B. SÉCURISER LES CONDITIONS D'EXERCICE DES THANATOPRACTEURS EN RENFORCANT LES MESURES DE PROTECTION INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES

1. Pour une amélioration des mesures de prévention des risques adoptées par les thanatopracteurs
a) Imposer aux thanatopracteurs d'appliquer les précautions universelles standard pour prévenir le risque infectieux

La prévention du risque infectieux est une problématique commune aux thanatopracteurs et au milieu médical.

Il s'agit d'assurer le strict respect de précautions standard d'hygiène lorsqu'existe un risque de contact avec du sang ou des liquides biologiques, et ce quel que soit le statut sérologique de la personne source ou du praticien. Ces règles postulent en effet le statut du patient comme inconnu et invitent à des précautions minimales et standard de nature à éviter toute contamination infectieuse pour tous les patients.

Ces précautions universelles, conçues à la fin des années 1980 sous l'impulsion de l'Organisation mondiale de la santé et adoptées depuis par l'ensemble des personnels de santé , requièrent un équipement de protection individuelle pour les professionnels, des mesures d'élimination des risques sur le lieu de travail et des pratiques susceptibles de réduire les risques d'exposition .

Pour les thanatopracteurs, ces précautions consistent à éviter tout contact entre les composants du corps du défunt et la peau ainsi que les muqueuses du thanatopracteur.

En matière d' opérations funéraires , les précautions universelles se révèlent d'autant plus nécessaires que les cadavres sont porteurs d'une flore microbienne composée d'espèces bactériennes potentiellement pathogènes et susceptibles de proliférer en période post-mortem . Tout corps traité doit donc être considéré comme une source de transmission possible .

Votre rapporteur considère qu'il est indispensable, pour permettre les soins de conservation en toute sécurité, d' encadrer ces pratiques invasives en développant des règles d'hygiène et de précautions universelles . Par parallélisme avec le milieu médical, chaque corps traité devrait être considéré comme susceptible d'être atteint d'une affection potentiellement dangereuse et extrêmement grave. En effet, le thanatopracteur ne peut jamais savoir avec certitude si le corps qu'il traite est exempt d'affections.

Or, compte tenu des éléments portés à sa connaissance lors des auditions, votre rapporteur estime que, dans la pratique, le respect de ces précautions standard est insuffisant .

Il préconise le lancement d'une campagne d'information par le ministère en charge du secteur funéraire, avec le concours des ministères de la santé et du travail, afin d' inciter les thanatopracteurs à respecter les mesures de précaution destinées , en premier lieu, à les protéger .

Votre rapporteur rappelle la teneur des mesures standard à respecter par les thanatopracteurs , en tous points similaires à celles mises en oeuvre dans tout milieu médical :

- mise en place de mesures d'hygiène des mains (lavage des mains à l'eau et au savon) ;

- port d'une tenue de protection individuelle (combinaison de protection, tablier ou surblouse, masque et lunettes ainsi que chaussures antidérapantes) ;

- port de gants à usage unique ;

- utilisation de matériels à usage unique et, dans le cas contraire, nettoyage et désinfection des coupants et piquants avec précaution après utilisation ;

- élaboration d'une conduite à tenir en cas d'exposition accidentelle au sang (lavage et antisepsie de la plaie immédiate, contact d'un médecin référent dans les quatre heures, déclaration d'accident dans les quarante-huit heures, et traitement prophylactique) 121 ( * ) ;

- transport de déchets d'activités de soins à risque infectieux (sang et fluide formolé souillé, matériel et linge souillé) dans des conditions conformes à la réglementation 122 ( * ) .

Votre rapporteur observe que le respect de ces mesures est rendue obligatoire pour la réalisation de thanatopraxie à domicile 123 ( * ) . Il suggère donc de les étendre quel que soit le lieu de la thanatopraxie .

Proposition n° 12 :  Imposer le respect de précautions universelles standard quel que soit le lieu d'exercice de la thanatopraxie et mener une campagne de sensibilisation auprès des thanatopracteurs à cet égard.

b) Assurer le respect de l'obligation de vaccination des thanatopracteurs contre l'hépatite B et contre d'autres maladies infectieuses

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, l'article L. 3111-4-1 du code de la santé publique impose à tous les thanatopracteurs - qu'ils soient en formation pratique 124 ( * ) ou en exercice - d'être vaccinés contre l'hépatite B . Ne sont pas concernés par l'obligation vaccinale les thanatopracteurs qui sont infectés ou ont déjà été infectés par le virus de l'hépatite B ou qui justifient d'une contre-indication 125 ( * ) à cette vaccination.

La preuve de la vaccination ou de la contre-indication est apportée par la présentation d'un certificat médical, établi après vérification de l'immunisation du thanatopracteur 126 ( * ) , indiquant qu'il répond aux obligations légales de vaccination contre l'hépatite B. Dans le cas d'une contre-indication à la vaccination, le certificat médical garantit la confidentialité des informations transmises et ne comporte ni indication de diagnostic ni information clinique ou biologique (articles R. 3111-4-1 et R. 3111-4-2 du code de la santé publique).

Cette preuve doit être jointe à l'inscription en formation de thanatopracteur ou à la demande d'habilitation à exercer . Un médecin du travail doit en outre vérifier la vaccination des thanatopracteurs salariés (article L. 3111-4-1 du code de la santé publique).

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2018 . À cet effet, le calendrier vaccinal intègre désormais les thanatopracteurs au sein de la liste des professionnels visés par une obligation ou une recommandation vaccinale 127 ( * ) .

Pour les thanatopracteurs en formation professionnelle initiale, il appartient aux écoles de vérifier que leurs étudiants répondent aux obligations vaccinales au moment de l'inscription et au plus tard avant la formation pratique (article D. 2223-123 du code général des collectivités territoriales).

Pour les thanatopracteurs en exercice , les services compétents dépendant de la préfecture sont chargés de vérifier la vaccination effective de la profession au moment de la délivrance de l'habilitation ou du renouvellement de l'habilitation . La mise en conformité relève de la responsabilité de l'opérateur de pompes funèbres employeur pour le thanatopracteur salarié ou du thanatopracteur lui-même lorsqu'il est indépendant. L'article D. 2223-37 du code général des collectivités territoriales dispose d'ailleurs que seuls les thanatopracteurs satisfaisant à cette obligation vaccinale peuvent réaliser des thanatopraxies. La sanction du non-respect de cette obligation peut donc être le retrait ou la suspension de l'habilitation funéraire (article L. 2223-25 du code général des collectivités territoriales).

