisqu'une Zoé avec batterie coûte encore 32 600 € hors bonus écologique, soit près de trois fois le prix d'un véhicule similaire à moteur thermique.

Enfin, la politique en faveur du véhicule électrique ne doit pas se limiter au véhicule particulier. La lutte contre les émissions de polluants en zone urbaine et contre les rejets de CO 2 par les véhicules passe aussi par la transition vers l'électrique du parc des 6 millions de véhicules utilitaires légers, ainsi que les véhicules lourds utilisés dans le transport de personnes ou de marchandises : bus et camions.

En tout état de cause, la transition vers une ère post-moteur thermique devrait être longue et laisser cohabiter jusqu'à 2040 les actuels véhicules avec les véhicules propres de nouvelle génération.

2. La révolution de la conduite
a) De l'assistance à la conduite au véhicule autonome

La notion de véhicule autonome a été définie en France comme « un véhicule connecté qui, une fois programmé, se déplace sur la voie publique de façon automatique, sans intervention de ses utilisateurs » 37 ( * ) . Aux États-Unis, l'agence fédérale chargée de la sécurité routière (la National Highway Traffic Safety Administration) a retenu une définition proche en 2016, considérant le véhicule autonome comme « tout véhicule qui peut être conduit, à un moment ou à un autre, par un système d'autonomie sans surveillance constante d'un conducteur ».

Le concept de véhicule autonome est fondé sur le développement de l'intelligence artificielle (avec l'insertion de diverses technologies telles que des systèmes informatiques, des capteurs, caméras, radars, sonars ou encore des lidars sur le véhicule), pour analyser l'environnement du véhicule, le synthétiser, puis déplacer le véhicule sans aucune intervention humaine.

Mais il existe en réalité une grande variabilité dans le degré d'autonomie du véhicule , qui résulte d'une marche très progressive et en réalité assez ancienne vers l'autonomisation des équipements de transport. Les véhicules vendus actuellement sur le marché de l'automobile renferment déjà des équipements comportant une part considérable d'électronique, tels que les systèmes plus ou moins avancés d'assistance et d'aide à la conduite (assistance au freinage, régulateurs de vitesse, boîtes de vitesse robotisées etc...), qui constituent un premier pas vers l'automatisation.

La précision des systèmes de positionnement par satellite (GPS), permettant une géolocalisation en temps réel, a grandement contribué à cette marche vers l'automatisation. Une nouvelle phase est permise par le développement de la puissance de calcul d'équipements capables d'effectuer un traitement de masses de données.

La robotisation totale de la conduite, qui était une perspective lointaine il y a encore 10 ans, s'inscrit désormais à un horizon crédible , s'appuyant sur les efforts de recherche des constructeurs, des équipementiers, et de nouveaux acteurs, en particuliers ceux venus de l'économie numérique (Google, Amazon, Uber), et spécialistes de la gestion de données.

La classification du degré d'autonomie des automobiles

Une première classification de l'autonomie des voitures a été élaborée en 2013 par l'Agence fédérale américaine chargée de la sécurité routière (la National Highway Traffic Safety Agency). Elle est fondée sur cinq niveaux :

• NIVEAU 0 : aucune automatisation ;

• NIVEAU 1 : une ou plusieurs fonctions sont automatisées mais le conducteur assurant la maîtrise d'ensemble restant seul responsable de l'utilisation sûre du véhicule ;

• NIVEAU 2 : automatisation combinée, avec au moins deux fonctions automatisées de façon coordonnée ;

• NIVEAU 3 : conduite automatisée limitée, le conducteur pouvant céder le contrôle total de toutes les fonctions, dans des conditions de trafic et d'environnement définies ;

• NIVEAU 4 : conduite totalement automatisée, même sans passagers.

