C. UN CONTRAT MULTITHÉMATIQUE QUE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SE SONT RAPIDEMENT APPROPRIÉ

1. Une couverture géographique hétérogène

D'après les données transmises par le CGET, au 1 er octobre 2018, 485 contrats de ruralité étaient signés ou en cours de signature.

Toutefois, d'après les données de novembre 2017, l'ADCF et l'ANPP indiquaient que la carte des porteurs de contrats de ruralité présentait quelques disparités : ainsi par exemple « 12 départements sont entièrement couverts par les contrats de ruralité (l'Allier, les Ardennes, l'Ariège, la Charente, le Gers, la Haute Marne, les Hautes Alpes, les Hautes Pyrénées, la Lozère, la Mayenne, la Vendée ou encore les Vosges), alors que des départements comme les Pyrénées Orientales ou l'Eure-et-Loir n'ont qu'un seul contrat signé ». Le Cantal est par ailleurs entièrement couvert les contrats de ruralité.

Le nombre de contrats de ruralité par département ne constitue pas en soi un indicateur pertinent pour mesurer le succès du dispositif . La multiplication du nombre de contrats par département et une couverture homogène du territoire pourraient au contraire emporter le risque d'un « saupoudrage » des crédits de l'État.

2. Des thématiques inégalement traitées

Le contrat s'articule autour de six volets mais peut, sur la base des spécificités locales, être complété par d'autres . En pratique, les porteurs du contrat ont presque systématiquement suivi la trame des six volets proposés sans en ajouter d'autres.

Les six thématiques devaient être traitées, au sein desquelles des priorisations pouvaient toutefois être effectuées. Il est donc possible d'indiquer dans le contrat les principales thématiques pour lesquelles des actions seront prioritairement engagées , comme y invitait la plaquette de présentation des contrats de ruralité produite par le CGET.

En conséquence, des thématiques ont été davantage traitées que d'autres . Le bilan-flash indique qu'en 2017, « l'essentiel des contrats porte en premier lieu sur l'accès aux services publics (maisons de santé) et la revitalisation des bourgs centres , et secondairement sur l'attractivité du territoire ». Il est précisé qu'en 2017, « la transition énergétique n'est pas présente dans 4 cas sur 6, et la mobilité dans 3 cas sur 6 ».

Les données de consommation des crédits par volet en 2017 communiquées par le CGET confirment ce constat.

Répartition par volet des crédits consommés de l'enveloppe
« contrats de ruralité » de la DSIL en 2017

(en euros)

Activité

AE

CP

Contrats de ruralité - Revitalisation des centres bourg

36 835 243

1 922 184

Contrats de ruralité - Développement des services au public

44 885 847

2 501 039

Contrats de ruralité - Usage du numérique

3 224 973

155 448

Contrats de ruralité - Transition écologique et énergétique

11 053 030

676 803

Contrats de ruralité - Cohésion sociale

20 276 666

1 027 993

Contrats de ruralité - Intervention économique

21 141 209

548 156

Contrats de ruralité - Services liés à la mobilité

7 056 718

376 573

Contrats de ruralité - Soutien à l'ingénierie

620 127

72 162

Total

145 093 813

7 280 358

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

La transition écologique et énergétique ne représente que 8 % des AE et 10 % des CP consommés , tandis que la revitalisation des centres bourgs représente environ 25 % des AE et CP consommés et le développement des services au public 31 % des AE et 26 % des CP consommés.

Les actions d'investissement dans ces secteurs nécessitent en effet des études préalables et des éléments de diagnostics des besoins sur le territoire que les collectivités territoriales n'avaient pas systématiquement engagés au moment de la signature des contrats (c'est notamment le cas en matière de transition écologique).

Au surplus, s'il a été demandé aux préfets de région d'allouer « au moins 33 % » de l'enveloppe globale de la DSIL aux priorités de l'axe « accélération de la transition écologique » du Grand plan d'investissement (c'est-à-dire les initiatives visant à réduire l'empreinte énergétique des bâtiments publics et à soutenir le développement de solutions de transport innovant et répondant aux besoins des territoires) 22 ( * ) , l'instruction ministérielle n'a pas concerné les contrats de ruralité mais les projets financés au titre des grandes priorités d'investissement (GPI).

Aussi, certains territoires ruraux ont-ils pu bénéficier de crédits DSIL au titre de cette priorité, mais les projets n'étaient pas inscrits dans les contrats de ruralité. Toutefois, d'après le CGET, « des projets de transition écologique et énergétique ont bénéficié de subvention DSIL pour 2018 au titre des contrats de ruralité, mais ce montant n'est pour l'heure pas connu ».

En somme, il s'agira donc que la prochaine génération de contrats de ruralité prenne davantage en compte les thématiques qui constituent les « parents pauvres » de la première génération des contrats, d'autant qu'il s'agit de thématiques pour lesquelles l'action au niveau local est susceptible de produire un « effet levier » déterminant.