Le certificat médical faisant la preuve du respect de l'obligation vaccinale est intégré aux pièces du dossier d'habilitation. Pour les entreprises habilitées employant des thanatopracteurs, elles doivent adresser à la préfecture leur ayant délivré l'habilitation le certificat médical établi après vérification de l'immunisation des personnels concernés. Les thanatopracteurs non-salariés doivent transmettre ce certificat médical à la préfecture ayant habilité leur entreprise .

À l'instar du Défenseur des droits, votre rapporteur considère que se faire vacciner contre l'hépatite B est une précaution élémentaire lorsqu'on souhaite travailler dans les milieux funéraires et, a fortiori , comme thanatopracteur.

D'après les services du ministère de la santé, il existe néanmoins des lacunes dans l'information préalable quant à l'obligation vaccinale, notamment dans les plaquettes d'information des écoles de formation présentes sur leurs sites Internet. Une difficulté de même nature se pose pour les thanatopracteurs en exercice qui étaient déjà habilités au moment de l'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale. Certaines personnes ont laissé entendre à votre rapporteur que de nombreux thanatopracteurs indépendants exerçaient sans s'être mis en conformité avec cette obligation vaccinale , et disposeraient pourtant toujours de leur habilitation . Cette situation pourrait laisser penser que les préfectures ne recensent pas la vaccination de tous les thanatopracteurs qu'ils ont habilités avant le 1 er janvier 2018.

Votre rapporteur estime donc important, dans les deux hypothèses, que les services compétents de la préfecture s'assurent du respect de la loi en mettant en place des mesures d'information auprès des écoles, d'une part, et, d'autre part, recensent les thanatopracteurs en exercice qui ne se sont pas mis en conformité afin de leur adresser une mise en demeure d'y procéder.

Proposition n° 13 : Assurer le respect par les thanatopracteurs en formation ou en exercice de leur obligation de vaccination contre l'hépatite B par une information et un contrôle effectif des préfectures.

Votre rapporteur s'étonne d'ailleurs qu'il ait fallu attendre l'année 2016 pour prévoir un tel dispositif de vaccination obligatoire .

Il observe que le droit en vigueur jusqu'alors n'était pas vierge de toute disposition sur le sujet. L'article L. 3111-4 du code de la santé publique rendait déjà obligatoire l'immunisation contre l'hépatite B pour les personnes exerçant une activité professionnelle les exposant ou exposant les personnes dont elles ont la charge à des risques de contamination ainsi que pour les élèves ou étudiants se préparant à l'exercice de certaines professions de santé, afin de les protéger de cette infection.

Un arrêté du 15 mars 1991 128 ( * ) fixant les modalités d'application de cette obligation, toujours en vigueur, assimile aux établissements visés par cette obligation, les « entreprises de pompes funèbres » et les « entreprises de transport de corps avant mise en bière ». Il impose aux « personnes exposées à des risques de contamination » - ceux qui manipulent les corps des défunts - d'être immunisées contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.

Visiblement pas assez claire pour assurer la vaccination des thanatopracteurs, cette obligation ne couvrait en tout état de cause pas leur période de formation.

Saluant la fixation dans la loi d'une obligation ad hoc de vaccination des thanatopracteurs contre l'hépatite B , votre rapporteur estime toutefois que cela ne rend pas pour autant obsolètes toutes les dispositions antérieures qui demeurent en vigueur.

La rédaction de l'arrêté mériterait ainsi d'être modifiée afin de viser toute entreprise, association ou régie habilitée à exercer le service extérieur des pompes funèbres défini à l'article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, les personnels de ces entreprises appelés à manipuler des corps, et a fortiori les thanatopracteurs, devraient aussi être vaccinés contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite .

Proposition n° 14 :  Rappeler aux thanatopracteurs leur obligation d'être vaccinés contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite en application de l'arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné. Revoir la rédaction de cet arrêté pour viser clairement les opérateurs funéraires et les thanatopracteurs.

c) Mettre en place les conditions d'une gestion plus rigoureuse des déchets d'activités de soins à risque infectieux

Aux termes de l'article R. 1335-1 du code de la santé publique, les déchets d'activités de soins (DAS) sont les « déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire ». Parmi les déchets d'activités de soins, certains sont définis comme étant à risques infectieux (DASRI) 129 ( * ) .

Les déchets d'activités de soins
(Article R. 1335-1 du code de la santé publique)

« Les déchets d'activités de soins sont les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire.

Parmi ces déchets, sont soumis aux dispositions de la présente section ceux qui :

1° Soit présentent un risque infectieux, du fait qu'ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu'en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l'homme ou chez d'autres organismes vivants ;

2° Soit, même en l'absence de risque infectieux, relèvent de l'une des catégories suivantes :

a) Matériels et matériaux piquants ou coupants destinés à l'abandon, qu'ils aient été ou non en contact avec un produit biologique ;

b) Produits sanguins à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés à péremption ;

c) Déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains non aisément identifiables.

Sont assimilés aux déchets d'activités de soins, pour l'application des dispositions de la présente section, les déchets issus des activités d'enseignement, de recherche et de production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi que ceux issus des activités de thanatopraxie, des activités de chirurgie esthétique, des activités de tatouage par effraction cutanée et des essais cliniques ou non cliniques conduits sur les produits cosmétiques et les produits de tatouage, lorsqu'ils présentent les caractéristiques mentionnées aux 1° ou 2° du présent article. »

Les dispositions de cet article précisent expressément que les déchets issus des activités de thanatopraxie sont assimilés aux déchets d'activités de soins .

Les déchets des thanatopracteurs sont composés de sang, de liquide biologique, de matériels perforant et d'équipements de protection individuelle souillés (article R. 4424-6 du code du travail). Ces déchets, du fait du risque infectieux qu'ils induisent, sont donc considérés comme des déchets d'activités de soins à risque infectieux (DASRI). Leurs volumes sont importants , puisqu'il y a notamment plusieurs litres de déchets par thanatopraxie.

Tout producteur 130 ( * ) ou détenteur 131 ( * ) de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion . Il est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Il s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. Ce principe général est fixé à l'article L. 541-2 du code de l'environnement. Il est repris aux articles L. 1335-1 et L. 1335-2 du code de la santé publique pour l'élimination des déchets spécifiques que sont les DASRI.