Il existe une seconde classification, divisée en six catégories, pensée conjointement par la Society for Automobile Engineers (SAE), l'Organisation internationale des constructeurs automobiles et le BASt (Bundesanstalt für Straßenwesen, Institut fédéral allemand pour le domaine routier), qui est celle retenue par la France :

• NIVEAU 0 : aucune automatisation ;

• NIVEAU 1 : conduite assistée ;

• NIVEAU 2 : automatisation partielle, limitée à la vitesse et à la tenue de cap, le conducteur n'étant jamais totalement déchargé de sa responsabilité ;

• NIVEAU 3 : automatisation conditionnelle, dépendant des routes empruntées, le conducteur devant à tout moment être à même de reprendre les commandes.

Pour l'ensemble de ces quatre premiers niveaux, le conducteur est seul responsable de ce que fait le véhicule

• NIVEAU 4 : automatisation poussée, libérant le conducteur dans certaines circonstances (par exemple sur autoroute) ;

• NIVEAU 5 : conduite totalement automatisée, avec ou sans personne à bord.

La notion de véhicule autonome ne peut pas être réduite à la seule voiture autonome : les avions 38 ( * ) , les trains 39 ( * ) , les navires sont engagés depuis longtemps dans la voie de l'autonomie, avec le développement d'outils techniques destinés à assister voire remplacer le conducteur, qui devient peu à peu un agent de surveillance du bon fonctionnement des systèmes de pilote automatique. À terme, ce sont l'ensemble des équipements de transport qui pourraient être qualifiés d'autonomes, permettant de se passer des services d'un conducteur , et le véhicule autonome, qui concerne aujourd'hui plutôt les transports collectifs sur sites dédiés (par exemple le métro sans conducteur type VAL), pourrait se diffuser en milieu ouvert pour le transport individuel (voiture autonome) ou encore le transport de marchandises (drones de livraison), par voie terrestre voire même aérienne.

b) Les enjeux du véhicule autonome.

La généralisation du véhicule autonome pourrait constituer une véritable révolution des mobilités motorisées, en libérant de la contrainte de la conduite , tant pour les transports collectifs que pour le transport individuel, et en ouvrant la voie au partage des véhicules individuels .

Comme le remarquait Anne-Marie Idrac dans son rapport de mai 2018 40 ( * ) remis au Gouvernement, « le développement du véhicule automatisé représente un enjeu considérable pour les politiques des transports et de sécurité, notamment de sécurité routière, et pour l'industrie automobile ». Le véhicule autonome répond à plusieurs objectifs et pourrait contribuer à refaçonner en profondeur le paysage des mobilités.

Un premier enjeu concerne la sécurité routière : 90 % des accidents de la circulation sont liés au comportement des conducteurs. En automatisant la conduite, on réduit les risques et on supprime les comportements déviants. Le rapport Idrac met cette question au premier rang des enjeux du développement du véhicule autonome : « la sécurité routière constitue l'enjeu majeur sur lequel le véhicule automatisé est attendu, en réduisant potentiellement les risques d'occurrence des collisions avec les autres véhicules, voire avec des usagers vulnérables. Ces impacts de sécurité routière emportent largement l'acceptabilité du public. »

Un deuxième enjeu concerne l'utilisation de la voirie et la gestion des flux de circulation , en particulier dans les zones denses. Le véhicule autonome devrait conduire à une diminution des embouteillages, à travers l'optimisation des flux de circulation, une meilleure coordination entre véhicules, mais aussi la réduction du nombre de véhicules en circulation si ces véhicules peuvent être partagés entre plusieurs utilisateurs simultanés ou successifs. L'amélioration du taux d'usage du véhicule permettrait aussi de réduire les problèmes de stationnement dans les villes. Enfin, des effets positifs sur l'environnement sont attendus du fait de l'optimisation des flux et de la réduction de la congestion automobile, avec une réduction des consommations d'énergie et une diminution de la pollution de l'air.

