B. LA FLUIDITÉ DU PASSAGE PORTUAIRE POST-BREXIT : DES INQUIÉTUDES PERSISTANTES, DES ANNONCES RÉCENTES

À l'heure actuelle, 75 millions de tonnes de marchandises sont échangées annuellement entre le Royaume-Uni et la France , dont 65 % transitent par Calais et 23 % par Dunkerque 15 ( * ) . Au titre de leur rôle d'interface, les ports jouent un rôle de premier plan en soutien du commerce extérieur.

Comme l'a indiqué le Premier ministre lors du CIMer 2018, un « hard Brexit » imposerait à la France de « rétablir des formalités de contrôle sur les marchandises, sur les passagers, à destination et en provenance du Royaume-Uni et nous devrions équiper nos ports et le tunnel sous la Manche en conséquence. Pour prendre l'exemple de Dunkerque [...] c'est 3 millions de passagers et 700 000 camions à destination du Royaume-Uni qui transitent chaque année [...] Les ministres, qui ont été appelés à s'interroger sur ce qu'impliquait une sortie sans accord, ont identifié 200 mesures à prendre d'ici le 29 mars ».

Dans ce contexte, l'ensemble des intervenants de la table ronde ont rappelé les risques opérationnels qui s'imposeront en cas de Brexit sans accord : Michel Neugnot , président de la commission « transports et mobilité » de Régions de France a ainsi évoqué un risque de « détournement des flux , qu'il s'agisse du fret, du transport de produits vivants ou de personnes » avant d'ajouter que les régions Bretagne et Normandie « ont insisté sur le fait que l'État et les opérateurs doivent progresser dans leur estimation des installations supplémentaires à mettre en place et du nombre de fonctionnaires supplémentaires à affecter ».

Confirmant les annonces récentes du Gouvernement sur l'octroi de fonds européens dédiés à l'aménagement des ports dans la perspective du Brexit, Nicolas Trift , sous-directeur des ports et du transport fluvial au ministère de la transition écologique et solidaire, a indiqué que la France bénéficierait de 65 millions d'euros (sur les 100 millions d'euros prévus par l'appel à projet européen sur les liaisons transfrontalières) pour l'aménagement des ports maritimes : « cette somme couvrira les travaux à Brest, Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg et Dieppe ». Le port de Lorient devrait également être inclus dans ce dispositif.

Vos rapporteurs attirent l'attention de votre commission sur le fait que l'État devra mobiliser 50 à 70 % de financements complémentaires afin de bénéficier des fonds européens, dont l'emploi est régi par le principe de co-financement . Ces financements complémentaires pourraient, par exemple, être inscrits dans le cadre d'un éventuel projet de loi de finances rectificative pour 2019 et, à défaut, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

Les intervenants de la table ronde ont également évoqué le recrutement de personnels douaniers et la mise en place de procédures garantissant la fluidité des passages . Sur ce point, Nicolas Trift a indiqué que « sur un trafic total de 76 millions de tonnes en 2017 avec la Grande-Bretagne , 3,3 millions de tonnes proviennent de l'Irlande , ce qui représente 120 000 poids lourds sur un total de 2,8 millions. On peut imaginer que les camions partant d'Irlande soient plombés et ne soient ainsi pas soumis aux contrôles douaniers. Ce serait essentiel pour préserver la fluidité du trafic ».

L'enjeu est de taille, car les conséquences d'une mauvaise anticipation du Brexit seront rapidement perceptibles : « chaque jour, entre Calais, Dunkerque et Douvres, Eurotunnel compris, 5 000 camions transitent dans les deux sens. Si le 30 mars, la visite de chaque camion prend une minute, le soir nous aurons déjà trois jours et demi de retard » selon Jean-Marc Roué.

Pour traiter l'ensemble de ces questions dans des délais rapides, le Premier ministre a, d'une part, nommé M. Vincent Pourquery de Boisserin , délégué interministériel, pour coordonner l'action des ministères des finances, de l'agriculture et des transports et, d'autre part, demandé au Parlement d' autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance une série de mesures relevant de la loi , notamment en matière de contrôle sur les marchandises et passagers, de contrôle vétérinaire et phytosanitaire à l'importation en provenance du Royaume-Uni et de réalisation d'opérations de transport routier de marchandises ou de personnes sur le territoire français, y compris en transit, par des personnes physiques ou morales établies au Royaume-Uni.

Source : CIMer 2018.

Les articles 1 et 2 de la loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019 doivent ainsi permettre au Gouvernement de préparer au mieux les conséquences du Brexit sur la fluidité du passage portuaire. Selon le Premier ministre, ces ordonnances permettront « d'accélérer les procédures pour la construction des infrastructures nécessaires aux contrôles à la frontière [et] de mettre à disposition les mesures destinées à fluidifier les contrôles sanitaires et phytosanitaires » 16 ( * ) .

L'ordonnance du 23 janvier 2019 portant réalisation en urgence des travaux requis par le rétablissement des contrôles à la frontière avec le Royaume-Uni en raison du retrait de cet État de l'Union européenne 17 ( * ) fait partie d'une série de textes qui seront pris d'ici la fin du mois de mars 18 ( * ) . Cette ordonnance est complétée par un décret du 23 janvier 2019 , qui prévoit que les marchés passés dans ce cadre par les grands ports maritimes ne sont pas soumis à l'avis des commissions consultatives des marchés et des commissions d'appels d'offres prévues par le code des transports ainsi que d'autres mesures dérogatoires, applicables aux procédures engagées jusqu'à la fin du sixième mois suivant la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union.


* 15 Source : DGITM.

* 16 Discours précité du 15 novembre 2018.

* 17 Ordonnance n° 2019-36 du 23 janvier 2019.

* 18 Voir également les ordonnances n° 2019-48 du 30 janvier 2019 visant à permettre la poursuite de la fourniture à destination du Royaume-Uni de produits liés à la défense et de matériels spatiaux, n° 2019-75 du 6 février 2018 relative aux mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union en matière de services financiers, n° 2019-76 du 6 février 2019 portant diverses mesures relatives à l'entrée, au séjour, aux droits sociaux et à l'activité professionnelle, applicables en cas d'absence d'accord sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union et n° 2019-78 du 6 février 2019 relative au retrait du Royaume-Uni de l'Union en matière de transport routier de personnes et de marchandises et de sûreté dans le tunnel sous la Manche.

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