Audition commune sur les outils d'aide au diagnostic et le dépistage
de la borréliose de Lyme

Pr Christian Rabaud, infectiologue
au centre hospitalier universitaire de Nancy,
Pre Catherine Chirouze, infectiologue
au centre-universitaire (CHU) de Besançon,
Pr Yves Malthièry, ancien chef de service de biochimie et ancien directeur d'unité Inserm au centre hospitalier universitaire d'Angers,
Dr Hugues Gascan, immunologiste,
directeur de recherche au centre national de la recherche scientifique,
M. Alain Trautmann, immunologiste,
président du fonds de recherche « BioTique »
de la fédération française contre les maladies vectorielles à tiques

M. Alain Milon , président . - Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur la maladie de Lyme avec une table ronde sur les outils d'aide au diagnostic de cette pathologie dont nous avons bien compris qu'elle était complexe dans sa transmission. Son dépistage, biologique ou clinique, est capital pour orienter correctement les patients vers une prise en charge adaptée et réactive.

Nous accueillons pour la seconde table ronde de cette matinée : le professeur Christian Rabaud, infectiologue au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy et président du groupe de travail de la Haute autorité de santé sur la borréliose de Lyme ; la professeure Catherine Chirouze, ; infectiologue au centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon ; le professeur Yves Malthiéry, ancien chef de service de biochimie et ancien directeur d'unité Inserm au CHU d'Angers ; le docteur Hugues Gascan, immunologiste, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le professeur Alain Trautmann, immunologiste, président du fonds de recherche « BioTique » de la fédération française contre les maladies vectorielles à tiques.

Mesdames et messieurs, je vous laisse la parole pour un propos liminaire de 5 minutes. Puis mes collègues vous adresseront leurs questions, avec un impératif qui est de clore cette rencontre à 13 heures.

Professeur Christian Rabaud, infectiologue au CHU de Nancy et président du groupe de travail de la Haute Autorité de santé sur la borréliose de Lyme . - En amont de cette invitation, vous nous aviez adressé deux principales questions : l'une portant sur les tests et l'autre sur les manifestations cliniques de la maladie de Lyme. Comme infectiologue au CHU de Nancy, je me consacre davantage à la prise en charge clinique des patients qu'à la gestion des tests sérologiques que j'utilise au quotidien dans ma démarche de diagnostic. Si certaines manifestations ont été clairement associées à la maladie de Lyme, la présentation des patients n'est pas toujours aussi simple. L'accompagnement des patients exige de se fonder sur un ensemble de symptômes.

J'ai par ailleurs présidé la mise en oeuvre du groupe de travail consacré à l'élaboration du protocole national de diagnostic et de soins (PNDS), qui représentait la troisième phase du plan de lutte contre la maladie de Lyme et a conduit ses travaux durant une année, d'abord sous la présidence de Jérôme Salomon, avant qu'il ne devienne directeur général de la santé et que je le remplace. Ce groupe a permis de mettre au jour de réelles divergences quant à l'approche de cette maladie.

D'un point de vue clinique, dans notre quotidien, les patients se rendent dans les centres de recours que sont les CHU avec un ensemble de symptômes et non un diagnostic de la maladie clairement établi. Ils s'interrogent sur l'éventualité de cette pathologie et non sur l'orientation thérapeutique. Notre prise en charge n'est pas seulement biologique mais également clinique. Elle peut alors conduire à réorienter les personnes vers une autre prise en charge spécifique ou, au contraire, à compléter le bilan avec des examens supplémentaires, dont la sérologie avec le test de dépistage Elisa, qui permet de vérifier si le patient a développé des anticorps contre la bactérie Borrelia ; ce premier test étant confirmé, en termes de spécificité, par un autre test, le Western Blot.

Notre pratique se limite à l'usage de ces deux tests, avant de proposer au patient, en cas de sérologie négative et de symptômes cliniques, une autre prise en charge multidisciplinaire destinée à déterminer la réelle cause de ses troubles. Des prises en charge multidisciplinaires ont ainsi été organisées à Nancy et Besançon. Elles associent divers spécialistes en fonction des signes présentés par le patient dans le cadre d'une prise en charge complète se déroulant sur une seule journée. C'est, à mon sens, un apport précieux pour les patients qui n'ont plus à connaître le temps d'errance et de solitude induit par la prise de rendez-vous espacée, dans le temps, entre divers spécialistes.

S'agissant de la place de la sérologie face à ces différentes situations cliniques, les spécialistes que nous sommes sont peu amenés à intervenir lors des phases primaires de la maladie ou les érythèmes migrants. Ceux-ci sont gérés par les médecins généralistes et sont généralement assez facilement reconnaissables : un simple examen clinique justifie alors un diagnostic et une prise en charge thérapeutique qui, selon nous, n'exigent nullement la réalisation de la sérologie qui peut s'avérer négative. Dans les phases ultérieures, avec quelques atténuations pour les phases précoces au niveau neurologique, si la sérologie ne permet pas toujours d'établir un diagnostic pour des patients présentant des manifestations cliniques d'une maladie de Lyme qui s'est installée de façon plus ancienne, elle permet, en revanche, de s'interroger sur le sujet. En effet, la sérologie permet de prouver le contact des personnes avec la bactérie Borrelia , sans pour autant que celles-ci développent la maladie de Lyme. Comme l'ont démontré des études de séroprévalence, des patients peuvent développer des anticorps, c'est-à-dire une réponse immunologique, sans présenter de signes cliniques. Il n'y a alors aucun sens de proposer un traitement. Dans le cadre d'un bilan standard, il est possible d'obtenir une sérologie de Lyme s'avérant positive. Il importe alors de prendre le temps nécessaire de dialoguer avec le patient et de répondre à ses questions, afin d'identifier d'autres troubles éventuels et de lui proposer des solutions adaptées.