Vos rapporteurs notent qu'au-delà de ces deux questions, le véhicule autonome est un vecteur de transformation radicale de la relation des citoyens à la mobilité . Dans son rapport, Anne-Marie Idrac notait ainsi que « l'enjeu majeur du développement des véhicules automatisé réside dans la synergie possible avec le développement de l'usage partagé des véhicules, et la fourniture de services de transports collectifs aux interstices du transport public urbain massifié [...] ou en zones rurales ». Un peu plus loin, elle indique que « le véhicule automatisé pourrait, dans ses différentes applications, favoriser la mobilité des personnes qui aujourd'hui n'ont pas accès à la mobilité individuelle, comme les personnes âgées ou les personnes à mobilité réduite ». En pratique, le véhicule autonome, surtout s'il est partagé, abolit la frontière entre mobilité individuelle et collective et transforme le temps de conduite en temps actif, qui peut être consacré au travail ou à des activités récréatives.

Le développement du véhicule autonome, enfin, pourrait révolutionner le paysage de l'industrie automobile . Les enjeux économiques sont considérables : la production mondiale de véhicules automobiles était en 2016 de 95 millions de véhicules, en hausse de 22 % par rapport à 2010 41 ( * ) . L'essor du véhicule autonome pourrait remettre en cause les positions acquises par les constructeurs dominants au profit d'autres acteurs du secteur, il pourrait aussi reporter la valeur ajoutée sur les fabricants de composants ou sur les gestionnaires de données et fournisseurs de service d'information permettant la circulation de ces véhicules. Il pourrait aussi révolutionner le modèle économique du véhicule particulier, acheté par son propriétaire et entretenu à ses frais, au profit d'un modèle de véhicule partagé, éventuellement tarifé à l'usage, ce qui impliquerait une baisse des quantités vendues et un report de l'activité économique vers des services aux usagers : mise à disposition de véhicule sur demande, gestion de flotte etc...

c) Les obstacles au déploiement du véhicule autonome.

Si le véhicule autonome offre des perspectives spectaculaires, la marche vers une autonomie complète hors de parcours dédiés paraît cependant encore longue car elle se heurte à d'importantes difficultés.

La question de la sécurité n'est encore réglée : les premières expérimentations montrent que le taux d'accident des véhicules autonomes est significativement inférieur à celui des véhicules conduits par une personne physique, mais certains véhicules autonomes en test ont provoqué des accidents mortels. La question de la cybersécurité et des protections face au risque de piratage des systèmes informatiques pilotant les véhicules autonomes se pose également.

Ensuite, le déploiement du véhicule autonome nécessite des adaptions de la voirie , de la signalisation, l'existence d'un réseau de communication en permanence accessible et réactif pour communiquer avec les autres véhicules et rester en permanence en situation opérationnelle, grâce notamment à des échanges de données dans le cadre de systèmes coopératifs, permettant aux véhicules de se fournir mutuellement des informations, par exemple sur l'état des routes, l'existence de chantiers, d'un obstacle ponctuel sur les voies etc..

Le véhicule autonome nécessite aussi la mise en place d'un cadre législatif et réglementaire adapté , autorisant l'absence totale de pilotage humain, ce que ne permet pas aujourd'hui le code de la route. La question de la responsabilité pénale en cas d'accident doit ainsi être totalement repensée. Un cadre juridique doit notamment être défini pour régler le problème éthique du fameux « dilemme du tramway » : lorsqu'un accident est inévitable, que faut-il privilégier : la sécurité des occupants du véhicule ou celle des tiers circulant sur la voie publique ? Un cadre juridique adapté doit aussi encadrer la collecte et le partage des données, car la circulation en autonomie repose sur un réseau d'échanges numériques : aucun acteur ne doit se rendre invisible aux autres.

Une longue phase de cohabitation entre véhicules autonomes et véhicules non autonomes pourrait débuter dès la mise en service des premiers et cette cohabitation doit être organisée, car le comportement sur la route de ces deux catégories de véhicules pourrait être très différent.

Enfin, la question du coût de cette nouvelle génération de véhicules reste ouverte. Elle conditionne fortement le rythme de déploiement du véhicule autonome.

