N° 695

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 juillet 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la qualité
des
steaks hachés distribués dans le cadre du Fonds européen d' aide
aux plus
démunis (FEAD),

Par M. Fabien GAY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot .

AVANT-PROPOS

Le 7 juin 2019 la presse révélait que des steaks hachés livrés aux associations en vue d'être distribués aux plus démunis présentaient de graves défauts de conformité à la réglementation en vigueur.

Victimes de cette livraison, les associations caritatives ont signalé ces anomalies dès qu'elles les ont constatées. Elles ont réalisé à leurs frais des analyses qui ont révélé des défauts de composition dans les produits.

À défaut d'instructions claires de l'administration, elles ont, de leur propre chef, pris la décision d'interrompre la distribution des lots concernés, afin de limiter rapidement la propagation de ces lots chez les populations les plus fragiles.

Leur professionnalisme, leur vigilance et leur réactivité doivent être salués.

Si l'enquête menée par les services de l'État a permis d'écarter tout risque sanitaire concernant ces steaks hachés, elle a confirmé la très mauvaise qualité de ces produits, notamment des excès de gras, une mauvaise qualité des tissus et des défauts dans la composition du produit.

Il n'est pas acceptable, qu'en France, des produits présentant de tels défauts de composition aient pu être distribués aux associations caritatives, alors même que ces denrées sont, en principe, particulièrement surveillées dans la mesure où elles proviennent de fonds européens.

Certes, le risque zéro n'existe pas en matière de fraudes.

Une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est en cours afin de recueillir tous les éléments disponibles pour éclairer cette affaire. Elle pourrait selon toute vraisemblance conduire à une saisine du Parquet pour soupçons de tromperie en bande organisée, délit pénal susceptible d'être puni de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 € d'amende aux termes de l'article L. 454-3 du code de la consommation. Cette peine peut être portée à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel de l'entreprise.

Certaines associations caritatives ont déjà déposé plainte auprès du procureur de Paris.

Le rôle d'une assemblée parlementaire n'est pas d'empiéter sur les enquêtes en cours ni de s'ériger en tribunal . Toutefois, sa mission est bien, lors de l'occurrence d'une crise, d'avoir une vision exhaustive des faits afin de repérer les principaux dysfonctionnements qui ont mené à cette situation.

Que l'entreprise attributaire du marché public en question ait fraudé est un élément que la justice appréciera le cas échéant. En revanche, que les administrations concernées n'aient pas pu détecter les anomalies plus en amont est une question qu'il apparaît légitime de poser.

L'objectif des travaux de la commission est de comprendre les dysfonctionnements pour que ces faits ne se reproduisent plus à l'avenir.

Si la commission a souhaité appréhender de façon globale l'ensemble des faits, c'est au profit d'une réflexion prospective sur une évolution des procédures en place afin que soient évitées des situations de même nature pouvant entraîner, à l'avenir, des conséquences potentiellement encore plus graves, notamment si elles relevaient d'une crise sanitaire.

C'était le sens de la démarche du rapporteur, qui a été acceptée par la présidente de la commission des affaires économiques.

C'est également la raison pour laquelle le rapporteur a souhaité informer de sa démarche les autorités gouvernementales ayant suivi cette affaire, à savoir la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, Mme Agnès Pannier-Runacher, ainsi que la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, Mme Christelle Dubos, en s'entretenant avec elles pour recueillir leur analyse de la situation.

En complément de deux tables rondes réunissant, d'une part, les quatre associations caritatives victimes de ces livraisons et, d'autre part, les administrations compétentes en matière de distribution de denrées du Fonds européen d'aides aux plus démunis (FEAD), le rapporteur a enfin entendu les représentants de l'attributaire du marché public en question, l'intermédiaire ayant mis en relation l'attributaire et l'industriel produisant la marchandise ainsi que le laboratoire chargé par l'administration de réaliser des analyses sur les produits du FEAD.

Il était important d'entendre l'ensemble des parties prenantes et le rapporteur salue l'effort de transparence de tous les acteurs.

Ils ont permis de faire la lumière sur une affaire complexe.

*

Le déroulé des faits de cette « affaire » peut s'énoncer de manière relativement simple.

La société Voldis a remporté l'appel d'offres du FEAD pour livrer plus de 1 436 tonnes de steaks hachés surgelés pour la somme de 5,2 M€.

Ce marché visait à la livraison de steaks hachés surgelés aux associations caritatives contenant de la viande de boeuf à 100 % avec moins de 15 % de matières grasses et un rapport collagène/protéines 1 ( * ) inférieur à 15 %.

Dans sa réponse à l'appel d'offres, la société Voldis a indiqué que les steaks hachés seraient produits par l'industriel Biernacki 2 ( * ) , opérateur disposant d'un agrément sanitaire. La société Marcel Proux (SMP), intermédiaire commissionné par les deux parties, a mis en contact les deux entreprises.