Il incombe donc au thanatopracteur lui-même, lorsqu'il est indépendant, d'éliminer ces déchets d'activités de soins à risque infectieux et assimilés. Lorsque le thanatopracteur est salarié, cette responsabilité incombe à son employeur, personne morale sous l'autorité de laquelle il met en oeuvre cette obligation .

Le régime de responsabilité des producteurs de DASRI prévu à l'article R. 1335-2 du code de la santé publique prévoit que cette obligation incombe :

- à l'établissement de santé, d'enseignement, l'établissement de recherche ou l'établissement producteur (1°) ;

- à la personne morale pour le compte de laquelle un professionnel de santé exerce l'activité productrice de déchets (2°) ;

- dans les autres cas (3°), à la personne physique qui exerce l'activité productrice de déchets dans le cadre de son activité professionnelle.

Il faudrait introduire, au 2° de l'article, la notion de professionnel de santé « ou assimilé », puisque des professions autres que médicales, comme les thanatopracteurs, entrent de fait dans le champ d'application de l'article. Votre rapporteur estimerait utile de clarifier ce point.

Proposition n° 15 :  Clarifier la rédaction de l'article R. 1335-2 du code de la santé publique sur le régime de responsabilité des producteurs de déchets d'activités de soins à risque infectieux (DASRI) pour prendre explicitement en compte les professionnels assimilés à des professionnels de santé qui sont producteurs de tels déchets, et donc les thanatopracteurs.

En raison des risques de contamination qu'ils présentent, ces déchets doivent suivre une filière d'élimination spécifique , avec des règles précises de tri, d'emballage, de stockage, de transport, et de destruction, l'ensemble de la procédure d'élimination devant faire l'objet d'une traçabilité 132 ( * ) .

Les règles à respecter par les thanatopracteurs en matière d'élimination
des déchets d'activités de soins à risque infectieux (DASRI)

Ils doivent être séparés des autres déchets dès leur production (article R. 1335-5 du code de la santé publique), faire l'objet d'un conditionnement à usage unique dans des emballages agréés 133 ( * ) et d'un entreposage adapté en quantité limitée 134 ( * ) .

Considérés comme des matières dangereuses, leur transport terrestre exige le respect des normes internationales en la matière (article R. 1335-6 du même code). En effet, le transport de marchandises par route est régi par l'accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route conclu le 30 septembre 1957, règlement dit « ADR » 135 ( * ) . Celui-ci prévoit que les matières dangereuses peuvent, sauf exceptions, faire l'objet d'un transport international sous réserve du respect de conditions d'emballage, d'étiquetage et de construction du véhicule (DASRI emballés dans un caisson amovible mais en matériel rigide et qui doit être désinfecté après chaque utilisation). Le transport de DASRI dans un véhicule personnel ou de service est autorisé sous réserve que la masse de DASRI soit inférieure ou égale à 15 kilogrammes. Il est également interdit de transporter des voyageurs dans des véhicules transportant des DASRI.

Les délais d'élimination des DASRI dépendent des quantités produites et la plupart des thanatopracteurs se trouvent dans les cas suivants 136 ( * ) :

- quantité supérieure ou égale à 100 kilogrammes par semaine, le transport et l'élimination sont requis dans les 72 heures qui suivent la production ;

- quantité inférieure à 100 kilogrammes par semaine et supérieure à 15 kilogrammes par mois, le transport et l'élimination sont requis dans les 7 jours qui suivent la production.

Le thanatopracteur doit établir une convention écrite, respectant certaines informations avec le prestataire de service d'élimination des DASRI, voire avec le transporteur auquel il confie le transport des DASRI jusqu'au centre de traitement.

Le producteur doit, en plus, établir un bordereau d'élimination des déchets d'activités de soins à risque infectieux qui accompagne les DASRI jusqu'au centre de traitement des déchets et qui doit lui revenir, contresigné par le centre de traitement, justifiant ainsi de l'élimination des déchets. Ces bordereaux justifiant de l'élimination des déchets doivent être conservés durant trois ans.

Les DASRI font ensuite l'objet d'une incinération dans un crématorium (article R. 1335-8 du code de la santé publique).

En application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, chaque région est couverte par un plan régional de prévention et de gestion des déchets. Les DASRI font l'objet d'une planification spécifique.

Les agences régionales de santé (ARS) sont en charge du contrôle de l'application de la réglementation relative aux DASRI par les producteurs de ces déchets (établissements de santé, professionnels de santé, thanatopracteurs notamment). Toutefois, d'après les services du ministère de la santé, entendus par votre rapporteur, les ARS ciblent leurs contrôles du respect de la réglementation relative aux DASRI sur les établissements de santé, dans le cadre des orientations nationales d'inspection-contrôle définies par le ministère de la santé.

Votre rapporteur insiste pour que ces contrôles soient élargis au-delà de ces seuls établissements, et portent en particulier sur les opérateurs funéraires qui pratiquent la thanatopraxie .

Proposition n° 16 : Définir une doctrine de contrôle des agences régionales de santé sur le respect de l'élimination des DASRI par les thanatopracteurs et mener les contrôles ciblés qui sont nécessaires à cet égard.

Les sanctions en cas de non-respect des principes prévus par le code de l'environnement peuvent être lourdes : est par exemple puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait d'abandonner, de déposer, ou de faire déposer ses déchets sans les éliminer (article L. 541-46 du code de l'environnement). Ces sanctions sont également applicables à « tous ceux qui, chargés à un titre quelconque de la direction, de la gestion ou de l'administration de toute entreprise ou établissement, ont sciemment laissé méconnaître par toute personne relevant de leur autorité ou de leur contrôle » les dispositions relatives à l'élimination des déchets (article L. 541-48 du code de l'environnement).

L'employeur du thanatopracteur lorsqu'il est salarié est en outre créancier d'une obligation de sécurité au titre de l'article R. 4424-7 du code du travail, qui lui impose de prendre des mesures appropriées « pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs, notamment par une information sur les procédés de décontamination de désinfection et la mise en oeuvre de bonnes pratiques permettant de manipuler et d'éliminer sans risque les déchets contaminés ». Il doit en effet permettre au thanatopracteur de disposer de la formation et du matériel requis pour assurer l'élimination des DASRI . Les manquements de l'employeur à cette obligation constituent une faute pour ce dernier 137 ( * ) .