Au final, le rapport Idrac pointe un impératif : que le véhicule autonome soit accepté par la population, qui pourrait voir la fin de la conduite humaine du véhicule comme une perte de liberté. Anne-Marie Idrac prévoit d'ailleurs que cela ne sera pas simple : « l'acceptabilité des systèmes d'automatisation constitue une condition sine qua non de leur développement. L'acceptabilité mérite une attention particulière et ne doit pas être considérée comme acquise. »

d) Quelles perspectives pour le véhicule autonome ?

La conduite sans chauffeur, totalement automatisée, fait l'objet de nombreuses expérimentations de la part des constructeurs automobiles allemands (Mercedes, Audi, BMW), français (Renault, PSA) mais aussi des autres constructeurs mondiaux, américains et chinois. L'américain Tesla, par exemple, exploite son avance en matière de connectivité des véhicules et recueille les données de conduite de l'ensemble de son parc, qu'elle peut mettre à jour à distance. Les acteurs de l'économie numérique ont aussi investi le champ de l'expérimentation du véhicule autonome : Google a lancé la Google car en 2009 (devenue Waymo en 2016) et a fait parcourir des millions de kilomètres à ses véhicules en phase de test.

La France s'est dotée d'un cadre juridique permettant l'expérimentation dans le cadre de la loi transition énergétique, et, à la suite de la remise du rapport Idrac, le Gouvernement a annoncé l'autorisation de tests sur routes ouvertes dès 2019. Le rapport Idrac proposait également la mise en place d'un programme national quinquennal d'innovation-recherche-expérimentation pour accompagner la filière automobile et organiser la coopération des acteurs : constructeurs, start-up, État, collectivités territoriales ...

Le rapport souligne la nécessité d'une véritable politique publique favorisant la révolution de la voiture autonome, en utilisant tous les leviers, notamment le levier fiscal incitatif pour faciliter le renouvellement des équipements. Il souligne aussi la nécessité de prendre en compte les disparités territoriales.

À côté de la voiture autonome, se développent aussi des expérimentations concernant des transports collectifs, notamment des navettes sans chauffeurs : ainsi la RATP a mis en test des navettes autonomes dans le bois de Vincennes, Keolis et Île-de-France Mobilité ont mis en place en décembre 2017 des navettes Navya à La Défense.

En tout état de cause, la révolution du véhicule autonome ne sera pas très rapide, et passera par une longue phase transitoire, avec un phasage ainsi identifié par le rapport Idrac :

- 2020-2025 : poursuite d'innovations incrémentales avec augmentation du nombre de fonctions de conduite pouvant être déléguées au conducteur et élargissement progressif des environnements d'usage ;

- 2030-2050 : atteinte du degré d'autonomie quasi-totale en tout environnement d'usage ;

- au-delà de 2050 : baisses de prix et incorporation progressive dans les flottes de véhicules en circulation.

Ce rythme est cependant très incertain, le rapport indiquant que : « les échéances présentées par les différentes études apparaissent sensibles non seulement au rythme du progrès technique, mais aussi à l'acceptabilité sociale de ces technologies, notamment en termes de sécurité. La conjonction d'un progrès technique rapide et d'une bonne acceptabilité pourraient rapprocher fortement les échéances de généralisation de ces systèmes. À l'inverse, des freins liés à l'acceptabilité pourraient ralentir le décollage de ces marchés ».

3. La révolution des pratiques et des usages

Les mutations des mobilités ne se situent pas à l'écart des grandes mutations de la société contemporaines. Ainsi, l'essor d'Internet, le développement du e-commerce ou encore la recherche de davantage de souplesse dans l'organisation des déplacements, répondent à des tendances de fond qui s'observent aussi dans d'autres champs de la vie sociale. Les mobilités urbaines comme les mobilités à longue distance tendent donc à se transformer progressivement, et dessinent un paysage de plus en plus divers des mobilités.

a) Les mobilités urbaines en ébullition.

Les mobilités urbaines connaissent depuis quelques années des évolutions rapides portées par une multitude d'initiatives, qui contribuent à faire évoluer les pratiques de mobilité dans les villes, sous l'effet de la rencontre d'innovations techniques portées par des fournisseurs de solutions de mobilité, le plus souvent des start-up, de la généralisation des smartphones et de nouvelles attentes sociales.

