B. UNE DILUTION DU FINANCEMENT DES CONTRATS DE RURALITÉ AU SEIN DE LA DSIL QUI MANQUE DE COHÉRENCE

1. 2018 a marqué l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité sur le programme 112

La loi de finances pour 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité sur le programme 112, transféré vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Les crédits de paiement prévus sur le programme 112 entre 2018 et 2020 servent donc uniquement à la couverture des restes à payer des engagements pris en 2017.

Alors qu'en 2017, la deuxième enveloppe de la DSIL était spécifiquement fléchée vers le financement de mesures prévues dans les contrats de ruralité, en 2018, la DSIL se compose d'une enveloppe unique, d'un montant total de 615 millions d'euros , consacrée au financement de plusieurs catégories d'opérations.

L'article 157 de la loi de finances pour 2018 prévoit que la DSIL est destinée au soutien :

- de projets d'investissement des communes et de leurs groupements à fiscalité propre s'intégrant dans l'une des « grandes priorités d'investissement » suivantes :

(a) rénovation thermique, transition énergétique et développement des énergies renouvelables ;

(b) mise aux normes et sécurisation des équipements publics ;

(c) développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou en faveur de la construction de logements ;

(d) développement du numérique et de la téléphonie mobile ;

(e) création, transformation et rénovation des bâtiments scolaires ;

(f) réalisation d'hébergements et d'équipements publics rendus nécessaires par l'accroissement du nombre d'habitants.

- des opérations visant au développement des territoires ruraux inscrites dans un contrat de ruralité.

Il avait été précisé qu'une enveloppe d'environ 45 millions d'euros au sein de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pourrait être consacrée aux engagements en matière de contrats de ruralité en 2018 .

Ce montant revêt un caractère purement indicatif et ne constituait pas un fléchage contraignant. Autrement dit, les 45 millions d'euros d'autorisations d'engagement prévus n'ont pas été réservés aux contrats de ruralité, mais sont venus abonder l'enveloppe totale de DSIL. Je me satisfais néanmoins que 194 millions d'euros aient été consacrés aux contrats en 2018.

En pratique, les préfets ont été invités à répartir l'enveloppe qui leur a été attribuée entre les catégories d'opération, « en fonction des priorités locales » 28 ( * ) . Le CGET confirme d'ailleurs que « la part de l'enveloppe unique de DSIL fléchée vers les contrats de ruralité est laissée à l'appréciation des préfets de région, en lien avec les préfets de départements ».

Ainsi, en 2018, il n'existe plus en 2018 de budget opérationnel de programme (BOP) spécifique destiné aux crédits des contrats de ruralité.

C'est précisément cette volonté de simplification administrative qui a justifié le transfert du financement des contrats de ruralité en 2018 vers la DSIL. Comme l'indique le CGET, « le transfert des crédits relatifs au financement des contrats de ruralité du programme 112 vers le programme 119 permet aux préfets de ne gérer plus qu'un seul BOP au lieu de deux ».

2. L'absence de financement dédié aux contrats de ruralité peut marquer un recul de la ruralité dans le spectre des priorités nationales

Je déplore ce transfert, qui, d'un point de vue budgétaire, manque de cohérence . En effet, la mission « Cohésion des territoires » assure le financement de dispositifs contractualisés similaires aux contrats de ruralité, en particulier les CPER (programme 112) et les contrats de ville (programme 147 « Politique de la ville »).

Le non renouvellement du financement d'engagements dédiés aux contrats de ruralité constitue donc un recul pour le programme 112 « Impulsion et coordination de l'aménagement du territoire » , censé regrouper les crédits dédiés au pilotage de la politique d'aménagement du territoire de l'État.

En outre, en 2019, la DSIL ne comprend plus d'abondement dédié aux contrats de ruralité , comme l'indique le projet annuel de performances annexé à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » : en 2019, le niveau d'AE de 2018 pour la DSIL a été reconduit, « hors l'abondement exceptionnel de 45 millions d'euros opéré l'année dernière au titre du financement des contrats de ruralité ».

Engagements DSIL entre 2017 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

570 millions d'euros ont donc été proposés au titre de la DSIL en 2019, contre 615 millions d'euros en 2018, même s'il a été précisé que « la dotation pourra toujours financer des investissements, au sein des actions prévues dans les contrats de ruralité signés localement par les préfets », comme en 2018.

Dès lors que les crédits sont fongibles au sein de l'enveloppe DSIL, le montant des crédits alloués aux contrats de ruralité n'est pas garanti. De plus, l'attribution de crédits aux contrats de ruralité s'effectue au détriment du financement d'autres types de projets par la DSIL, dans le contexte de sa diminution.

En effet, le transfert de financement des contrats du programme 112 vers la DSIL a entraîné une conséquence importante sur la gestion du contrat : la nécessité de préserver les équilibres entre les dispositifs et les territoires . La DSIL doit en effet financer, avec une enveloppe plus resserrée, à la fois les « grandes priorités nationales », les actions du dispositif « Coeur de ville » et les contrats de ruralité.

Par ailleurs, ce transfert a pu rendre plus compliqué le pilotage et le suivi national du financement des contrats de ruralité, dès lors que la gestion nationale de la DSIL est assurée par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et que le pilote national du dispositif reste le CGET. Le CGET affirme que « les deux administrations, qui ont désormais le même ministère de tutelle, s'efforcent toutefois d'articuler au mieux l'exercice de leurs responsabilités respectives et veillent à un partage étroit des données financières relatives à ces contrats ».

Surtout, cette situation constitue une régression par rapport au progrès que constituait la création de contrats de ruralités dotés d'un financement dédié . Autrement dit, l'absence de financement dédié aux contrats de ruralité marque un recul de la ruralité dans le spectre des priorités nationales.

Je déplore cette évolution et partage le constat de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF), auditionnée, selon lequel « la DSIL n'offre pas les garanties d'une enveloppe fléchée ».

En somme, les contrats de ruralité ont connu plusieurs changements dans leurs modalités de financement depuis leur création en 2017, passant d'une sous-enveloppe dédiée au sein de la DSIL en 2017 à un abondement exceptionnel au titre des contrats de ruralité de l'enveloppe unique de DSIL en 2018. Enfin, en 2019, l'enveloppe unique de DSIL ne comporte plus d'abondement spécifiquement réservé aux contrats de ruralité, marquant le risque d'une disparition du financement de ces contrats.

Crédits dédiés aux contrats de ruralité entre 2017 et 2019

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

Pro. 112

Pro. 119

Pro. 112

Pro. 119

Pro. 112

Pro. 119

Crédits prévus en PLF

AE

212,2

45

-

CP

25,5

44,2

nc*

33,4

-

Crédits exécutés

AE

145,1

193,8

-

CP

7,3

41,5

nc

-

-

* nc : non communiqué

- : montant pas encore fiabilisé au niveau national

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires


* 28 Instruction ministérielle du 7 mars 2018 relative à la DSIL 2018.

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