Les premières livraisons dans les entrepôts des organisations partenaires ont débuté en juillet 2018.

En novembre 2018, une première alerte relative à la qualité des steaks hachés fournis dans le cadre du FEAD avait été émise par le Secours populaire français au sujet de tâches suspectes. Les recherches avaient conclu que l'origine de ces tâches provenait de la brûlure des steaks hachés lors de l'emballage plastique de ces derniers. L'attributaire du marché public a accepté d'échanger les steaks hachés concernés.

À compter du 6 février 2019, les associations ont alerté une nouvelle fois les administrations locales et nationales compétentes de la présence d'éléments étrangers dans la viande, d'une couleur noire des steaks, de problèmes sur la qualité organoleptique de ces derniers ainsi que de taches blanches et brunes sur les produits.

FranceAgriMer contacte alors les différentes préfectures concernées pour diligenter des enquêtes.

Le 20 février, la mission des urgences sanitaires (MUS) de la direction générale de l'alimentation (DGAL) est saisie par les directions départementales de la Protection des populations de la présence de traces blanches et noirâtres sur plusieurs lots. Les premières analyses en laboratoire n'ont pas mis en évidence de risque pour la santé des consommateurs en l'absence d'agents pathogènes. Comme l'ont confirmé les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, des analyses bactériologiques réalisées sur certains échantillons montraient toutefois une mauvaise maîtrise sanitaire au niveau de la production, les seuils d'alerte toutefois restant en deçà des critères réglementaires.

En parallèle, les associations s'organisent. Outre, pour certaines d'entre elles, des dégustations qui confirment des résultats très contrastés, elles lancent mi-mars des analyses microbiologiques, chimiques et de composition des produits.

FranceAgriMer suspend ses paiements à l'entreprise Voldis le 12 mars.

Entre le 22 et le 25 mars arrivent les résultats des analyses diligentées aux frais des associations : si la présence de la bactérie E.coli demeurait, selon la DGAL, dans des proportions ne présentant pas de risque sanitaire pour les consommateurs, un problème de composition du steak haché était manifeste selon le rapport d'essais d'un laboratoire privé fourni par les banques alimentaires.

Le 28 mars, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) informe par mail l'unité d'alerte de la DGCCRF de la multiplication d'alertes par les réseaux associatifs, signalant notamment des tâches brunâtres sur les steaks hachés livrés par la société Voldis. L'information est par conséquent transmise au Service National des Enquêtes (SNE) de la DGCCRF.

En parallèle, les associations décident, de leur propre chef, de stopper la distribution de steaks hachés entre le 8 et le 12 avril.

À cette date, 457 tonnes de steaks hachés ont été distribuées aux bénéficiaires sur 1 436 tonnes livrées au total, selon la DGCS. Aucune information ne permet d'affirmer ou d'infirmer, à ce stade, que ces steaks distribués étaient porteurs d'anomalies comme celles constatées à compter du mois de février.

Le lendemain, le service national d'enquêtes (SNE) débute son investigation par une prise de contact avec la mission des urgences sanitaires (MUS) de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et avec la DGCS. Cette enquête se poursuivra entre le 11 et le 20 avril par une trentaine de prélèvements de produits présents dans les locaux des banques alimentaires répartis sur tout le territoire.

C'est en date du 13 mai que les premiers résultats du laboratoire de Montpellier de la DGCCRF tombent : la totalité des échantillons analysés présentent des « non conformités majeures » à la réglementation et au cahier des charges.

Afin de confirmer ces premiers résultats, les services de la DGCCRF ont réalisé dès le 16 mai de nouveaux prélèvements auprès des trois autres associations habilitées.

Au total, ce sont 42 prélèvements qui ont été effectués sur des lots produits entre novembre 2017 et janvier 2019. Les analyses ont porté tant sur la composition des steaks, afin de mesurer le taux de matières grasses et le rapport collagène/protéines des produits que sur une histologie de ces derniers, à savoir une analyse microscopique des lames de broyat des steaks pour détecter des matières premières interdites.

Le 3 juin, les résultats ont une nouvelle fois confirmé les non-conformités précédemment constatées.

Ces échantillons présentaient dans certains lots des excès de gras et quasi systématiquement un rapport collagène/protéines supérieur au seuil du cahier des charges.

L'histologie des produits révèle en outre une mauvaise qualité des tissus et des défauts dans la composition.

Parmi les nombreuses anomalies constatées, les échantillons contenaient entre autres des tissus osseux ou cartilagineux ainsi que du tissu épithélial, qui entoure généralement le muscle, éléments qui démontrent une découpe trop proche des os de l'animal.