(1) Le renouveau de la marche, du vélo et l'apparition de nouvelles formes de glisse urbaine

Le renouveau de la marche et du vélo résultent moins d'innovations techniques que d'une volonté d'aller vers des mobilités plus saines, dans des villes denses où, sommes toutes, les distances à couvrir pour se déplacer ne sont pas si importantes.

• Selon une étude récente de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France (IAU-IDF) 42 ( * ) , la marche représente 39 % des déplacements en Île-de-France. La marche représente 52 % des déplacements à Paris, 42 % en petite couronne et 29 % en grande couronne. Au-delà de l'Île-de-France, l'étude constate que la part de la marche est en nette croissance dans la plupart des grandes capitales, ces dernières mettant en place des aménagements adaptés (premier plan piéton à Genève en 1995, aménagements piétons pour les JO de Londres de 2012, réseau piétonnier magistral de Strasbourg lancé en 2012).

La marche présente des avantages en termes de santé, en constituant un mode d'exercice physique doux, et en termes de limitation de la pollution dans les espaces urbains lorsqu'elle se substitue à des transports motorisés. Mais elle est sensible aux aléas climatiques (il y a moins de marcheurs quand la météo est pluvieuse) et dépend fortement d'aménagements urbains qui garantissent une sécurité forte du piéton.

Le vélo est un mode de déplacement traditionnel dans les villes qui a connu un reflux très important en France des années 1970 jusqu'à la fin des années 1990, avec alors à peine 1 % des déplacements effectués à vélo dans les grandes villes : Paris, Lyon, Marseille, mais aussi dans les métropoles de taille plus modeste : Amiens, Saint-Etienne, Reims. Or, un autre modèle de déplacements urbains, dans le Nord de l'Europe, faisait et fait encore une place prépondérante à la bicyclette : Copenhague, Amsterdam et les villes des Pays-Bas.

Depuis une vingtaine d'années, on assiste à un véritable renouveau du vélo en ville, qui, comme la marche présente de nombreux atouts : absence de pollution atmosphérique, exercice physique modéré des pratiquants, bénéfique pour leur santé, décongestion du trafic automobile lorsque le vélo remplace la voiture et économies sur le coût des déplacements.

Ce renouveau répond à une attente de plus en plus forte des citadins, mais passe par une politique volontariste forte des collectivités territoriales en mobilisant une palette d'outils : aménagements de pistes cyclables et parcours dédiés, installation de services de vélos en libre-service : velo'v à Lyon, velib à Paris. Peu à peu, quasiment toutes les agglomérations proposent un service de ce type.

La pratique du vélo se développe de nouveau. D'après les chiffre du club des villes et territoires cyclables, on compte en France 3 millions de cyclistes quotidiens, 17 millions de cyclistes réguliers et le vélo représente désormais 4 % des déplacements. Un potentiel de développement élevé existe encore et dans ce but, un plan vélo vient d'être annoncé par le Gouvernement pour en développer encore la pratique.

Une évolution plus récente est intervenue avec les nouveaux instruments de glisse urbaine : l'apparition de vélos électriques permet de faciliter le pédalage et d'adapter l'utilisation du vélo aux villes peu plates et à des publics plus rétifs aux efforts physiques que requiert la pratique du vélo. La trottinette est revisitée par l'adjonction d'un petit moteur électrique sur batterie, permettant d'effectuer plusieurs kilomètres sans efforts et de prendre les transports en commun avec son équipement. Les dernières années ont vu apparaître dans les rues des villes des gyropodes, des mono-roues, permettant de se déplacer vite avec des appareils électriques peu encombrants.

(2) La transformation de l'économie des transports urbains

La période récente est caractérisée par l'irruption de nouvelles offres de mobilité dans les villes, s'appuyant sur un nouveau modèle économique.