Professeur Yves Malthiéry, ancien chef de service de biochimie et ancien directeur d'unité Inserm au CHU d'Angers . - J'ai exercé, durant de nombreuses années, au CHU d'Angers en biochimie et créé plusieurs unités Inserm en rapport avec la maladie de Lyme qui m'a intéressé, en tant que biologiste. La biologie interpelle de nombreux patients qui ne savent pas s'ils ont cette maladie. Celle qui est appliquée aujourd'hui s'avère quelque peu archaïque dans son application : certains tests, utilisés dans le diagnostic primaire, ont démontré leurs limites. À partir du dépistage, on s'interroge sur l'éventuelle poursuite de tests. Un examen biologique répondra seulement à la question qu'on lui pose. Un test Elisa permet apparemment de savoir si la personne présente des anticorps contre la bactérie Borrelia burgdorferi . Qualifier une maladie de Lyme uniquement à partir de la reconnaissance d'anticorps contre cette unique souche peut conduire à écarter des patients, dont la sérologie est négative, quand bien même ils présentent les signes cliniques de la borréliose. Le test Elisa est pratique, sensible et efficace, uniquement dans ce cadre. Une sérologie positive n'induit cependant pas la reconnaissance de la maladie de Lyme ; sa grande sensibilité pouvant toutefois engendrer des résultats positifs qu'il est toujours possible d'analyser avec un Immuno Blot. Par contre, les résultats « faux négatifs » de ce test Elisa n'empêchent nullement la présence de signes cliniques chez les patients qui peuvent également présenter des anticorps indétectables par le test utilisé. Là se trouve le vrai problème. La borréliose peut être contractée avec une autre souche que celle de Burgdorferi qui ne représente que 60 % des cas en Europe. Il faudrait ainsi inclure les autres souches pathogènes de détection dans les tests Elisa. Ainsi, avoir des anticorps ne signifie pas développer une pathologie. Les personnes, dont le résultat Elisa est négatif, tendent à être rejetées du cadre très rigide de la prise en charge de la maladie de Lyme.

Quelle démarche doit-on suivre ? Sur une infection précoce, les signes cliniques sont relativement simples, même si 30 à 40 % des cas sont indétectables. Sur les formes chroniques, les tests utilisés n'ont plus du tout la même pertinence, puisque l'organisme a évolué différemment. Pourquoi certains tests peuvent-ils s'avérer négatifs ? Une infection par une bactérie représente une agression qui provoque la réaction de l'organisme ; ces deux phénomènes expliquant l'existence de signes cliniques. La capacité réactionnelle de l'organisme à une infection renvoie à sa personnalité immunologique, à son terrain génétique -certaines personnes peuvent très bien se défendre contre des agressions bactériennes ou virales- ainsi qu'à des agressions environnementales multiples, comme l'interférence avec des co-infections provoquées simultanément par d'autres bactéries. C'est pourquoi 40 % des individus, qui ont contracté une borréliose, ne sont pas reconnus comme souffrants de la maladie de Lyme, sans pour autant que ne soit caractérisée leur pathologie. Il ne faut donc pas éconduire ces patients.

Docteur Hugues Gascan, immunologiste, directeur de recherche au CNRS . - Je suis immunologiste de formation et j'ai passé plusieurs années, après ma thèse, à Stanford, avant de diriger une unité Inserm à Angers pendant une quinzaine d'années, de même qu'une fédération de recherche, forte de 380 personnes, pendant dix ans. J'ai également animé la seule plateforme reconnue par l'État qui produisait des anticorps monoclonaux et m'a procuré une certaine compétence sur les tests Elisa. En outre, je me suis intéressé aux pathologies chroniques, qui longtemps ont été occultées par la médecine, et qui peuvent s'avérer inflammatoires, dégénératives, auto-immunes et tumorales. Pour des raisons familiales, je me suis intéressé à la maladie de Lyme. J'ai alors animé un projet de recherche qui a abouti, il y a dix-huit mois, au dépôt d'un brevet au CNRS avec une extension mondiale laquelle, à mon sens, donne de nombreuses clés sur la maladie, tant pour l'établissement de son diagnostic que de sa thérapie. Malheureusement, les controverses actuelles rendent difficiles la promotion de certains travaux. Enfin, j'assume les fonctions de secrétaire général de la fédération des maladies vectorielles à tiques qui rassemble 150 médecins impliqués dans le traitement de la forme complexe de la maladie de Lyme.

Cette pathologie n'est pas nouvelle. Des travaux remarquables, qui ont permis d'affiner sa compréhension, ont été conduits durant les années 80, comme l'illustre un reportage de la télévision française sur les entretiens de Bichat de 1987 où avait déjà été abordée cette pathologie. J'ai également participé aux travaux conduits par la Haute Autorité de santé (HAS) qui me semblent justifier de nombreuses interrogations.

Si l'agent pathogène de la maladie de Lyme est voisin de celui de la syphilis, elle n'est, en revanche, pas considérée comme progressive. Toute idée de chronologie doit ainsi être évacuée ; certains patients pouvant développer très vite des problèmes neurologiques d'une extrême gravité peu de temps après avoir été piqués, tandis que d'autres peuvent développer la maladie bien des années après. La tique peut être grosse comme une extrémité de doigt, ou avoir une taille de l'ordre du millimètre ; ce qui n'est pas sans donner lieu à de nombreuses incertitudes. Parallèlement aux travaux conduits par la HAS, un groupe relevant du département de la santé américain a réalisé un travail de synthèse destiné au Sénat des États-Unis, pour la préparation d'une loi de finances pour lutter contre les maladies vectorielles à tiques. Ce rapport reprend les grands points que nous avons évoqués aujourd'hui et ses conclusions s'avèrent voisines de celles de la HAS, tout comme des recommandations britanniques. Il est ainsi préconisé de mettre en avant le tableau clinique, et non la sérologie, comme preuve de la maladie.