Le préfet peut, en outre, au titre de son pouvoir de sanction administrative, suspendre ou retirer l'habilitation d'un thanatopracteur ou de son employeur pour « atteinte à l'ordre public ou danger pour la salubrité publique » (4° de l'article L. 2223-25 du code général des collectivités territoriales).

Votre rapporteur estimerait donc utile de faire figurer des documents attestant de la traçabilité des DASRI 138 ( * ) parmi les critères de renouvellement de l'habilitation des thanatopracteurs ou des opérateurs de pompes funèbres qui proposent des prestations de thanatopraxie.

Proposition n° 17 : Inclure la transmission des pièces attestant de la traçabilité des DASRI parmi les critères de renouvellement de l'habilitation des thanatopracteurs.

En outre, d'après les éléments évoqués lors des auditions, l'élimination des DASRI par les thanatopracteurs reste pour le moins perfectible . Le plus sécurisant, de l'avis de votre rapporteur, serait de traiter les DASRI sur place lorsque la thanatopraxie se déroule dans une chambre mortuaire. En effet, les établissements de santé, soumis aux mêmes contraintes de gestion de ces DASRI, connaissent bien la réglementation et disposent du matériel requis. De surcroît, cela éviterait le transport de déchets dangereux.

Votre rapporteur rappelle donc à cet égard que tout producteur de déchets peut, dans le cadre d'une convention écrite, confier à une autre personne la gestion de ces déchets, sans toutefois se décharger de sa responsabilité : « tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers » (article L. 541-2 du code de l'environnement) 139 ( * ) . Ce principe est repris à l'article R.1335-3 du code de la santé publique, qui est spécifique aux DASRI.

Dès lors, votre rapporteur a écarté une nouvelle exception au principe de la responsabilité du producteur-thanatopracteur dans l'objectif de transférer sa responsabilité vers les lieux d'accueil de la thanatopraxie (chambres mortuaires et funéraires). Il ne considère pas ce transfert opportun, tout comme la majorité des personnes entendues, au premier rang desquels les thanatopracteurs eux-mêmes. Il préfère encourager la conclusion de conventions avec les chambres mortuaires, voire les chambres funéraires, dans le but de faire du traitement des DASRI sur place le principe et de son transport l'exception .

Proposition n° 18 :  Favoriser la gestion des DASRI par les chambres mortuaires par voie de convention sans décharger les thanatopracteurs et les opérateurs funéraires de leur responsabilité. Établir et diffuser une convention type auprès des thanatopracteurs. Étudier la mise en place d'un système identique avec les chambres funéraires.

En cas de transport de DASRI, votre rapporteur estime, comme l'INRS le lui a suggéré, que le thanatopracteur devrait disposer d'un véhicule adapté pour le protéger ainsi que son environnement, notamment en cas d'accident (véhicule de transport équipé d'un compartiment hermétiquement séparé de l'habitacle et ventilé en permanence). Cet équipement serait aussi adapté au transport de produits dangereux autres que les DASRI tel que le formaldéhyde, utilisé pour la conservation des corps.

Proposition n° 19 : Lorsque le transport de DASRI est inévitable, utiliser obligatoirement un véhicule adapté au transport de matières dangereuses.

2. Garantir aux thanatopracteurs des outils efficaces de prévention des risques
a) Assurer l'adaptation des chambres mortuaires et funéraires à la prévention des risques chimique et infectieux

La prévention des risques dépend aussi de l'adaptation des lieux de pratique de la thanatopraxie.

L'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), entendu par votre rapporteur, préconise, compte tenu du risque chimique, que toute pièce de préparation des corps soit dotée d'un système de ventilation avec une captation à la source et une évacuation vers l'extérieur , seul dispositif qui permette que le thanatopracteur respire toujours de l'air non pollué .

Lorsque la suppression de l'agent chimique dangereux ou sa substitution par un produit ou un procédé qui n'est pas dangereux, ou qui l'est moins, est impossible, comme le formaldéhyde pour la thanatopraxie 140 ( * ) , l'article R. 4412-16 du code du travail fixe l'obligation pour l'employeur de réduire le risque au minimum , notamment par la mise en oeuvre, à la source du risque, de mesures efficaces de protection collective, telles qu'une bonne ventilation, des matériels adéquats et des mesures appropriées d'organisation du travail.

À cet égard, l'article D. 2223-84 du code général des collectivités territoriales et l'arrêté du 7 mai 2001 relatif aux prescriptions techniques applicables aux établissements de santé , imposent tous deux un dispositif de ventilation assurant un renouvellement d'air spécifique 141 ( * ) , afin que l'air soit rejeté à l'extérieur après filtration.

Ces dispositions ne prévoient toutefois pas que la captation de l'air est faite à la source du risque, c'est-à-dire sur les tables de soin et les paillasses où sont réalisés les mélanges ou transvasements de produits, pour éviter l'exposition au formaldéhyde et au méthanol comme l'exige le code du travail, et comme le préconise l'INRS.

La lutte contre l'exposition des travailleurs aux risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes est régie par une directive européenne 142 ( * ) . Si le formaldéhyde ne fait pas pour l'instant l'objet de valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) 143 ( * ) contrairement à d'autres agents chimiques 144 ( * ) , il est prévu une réévaluation des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) au plus tard en juin 2020, avec intégration de normes pour le formaldéhyde.

La modification de la directive est en cours d'examen au Parlement européen. Une résolution récemment adoptée par le Parlement européen vise une valeur limite d'exposition professionnelle de 350 microgrammes par m 3 pour le formaldéhyde. Elle indique explicitement qu'« il est à prévoir que le secteur des pompes funèbres rencontrera des difficultés pour respecter, à court terme, la valeur limite » 145 ( * ) , en raison de l'activité de thanatopraxie et, qu'en conséquence, une valeur limite de 620 microgrammes par m 3 devrait être prévue pendant une période de cinq années.

À titre de comparaison, d'après l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), certains taux mesurés lors de la réalisation de thanatopraxies font état d'une concentration maximum de formaldéhyde dans l'air de près de 1 000 microgrammes par m 3 . Sans généraliser cette dernière donnée, votre rapporteur estime qu'elle reflète la dangerosité des risques induits par la thanatopraxie en raison de l'utilisation de formaldéhyde .