Dans le domaine du transport motorisé de personnes, les véhicules de transport avec chauffeurs (VTC) constituaient une alternative ancienne au taxi, mais peu développée car l'offre était peu connue des clients potentiels et la mise en relation entre clients et transporteurs plutôt difficile. Le numérique, en donnant un accès permanent sur smartphone à des services de réservation, en permettant de suivre la disponibilité des véhicules, d'avoir un retour sur la qualité de service et de géolocaliser en temps réel les véhicules et les clients, a permis à des start-up d'imaginer une nouvelle offre. L'arrivée d'Uber dans les grandes villes a bouleversé le cadre ancien de ce type de transports. D'autres sociétés proposent désormais des applications qui permettent de réserver son service de transport, d'en connaître à l'avance le coût, qui peut s'ajuster en fonction de l'intensité de la demande. On compterait un peu moins de 30 000 chauffeurs de VTC en France dont les deux tiers en région parisienne, qui s'ajoutent aux 18 000 taxis parisiens. Après une montée en puissance rapide des VTC et de nombreux désordres sur le marché du transport motorisé de personnes en ville, un nouvel équilibre semble s'établir entre les différents acteurs, avec une offre de transports accrue et diversifiée.

Une autre innovation dans l'offre de mobilité en ville consiste à partager les équipements. Le développement d'équipements de transport individuel partagés peut se faire selon des modalités multiples.

Les collectivités territoriales ont proposé un service public de partage de véhicules, en aménageant l'espace public pour accueillir des stations dédiées au partage et en déléguant l'exécution du service à des partenaires chargés de mettre à disposition les véhicules et d'en assurer la gestion. Le service Velib à Paris ou Velo'V à Lyon fonctionne selon ce modèle et le service d'autopartage Autolib reposait sur ces mêmes mécanismes.

La géolocalisation des équipements et la possibilité de réserver et payer des services sur smartphone offre une nouvelle étape de développement au partage de véhicules en libre-service. Plusieurs opérateurs proposent une palette de véhicules partagés, disséminés un peu partout dans les espaces urbains denses, qui disposent d'une taille suffisante pour faire correspondre un parc diversifié de véhicules et une clientèle nombreuses. Le modèle du « free-floating » se diffuse et concerne aussi bien des automobiles, que des vélos, des trottinettes ou encore des scooters électriques. Il suppose toutefois un minimum de discussions entre les fournisseurs de services et les collectivités, en particulier pour régler les questions de stationnement, ou lorsque les équipements doivent faire l'objet de recharges à partir de bornes d'alimentation électrique.

(3) Des offres collectives innovantes

Les transports collectifs ne sont pas restés à l'écart de l'innovation non plus ces dernières années, celle-ci passant par de multiples canaux.

L'une des innovations consiste à revisiter des modes de transport collectifs déjà connus comme le tramway ou le bus : de nombreuses agglomérations se sont dotées de tramways ou de bus à haut niveau de service, c'est-à-dire sur voies dédiées, permettant une circulation plus fluide que sur la voie publique, avec des arrêts plus éloignés que des bus classiques et un matériel roulant de plus grande capacité. Le transport aérien par câble est également envisagé pour répondre à des besoins particuliers comme le franchissement d'obstacles naturels ou routiers. Les infrastructures nécessaires pour réaliser un téléphérique sont en effet plus légères que la construction d'un transport au sol ou souterrain.

Une autre innovation consiste à mieux informer le voyageur sur ses durées de trajet, ses durées d'attente et ses conditions de transport. Le suivi en temps réel des bus, des métros ou encore des trains améliore la qualité de service aux usagers des transports collectifs.

Les transports collectifs s'adaptent aussi à la demande de personnalisation : sur certaines lignes, la desserte n'est assurée que si elle est demandée, en particulier dans les zones peu denses : le circuit de bus s'adapte aux besoins des passagers du moment. Cette technique permet d'accélérer les trajets sur la ligne. Sur certains réseaux, les collectivités territoriales sont allées jusqu'à mettre en place des services de transport à la demande (TAD).

