B. UNE ÉVOLUTION À SALUER : LA MOBILISATION DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE FOOTBALL (FFF) EN FAVEUR DE LA PRATIQUE FÉMININE

1. Le plan de féminisation conduit par la FFF

Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la Fédération française de football (FFF), auditionnée par la délégation le 21 mars 2019, a exposé les initiatives mises en oeuvre par la fédération pour favoriser la féminisation du football.

a) Le « tournant de 2011 » et le premier plan de féminisation

La directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF a commenté le tournant décisif qu'a constitué l'année 2011 dans l'élaboration de la stratégie de la fédération :

- élection à la tête de la fédération nationale de Noël le Graët, convaincu de la nécessité de promouvoir le football féminin 25 ( * ) ;

- et accession de l'équipe de France, pour la première fois, à la demi-finale lors de la Coupe du monde féminine qui s'est déroulée en Allemagne.

Selon Frédérique Jossinet, « Les Français ont découvert à cette occasion la qualité de jeu ainsi que le bon esprit du football féminin », a fortiori après que « l'attitude de l'équipe de France masculine en Afrique du sud a donné du football une image dégradée lors du Mondial de football de 2010 ».

Un premier plan fédéral a donc, en 2011, érigé la féminisation de la pratique du football en « priorité sur l'ensemble des territoires », à une époque où le nombre de licenciées se limitait à 51 000, l'objectif étant d'atteindre vers 2016 un effectif de 100 000 licenciées, largement dépassé depuis. Parallèlement, la fédération fléchait la nécessité de renforcer la place des femmes dans l'encadrement (dirigeantes, éducatrices et arbitres).

En 2014, le dépôt auprès de la FIFA de la candidature de la France pour accueillir le Mondial 2019 s'inscrivait dans la volonté de dynamiser la pratique féminine du football , car la FFF tenait à susciter, en faveur du football féminin, un élan populaire inspiré de celui qui était résulté du Mondial 1998.

b) Le plan « Ambition 2020 » de 2017

L'année 2017 a constitué la deuxième étape de la stratégie de féminisation mise en place par la fédération, qui s'est matérialisée par l'élaboration du plan « Ambition 2020 », parallèlement au plan « Impact et héritage » centré sur la Coupe du monde féminine.

Le plan « Ambition 2020 » renforce donc les objectifs en matière de féminisation précédemment évoqués et définit à l'échéance de 2020 les cibles suivantes :

- 200 000 licenciées ;

- 8 000 équipes intégralement féminines ;

- 4 000 clubs dotés d'au moins une équipe féminine ;

- 1 500 arbitres ;

- 1 500 écoles féminines de football ;

- 8 000 éducatrices et animatrices , dont 100 disposeront d'un diplôme supérieur, des bourses devant être attribuées à cet effet.

Deux ans après le lancement du plan « Ambition 2020 », le bilan présenté par Frédérique Jossinet le 21 mars 2019, puis lors de la table ronde du 16 mai 2019, montre à la fois les progrès accomplis (sur lesquels a également insisté Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la FFF et vice-présidente du Comité d'organisation de la Coupe du monde féminine de la FIFA, le 7 mai 2019) et le chemin qui reste à parcourir :

- 180 000 licenciées en avril 2019 (on en comptait 51 000 en 2011) ;

- 8 500 clubs accueillant des joueuses, dont plus de 3 000 sont dotés d'au moins une équipe féminine ;

- 905 écoles féminines de football ;

- 1 550 éducatrices et animatrices , dont 85 diplômées du supérieur ;

- 1 000 arbitres .

Ce rapport reviendra ultérieurement sur le défi que constitue le renforcement des effectifs de femmes arbitres, dont Frédérique Jossinet n'a pas occulté les difficultés.