Outre l'errance de patients qui sont orientés vers la psychiatrie malgré des signes cliniques avérés, 50 % des malades sont des enfants. La maladie de Lyme peut également être à l'origine de suicides : 1 200 suicides, en relation avec cette pathologie, ont été annuellement recensés aux États-Unis. La fédération des maladies vectorielles à tiques conduit actuellement ce recensement pour la France.

Il y a deux grands types de tests Elisa. Les premiers, apparus, dans les années 1950, s'inscrivaient dans une perspective probabiliste induite par l'application en épidémiologie des statistiques bayésiennes. Ils permettent ainsi de définir une probabilité d'être malade. Encore faut-il que l'agent pathogène soit à la fois virulent et unique ! Ces Elisa ne sont cependant pas calibrés, faute d'un étalonnage. Depuis les années 80, il est possible de mesurer les molécules et ainsi de les quantifier à l'aune d'unités reconnues à l'échelle internationale. Les Elisa ne disposent pas de maîtres étalons et répondent à trois catégories : positif, négatif ou douteux. En outre, avec trente-deux marques différentes d'Elisa, il est impossible de comparer ces tests, faute de l'existence d'un standard purifié et ainsi de préciser le seuil au-delà duquel la séropositivité est avérée. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) se contente de fournir des recommandations d'ordre commercial. Mais, rien n'existe sur l'acuité et la sensibilité, pondérale et non statistique.

Les résultats selon les marques des tests ne sont pas uniformes. Imaginez le tollé que provoquerait une telle situation sur le Sida ! Outre cette absence de standard, l'ensemble des pathogènes n'est couvert par aucun kit Elisa. Enfin, 30 % des personnes ne développent pas d'anticorps lorsque la bactérie pénètre leur organisme. Ainsi, seulement 50 % des cas de borréliose peuvent être détectés par le test Elisa. Les signes cliniques, au niveau de la HAS, prévalent, et non le résultat de la sérologie Elisa.

Sur la recherche, le plan Lyme a débuté en septembre 2016. Les deux derniers projets ont été lancés au printemps 2016. Depuis lors, aucun financement n'a été accordé, en France, à la recherche sur cette pathologie ; ce qui contraste avec l'effort financier consacré aux États-Unis, notamment autour de l'université Stanford, sur cette question.

Professeur Alain Trautmann, immunologiste, président du fonds de recherche « BioTique » de la fédération française contre les maladies vectorielles à tiques . - Les médecins ont des avis opposés sur cette pathologie. La population est inquiète et une controverse s'est installée, principalement pour deux motifs : biologique et humain. En effet, la bactérie Borrelia est complexe et son intrusion dans l'organisme entraîne une maladie difficile à traiter. En outre, à la division des médecins sur le traitement à apporter à cette maladie, s'ajoutent les fausses informations propagées par certains.

La complexité de Borrelia résulte de ses différentes formes : elle peut prendre une forme spirochète et atteindre une taille de plusieurs centaines de microns, ce qui en fait une bactérie d'une taille importante. Cette bactérie, comme toute bactérie, peut entrer en forme dormante afin de résister aux agressions, comme les traitements antibiotiques. Cette forme dormante n'est pas reconnue de la même manière par l'organisme que la forme spirochète et n'induit pas la production, par l'organisme, d'anticorps spécifiques. La bactérie Borrelia n'est pas éliminée au terme d'un traitement antibiotique d'un mois, comme il a été démontré chez la souris, le singe et le chien. En réalité, le traitement de certaines maladies bactériennes implique des traitements prolongés, à l'instar de celui de la tuberculose qui exige la prise de sept antibiotiques en cocktail durant une période allant de huit mois à deux ans. Faut-il pour autant donner des antibiotiques à tout va ? Certainement, pas ! Les antibiotiques sont toxiques et s'attaquent à notre microbiote intestinal, certains patients atteints de la tuberculose pouvant décéder à la suite de leur traitement. Cependant, lorsqu'une personne souffre d'une maladie infectieuse grave, leur prescription s'impose !

Par ailleurs, la bactérie Borrelia ne se trouve pas, de manière pérenne, dans le sang puisqu'elle s'ingère très vite dans les tissus conjonctifs et cartilagineux. Cette présence complique, de manière objective, les tests de dépistage. En outre, cette bactérie perturbe profondément le fonctionnement du système immunitaire de la souris et il y a tout lieu de croire que c'est le cas chez l'homme. Enfin, aucun des trois symptômes principaux - la grande fatigue, les douleurs articulaires et les difficultés cognitives - n'est spécifique, de manière séparée, à la maladie de Lyme ; leur association peut en revanche être suggestive d'une pathologie, quand bien même la séropositivité serait négative.

Dernier point, la co-infection est la règle dans 85 % des cas de la maladie de Lyme; la présence d'autres pathogènes perturbe la réponse immunitaire et constitue ainsi un facteur aggravant.