L'innovation réside enfin dans les politiques de tarification du transport : l'abonnement pour un trajet bien précis, défini à l'avance, cède peu à peu la place à des dispositifs plus souples, permettant d'utiliser un abonnement à un service de transport sur l'ensemble de son réseau. Certaines collectivités réfléchissent sur la gratuité totale des transports collectifs et une agglomération, celle de Dunkerque, l'a mise en place en 2018.

b) La mutation des pratiques de déplacements longue distance

Si les mobilités urbaines connaissent des bouleversements rapides, les mobilités à longue distance ne restent pas à l'écart des transformations des habitudes et des pratiques.

• De la même manière que la logique de mutualisation s'est diffusée dans les villes denses , la logique de partage progresse dans le transport à longue distance : le covoiturage , qui existait déjà sous une forme inorganisée et dans un réseau de proximité, prend une nouvelle dimension avec les plateformes numériques qui assurent la mise en relation de nombreux conducteurs et de nombreux voyageurs, comme le fait le leader français blablacar 43 ( * ) . Cet effet-masse est nécessaire pour assurer la fluidité de la relation entre offre et demande : lors de son audition devant vos rapporteurs, Diane Prebay, de l'entreprise Blablacar indiquait qu'il fallait 1 million d'utilisateurs pour qu'une plateforme de covoiturage longue distance puisse commencer à fonctionner correctement.

Le covoiturage présente plusieurs avantages : il contribue à la création de lien social. Mais surtout, reposant sur la logique de partage de frais, il permet de faire baisser significativement le coût des déplacements.

S'il est principalement utilisé sur les longues distances, le covoiturage présenter aussi un intérêt pour des déplacements domicile-travail lorsqu'il existe une distance importante entre les zones d'activité et les zones d'habitat. Certaines collectivités ont d'ailleurs aménagé des zones de covoiturage, qui permettent de se regrouper pour effectuer des trajets pendulaires, ce qui contribue à réduire l'engorgement automobile des grands axes routiers des agglomérations.

• Les mobilités longue distance sont également transformées par la libéralisation du transport par autocar opérée par la loi Macron de 2015, qui a conduit à l'ouverture de nouvelles lignes et renforcé l'offre de transports groupés sur des tronçons déjà couverts par le train. Ces cars permettent d'effectuer des trajets à moindre coût, et ont contribué à solvabiliser de nouveaux voyageurs. D'après l'ARAFER, 17 % des voyageurs ne se seraient pas déplacés si ces cars n'avaient pas existé.

• Enfin, le numérique permet une planification plus souple des mobilités longue distance : l'offre est mieux connue et peut être facilement comparée grâce à des sites Internet qui assurent l'agrégation des offres. La réservation et le paiement en ligne réduisent les démarches de préparation des déplacements, facilitant la mobilité longue distance des individus en réduisant les démarches préalables à effectuer.

c) Vers des mobilités intégrées ?

Les dernières années ont vu, aussi bien dans le champ des mobilités urbaines que dans celui des mobilités interurbaines à longue distance, un foisonnement d'innovations, d'initiatives, qui ont accru la diversité du paysage des mobilités . Le tout-voiture individuelle ou le tout-transport en commun n'est pas sans alternatives. Les mobilités ne sont plus comprises comme relevant d'un seul mode dominant pour chaque public-cible.

L'homme mobile est en effet susceptible d'utiliser successivement au cours d'un même trajet, voire alternativement pour un même trajet, plusieurs modes : la voiture individuelle pour aller à la gare la plus proche, le train, puis le vélo, voire un nouvel équipement de glisse urbaine, ou encore la voiture personnelle jusqu'à une aire de covoiturage puis la voiture partagée en covoiturage pour la deuxième partie du trajet.

La question de l'articulation des modes de transport entre eux devient stratégique pour améliorer les conditions de mobilité , mais le développement de pratiques de mobilités multimodales se heurte à une organisation collective des services de transports encore centrée sur le mode utilisé et mettant en place des frontières étanches avec les autres univers modaux : les fournisseurs de services de transport ferroviaire, les fournisseurs de services de location de voiture ou de location de vélos sont à chaque fois différents et le voyageur doit rentrer dans chacun des cadres définis par le prestataire de service de mobilité pour pouvoir en bénéficier.