3. Une centralisation des financements appréciée

Le contrat de ruralité permet aux intercommunalités et aux PETR de mettre en lumière leur projet de territoire et de présenter les actions qu'ils comptent mettre en oeuvre pour en assurer la traduction concrète. La construction du contrat assure également la visibilité des financements mobilisés pour chaque projet et permet d'identifier la contribution de chaque partenaire.

Le CGET a dressé un panorama des financements qui ont été mobilisés, en 2017, au sein des contrats de ruralité. En effet, la quasi-totalité des contrats mobilisent des financements autres que ceux prévus en 2017 sur le programme 112.

S'agissant des aides financières de l'État venant le plus fréquemment en complément des crédits dédiés, environ 170 millions d'euros de DETR ont été consacrés aux contrats de ruralité, ce qui constitue un montant supérieur à l'enveloppe DSIL qui y était spécifiquement dédiée.

Plusieurs opérations des contrats de ruralité sont cofinancées par des fonds et programmes européens, notamment à travers la mobilisation du FEADER. Néanmoins, la gestion de ce fonds relevant depuis 2014 de la responsabilité des régions, « il n'existe pas d'outil statistique permettant aux services de l'État d'apprécier la consommation de crédits à l'échelle des contrats de ruralité ».

Le CGET estime ainsi que tous financements de l'État confondus, plus de 425 millions d'euros ont été consacrés aux contrats de ruralité en 2017 , dont 145 millions d'euros de DSIL « enveloppe 2 » (programme 112), 52,2 millions d'euros de DSIL enveloppe « 1 » 23 ( * ) et 170,9 millions d'euros de DETR 24 ( * ) .

Pour 2018, le CGET affirme que ce sont plus de 455 millions d'euros de crédits de l'État qui ont été mobilisés sur les contrats de ruralité , soit 30 millions de plus qu'en 2017 , « auxquels s'ajoutent 116 millions d'euros des conseils régionaux, 97 millions d'euros des conseils départementaux et 112 millions d'euros de crédits européens » 25 ( * ) .

Exemples de financement par l`État d'opérations
portées par les contrats de ruralité

En 2018, la préfecture de région Nouvelle-Aquitaine a alloué au département de la Vienne 1,34 million d'euros de DSIL au titre des « Grandes priorités d'investissement » et une enveloppe de 1,42 millions d'euros pour les quatre contrats de ruralité (406 587 euros pour le contrat de ruralité du Grand Poitiers).

La préfète du département a complété le financement des opérations du contrat de ruralité du Grand Poitiers par des subventions de la part de la DSIL « Grandes priorités d'investissement » (637 825 euros, soit 47,6 % de l'enveloppe départementale DSIL  « Grandes priorités d'investissement ») et des subventions complémentaires de la DETR pour 420 882 euros. Au total, les aides d'État au contrat de ruralité du Grand Poitiers s'élèvent donc à 1,47 million d'euros.

Source : documents transmis par la préfecture de la Vienne

4. Un soutien de l'État indispensable

Sur la base d'environ 450 contrats signés en 2017, en moyenne, 320 000 euros de l'enveloppe « contrat de ruralité » de la DSIL ont été attribués à chaque contrat de ruralité 26 ( * ) .

Le financement apporté par l'État apparaît indispensable, En effet, la participation financière de l'État crée un véritable « effet levier » dans la mobilisation d'autres financements et dans l'inscription des projets aux plans d'investissements des ECPI et PETR. Comme le souligne le CGET, « le soutien financier de l'État a permis très souvent de parachever des plans de financement qui n'auraient pu l'être sans l'apport des contrats ».

Quel que soit le coût des investissements, qui peut être très variable, l'intervention financière de l'État constitue donc un réel accélérateur de projets qui auraient mis plus de temps à voir le jour ou n'auraient pu être mis en oeuvre.

En cela, les contrats de ruralité ont atteint un de leurs objectifs, celui d'accélérer la réalisation de projets utiles aux habitants et au développement local mais aussi de contribuer à la relance de l'investissement public local.

Les contrats de ruralité constituent donc un outil d'accompagnement des collectivités en milieu rural particulièrement pertinent , qui a reçu un accueil enthousiaste des élus locaux, ce qu'atteste la montée en puissance très rapide du dispositif.

Les interlocuteurs que j'ai rencontrés lors de déplacements confirment ces éléments et saluent l'existence d'un contrat dédié aux problématiques particulières de la ruralité .

Néanmoins, alors qu'il devait matérialiser un engagement financier de l'État sur plusieurs années, afin de conférer une visibilité indispensable à l'investissement local, les récentes évolutions des modes de financement des contrats et les mesures de régulation budgétaire retenues n'ont pas été à la hauteur des attentes .


* 22 Circulaire DSIL du 7 mars 2018 aux Préfets de région.

* 23 Montants communiqués par les SGAR hors Occitanie, Guadeloupe, Martinique, La Réunion et La Guyane.

* 24 Montants communiqués par les SGAR hors Occitanie, Guadeloupe, Martinique et La Réunion.

* 25 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

* 26 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

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