Il préconise donc, a minima , l'installation dans toutes les chambres mortuaires et funéraires d'un système de captation de l'air à la source avec évacuation à l'extérieur de l'air pollué.

Proposition n° 20 : Imposer l'installation d'un système de captation de l'air à la source dans les chambres mortuaires et funéraires, avec évacuation extérieure de l'air pollué.

S'ils sont salariés d'opérateurs funéraires, les thanatopracteurs sont considérés comme des travailleurs au sens des articles L. 4111-1 et L. 4111-5 du code du travail. L'employeur est alors tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ces travailleurs, notamment pour prévenir les risques d'exposition aux agents chimiques dangereux (articles R. 4412-11 et suivants du code du travail) et aux agents biologiques (article R. 4424-1 et suivants du même code).

En revanche, s'ils sont thanatopracteurs indépendants, ils ne rentrent pas dans le champ d'application du code du travail et l'inspection du travail n'est donc pas compétente pour contrôler le respect des mesures de prévention.

D'après les services du ministère du travail, entendus par votre rapporteur, des campagnes de contrôle ont été menées par l'inspection du travail dans certaines chambres funéraires et mortuaires , notamment en Île-de-France. Les agents de contrôle ont demandé aux employeurs de mettre en place des systèmes de captation à la source . Toutefois, d'après les informations des inspecteurs du travail, leurs préconisations sont rarement suivies d'effet , dans la mesure où l'employeur des thanatopracteurs exposés aux produits est rarement le propriétaire des murs. En conséquence, les services de l'inspection du travail n'ont pas de moyen juridique pour contraindre ce dernier à réaliser les travaux.

Proposition n° 21 : Mobiliser l'inspection du travail, en lien avec les agences régionales de santé, pour mener à bien des campagnes de contrôle des chambres mortuaires et funéraire.

Proposition n° 22 : Contraindre les propriétaires des chambres funéraires ou mortuaires qui ne sont pas les employeurs des thanatopracteurs à se conformer aux mesures de prévention des risques chimique et infectieux.

Proposition n° 23 : Sanctionner de manière effective les responsables des chambres funéraires et mortuaires qui ne respectent pas la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité.

b) Traiter le cas particulier de la thanatopraxie à domicile

Les soins de thanatopraxie n'avaient jamais, par le passé, fait l'objet d'une réglementation distincte selon le lieu où ils s'exerçaient. C'est chose faite pour la thanatopraxie à domicile depuis le 1 er janvier 2018 .

D'après le Haut Conseil de la santé publique (HSCP) dans son avis publié en 2012 sur les risques liés aux pratiques de thanatopraxie 146 ( * ) , le domicile, lieu « non spécifiquement dédié à cette activité », contrairement aux chambres mortuaires et funéraires, n'est pas adapté à la pratique de la thanatopraxie en raison de conditions d'hygiène et de sécurité insuffisantes .

Par comparaison avec les autres pays, le HCSP a également établi dans son étude internationale précitée publiée en 2017 147 ( * ) que la France n'était pas le seul pays où cette pratique existe, bien qu'elle soit celui où elle se pratique le plus . Il rappelait, en droite ligne de son avis rendu en 2012, que « cet aperçu des pratiques internationales de thanatopraxie à domicile montre qu'elle est marginale et dénoncée par les autorités de santé et de nombreux professionnels. Elle est considérée comme obsolète et risquée . »

Compte tenu de ces risques, le législateur envisageait , dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé discuté au Parlement en 2015 et 2016, d'autoriser la thanatopraxie uniquement « dans des lieux appropriés et dédiés, déterminés par décret en Conseil d'État », ce qui serait revenu à interdire purement et simplement la thanatopraxie à domicile . Toutefois, lors des débats, plusieurs parlementaires et en particulier des sénateurs, ont fait valoir l' utilité de la thanatopraxie à domicile pour les familles résidant en milieu rural , dans les territoires où les établissements de santé et les chambres funéraires sont moins nombreux .

Dès lors, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé n'a pas permis l'interdiction de la thanatopraxie à domicile mais a prévu de confier au pouvoir réglementaire , dans le cadre du règlement national des pompes funèbres, le soin d'encadrer les « conditions d'intervention des personnes susceptibles de réaliser des soins de conservation » (5° de l'article L. 2223-20 du code général des collectivités territoriales). Ces nouvelles conditions sont entrées en vigueur le 1 er janvier 2018 .

Le décret n° 2017-983 du 10 mai 2017 relatif aux conditions d'intervention des thanatopracteurs et à l'information des familles concernant les soins de conservation prévoit que la thanatopraxie à domicile ne peut se dérouler au domicile du défunt, que si le décès y a eu lieu 148 ( * ) , et si ledit domicile est conforme aux prescriptions techniques fixées par arrêté 149 ( * ) dont l'opérateur funéraire aura constaté le respect , par lui-même, ou sur déclaration de la famille du défunt préalablement à la vente de la prestation de soin de conservation (article R. 2213-2-1 du code général des collectivités territoriales).

En effet, « les équipements du thanatopracteur ainsi que la configuration de la pièce [doivent répondre] à des exigences minimales, notamment de superficie, d'accès, de ventilation, de nettoyage et d'éclairage » (article R. 2223-132 du code général des collectivités territoriales). Ces exigences sont fixées par l'arrêté du 10 mai 2017 fixant les conditions de réalisation des soins de conservation à domicil e.

Il précise à cet effet :

- les mesures de protection universelle standard que doivent respecter les thanatopracteurs (articles 2 à 4 de l'arrêté) 150 ( * ) ;

- et les prescriptions techniques applicables à domicile (articles 5 et 6 de l'arrêté) 151 ( * ) .

Si le domicile ne répond pas aux conditions fixées par les textes, l'opérateur funéraire en charge de l'organisation des obsèques peut refuser d'opérer un soin de conservation à domicile .

En outre, les thanatopracteurs salariés pourraient faire valoir leur droit de retrait 152 ( * ) , pour autant qu'ils puissent légitimement faire état d'un danger grave et imminent. Or dès lors que le risque est inhérent à la fonction exercée par le salarié, il ne peut se retirer que face à une menace particulière et pour autant que son employeur ait méconnu les mesures de prévention et de sécurité nécessaires pour supprimer ou réduire le risque.