Vos rapporteurs notent que cette logique qui part du mode de transport pour aller vers son utilisateur est en train de s'inverser . La réflexion sur les mobilités doit en effet partir de l'usager, dont le besoin est simplement de se déplacer et qui doit se voir proposer le mode optimal tant du point de vue de la durée de trajet, que du coût ou encore de l'empreinte environnementale.

Venu de Finlande, le concept de mobilité comme un service (mobility as a service : MaaS) repose sur l'idée qu'un déplacement doit pouvoir s'effectuer « sans couture », en utilisant l'ensemble de la palette de solutions de mobilité existantes.

La mise en place des MaaS comporte plusieurs aspects importants :

- L'information des voyageurs doit être complète pour permettre de choisir entre les différentes solutions, avec de nombreuses possibilités de substitution, par exemple entre bus et covoiturage.

- La tarification des services doit être coordonnée et la billettique doit être multimodale, afin de disposer d'une facturation unique des services utilisés.

- Enfin, des aménagements doivent être réalisés pour encourager la multimodalité, par exemple en construisant des parking-relais aux abords des noeuds de transports en commun ou en aménageant des aires de covoiturage.

La MaaS offre des avantages pour les usagers, pour les opérateurs de services de mobilité et pour les autorités publiques :

- Pour les usagers , la MaaS permet d'optimiser les déplacements, d'en connaître plus précisément les coûts réels et de disposer d'une palette plus large de choix.

- Pour les opérateurs de services de mobilité , la MaaS assure ouvre la voie à une optimisation des services rendus, notamment en supprimant les offres inadaptées, surdimensionnés (bus de bouts de ligne avec très peu de passagers) ou sous-dimensionnés (absence de service dans certaines zones) au profit de modes alternatifs répondant aux besoins de la population (transport à la demande, covoiturage).

- Pour les pouvoirs publics , les MaaS permettent un réel pilotage des politiques de déplacement, ouvrant la voie à une optimisation des flux et à la possibilité de mettre en place des incitations plus complète en faveur de certains modes, par exemple ceux les plus respectueux de l'environnement.


* 33 https://fr.reuters.com/article/companyNews/idFRL8N1PB298

* 34 Source : France stratégie - Panorama des politiques publiques en faveur des véhicules à très faibles émissions - Mai 2018 - http://www.strategie.gouv.fr/publications/politiques-publiques-faveur-vehicules-tres-faibles-emissions

* 35 Voiture électrique, parcours chaotique - Futuribles n° 423 - Mars Avril 2018.

* 36 http://www.fondation-nature-homme.org/magazine/quelle-contribution-du-vehicule-electrique-la-transition-energetique

* 37 Vocabulaire de l'Automobile, JORF n° 0135, 11 juin 2016, texte n° 111.

* 38 Concernant les avions, le premier vol commercial en pilote automatique a été réalisé en 1931 par un bimoteur, le Curtiss Condor. L'automatisation des systèmes de vol a permis de réduire les effectifs dans les cockpits, et permet de prendre le relais des équipages même lors des phases délicates de décollage et d'atterrissage.

* 39 Les premiers wagons automatisés ont été présentés à la foire de New-York en 1964 et le premier métro sans conducteur a été mis en service à Kobe au Japon en 1981.

* 40 Développement des véhicules autonomes, orientations stratégiques pour l'action publique.

* 41 Source : Comité des constructeurs français d'automobiles.

* 42 La marche à pied en Île-de-France - IAU-IDF - juin 2016 - https://www.iau-idf.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1286/La_marche_a_pied_en_IDF.pdf

* 43 Entreprise française créée en 2006, qui revendique 14 millions de membres inscrits en France sur sa plateforme et estime que 40 % des moins de 30 ans.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page