II. UN DÉPLOIEMENT RAPIDE DES PREMIERS CONTRATS DE RURALITÉ TÉMOIGNANT D'UNE RÉELLE ATTENTE DES TERRITOIRES RURAUX

A. UNE GESTION DÉCONCENTRÉE DES CRÉDITS DE L'ÉTAT CONSACRÉS AUX CONTRATS DE RURALITÉ

1. Une enveloppe de crédits d'État dédiée aux contrats de ruralité en 2017

Lors de l'annonce de la création des contrats de ruralité, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, avait indiqué qu'une enveloppe de 216 millions d'euros serait consacrée à ces contrats en 2017 au sein de la nouvelle dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) 6 ( * ) , enveloppe inscrite sur le programme 112.

Répartition des engagements de la dotation de soutien
à l'investissement local en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

La dotation de soutien à l'investissement local

La loi de finances pour 2016 7 ( * ) a créé une dotation budgétaire de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements à fiscalité propre, dotée de 800 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros en crédits de paiement. Elle comprenait deux enveloppes, l'une dédiée aux « investissements prioritaires », l'autre aux « bourg-centres ».

La loi de finances pour 2017 8 ( * ) a créé une dotation budgétaire de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements en métropole et dans les départements et les régions d'outre-mer. Elle a été dotée de 816 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 357 millions d'euros en crédits de paiement.

Toutefois, les modalités de répartition de cette dotation et les projets susceptibles d'être financés étaient différents de ceux retenus en 2016.

La première enveloppe de cette nouvelle DSIL était destinée à financer les projets inscrits dans les contrats conclus entre l'État et les métropoles et les grandes priorités d'investissement.

La seconde enveloppe était quant à elle dédiée au financement des opérations inscrites dans les contrats de ruralité.

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, en 2017 près du quart des engagements prévus sur la DSIL devait être consacré au financement de mesures inscrites dans des contrats de ruralité .

La loi de finances pour 2017 a ainsi inscrit ces crédits, issus du fond de soutien à l'investissement public local (FSIL), sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires » - 216 millions d'euros en autorisations d'engagement et 30 millions d'euros en crédits de paiement .

Cette avancée constituait un engagement prometteur de la part de l'État en faveur des territoires ruraux et une nouvelle impulsion pour ce programme dont les crédits étaient, jusqu'alors, en baisse régulière.

2. Une grande latitude laissée aux préfectures de région dans l'attribution de ces crédits

L'enveloppe prévisionnelle de 216 millions d'euros en autorisations d'engagement - réduite à 190 millions d'euros par une mise en réserve de crédits - a ainsi fait l'objet d'une répartition par région - et pour le département de Mayotte -, en fonction de la population des communes appréciée au 1 er janvier 2016 et situées dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants 9 ( * ) .

En amont de la signature des contrats, la circulaire du 16 septembre 2016 précitée a défini cette répartition régionale, détaillée dans le tableau ci-après.

Répartition de l'enveloppe financière consacrée
aux contrats de ruralité en 2017

(en millions d'euros)

Région

Montant d'AE

Auvergne Rhône-Alpes

22,7

Bourgogne Franche-Comté

11

Bretagne

15,8

Centre-Val de Loire

8,6

Corse

2

Grand Est

21,9

Hauts de France

16

Ile-de-France

10,2

Normandie

12,6

Nouvelle Aquitaine

17,1

Occitanie

20,4

Pays-de-la-Loire

13,8

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

9,7

Guadeloupe

1,1

Guyane

1,2

Martinique

1,4

Réunion

2,4

Mayotte

1,7

Total

189,6

Crédits pour mise en réserve de précaution et répartition régionale ultérieure

27,1

Total budgété sur le programme 112

215,7

Source : Instruction ministérielle et note technique du 24 janvier 2017 relatives au FSIL 2017

Le critère de l'unité urbaine de moins de 50 000 habitants n'a valu que pour procéder à la répartition de l'enveloppe régionale des crédits. Les modalités de répartition entre les départements ont quant à elles été établies sur décision des préfets de régions .

En effet, il revient aux préfets de région, gestionnaires de ces crédits déconcentrés, de décider des crédits alloués à chaque département et, par la suite, aux préfets de département de ceux consacrés aux contrats de ruralité.

Comme le relèvent l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) dans un récent bilan de la première année d'application des contrats de ruralité 10 ( * ) , les préfets de région ont disposé « d'un pouvoir très large d'appréciation en opportunité ».

Les critères d'attribution par département n'ont pas fait l'objet d'une transparence systématique.

D'après les informations communiquées par le CGET 11 ( * ) , certains préfets ont délégué des enveloppes identiques à chaque préfet de départements de la région , d'autres ont délégué les crédits en effectuant des pondérations en fonction du degré de ruralité des départements composant la région, ou d'autres encore ont fixé le montant des crédits attribués à chaque territoire .

« À titre d'exemples, le préfet de la région Bourgogne Franche Comté a réparti son enveloppe régionale à 60 % au prorata de la population départementale et à 40 % en fonction de la fragilité des bassins de vie, sur la base de quatre critères : fragilité de la population (taux de pauvreté, niveau de qualification, taux de familles monoparentales, taux de chômage), temps d'accès aux services de proximité et intermédiaire, potentiel fiscal, évolutions du nombre d'habitants et du nombre d'emploi. Cette répartition n'a pas donné lieu à une répartition spécifique entre grandes priorités d'investissement et contrats de ruralité dans cette région.

Le préfet d'Ile de France a maintenu le montant de l'enveloppe régionale « contrat de ruralité » en 2018 à même hauteur que celle de 2017 et a réparti cette enveloppe entre les quatre départements concernés selon le poids de la population rurale des communes situées dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants. Le préfet de la région PACA a effectué la même répartition départementale ».

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

Certains préfets de région ont fait le choix de conserver une part de l'enveloppe au niveau régional pour permettre à l'échelon régional de soutenir des projets jugés plus « structurants ».

« La deuxième enveloppe « contrats de ruralité » est notifiée aux préfectures de région qui auront ensuite à convenir des modalités de répartition dans chacun des départements , en collaboration avec les préfectures concernées. L'existence, le nombre des contrats de ruralité dont la signature est envisageable jusqu'au 30 juin 2017 ainsi que la nature de leurs plans d'actions sont à prendre en compte, tout comme les caractéristiques propres des départements (contexte socio-économique, dominante rurale du département, montants attribués en 2016, etc). (...)

Une part de l'enveloppe régionale pourra éventuellement être conservée par la préfecture de région au titre d'une « réserve » , pour des attributions d'arbitrage ou des projets particuliers, toujours dans le cadre des contrats de ruralité en vigueur dans la région, sans que cela ne porte atteinte à la rapidité de l'engagement des fonds ».

Source : instruction ministérielle et note technique du 24 janvier 2017 relatives au FSIL 2017

En somme, les modalités de répartition des engagements sont donc totalement déconcentrées et n'ont pas fait l'objet d'instruction nationale . Cette situation entraîne un manque de lisibilité pour les collectivités bénéficiaires.


* 6 Le fonds de soutien à l'investissement local créé en 2016 est renommé dotation de soutien à l'investissement local en 2017.

* 7 Article 159 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 8 Article 141 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 9 La population à prendre en compte est celle définie à l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales et les unités urbaines sont celles qui figurent sur la liste publiée par l'INSEE.

* 10 « Les contrats de ruralité, retour sur la première année d'application du dispositif », l'Assemblée des communautés de France et l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays

* 11 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

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