Après les facteurs biologiques, il me faut évoquer les causes humaines de cette complexité. Certaines personnes, comme le Prix Nobel Luc Montagnier, qui préconise le traitement électromagnétique de la maladie de Lyme reposant, selon lui, sur la mémoire de l'eau, ou des thuriféraires de compléments alimentaires, peuvent propager de fausses informations et prétendent guérir de manière alternative cette maladie. D'autres personnalités, comme le président honoraire de l'Académie de médecine, le Professeur Marc Gentilini, prétendent que la maladie de Lyme chronique est tout bonnement une « arnaque » et que la bactérie Borrelia demeure très sensible, comme toutes les bactéries spirochètes, aux antibiotiques, un traitement court s'avérant, selon lui, efficace. Un autre professeur de médecine va également jusqu'à considérer comme absolue l'efficacité du traitement antibiotique de la maladie de Lyme qui ne peut, selon lui, dégénérer en affection chronique. Il conviendrait ainsi, toujours selon ce professeur de médecine, d'identifier d'autres causes aux symptômes cliniques que présentent les patients. J'en veux à ces personnes, qui s'appuient sur l'autorité de l'Académie de médecine et dissuadent, non seulement les médecins du département de l'Ain d'appliquer les recommandations de la HAS, mais aussi les pouvoirs publics à soutenir la recherche sur cette pathologie qu'ils estiment maîtrisée. C'est à mon sens une faute professionnelle que d'occulter les évidents problèmes engendrés par la maladie de Lyme ! J'espère, en revanche, que vos travaux déboucheront sur des recommandations en faveur du financement d'une recherche absolument indispensable.

Professeure Catherine Chirouze, infectiologue au CHU de Besançon . - J'interviens comme clinicienne, et non comme biologiste, au CHU de Besançon. J'adhère à la démarche du diagnostic et aux examens ultérieurs pour caractériser l'hypothèse de la maladie de Lyme. Certes, au-delà des positions divergentes sur la définition d'un diagnostic et la prise en charge des patients, la recherche sur la maladie de Lyme connaît des problèmes de financements. Depuis deux ans, nous tentons de monter une cohorte destinée à rassembler des données et à assurer le suivi longitudinal des personnes piquées. C'est là une approche sans statistique. Nous sommes des cliniciens. Qu'advient-il lors du suivi dans la durée des personnes infectées ? À l'aune des données cliniques descriptives et de celles contenues dans les prélèvements conservés dans les bio-banques de sang et de tissus cutanés, il sera possible de combler les lacunes des physiopathologies et de faire avancer la recherche. Notre travail multidisciplinaire devrait permettre d'identifier de nouveaux pathogènes, à la suite de la démarche de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), et de recenser l'ensemble des tiques et des infections.

La recherche présente également une dimension entomologique, puisque les tiques présentent de nombreux agents infectieux dont la transmission à l'homme fait encore question. Toutes les tiques sont-elles des vecteurs obligés de transmission ? Que proposons-nous aux personnes qui souffrent de handicap et, faute d'avoir été diagnostiquées au terme d'un parcours médical multidisciplinaire de longue durée, tendent à ne plus être pris en charge ? L'harmonisation de la prise en charge sur l'ensemble du territoire est un impératif. Il faut ainsi accompagner ces patients et les traiter efficacement.

Mme Élisabeth Doineau . - La maladie de Lyme fait l'objet de nombreux courriers que nous recevons en tant que parlementaires. Nous avons ainsi organisé cette série de tables rondes pour mieux comprendre cette pathologie. Vous avez souligné vos différences en tant que praticiens. Quelle est la raison de cette absence de consensus sur le syndrome persistant polymorphe après une piqûre de tique ? Quelles sont les raisons contradictoires qui ont amené les uns et les autres à se forger un avis différent, sachant que la notion de syndrome valide l'existence d'une chronicité de la maladie de Lyme ? Qu'en est-il de l'intelligence collective et de la recherche d'un dénominateur commun sur cette question ? Ma deuxième question portera sur la pluridisciplinarité dans les cinq centres régionaux. Leur nombre est-il d'ailleurs suffisant et ces centres contribuent-t-ils à la recherche ? Troisième question : les médecins généralistes sont-ils suffisamment formés sur cette maladie et travaillent-ils en lien avec ces centres régionaux ? Je m'interroge enfin sur les capacités de prise en charge des patients, diagnostiqués comme souffrants de cette maladie, sur le territoire national.

Professeur Christian Rabaud . - La prise en charge dans les centres a été développée localement. Ainsi, dans la Région Grand Est, tant à Besançon qu'à Strasbourg, le patient peut accéder, en une seule journée, à une réunion de concertation pluridisciplinaire qui permet de répondre à ses interrogations. Un appel d'offres, qui se termine le 31 mars prochain, a été lancé par la direction générale de la santé (DGS). Il vise ainsi la création de cinq centres de référence destinés à être associés aux cinq centres de compétences existants. Ces nouvelles structures auront également vocation à intervenir dans le domaine de la recherche et bénéficieront des travaux conduits par les centres existants. La DGS prévoyait également de labéliser, via les agences régionales de santé, plus de centres de compétence en France.

La formation, durant les études médicales, prévoit un temps consacré aux maladies infectieuses, parmi lesquelles la maladie de Lyme présentée comme la conséquence d'une contamination via la bactérie Borrelia burgdorferi transmise par les tiques. Celle-ci réclame d'ailleurs une approche différente que celle des encéphalites qui sont également des pathologies transmises par les tiques. Enfin, sur la recommandation de la HAS sur le syndrome persistant après la maladie de Lyme, personne ne nie l'existence de symptômes obérant la vie quotidienne des patients qui sont en quête à la fois d'explication et d'aide. Les parcours pluridisciplinaires permettent de prendre en compte les doléances du patient et d'arrêter un diagnostic qui peut être celui de la maladie de Lyme ou d'une autre pathologie. Il faut ainsi veiller à demeurer neutre dans la prise en charge du patient, de manière à éviter toute systématisation de la délivrance du diagnostic de la maladie de Lyme. Certes, le traitement prolongé de cette pathologie peut induire des effets secondaires et tout diagnostic d'un cas de cette maladie requiert la mise en oeuvre préalable de l'ensemble des examens et des démarches étiologiques. Il faut donc partir de la symptomatologie du patient.