Des structures végétales comme des épices ou des plantes aromatiques ont également été retrouvées de manière significative, alors que ces éléments se retrouvent généralement dans l'assaisonnement d'autres produits de type merguez ou pâtés.

Ont également été décelées des protéines extraites de végétaux, notamment du soja, alors qu'elles sont généralement utilisées comme substituts à la viande en raison de leur faible coût de production.

De nombreux échantillons témoignaient également d'un contenu en amidons en quantité significative.

Les tests ont révélé la présence dans les échantillons d'abats (dans un nombre toutefois restreint d'échantillons), de tissus lymphoïdes, tissus contenus dans les organes responsables des défenses immunitaires comme les amygdales, de glandes muqueuses qui proviennent du tube digestif de l'animal, de glandes séreuses provenant principalement de son estomac.

Enfin, est avéré le réemploi de viandes issues de la réintroduction, dans la ligne de fabrication, de viande hachées préalablement transformées mais finalement non distribuées. Cela peut provenir de la viande utilisée pour préparation à burgers. Une autre hypothèse serait que des steaks hachés fabriqués mais finalement non conditionnés en vue de la livraison parce qu'ils présentaient des défauts aient été réutilisés.

Une analyse complémentaire réalisée par FranceAgriMer donne des résultats cohérents avec ceux de la DGCCRF. Le laboratoire a identifié, en outre, « des traces de poulet dans les échantillons 3 ( * ) ».

Ces anomalies ont l'avantage de rendre la découpe plus rapide et d'ajouter à la viande des éléments de nature à réduire considérablement, pour l'industriel, le coût de la matière première.

La composition de ces produits est donc bien différente du cahier des charges et de la réglementation européenne, laquelle n'autorise en tant que matière première dans la viande hachée que les muscles qui mobilisent les différentes parties du squelette ainsi que les tissus attenants à ces muscles.

Après avoir notifié à Voldis les différentes non-conformités constatées, et avoir reçu les dirigeants de Voldis et de SMP impliqués, la DGCCRF a notifié le 4 juin la suspicion de fraude à « Food Fraud ». En outre, un signalement a été effectué par la DGCS auprès de l'Office européen de lutte contre la fraude (OLAF).

Aux termes de l'appel d'offres, la société Voldis est aujourd'hui exposée à l'obligation de remplacer les produits non conformes et de reprendre les produits encore en stock. En outre, elle doit prendre en charge les frais supplémentaires inhérents à la non-conformité des produits, supportés par les associations caritatives. Enfin, l'entreprise est passible d'une sanction de 5 % de la valeur hors taxes des denrées incriminées.

En conséquence, le 21 juin, FranceAgriMer a émis la demande de remplacement de tous les steaks hachés fournis depuis le début de l'appel d'offres à la société Voldis.

*

Cette affaire, pour scandaleuse qu'elle soit, ne doit toutefois pas jeter l'opprobre sur l'aide alimentaire, un dispositif qui apporte une aide indispensable à 5,5 millions de personnes en France.

Comme l'ont rappelé les sénateurs Arnaud Bazin et Alain Bocquet dans un rapport récent 4 ( * ) , l'aide alimentaire constitue une réponse à des enjeux de santé publique, de lutte contre la pauvreté et d'insertion sociale.

En complément des dons des particuliers et des entreprises, de l'action des communes notamment par l'intermédiaire des centres communaux d'action sociale et de l'engagement de plus de 200 000 bénévoles, le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) apporte des financements permettant l'achat de denrées alimentaires destinées aux personnes dans le besoin.

Héritier du programme européen d'aide alimentaire aux plus démunis, dispositif créé en 1987 qui reposait sur l'affectation de matières premières issues des stocks d'intervention de la politique agricole commune (PAC) à des associations caritatives afin de les distribuer aux plus démunis, le FEAD a été officiellement créé en 2014.

Le fonds est doté de 3,8 milliards d'euros sur la période 2014-2020. En France, il représente sur cette période une somme d'environ 587 millions d'euros dont 85 % de crédits européens (499 millions d'euros) et 15 % de crédits nationaux (88 millions d'euros).

Chaque année, ce sont donc en moyenne 84 millions d'euros qui sont distribués au titre du FEAD en France.

L'autorité de gestion du FEAD en France est la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Elle a pour rôle d'habiliter les associations chargées de la distribution des aides alimentaires, de définir les orientations du dispositif d'aide alimentaire, notamment en sélectionnant les denrées à distribuer, d'assurer le suivi budgétaire du fonds et de contrôler le respect des règles européennes.