S'agissant des implications du plan « Ambition 2020 » en matière d' accès aux responsabilités pour les femmes, Frédérique Jossinet a, lors de ses interventions devant la délégation, commenté l'initiative consistant à accompagner le « club des 100 femmes », un groupe de femmes sélectionnées parmi les encadrantes des instances de football. L'objectif est de faire monter ces femmes en compétences afin de les préparer à exercer de hautes responsabilités notamment grâce à des exercices de mentoring et de prise de parole et à des formations à la gestion financière des clubs. À ce jour, 70 femmes à haut potentiel ont ainsi été accompagnées.

De fait, le rapport précité de la délégation publié en 2011 sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans le sport a montré les « pesanteurs sociologiques propres au monde du sport » affectant la mixité de l'encadrement . Or les auditions menées en 2011 ont souligné l' influence du sexe des personnels encadrants sur le recrutement des pratiquants : les encadrants étant en majorité des hommes, et particulièrement dans le football, ils perpétuent la présence massive des hommes au sein des clubs sportifs . « La mixité des personnels qui encadrent les activités physiques et sportives constitue un enjeu essentiel pour l'avenir de la pratique féminine », faisait donc observer ce précédent rapport.

La mixité est donc un réel enjeu de l'évolution du football. Or Audrey Keysers, co-auteure de l'ouvrage Football féminin : la femme est l'avenir du foot , a insisté, au cours de son audition, le 5 février 2019, sur l'absence de mixité dans le football : « il n'y a que des hommes dans le football masculin, et que des femmes dans le football féminin» , si l'on fait toutefois exception de parcours encore hors normes comme celui de Corinne Diacre, première femme à avoir entraîné des joueurs du championnat professionnel.

Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la FFF et vice-présidente du Comité d'organisation de la Coupe du monde féminine de la FIFA, entendue le 7 mai 2019, a pour sa part plaidé en faveur d'un renforcement de la mixité du football, qui selon elle apporte aux clubs « harmonie » et « équilibre » . Cette aspiration à la mixité du football rejoint les propos de notre collègue Rachid Temal qui, lors du colloque dont il a pris l'initiative au Sénat le 26 janvier 2019, a fait observer que « le football doit être un sport qui rassemble » et qu'il importait que la mixité soit la « pierre angulaire des politiques publiques ».

En définitive, Brigitte Henriques a qualifié le Mondial 2019 de « rendez-vous de la mixité ».

La délégation salue l'engagement de la FFF en faveur du football féminin et de la mise en valeur de la première Coupe du monde féminine organisée dans notre pays.

Elle ne peut que souscrire à l'ambition affichée de renforcer la mixité dans le football, qu'il s'agisse de l'encadrement ou de la pratique.

LES CHIFFRES CLÉ DU FOOTBALL FÉMININ EN FRANCE 26 ( * )

2011 :

- 51 000 licenciées

- 26 000 dirigeantes

- 750 éducatrices et animatrices

- 670 arbitres

2019 :

- 180 000 licenciées

- 35 000 « dirigeantes »

- 1 550 éducatrices et animatrices

- 867 arbitres

- Plus de 3 000 clubs dotés d'au moins une équipe féminine

- 905 écoles féminines de Football

Objectifs 2020 :

- 200 000 licenciées

- 8 000 éducatrices et animatrices

- 1 500 arbitres

- 1 500 écoles féminines de football

- 8 000 équipes intégralement féminines

- 4 000 clubs dotés d'au moins une équipe féminine

LA COUPE DU MONDE FÉMININE DE FOOTBALL : CHIFFRES CLÉS

Du 7 juin au 7 juillet 2019

8 ème Coupe du monde féminine de la FIFA (première édition en 1991)

1 ère Coupe du monde féminine organisée en France

Match d'ouverture au Parc des Princes

Demi-finales et finales au Parc Olympique Lyonnais

31 jours de compétition

52 matchs

24 équipes

9 villes hôtes : Grenoble, Le Havre, Lyon, Montpellier, Nice, Paris, Reims, Rennes, Valenciennes

Plus de 80 actions de promotion dans les territoires pour accompagner la compétition.