Docteur Hugues Gascan . - Il y a un an, nous sommes parvenus, avec l'accord des sociétés savantes, à définir un syndrome persistant polymorphe, avant que certains en nient l'existence avec véhémence. Ce camp du déni s'est alors radicalisé. Cependant, la sévérité des symptômes simultanés et leur étalonnement posent problème à ces partisans du déni. La recherche est disparate. C'est un peu comme au football : vous avez des joueurs qui évoluent en Coupe d'Europe et d'autres qui jouent, le dimanche matin, en quatrième division. Il est préférable, face à une telle épidémie, que les animateurs de la recherche soient des professionnels confirmés. En France, nous disposons de centres de recherche de pointe, comme l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut Pasteur et le CNRS, et il convient de leur confier la recherche sur cette pathologie. Aujourd'hui, les malades chroniques qui seront recensés dans une cohorte pharaonique de plusieurs milliers de personnes, dans un programme soutenu à hauteur de cinq millions d'euros, vont endiguer toute autre possibilité de recherche ! Compte tenu du fait que ces malades sont clairement identifiés dans la littérature scientifique internationale, je suis férocement opposé à l'idée de cohorte pour le moment ! Une telle démarche n'est porteuse sur la connaissance à long terme de la maladie qu'une fois la maladie connue et les premiers traitements mis en oeuvre, comme l'illustre l'exemple du Sida. À l'inverse, prenons garde aux effets de ces cohortes, lorsque la connaissance de la maladie fait encore défaut. Je crois davantage aux appels d'offres thématisés qui peuvent être conjoints au ministère de la santé et à l'enseignement supérieur. L'axe n° 5 du plan arrêté par la ministre Marisol Touraine, à savoir la commission recherche, n'est toujours pas mis en oeuvre ! Faute de ce groupe de travail qui devait lancer des appels d'offres thématisés soutenus par les budgets que j'évoquais, on n'avancera pas !

Professeure Catherine Chirouze . - Sur le syndrome persistant polymorphe après une éventuelle piqûre de tique (SPPT), qui a été un sujet de longue discussion lors de la définition du PNDS, des symptômes cliniques peu spécifiques peuvent s'avérer, s'ils sont simultanés, révélateurs de la maladie de Lyme. Dans la pratique clinique, ces troubles demeurent très fréquents et peuvent être associés à d'autres pathologies. Le risque est également d'enfermer les patients, qui présentent des troubles symptomatiques invalidants, dans un parcours de soins qui ne leur convient pas. Près de 15 % des patients présentant ces symptômes chroniques sont ainsi diagnostiqués comme souffrant d'une borréliose, dont celle de Burgdorferi est l'une des espèces possibles. Il est tout aussi important d'accompagner les personnes pour lesquelles il n'est pas possible de dresser un diagnostic. À titre personnel, je n'ai pas signé le PNDS, puisque je ne suis pas d'accord avec ce SPPT qui me semble enfermer les patients dans un parcours de soins inadapté à leur problématique.

Par ailleurs, l'axe stratégique du plan n° 5 désigne les cohortes comme un outil méthodologique permettant d'observer les phénomènes de manière objective et de proposer d'autres axes de recherche. Cette démarche de cohorte s'est avérée pertinente pour la recherche du traitement du virus d'immuno-déficience humaine (VIH). Notre recherche sur la borréliose de Lyme pâtit ainsi d'un manque de descriptions cliniques des états de nos patients et de ce qu'ils deviennent, faute d'une définition univoque d'un cadre nosologique.

Mme Michelle Gréaume . - Le conseil des généralistes enseignants a conseillé à tous les médecins de ne pas tenir compte des recommandations officielles dans le traitement de la maladie de Lyme. Pourriez-vous donner des explications sur cette décision, sachant que les conséquences de l'absence de traitement de cette maladie peuvent s'avérer, au niveau neurologique, très lourdes ?

Professeur Christian Rabaud . - Les recommandations que nous avons faites n'ont en effet pas été signées. À l'issue de cela, le DGS a demandé aux sociétés savantes, auxquelles s'associent les généralistes, de réécrire certains points. Ce travail est en cours. Certes, la situation est complexe. À ce jour, les recommandations de la HAS prévalent, mais pas forcément aux yeux des sociétés savantes.

Docteur Hugues Gascan . - La présidente de la HAS nous a confirmé que ses recommandations ne seront pas révisées.

Mme Corinne Imbert . - Nous avons bien compris l'importance de la clinique. Néanmoins, j'aurai quelques questions sur les tests. D'une part, dans la mesure où le test Elisa peut conduire à des « faux négatifs », ne faudrait-il pas systématiser le test Western Blot en cas de symptôme persistant ? Dans ce cas, l'assurance maladie ne devrait-elle pas prendre en charge le Western Blot, même en cas d'Elisa négatif, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ?

