II. UN POINT SUR L'APPLICATION DE QUELQUES MESURES PHARES DE LA LFSS POUR 2018

Comme indiqué dans l'avant-propos de ce rapport d'information, au-delà de l'étude des comptes sociaux, le rapporteur général a souhaité mettre en lumière de façon plus qualitative l'application de plusieurs mesures de la LFSS pour 2018.

Deux mesures emblématiques de cette loi feront l'objet de cet examen : les mesures de pouvoir d'achat en faveur des actifs (article 8 de la LFSS) et l'intégration du RSI au sein du régime général (article 15).

A. OMBRES ET LUMIÈRES DES MESURES DE POUVOIR D'ACHAT DE LA LFSS POUR 2018

La réforme portée par l'article 8 de la LFSS pour 2018 a conduit à :

- supprimer, à compter du 1 er janvier 2018, les cotisations des salariés au titre de l'assurance maladie, dont le taux s'élevait alors à 0,75 % ;

- réduire de 1,45 point à compter du 1 er janvier, puis supprimer complètement à partir du 1 er octobre 2018, les contributions des salariés à l'assurance chômage, dont le taux était alors de 2,40 % sur les rémunérations en-deçà de quatre fois le plafond de la sécurité sociale ;

- réduire, dès le 1 er janvier, le taux de cotisation à la branche famille des travailleurs indépendants de 2,15 points et renforcer à la même date l'exonération dégressive de cotisation à l'assurance maladie ;

- augmenter en revanche, dès le 1 er janvier 2018, de 1,7 point le taux de la contribution sociale généralisée sur les revenus d'activité, les pensions de retraite perçues par les personnes dont le revenu fiscal de référence (RFR) du foyer dépasse un certain plafond 12 ( * ) , et les revenus du capital.

En outre, comme cela a été indiqué dans la première partie de ce rapport, l'Unedic bénéficiait d'une compensation à l'euro près par l'Acoss qui percevait, afin de financer cette mission, une fraction de TVA de 5,59 %. L'éventuel différentiel devait être assumé par les différentes branches du régime général de la sécurité sociale.

1. Des effets globalement négatifs sur le pouvoir d'achat des Français en 2018
a) Un gain net de 5,6 milliards d'euros pour les finances publiques

Le tableau ci-après récapitule l'effet constaté de ces mesures en 2018 selon les catégories de personnes.

Effet des mesures de pouvoir d'achat des actifs en 2018

(en milliards d'euros)

Mesure

Population / assiette

Montant
(pour les populations concernées)

Baisse du taux des cotisations salariales maladie

Salariés du régime général

+ 4,9

Baisse du taux des contributions salariales chômage

Salariés du régime général

+ 9,6

Baisse du taux des cotisations famille

Travailleurs indépendants

+ 1,6

Renforcement de l'exonération
de cotisations maladie

Travailleurs indépendants

+ 0,2

Mesures de compensation
pour le secteur public

Agents titulaires
de la fonction publique

+ 0,9

Hausse du taux de la CSG

- 22,8

dont sur revenus d'activité

- 16,1

dont sur revenus de remplacement (retraite et invalidité)

- 4,3

dont sur revenus du capital

- 2,4

Total

- 5,6

Source : Acoss

Paradoxalement, ces mesures de pouvoir d'achat ont donc entraîné un gain net pour les finances publiques de 5,6 milliards d'euros en 2018 .

En effet, la montée en puissance progressive en cours d'année de l'exonération des contributions salariales d'assurance chômage a permis le gain de 1,1 milliard d'euros sur les revenus d'activité .

En revanche, les pensionnés ont subi pleinement la perte de 4,3 milliards d'euros qu'a entraînée pour eux l'augmentation de la CSG .

Le rapporteur général ne disposant pas de la répartition des revenus du capital entre catégories de population, il ne lui est pas possible d'apprécier qui a payé les 2,4 milliards d'euros de CSG supplémentaires ayant frappé ces gains . Mais il est clair que les actifs en ont payé une partie et que leur gain final, s'il existe, a été limité pour la première année d'application du dispositif .

Si le dispositif va à présent réellement se traduire par une amélioration significative du pouvoir d'achat des actifs, ce qui était le but recherché, ces modalités d'entrée en vigueur complexes et l'alourdissement objectif des prélèvements obligatoires de 5,6 milliards d'euros du fait de ces mesures de « pouvoir d'achat » en 2018 ont considérablement brouillé la perception de la réforme aux yeux des Français .

Il va donc sans doute falloir du temps pour que ses effets positifs à venir soient réellement perçus par les intéressés.

b) Un dispositif déjà recalibré pour ce qui concerne les retraités

Pour ce qui concerne les retraités, le coût de ce dispositif, dénoncé dès l'origine par le Sénat, a finalement été jugé excessif par le Gouvernement lui-même - d'autant qu'il se cumulait avec le quasi-gel des pensions, à + 0,3 %, décidé pour l'année 2019.