Si les différentes conditions requises sont réunies, la thanatopraxie doit être réalisée dans les trente-six heures suivant le décès , délai pouvant être prorogé de douze heures pour tenir compte de circonstances particulières, sous réserve de la faisabilité des soins évaluée par le thanatopracteur (article R. 2223-132 du code général des collectivités territoriales).

Chaque thanatopraxie réalisée à domicile fait aussi l'objet d'une traçabilité via l'établissement d'un compte rendu d'intervention rédigé par le thanatopracteur 153 ( * ) .

Votre rapporteur estime que ces conditions permettent de cadrer fortement les conditions de l'exercice de la thanatopraxie à domicile . D'après les professionnels qu'il a entendus, opérateurs funéraires ou thanatopracteurs indépendants, elles ont d'ores et déjà comme conséquence de limiter fortement la pratique de la thanatopraxie à domicile .

Selon certains opérateurs funéraires du secteur privé, la thanatopraxie à domicile ne représenterait plus que 2 % des prestations qu'ils ont réalisées en 2018, contre près de 20 % en 2017, baisse qu'ils imputent aux nouvelles règles. Les opérateurs du secteur public ont émis un constat similaire : ils sont nombreux à ne plus proposer aux familles de thanatopraxie à domicile compte tenu des nouvelles conditions qu'ils estiment impossibles à respecter , notamment s'agissant de la configuration du domicile lui-même .

Plusieurs thanatopracteurs indépendants ont, en outre, indiqué à votre rapporteur que le délai de réalisation et le coût de la thanatopraxie avaient été multipliés par deux à domicile compte tenu des conditions plus strictes désormais imposées.

Certains thanatopracteurs pratiqueraient à domicile sans même respecter les nouvelles règles , ce que votre rapporteur juge inacceptable. Votre rapporteur relève de surcroît à cet égard la quasi-impossibilité du contrôle par les pouvoirs publics du respect de ces conditions . Comme le lui ont indiqué les services du ministère du travail, les agents de contrôle de l'inspection du travail n'ont la possibilité d'aller contrôler les conditions de travail dans une habitation ou un domicile privé que si le propriétaire leur en a donné l'autorisation expresse (article L. 8113-1 du code du travail). Il est d'ailleurs hautement improbable qu'une famille en deuil ait le réflexe d'alerter l'inspection du travail en amont de l'intervention d'un thanatopracteur à domicile.

Votre rapporteur n'est toutefois pas insensible aux arguments du monde rural , où les décès ont, semble-t-il, lieu plus fréquemment à domicile. La suppression de la thanatopraxie à domicile occasionnerait alors des coûts de transport de corps avant mise en bière vers une chambre funéraire, transport souvent plus onéreux qu'en milieu urbain en raison des distances à parcourir du fait d'une moindre couverture du territoire en équipements.

Toutefois, compte tenu des risques pour les thanatopracteurs eux-mêmes et leurs familles , votre rapporteur estime qu'il convient désormais de s'assurer du respect des règles nouvellement fixées et, dans le cas contraire, de mettre fin à la thanatopraxie à domicile .

Proposition n° 24 : Faire un bilan du respect des règles imposées pour la thanatopraxie à domicile en 2021 et, le cas échéant, en tirer les conséquences, si les risques demeurent trop élevés pour le thanatopracteur et son environnement dès lors qu'il n'apparaîtrait pas possible, dans la plupart des cas, de respecter les mesures prescrites.

Par ailleurs, pour faciliter la thanatopraxie dans des lieux dédiés lorsque le défunt est décédé à domicile, votre rapporteur suggère, à l'instar des inspecteurs généraux des affaires sociales et de l'administration 154 ( * ) , de faciliter l'application des dispositions prévues à l'article L. 2223-39 du code général des collectivités territoriales permettant que les chambres mortuaires reçoivent les corps des personnes décédées hors de ces établissements. Si l'admission de ces défunts se fait à titre onéreux et implique donc un coût pour la famille, à ajouter au coût du transport de corps, cela permettrait au moins à la famille d'avoir le choix entre une chambre mortuaire et funéraire, la seconde étant souvent plus onéreuse que la première.

Proposition n° 25 : Mettre plus largement à profit les dispositions de l'article L. 2223-39 du code général des collectivités territoriales permettant à une chambre mortuaire d'accueillir le corps de personnes décédées hors de l'établissement de santé gestionnaire de ladite chambre.

c) Permettre la transmission au thanatopracteur des informations indispensables à son activité contenues dans le certificat de décès, sans porter atteinte au secret médical

Plusieurs thanatopracteurs ont déploré auprès de votre rapporteur l'absence de transmission au thanatopracteur des informations administratives inscrites sur le certificat de décès lui permettant de vérifier les conditions légales requises pour toute thanatopraxie (pas d'obstacle médico-légal, pas d'infection transmissible interdisant la thanatopraxie, retrait ou non d'une prothèse avec pile).

Sans porter atteinte au secret médical - le volet médical du certificat de décès devant demeurer confidentiel - votre rapporteur jugerait opportun d'ajouter les thanatopracteurs à la liste des personnes auxquelles est transmis le volet administratif du certificat de décès 155 ( * ) . Cette transmission sera d'autant plus simple qu'en pratique elle devrait se faire par voie dématérialisée dans les prochains mois, en application du décret n° 2017-602 du 21 avril 2017 relatif au certificat de décès 156 ( * ) .

Proposition n° 26 :  Transmettre au thanatopracteur par voie dématérialisée le volet administratif du certificat de décès, dans le cadre de la mise en place du certificat de décès électronique.

d) Proposer un suivi médical à tous les thanatopracteurs

Si tout travailleur doit être suivi par un service de santé au travail (article L. 4622-1 du code du travail), les thanatopracteurs indépendants ne bénéficient pas de cette protection. Alors que les actes de thanatopraxie sont loin d'être des actes anodins, les professionnels ne sont pas protégés de la même façon selon leur statut (salarié ou indépendant). Les personnels salariés bénéficient de garanties de sécurité alors que les indépendants, soumis aux même règles, ne font pas l'objet des mêmes contrôles. Dans tous les cas, l'exposition aux risques professionnels varie en fonction de l'état du corps ainsi que des lieux dans lesquels les soins se déroulent.

Compte tenu des risques auxquels ils sont exposés, votre rapporteur estime indispensable de prévoir des modalités ad hoc de suivi médical des thanatopracteurs indépendants .