D'autre part, pour les patients dont la sérologie est négative, mais qui présentent des symptômes persistants, la recherche d'ADN de Borrelia par la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) ne devrait-elle pas être proposée ? Quelle est ainsi la fiabilité de ces tests PCR ? Compte tenu de la mobilité de la Borrelia , dont certains estiment qu'elle peut se cacher en différents endroits de l'organisme, où effectuer le prélèvement -dans le sang ou dans le liquide céphalorachidien- afin de s'assurer de la fiabilité de la recherche par PCR ? Enfin, que pensez-vous des nouveaux tests qui suscitent un certain espoir, tels que le test urinaire « Nanotrap Lyme Antigen Test » dont la phase de développement a été accélérée par la Food and Drug Administration américaine, ou le test de recherche du bactériophage spécifique de la Borrelia ? De même, que pensez-vous des tests très décriés par la communauté scientifique et utilisés notamment en Allemagne, comme le test de la « goutte épaisse » ou le diagnostic bioénergétique pratiqué à Rostock en Allemagne ? Ne faudrait-il pas interdire au niveau européen ces tests qui demeurent très onéreux ? En outre, que pensez-vous des auto-tests disponibles dans nos officines ? Je note également que la somme de cinq millions d'euros n'est nullement mentionnée dans le plan défini en 2016. Or, quand un conseil départemental élabore un schéma pour l'autonomie ou la protection de l'enfance, la chambre régionale des comptes se fait un malin plaisir de reprocher à la collectivité concernée de ne pas avoir mobilisé les moyens financiers afférents ! Comme quoi, la chambre régionale impose à une collectivité, ce que l'État ne s'applique pas à lui-même !

M. Yves Daudigny . - Pourriez-vous rappeler l'évolution du nombre des tests Elisa et Western Blot en France au cours des cinq dernières années ? Quel est le coût respectif de ces tests ? Il semblerait par ailleurs que l'agence nationale de la recherche finance des essais de test cutané. Existe-t-il ainsi des projets de recherche de tests plus fiables et sensibles que l'actuelle sérologie ? Enfin, compte tenu du fait qu'un érythème migrant peut très bien ne pas donner lieu à une sérologie positive en dépit d'une infection, ne pensez-vous pas qu'il est prioritaire de sensibiliser les médecins généralistes aux indices cliniques de Lyme, même en cas de sérologie négative ? Êtes-vous, à cet égard, satisfaits des tableaux cliniques proposés par la HAS ?

Mme Nadine Grelet-Certenais . - Les controverses que vous avez évoquées constituent-elles une spécificité française ? L'Allemagne est-elle plus en avance que nous dans la prise en charge des patients ? Pourquoi un tel déni de la Sécurité sociale, qui refuse de prendre en charge des soins ? Les agences régionales de santé comptent-elles mettre en oeuvre des actions de prévention s'appuyant sur des données sanitaires ? Enfin, existe-t-il une cartographie, département par département, des zones contaminées par la maladie ?

Mme Véronique Guillotin . - En raison des failles du test Elisa, ne faudrait-il pas rembourser l'usage, au premier chef, du test Western Blot ? Le dépistage d'autres souches de Borrelia est-il envisageable ? Comment sont traités les patients présentant des sérologies négatives et développant la maladie et, à l'inverse, ceux dont les sérologies sont positives mais qui ne développent, en définitive, pas la maladie ? Ceux-ci sont-ils suivis dans la durée dans un cadre méthodologique spécifique ? Quelle est également la définition exacte de la forme chronique de la maladie ; cette notion ne désigne-t-elle pas, au final, des formes tardives de la maladie de Lyme complexes et non diagnostiquées ? Au-delà de la prévention sur l'humain, la recherche fondamentale sur la maladie porte-t-elle, enfin, sur l'environnement ?

M. Daniel Chasseing . - Quel traitement prescrire durant les phases primaires de la maladie ? Doit-il être de longue ou de courte durée ? Sur les phases secondaire et tertiaire, la prise en charge pluridisciplinaire semble plus favorable aux patients. Enfin, en colonie de vacances, les enfants, dans la région Limousin où se trouvent énormément de tiques, peuvent être piqués par plusieurs tiques. Ne faudrait-il pas disposer d'une prescription d'antibiothérapie large destinée à la fois aux enfants et aux femmes enceintes, susceptible cependant d'entraîner des problèmes de réaction immunitaire retardée et obérer l'exactitude des tests ?

Mme Frédérique Puissat . - La loi peut-elle mettre un terme aux contre-vérités que vous évoquiez ? Quel rôle en ce sens pourraient avoir les parlementaires ?

Mme Victoire Jasmin . - Ne faudrait-il pas comparer la pertinence des différents tests de dépistage qui sont proposés aux patients, y compris dans le cadre des appels d'offres ?

M. Guillaume Arnell . - Les difficultés en matière d'aide au diagnostic ont été mises en exergue. Ne faudrait-il pas généraliser l'usage du test Western Blot ? Quelle est la durée d'incubation de cette maladie et à quel moment faut-il faire le test de dépistage ? J'ai rarement entendu autant de divergences parmi des spécialistes. Tout n'a manifestement pas été élucidé sur cette maladie ! Où se situe la vérité sur cette maladie pour le patient ?

Professeur Christian Rabaud . - Au-delà des divergences, la maladie de Lyme présente de nombreuses inconnues. Si personne autour de cette table ne nie l'existence de cette maladie, le périmètre de son identification peut cependant faire l'objet de divergences : est-elle imputable à un seul agent pathogène spécifique ? Tout le monde s'accorde sur le lien de cette pathologie avec la bactérie Borrelia burgdorferi et la possibilité de prescrire un traitement. Sur la sérologie et le diagnostic, je serai incapable de répondre à vos nombreuses questions.

