EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 4 juillet 2019 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation, le débat suivant s'est engagé :

M. Cyril Pellevat . - Comment envisager l'avenir du centre spatial guyanais avec la mise en service d'Ariane 6, nouveau lanceur européen, conçu pour être plus économe et plus compétitif ?

M. Jean-Yves Leconte . - On caricature souvent l'action de Donald Trump mais votre présentation montre bien qu'il a un projet et une vision en matière spatiale, qui est susceptible de changer la donne. Il convient donc de surveiller avec attention ce qui se passe outre-Atlantique.

Une coopération avec la Russie et l'Ukraine est-elle possible ? L'Ukraine a des compétences en matière de lanceurs, par exemple. Les perspectives sont-elles bloquées à cause de la situation politique ?

M. Pierre Médevielle . - La France finance à 80 % le centre de Kourou. On entend beaucoup de critiques sur les lanceurs européens qui seraient trop onéreux et pas adaptés. Qu'en pensez-vous ?

M. René Danesi . - Je suis heureux de constater que l'Union européenne, qui ne jure que par un libéralisme débridé, quitte à empêcher la constitution de géants industriels européens, considère que l'espace constitue un enjeu de souveraineté et qu'il ne doit pas être laissé à la libre initiative des acteurs privés, américains notamment. Toutefois où trouvera-t-elle les 16 milliards annoncés pour la politique spatiale et les 4 milliards pour la recherche, au moment où le Royaume-Uni est sur le point de partir sans payer la facture de sortie ? J'ai une proposition : évitons de signer des accords de libre-échange comme le Mercosur, ruineux pour notre agriculture, qui nous contraignent à la subventionner ensuite massivement pour éviter qu'elle ne meure trop vite, et utilisons plutôt l'argent pour financer le spatial !

M. André Gattolin, rapporteur . - On utilise déjà des lanceurs Soyouz, mais la Russie et l'Ukraine ne sont pas membres de l'ESA. Il ne me semble pas que la coopération avec l'Ukraine soit jugée prioritaire. Ainsi Thales semble plutôt intéressé à investir dans d'autres pays, comme l'Espagne actuellement.

M. Jean-François Rapin, rapporteur . - Vous avez évoqué Kourou et son avenir. Ariane 6 devra être plus compétitive, moins chère et lancée dans des conditions compétitives. Kourou est le port spatial européen et doit le rester. Le centre est immense, d'une superficie équivalente à un tiers de la Martinique. Il abrite les pas de tir des fusées Ariane, Soyouz et Vega. Le centre constitue un fleuron industriel. Il serait donc difficile de construire un second centre ailleurs, même si l'on entend certaines voix en Europe qui se prononcent en ce sens. Les perturbations liées aux mouvements sociaux en Guyane ont, en effet, été source d'inquiétudes car toute modification du calendrier de lancement a des conséquences financières importantes. Je crois à l'avenir de Kourou. Ariane 6 devrait être un lanceur plus simple et devrait avoir besoin de moins de techniciens et d'ingénieurs pour fonctionner. Il convient d'apporter des garanties aux personnels et de prévoir un accompagnement social de qualité. Il faudra aussi préparer les évolutions ultérieures de la fusée. Le centre engendre des retombées économiques positives pour toute la Guyane, avec une activité métallurgique par exemple. Tout est fait pour favoriser le développement de l'emploi sur la zone. Kourou compte 1600 salariés : un tiers de cols blancs, un tiers d'ingénieurs, un tiers de techniciens de maintenance. À titre de comparaison, le centre de tir américain emploie 5000 personnes, le centre de tir chinois, 10 000. Kourou est donc compétitif.

M. André Gattolin, rapporteur . - Un rapport de l'Inspection générale des finances soulignait combien était exceptionnel l'emplacement de Kourou, proche de l'équateur, permettant de lancer aisément des satellites géostationnaires. C'est plus compliqué depuis la Floride, sans parler des risques d'ouragan. Peu de sites ont autant d'atouts. Je ne crois pas à l'idée d'une autre base mais il faut veiller à garantir des retombées économiques et sociales pour la Guyane.

M. Jean-François Rapin, rapporteur . - Monsieur Médevielle, des mutualisations existent déjà, comme l'illustre le programme Vega développé par l'industriel italien Avio. Un travail est en cours pour mutualiser la motorisation et réduire les coûts, ce qui permettra à la France de diminuer le montant de son financement. Monsieur Danesi, les 4 milliards d'euros, dont nous demandons le fléchage, sont déjà intégrés dans l'enveloppe globale de 100 milliards du programme Horizon Europe. Quant à la politique spatiale européenne, elle fait l'objet d'un budget à part, avec un soutien politique fort de la Commission. Celle-ci n'était pas très intéressée par ces sujets il y a encore quelque années, mais, face aux perspectives de retrait de certains États ou aux risque de fuites technologiques, on sent qu'elle a envie aujourd'hui de protéger cette politique.

M. Jean Bizet, président . - Merci pour votre présentation. Le spatial est un sujet à la croisée de nombreuses thématiques. À titre d'exemple, alors que nous sommes souvent interpellés sur la persistance de zones blanches dans les territoires, le nouveau satellite Konnect VHTS devrait garantir le haut débit dans toute l'Europe. Pour le reste, il appartiendra à notre commission de veiller à ce que les engagements budgétaires annoncés soient bien tenus.

M. Jean-François Rapin . - Un groupe de travail sur les lanceurs spatiaux a été créé conjointement par la commission des affaires économiques et celle des affaires étrangères, et qui n'intègre pas, de fait, les membres de la commission des affaires européennes. Je m'en suis ému auprès de Jean-Marie Bockel qui en est le président. La quasi-intégralité du budget de ces lanceurs étant européen, il est étrange de ne pas y associer notre commission. Je souhaite que nous continuions à travailler dessus.

M. André Gattolin . - Dans le cadre des entretiens bilatéraux avec nos homologues européens, cela pourrait être un sujet de discussion.

M. Jean Bizet, président . - Avec l'Allemagne et l'Italie surtout, si j'ai bien noté.

M. André Gattolin . - Effectivement, mais aussi avec l'Espagne et le Portugal.

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À l'issue de ce débat, à l'unanimité, la commission a autorisé la publication du rapport d'information et adopté la proposition de résolution européenne suivante.

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