Proposition n° 27 : Créer des modalités ad hoc de suivi médical pour les thanatopracteurs indépendants. Identifier des médecins généralistes référents par région et imposer aux thanatopracteurs de les consulter au moins une fois par an.

D'après les informations portées à la connaissance de votre rapporteur, le suivi des thanatopracteurs salariés en médecine du travail ne fait, en outre, l'objet d'aucune centralisation au niveau du ministère du travail. Il n'a donc pas été possible d'en faire un quelconque bilan.

Or, votre rapporteur estime que les thanatopracteurs devraient être astreints à une surveillance médicale renforcée pour prévenir l'ensemble des risques résultant d'une exposition à des agents biologiques pathogènes 157 ( * ) .

Proposition n° 28 :  Définir avec l'inspection du travail un plan de suivi médical des thanatopracteurs salariés, exposés à plusieurs facteurs de risques. Centraliser au sein du ministère du travail les actions menées en ce sens.

e) Anticiper les évolutions concernant l'utilisation des produits biocides

Les produits destinés aux soins de conservation du corps de la personne décédée sont des produits biocides 158 ( * ) , dont la substance active est, pour la majorité d'entre eux, le formaldéhyde 159 ( * ) .

Ces produits sont encadrés par le règlement UE n° 528/2012 concernant la mise sur le marché et l'utilisation de produits biocides, entré en vigueur le 1 er septembre 2013, qui a pour objectif principal d'assurer un niveau de protection élevé de l'homme, des animaux et de l'environnement en limitant la mise sur le marché des seules substances actives et produits biocides efficaces, et présentant des risques acceptables pour l'homme et l'environnement.

La mise en oeuvre de ce règlement est prévue en deux étapes :

- une évaluation des substances actives biocides au terme de laquelle est établie une liste des substances actives approuvées par l'Union européenne ;

- une évaluation des produits eux-mêmes (contenant les substances actives biocides approuvées) avant toute autorisation de mise à disposition sur le marché national ou de l'Union européenne.

Les États membres peuvent continuer à appliquer leur réglementation nationale antérieure durant la période transitoire d'évaluation des substances actives biocides. Le processus d'évaluation n'a pas encore débuté pour le formaldéhyde . D'après les informations recueillies par votre rapporteur lors des auditions, il serait prévu pour les années 2023 ou 2024.

L'article R. 2213-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que tout produit destiné aux soins de conservation du corps de la personne décédée doit être agréé par le ministère chargé de la santé, après consultation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Ces dispositions nationales s'appliquent donc à tout fluide intervenant dans la thanatopraxie dont la substance active biocide est encore en cours d'évaluation au niveau européen (ce qui est le cas du formaldéhyde et d'une façon générale de toutes les substances actives destinées à la thanatopraxie).

L'agrément n'est pas limité dans le temps, ce que votre rapporteur trouve surprenant, mais il peut être retiré par l'autorité administrative. Si la non-efficacité du produit est signalée à l'entreprise, celle-ci est tenue d'en informer l'ANSES.

La mise sur le marché d'un produit biocide en méconnaissance des dispositions légales est punie de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (article L. 522-16 du code de l'environnement).

Compte tenu des risques induits par le formaldéhyde pour les professionnels et plus généralement, pour l'environnement, il n'est pas certain que cette substance active soit autorisée pour tous les usages, lors de son évaluation prévue par la Commission européenne entre 2022 et 2024 . Elle pourrait par exemple être utilisée pour certains usages - en matière de santé par exemple - et pas d'autres, comme la thanatopraxie, jugés non prioritaires en termes de rapport bénéfice/risque.

D'où l' urgence de trouver des produits de substitution au formaldéhyde . L'ANSES a été saisie à cette fin le 9 octobre 2014 160 ( * ) d'une « demande d'avis relatif à l'utilisation de substituts au formaldéhyde dans différents secteurs d'activité, notamment la thanatopraxie ». Votre rapporteur a pu consulter le pré-rapport, soumis à consultation 161 ( * ) . Or, d'après les experts, les alternatives au formaldéhyde pour les produits de conservation des corps sont encore peu nombreuses et d'usage peu répandu, car elles ne sont pas considérées comme ayant la même efficacité .

Plusieurs produits ne contenant pas de formaldéhyde ont été mis sur le marché . Toutefois, les thanatopracteurs comme les professionnels des pompes funèbres émettent pour certains des doutes sur des produits biocides lorsqu'ils sont, en l'espèce, désinfectants mais non conservateurs. Les produits désinfectants, s'ils seraient moins nocifs pour la santé, ne permettraient pas une conservation du corps aussi efficace et sur la même durée qu'un produit contenant du formaldéhyde . De plus, ils se révèleraient inefficaces dans certaines conditions (fortes chaleurs par exemple).

À partir de recherches dans la règlementation, dans la littérature scientifique et de consultations des parties prenantes de la profession, les experts de l'ANSES ont pu identifier au total 29 mélanges susceptibles de constituer des alternatives potentielles à l'utilisation du formaldéhyde dans les fluides de conservation en thanatopraxie .

Interrogée par votre rapporteur sur d' éventuelles conséquences sur la gestion des cimetières de l'augmentation des soins de conservation avant l'inhumation , l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) lui a précisé que les communes témoignaient, de façon quasi-unanime, des mêmes conséquences. Les services municipaux se rendent compte qu'il devient de plus en plus difficile de procéder aux réductions de corps après une inhumation pouvant remonter, dans certains cas, à plus de quinze ans. D'après l'AMF, les responsables de service funéraire précisent toutefois qu'il est difficile d'établir un lien direct entre une meilleure conservation des corps et la thanatopraxie . Les traitements médicaux que peuvent recevoir les personnes, les conservateurs alimentaires ou encore la typologie du terrain qui accueille les inhumations peuvent être aussi à l'origine du ralentissement du mécanisme de décomposition du corps.

Compte tenu de l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur juge nécessaire d'anticiper les évolutions à venir en lançant un programme public de recherche sur les produits de substitution au formaldéhyde.

Proposition n° 29 : Lancer un programme public de recherche pour le développement de produits de substitution au formaldéhyde pour la thanatopraxie.


* 121 En cas d'accident d'exposition au sang et aux liquides biologiques, des procédés de décontamination sont prévus en milieu médical notamment.

* 122 Voir infra .

* 123 Voir infra .

* 124 Voir infra .