En tant que clinicien, les tests que nous utilisons aujourd'hui à l'hôpital sont estampillés et ainsi reproductibles, avec la réserve qu'ils visent à identifier ce type spécifique de Borrelia . Pour les autres tests que vous avez évoqués, je ne dispose pas d'une validation me permettant, dans ma pratique, de les utiliser en premier lieu. Le dépistage plus large que la bactérie Borrelia est un sujet plus large. Il faut opérer pas à pas, afin d'éviter une généralisation qui ne présenterait pas nécessairement de sens pour le patient. La découverte de la maladie peut être tardive et la chronicité de la pathologie ne m'apparaît pas aujourd'hui comme une réalité établie. En outre, les patients qui cumulent anticorps et signes cliniques, ne sont pas systématiquement diagnostiqués comme souffrant de la maladie de Lyme. Ces indices n'emportent donc pas la décision du médecin qui peut se retrouver confronté à d'autres décisions thérapeutiques. En effet, une fois en contact avec la maladie, les anticorps persistent, même si le patient peut développer d'autres pathologies intercurrentes qui n'ont strictement rien à voir avec la maladie de Lyme.

Quel est le bon moment pour faire le test ? Sur une forme cutanée, il n'y a aucun intérêt à faire le test. En revanche, sur une personne qui présente les symptômes analogues à ceux de la maladie de Lyme qui n'est par conséquent plus en phase primaire, mais en cours d'évolution et par conséquent à distance de la piqure qui a transmis la maladie, la sérologie Elisa n'est généralement pas prise en défaut. Pour autant, elle ne suffit pas, à elle seule, à établir le diagnostic. Je ne partage pas le taux de faux diagnostics qui a été annoncé par mon collègue. En outre, les formations destinées aux médecins généralistes sont très suivies, même si leur contenu peut différer en fonction des organismes qui les proposent. En Allemagne, les recommandations de la société d'infectiologie ne diffèrent guère des recommandations françaises. Si les praticiens peuvent décider d'utiliser d'autres tests à titre individuel, la vision globale reste la même. La non-prise en charge des soins par la Sécurité sociale ne me paraît pas, dans mon quotidien, un sujet. Dans la région Grand-Est, l'ARS organise des formations. Nous disposons de cartographie de l'épidémie, tant en France qu'au niveau européen. La prise en compte de l'environnement et la lutte anti-vectorielle, à l'instar de celle qui a été suivie pour éradiquer le paludisme, sont les parents pauvres de la recherche. Enfin, l'antibiothérapie pour les enfants, piqués à plusieurs reprises par des tiques dont on sait qu'elles sont porteuses de la maladie, ne paraît pas justifiée, compte tenu de son rapport risques-bénéfices. Il incombe aux médecins et des personnes entourant les enfants de rechercher tout signe attestant de la présence d'érythème migrant et, le cas échéant, d'offrir une prise en charge adaptée.

Professeur Yves Malthiéry . - La médecine évolue en matière de recherche de causes et de traitements. Il y a bien sûr un délai pour les tests, puisque le premier test Elisa ne teste pas l'intrusion de la bactérie de l'organisme, mais la réaction de celui-ci. Il faut ainsi attendre une quinzaine de jours après l'infection primaire pour constater l'apparition d'anticorps. Toute sérologie prématurée risque ainsi d'être fallacieusement interprétée comme négative. En revanche, il est assez difficile d'avoir en mémoire la date de l'infection primaire. C'est la raison pour laquelle il convient de doser deux types d'anticorps présentant une cinétique différente dans la production d'anticorps suite à une infection, afin de déterminer le début de l'infection. Une fois encore, il est certain qu'un tel examen ne doit pas être prématuré.

Au vu du coût social et économique représenté par les cas non diagnostiqués, prescrire un Immuno Blot ou un Western Blot bien construit, voire des types de réaction en chaîne par polymérase (PCR) d'amplification bactérienne, permettant de tester les anticorps sériques sur plusieurs souches bactériennes de Borrelia à la suite d'une infection, s'avère modique. Je ne comprends pas pourquoi un tel test n'est pas pris en charge en cas d'Elisa négatif ! La PCR, sophistiquée en 2005, est devenue routinière. Ce test ne permet de répondre qu'à la question posée. La maladie de Lyme ne peut être diagnostiquée sur un seul test ! Or, on ne fonde pas un diagnostic sur un seul test biologique ! On teste avant tout la réaction de l'organisme et ses particularités qui vont réagir de manière chronique et il est quelque peu illusoire de vouloir identifier l'agent pathogène à l'origine de cette pathologie devenue chronique. On commence seulement à obtenir des études de prédisposition génétique qui permettent de comprendre le comportement parfois abusif de certains systèmes immunitaires qui va donner lieu à certaines pathologies et connaître des problèmes d'auto-immunités, c'est-à-dire sécréter des anticorps qui vont se retourner contre l'organisme. C'est pourquoi, les marges pathologiques de certaines maladies chroniques, comme la maladie de Lyme, et certains processus auto-immunes peuvent s'avérer flous et ne sont pas, pour l'heure, assez étudiés.

Docteur Hugues Gascan . - Le test Western Blot devrait être proposé en première ligne. Sa sensibilité peut d'ailleurs être optimisée, grâce à la chimioluminescence qui n'est malheureusement pas présente dans les tests commerciaux actuels. Un test ainsi traité peut s'avérer extrêmement sensible et particulièrement révélateur.

Les tests sur les urines, qui sont apparus en 2017 aux États-Unis, suscitent l'assentiment, même en l'absence de recul nécessaire. Les tests de transformation lymphocytaires ont fait, quant à eux, l'objet de longs débats au sein de la HAS et n'ont pas été reconnus fiables, à l'instar des auto-tests, sans parler du test bioénergétique en provenance de Russie et des cures proposées dans certaines cliniques allemandes. Évitons la pensée magique ! Le dépistage de la babesia, qui est un co-infectant fréquent, n'est plus pris en charge par la Sécurité sociale depuis près d'un an. Or, des formes chroniques émergent de cette bactérie, comme j'ai pu en discuter, il y a deux jours encore, avec mes correspondants de l'école vétérinaire de Nantes.