2. La stratégie de la FFF en vue du Mondial 2019
a) Le plan « Impact et territoires »

Parallèlement au plan « Ambition 2020 » évoqué ci-dessus, la FFF a mis en place un plan dénommé « Impact et héritage », dont l'ambition partagée par la délégation est que l'effet d'entraînement attendu de la Coupe du monde de 2019 sur la pratique féminine se prolonge dans la durée.

Cet objectif implique de fidéliser les nouvelles licenciées qui s'inscriront après le Mondial, ce qui suppose de les accueillir dans de bonnes conditions ( cf. infra ).

Le souhait de la FFF est de faire en sorte que l'accueil de la Coupe du monde permette à la France de devenir une nation de référence en termes de football féminin .

Le plan « Impact et héritage » vise à « créer une adhésion en amont » de la Coupe du monde et à mobiliser autour de cet événement les acteurs du football : les 13 ligues, les 90 districts et les 16 000 clubs.

Les priorités définies par la FFF concernent, comme l'a relevé Frédérique Jossinet le 21 mars 2019, puis le 16 mai 2019 :

- le rayonnement sur l'ensemble du territoire , « aussi bien ceux qui accueillent des matchs que les autres territoires métropolitains et ultramarins » 27 ( * ) ;

- le fait de devenir « la référence de l'élite mondiale du football féminin » ;

- la volonté de « permettre aux femmes d'accéder à des postes d'encadrement pour davantage de mixité dans les instances dirigeantes du football » ;

- l'accueil et la fidélisation des licenciées et futures licenciées attendues de la Coupe du monde de 2019.

Il s'agit aussi, ainsi que l'a fait observer Frédérique Jossinet lors de la table ronde du 16 mai 2019, de susciter un « véritable engouement populaire autour de l'Équipe de France ».

Ces différents points montrent l'imbrication et la cohérence des objectifs définis par les plans « Ambition 2020 » et « Impact et héritage ».

En résumé, la directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF a ainsi défini les quatre ambitions de la fédération à l'égard du Mondial 2019 : « célébrer une fête familiale et un succès populaire, laisser un héritage fort pour le sport féminin, faire preuve d'excellence organisationnelle et assurer une performance sportive ».

b) Les enjeux territoriaux de la Coupe du monde

Les enjeux territoriaux de la Coupe du monde ont été évoqués par Frédérique Jossinet le 21 mars 2019, puis lors de la table ronde du 16 mai 2019.

La sélection des neuf villes hôtes s'est ainsi appuyée non seulement sur la qualité des infrastructures sportives, mais aussi sur « l'héritage espéré dans les territoires ». Cette préoccupation a donc été un fil conducteur de l'organisation du Mondial.

Chaque sélection a mis en valeur une « politique publique phare » :

- le « mieux vivre par la mixité » pour Lyon ;

- l'« alliance du sport et de la culture » à Rennes ;

- la « santé par le sport » au Havre ;

- la « mixité des quartiers » à Grenoble ;

- la « fierté d'accueillir » pour Valenciennes , « avec une vraie attention envers la jeunesse » 28 ( * ) ;

- l'« excellence » à Reims ;

- « la ville du sport » à Montpellier ;

- « changer les mentalités par le sport » à Nice : l'objectif est d'« installer davantage de cohésion sociale, notamment par les liens intergénérationnels » 29 ( * ) ;

- « capitale mondiale des grands événements » pour Paris .

La FFF a également pour perspective de faire rayonner la Coupe du monde sur l'ensemble du territoire à travers un programme varié d'animations et d'événements . Le 21 mars 2019, la directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF a évoqué les quelque 80 actions menées depuis le mois de septembre 2018 autour de la Coupe du Monde de 2019 sous forme de plateaux de jeux, d'accueil de nouvelles dirigeantes, d'animations autour de l'arbitrage ou de développement de nouvelles pratiques.

« Il ne s'agit pas seulement de remplir les stades , il faut laisser un héritage tangible », a fait observer le 7 mai 2019 Brigitte Henriques, vice-présidente déléguée de la FFF et vice-présidente du Comité d'organisation de la Coupe du monde féminine de la FIFA.