* 125 Elle peut être temporaire ou définitive et être établie par le médecin, par exemple en cas d'allergie à l'un des composants du vaccin, d'une infection sévère, ou de sclérose en plaques.

* 126 La vérification de l'immunisation du thanatopracteur est faite dans les conditions définies par l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux conditions de vérification de l'immunisation des thanatopracteurs en formation pratique et en exercice soumis à l'obligation de vaccination contre l'hépatite B.

* 127 Voir par exemple le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2019, p. 17.

Il est consultable à l'adresse suivante :

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/calendrier_vaccinal_mars_2019.pdf

* 128 Arrêté du 15 mars 1991 fixant la liste des établissements ou organismes publics ou privés de prévention ou de soins dans lesquels le personnel exposé doit être vacciné.

* 129 Voir encadré ci-dessous.

* 130 Le producteur de déchets est défini à l'article L. 541-1 du code de l'environnement comme « toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) . »

* 131 Le détenteur de déchets est défini par le même article du même code comme : « producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ».

* 132 L'article D. 2223-84 du code général des collectivités territoriales dispose explicitement que les thanatopracteurs qui procèdent à des soins de conservation au sein des chambres funéraires recueillent les déchets issus de ces activités et procèdent à leur élimination conformément aux dispositions R. 1335-1 à R. 1335-14 du code de la santé publique.

* 133 Arrêté du 24 novembre 2003 relatif aux emballages des déchets d'activités de soins à risques infectieux et assimilés et des pièces anatomiques d'origine humaine.

* 134 Arrêté du 7 septembre 1999 relatif aux modalités d'entreposage des déchets d'activités de soins à risques infectieux et assimilés et des pièces anatomiques.

* 135 Arrêté du 29 mai 2009 relatif aux transports de marchandises dangereuses par voies terrestres (dit « arrêté TMD »). Il complète l'accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par route conclu le 30 septembre 1957, règlement dit « ADR ».

* 136 Un thanatopracteur produit entre 5 et 8 kg de DASRI par thanatopraxie.

* 137 Cour d'appel d'Amiens, chambre sociale, 9 janvier 2019, n° 16/260.

* 138 Pourraient y figurer l'attestation annuelle de l'organisme indiquant le nombre de récupérations, et la convention d'élimination des DASRI entre l'organisme qui les prend en charge et le thanatopracteur.

* 139 Ce principe est repris à l'article R.1335-3 du code de la santé publique spécifique aux DASRI.

* 140 Sauf exceptions, voir infra .

* 141 D'au moins quatre volumes par heure.

* 142 Directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail (sixième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE du Conseil).

* 143 Les valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) sont exprimées sous forme de concentrations dans l'air d'une substance chimique, pour un temps d'exposition déterminé. En dessous de ces concentrations, le risque théorique d'altération de la santé est considéré comme négligeable. Les VLEP constituent des valeurs de référence pour évaluer le niveau de l'exposition dans l'air.

* 144 Article R. 4412-149 du code du travail.

* 145 Résolution législative du Parlement européen du 27 mars 2019 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail (COM(2018)0171 - C8-0130/2018 - 2018/0081(COD).

* 146 Haut Conseil de la santé publique, avis portant recommandations pour les conditions d'exercice de la thanatopraxie, 20 décembre 2012. Cet avis est consultable à l'adresse suivante :

https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=303

* 147 Étude internationale de la législation et des pratiques des soins de conservation (thanatopraxie) dans trente pays d'Europe et d'Amérique du Nord , Haut Conseil de la santé publique, 31 janvier 2017, p. 6 et consultable à l'adresse suivante :

https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=609

* 148 Elle ne peut évidemment pas être réalisée dans un autre domicile que celui du défunt.

* 149 Arrêté du 10 mai 2017 fixant les conditions de réalisation des soins de conservation à domicile.

* 150 Voir supra : équipements de protection individuelle adaptés aux risques chimiques et infectieux, adoption d'une conduite en cas d'exposition accidentelle au sang, utilisation de matériel à usage unique ou, dans le cas contraire, modalités d'hygiène.

* 151 Elles prévoient notamment que le défunt repose sur un lit médicalisé ou une table de soins, qu'il y ait une protection systématique de l'environnement (protection de la table de soins ou du lit médicalisé avec une housse imperméable et si nécessaire la protection du sol avec un film imperméable), que les sols et murs soient lavables et désinfectables, qu'il y ait une ventilation naturelle suffisante et, afin de ne pas exposer les proches, les occupants et les visiteurs et que la pièce où se déroule la thanatopraxie soit différente de celle où vivent les proches, isolée du reste du logement.

* 152 L'article L. 4131-1 du code du travail qui prévoit que « le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d'une telle situation ».

* 153 Le modèle de compte rendu est fixé en annexe de l'arrêté du 10 mai 2017 et inclut des informations relatives au produit biocide utilisé, aux volumes de liquide ponctionné et à la procédure d'élimination des déchets d'activités de soins à risque infectieux (DASRI).

* 154 Pistes d'évolution de la règlementation des soins de conservation , Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale de l'administration, rapport établi par Jean-Paul Segade, Dominique Bellion et Jacques Fournier, juillet 2013.

* 155 Paragraphe II de l'article R. 2213-1-2 du code général des collectivités territoriales.

* 156 Ce décret prévoit que ces dispositions ne rentrent en vigueur qu'après l'approbation d'un référentiel d'authentification, qui n'est pas encore intervenue à la connaissance de votre rapporteur.

* 157 Le médecin du travail doit d'ailleurs s'assurer que les thanatopracteurs salariés respectent bien leurs obligations de vaccination (article L. 3111-4-1 du code de la santé publique).

* 158 Les produits biocides sont des substances ou des préparations destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l'action ou à les combattre, par une action chimique ou biologique.

* 159 Voir supra sur les risques pour l'homme et l'environnement de l'utilisation de ce produit chimique.

* 160 Par les ministères en charge de la santé, du travail et de l'économie.

* 161 Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, Études des alternatives potentielles au formaldéhyde en thanatopraxie , saisine n° 2014-SA-0236 rapport d'expertise collective, Comité d'experts spécialisé « valeurs sanitaires de référence », groupe de travail « Formaldéhyde et substituts », document soumis à consultation en mars 2018. Ce pré-rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.anses.fr/fr/system/files/2014-SA-0236_Rapport_expertise_collective_anapath_08-02-19.pdf

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