Professeur Yves Malthiéry . - La babesia chez l'animal est à l'origine de la piroplasmose.

Docteur Hugues Gascan . - La composition génétique des individus doit être prise en compte : certaines personnes peuvent se débarrasser d'infections sans antibiotique et ne pas être malades, tandis que d'autres vont sombrer dans la maladie qui peut devenir chronique. Suivant la loterie de la génétique, vous êtes ainsi dans un cas ou dans l'autre, ce qui explique la présence dans certaines familles de patients chroniques et, chez d'autres, de l'absence, parmi des personnes piquées à plusieurs reprises, d'apparition de la maladie. Enfin, l'écologie a bénéficié d'un financement conséquent par le passé. 30 % des nouveaux infectés le sont dans les jardins et les enfants sont ainsi les premiers concernés.

Professeur Yves Matthiery . - Les forestiers et les randonneurs sont au premier chef concernés par cette pathologie que l'Inra étudie également.

Professeur Alain Trautmann . - Je défends la rigueur de la méthode scientifique. Une revue doit prendre en compte la totalité des résultats disponibles. Je ne détiens pas la vérité sur la maladie de Lyme qui demeure complexe. Sur les antibiotiques, au moment où l'on est infecté, le traitement recommandé d'une ou deux semaines est approprié. Son efficacité est totale lorsqu'on agit immédiatement.

En revanche, les formes tardives de la maladie posent problème et concernent des personnes qui ont hébergé la bactérie depuis longtemps. Peu importe qu'elle soit considérée comme chronique ou épisodique, cette infection est la source de souffrances chez les patients.

Aux États-Unis, des travaux de recherche ont démontré que la doxycycline est efficace contre la forme spirochète de la bactérie Borrelia , mais pas du tout contre sa forme dormante. A l'instar du traitement contre la tuberculose, les deux formes de la maladie impliquent la prescription d'un cocktail d'antibiotiques. Je ne comprends d'ailleurs pas les motifs d'un tel blocage de la recherche en France sur ce sujet ! Ainsi, seul un projet, annoncé en 2016 et porté par Nathalie Boulanger à l'Université de Strasbourg, qui vise à identifier la présence de la bactérie dans la peau de personnes en présentant les symptômes chroniques, a été lancé et ses conclusions se font, pour l'heure, attendre. Il faut rechercher la bactérie directement, soit par PCR, c'est-à-dire via son ADN, ou par microscopie, et ne pas se contenter de la sérologie. Il faut trouver d'autres endroits pour prélever la bactérie que le sang.

M. Luc Montagnier a décidé de se situer en dehors de la science, en parlant de la mémoire de l'eau ; son prix Nobel n'est nullement le gage de sa pratique actuelle qui ne peut prétendre contribuer à la science. Point n'est besoin d'un texte de loi pour contrecarrer de tels écrits qui se sont soustraits du domaine scientifique !

Professeure Catherine Chirouze . - Les outils actuels pour établir le diagnostic de la maladie de Lyme me semblent, au contraire de ce qui vient d'être dit, performants, à la condition de les appliquer à bon escient et dans les délais impartis. Si la cinétique d'apparition des anticorps implique la possibilité de sérologie négative, les signes cliniques peuvent nous aider à établir un diagnostic. Par ailleurs, d'autres outils combinés, comme la sérologie et la PCR dont les résultats doivent être analysés avec précaution, permettent d'identifier les autres formes cliniques de Borrelia . Tout dépend également de l'endroit du corps où ces outils sont appliqués : selon qu'il s'agit du liquide céphalo-rachidien, du liquide articulaire ou encore de la peau, les performances de ces tests peuvent différer et s'avérer même en-deçà de ceux de la sérologie. A ce panel, il convient d'ajouter la synthèse intrathécale d'anticorps. L'ensemble de ces outils permet ainsi d'obtenir des réponses selon les phases de la maladie. On sait que plus on avance dans le temps de la maladie, plus on est performant dans son identification. Quand bien même la sérologie peut demeurer négative, la continuité de signes durant plusieurs années conduit à élargir le simple spectre de la borréliose de Lyme pour expliquer l'origine de ces symptômes.

Certains tests peuvent ne pas être réitérés. L'analogie avec le VIH est, encore une fois, pertinente. Les personnes qui souffrent de Lyme ne sont pas asymptomatiques ; elles sont déjà malades et l'on ne fait pas de dépistage, à l'inverse du dépistage du VIH chez les personnes asymptomatiques à risques, lequel, en cas de sérologie négative au bout de trois mois, n'a pas à être réitéré.

A l'inverse, pour la maladie de Lyme, la conviction clinique l'emporte et la sérologie est répétée. En cas de résultat négatif, au docteur d'envisager d'autres hypothèses. Enfin, en cas de sérologie positive, les patients sont pris en charge dans un cadre protocolaire.

S'agissant de la prévention primaire, l'aménagement des jardins ou des espaces publics, qui se situent parfois en bordure des forêts où les cervidés participent à l'accroissement de la population des tiques, fait l'objet de recommandations, comme la pose de barrières, l'entretien des herbes basses, ou encore le dégagement des sols, afin d'éviter les gisements des tiques très sensibles à la dessiccation. Aux États-Unis, l'usage des pesticides est également recommandé. Néanmoins, je ne suis nullement compétente pour répondre sur la problématique écologique afférente à un tel usage.

M. Alain Milon , président . - Merci beaucoup pour vos interventions qui nous ont permis de nous éclairer sur cette maladie de Lyme.

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