La mise en valeur des territoires se combine avec la promotion du football féminin , puisque les villes hôtes ont été sélectionnées en fonction de leur implication dans ce domaine. Les dossiers de candidature ont donc été appréciés en fonction de la place faite par les villes candidates aux femmes dans la pratique sportive , dans les entreprises et dans les universités, et de leur engagement en faveur d'une évaluation de la situation après l'évènement , afin que la Coupe du monde permette la mobilisation d'un vaste public dans les stades et contribue à encourager le football féminin.

3. La pratique féminine du football : un essor rapide qui reste à confirmer

Il faut rappeler que la pratique féminine du football, au plus haut niveau comme en amateur, demeure récente , même si son histoire remonte en France au début du XX e siècle.

Comme le montre l'encadré ci-dessus sur l'histoire du football féminin, la pratique du football par les femmes n'est reconnue par la fédération que depuis 1970. Signe de l'antériorité du football masculin, le Ballon d'or , trophée particulièrement prestigieux attribué au meilleur joueur de football de l'année, a été créé par la FIFA en 1956 mais n'a été étendu aux femmes qu'en décembre 2018, soit un retard de 62 ans.

La récente et rapide progression du nombre de joueuses doit donc être appréciée à l'aune de la relative jeunesse du football féminin. Les efforts mis en oeuvre par la fédération, pour prometteurs qu'ils soient, n'en restent pas moins à confirmer.

La directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF a ainsi identifié, le 21 mars 2019, un obstacle majeur à surmonter pour parvenir à l'objectif de 200 000 licenciées défini dans le cadre du plan « Ambition 2020 » : l'adaptation des infrastructures . Ce sujet primordial passe par la mise à disposition de vestiaires féminins dans les clubs, question loin d'être anodine. Elle a estimé que les efforts en la matière devaient être poursuivis pour que les filles qui souhaiteront s'inscrire dans un club après le Mondial puissent être effectivement accueillies : « Il y a là un véritable enjeu », a-t-elle souligné.

Les faiblesses du football féminin, sur lesquelles ce rapport reviendra ci-après, ont été ainsi résumées par la présidente de la Ligue de football professionnel, entendue le 4 avril 2019 :

- faible proportion de femmes parmi les licenciés : malgré des progrès récent, « les femmes représentent moins de 8 % des licenciés dans le football en France, contre 35 % dans le basket ou 48 % dans le volley » ;

- quasi absence des femmes du personnel encadrant : sur ce point, le faible nombre de « femmes qui forment, qui entraînent ou qui arbitrent » a été présenté comme un « enjeu fédéral » ;

- « déficit d'attractivité » d'une discipline sportive qui peine encore à attirer un public nombreux dans les stades et à la télévision, même si, comme ce rapport le relèvera ci-après, le football féminin a désormais un public qui apprécie ses qualités techniques et les valeurs incarnées par les joueuses ;

- faiblesse des droits télévisuels qui en résultent et, en général, des ressources disponibles, avec des conséquences évidentes sur la rémunération des joueuses. À cet égard, le président du Paris Football Club (PFC) avait estimé le 26 janvier 2019, lors du colloque « Les semeuses de la république » organisé au Sénat, que « le modèle économique du football féminin demeure imparfait ».

Ce rapport reviendra par la suite sur les différentes difficultés auxquelles est confronté le football féminin malgré ses atouts certains et sur les avancées constatées depuis quelques années.


* 25 La délégation a entendu sur ce sujet diverses responsables de la FFF (vice-présidente déléguée et secrétaire générale notamment, outre Frédérique Jossinet) mais pas son président lui-même.

* 26 Source : FFF : voir les comptes rendus des 21 mars et 16 mai 2019.

* 27 Voir les comptes rendus du 21 mars et du 16 mai 2019.

* 28 Voir le compte rendu de la table ronde du 16 mai 2019.

* 29 Voir le compte rendu de la table ronde du 16 mai 2019.

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