En conséquence, il a été revu à deux reprises à l'automne dernier :

- tout d'abord, en LFSS pour 2018, en modifiant les critères de passage du seuil de RFR à partir duquel les pensionnés sont assujettis au taux supérieur , ce seuil devant désormais être franchi deux années consécutives pour que le taux maximal s'applique ( coût estimé à 300 millions d'euros ) ;

- puis, dans le cadre de l'examen de la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales, en rétablissant une tranche de revenus au sein de laquelle les pensions de retraites ou d'invalidité subissent la CSG au taux de 6,6 % : ce niveau concerne les titulaires de pensions dont le RFR (en métropole) est supérieur à 14 548 euros majorés de 3 448 euros par demi-part supplémentaire et inférieur à 22 580 euros pour la première part majorés de 6 028 euros pour chaque demi-part supplémentaire. Il s'agissait de traduire en droit les orientations du Président de la République selon lesquels les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois reviendraient à l'ancien taux de 6,6 %. Le coût de cette mesure est estimé à 1,3 milliard d'euros .

Ces différents ajustements vont dans le bon sens, même s'ils peuvent donner une impression d'improvisation.

Au bout du compte, le rapporteur général estime qu'un point d'équilibre est désormais atteint et que les retraités, très sollicités en ce début de quinquennat pour financer les mesures sociales du Gouvernement, ont à présent payé leur écot.

2. La nature plus incertaine de certains droits sociaux

L'exposé des motifs de ce qui était l'article 7 du PLFSS pour 2018 indiquait en toutes lettres que la suppression des cotisations et contributions des salariés proposée au Parlement se ferait « sans aucun impact sur les droits sociaux des intéressés ».

S'agissant de l'assurance maladie, cette suppression concernait un risque déjà largement universel , en particulier depuis l'instauration de la protection universelle d'assurance maladie (Puma) depuis 2016 : le droit à la protection n'était déjà plus lié à la qualité de cotisant, la résidence stable et régulière en France constituant un critère d'ouverture des droits.

En revanche, s'agissant de l'assurance chômage, cette suppression de fait (puis de droit depuis le 1 er janvier 2019) des contributions des salariés peut modifier la nature même de la protection . C'est ce que le rapporteur général a tenu à souligner en défendant, lors de l'examen du PLFSS pour 2019, un amendement (adopté par le Sénat puis supprimé en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale) qui rétablissait en droit l'existence des contributions des salariés à l'assurance chômage.

De fait, la réforme annoncée de l'indemnisation des personnes au chômage prévoit notamment la dégressivité à partir du septième mois du plafond d'indemnisation des salariés percevant une rémunération supérieure à 4 500 euros par mois.

On peut se demander si une telle mesure aurait été prise dans le cas où les intéressés auraient toujours personnellement cotisé, comme ils le faisaient jusqu'en septembre 2018, sur leur rémunération dans la limite de quatre fois le plafond de la sécurité sociale.

Il est en tout cas regrettable que ces potentielles conséquences n'aient pas été abordées au moment de l'examen de ces dispositions, le débat se focalisant sur la seule question du pouvoir d'achat. Pour l'avenir, il s'agit de ne pas créer de rupture de solidarité entre salariés, les mieux rémunérés pouvant considérer, in fine , qu'ils seraient mieux protégés par une assurance privée que par l'Unedic.

3. Une compensation imparfaite de la diminution des contributions des salariés à l'assurance chômage qui a pesé sur les comptes du régime général

Comme cela a été précisé supra , l'opération de compensation à l'Unedic du coût de l'exonération des contributions salariales à l'assurance chômage en 2018 s'est bien déroulée pour cet opérateur.

En revanche, cette même opération a eu un coût pour le régime général de la sécurité sociale .

En effet, l'Acoss a dû verser 9,630 milliards d'euros à ce titre à l'Unedic en 2018. Dans le même temps, elle a perçu 9,527 milliards d'euros de produit correspondant à la fraction de TVA de 5,59 % qui lui avait été attribuée pour financer cette mission.

Ce manque à gagner de 103 millions d'euros a été réparti de la façon suivante entre les différentes branches par un arrêté ministériel en date du 8 mars 2019 :

- 41 %, soit 42,2 millions d'euros, par la branche accidents du travail et maladies professionnelles ;

- 39,5 %, soit 40,7 millions d'euros, par la branche vieillesse ;

- 19,5 %, soit 20,1 millions d'euros, par la branche famille .

Seule la branche maladie a été exonérée de cet effort. Le solde pour 2018 a donc été dégradé de ces mêmes montants l'année dernière, ce qui est à la fois peu au vu des sommes en jeu et beaucoup en comparaison du déficit global du régime général et du FSV en 2018.

Ce même système ayant été reconduit en 2019 (et pouvant peut-être même être pérennisé à l'avenir) pour ce qui concerne l'intégration dans les allègements généraux des contributions patronales à la retraite complémentaire et à l'assurance chômage, il conviendra d'être particulièrement vigilant sur le calibrage des recettes de compensation accordées à l'Acoss.


* 12 Il s'agissait des retraités auparavant assujettis à la CSG au taux de 6,6 %. Au 1 er janvier 2018, le RFR à partir duquel le nouveau taux de 8,3 % s'appliquait était, en métropole, de 14 375 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 3 838 euros pour chaque demi-part supplémentaire.

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