La DGCS délègue l'achat de denrées à FranceAgriMer, établissement public sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

En tant qu'« organisme intermédiaire », il rédige, passe et notifie les marchés publics. Il assure ensuite le suivi des marchés et est chargé du contrôle des fournisseurs sélectionnés. Il procède au paiement du fournisseur. Pour répondre aux exigences communautaires, FranceAgriMer réalise les contrôles de service fait (CSF), outils de certification des dépenses à demander en remboursement. Enfin, il contrôle sur place les associations caritatives bénéficiaires afin, notamment, de s'assurer qu'elles respectent les règles de gestion et de distribution des denrées FEAD définies au niveau européen.

Quatre associations ont été reconnues pour recevoir des denrées FEAD en France : la Croix-Rouge française, le Secours populaire français, la Fédération française des banques alimentaires (FFBA), les Restos du Coeur.

Le FEAD leur fournit chaque année plusieurs milliers de tonnes de denrées qu'elles distribuent à travers toute la France tout comme il permet de couvrir leurs frais administratifs de transport et de stockage 5 ( * ) .

Au total, le FEAD finance actuellement 30 % des denrées alimentaires distribuées en France.

Le FEAD est complémentaire aux dons alimentaires reçus par les associations. D'une part, grâce à une liste de produits importante, il apporte une grande diversité nutritionnelle aux bénéficiaires . D'autre part, il permet aux associations d'avoir la certitude d'être livrées à une date précise des denrées qu'elles attendent, alors que les dons alimentaires sont par nature plus aléatoires.

Ces atouts font du FEAD un outil indispensable pour la réussite de la mission des associations.

Or, alors que le nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire a doublé depuis 2009, les négociations européennes sur le budget accordé au FEAD sur la période 2021-2027 laissent entendre qu'il pourrait être réduit à l'avenir. Cette décision budgétaire serait inacceptable.

Dans ce contexte difficile, il est donc particulièrement nécessaire de rappeler que l'enjeu n'est pas de démontrer qu'un système entier ne fonctionne pas, ce qui serait au reste totalement mensonger et caricatural.

Au contraire, le rapporteur s'insère dans une démarche constructive visant à améliorer les procédures actuellement en place pour garantir une efficacité irréprochable du dispositif afin, justement, d'en renforcer la pérennité.

*

À la lumière des dysfonctionnements relatifs aux lots de steaks hachés surgelés révélés dans la presse et de plusieurs heures d'auditions, plusieurs conclusions peuvent être tirées.

Quatre axes d'amélioration sont à explorer pour que de telles anomalies ne se reproduisent plus à l'avenir :

1) renforcer l'exigence des appels d'offres au profit d'une plus grande qualité et d'une meilleure traçabilité des produits ;

2) renforcer considérablement le dispositif de contrôles sanitaires et de lutte contre la fraude sur les denrées distribuées en lieu et place d'un contrôle administratif disproportionné pesant sur les associations aujourd'hui ;

3) remettre l'administration au coeur du dispositif d'alerte en cas de crise ;

4) couvrir urgemment les dépenses engagées par les associations pour faire face aux conséquences de cette affaire .

I. DES APPELS D'OFFRES À MUSCLER POUR OFFRIR UNE MEILLEURE QUALITÉ ET ASSURER UNE VÉRITABLE TRAÇABILITÉ DES DENRÉES ALIMENTAIRES

Depuis quelques années, les associations d'aide alimentaire sont confrontées à une augmentation importante du nombre d'inscrits dans leurs structures.

Selon les chiffres transmis au rapporteur 6 ( * ) , les inscriptions auraient augmenté de 6 % en 3 ans.

Dans une enquête réalisée en 2016, la FFBA explique cette inquiétante dynamique par une augmentation de la part des bénéficiaires en emploi (+ 8 points par rapport à 2014 pour atteindre le taux de 23 %) ainsi que celle des retraités (+ 4 points par rapport à 2014). Le rapporteur rappelle en outre qu'un tiers des bénéficiaires de l'aide alimentaire sont des enfants de moins de 15 ans.

Face à cette demande croissante, les associations doivent mécaniquement fournir des volumes de denrées plus importants.

Le FEAD, par le volume des appels d'offres émis, permet de répondre à cette évolution de la demande en diminuant les prix unitaires des produits et en permettant, ainsi, de fournir le maximum de denrées aux associations.

C'est ce que confirme Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale : « j'en viens aux achats en très grands volumes de produits, cette politique étant très efficace en termes de coûts. Nous savons ainsi que nous pouvons acheter du lait en grande quantité, les analyses que nous avons effectuées montrant que le lait livré est standard, qu'il est identique à celui qu'on trouve en grande distribution. Nous l'achetons à moitié prix sur certains marchés. 7 ( * ) »

Toutefois, les témoignages exprimés lors des auditions du rapporteur convergent : à partir d'un certain niveau de prix, tous les acteurs savent que la qualité ne sera pas au rendez-vous.

Selon les informations communiquées au rapporteur, le coût matière du marché public passé sur les steaks hachés se situait aux alentours de 3 € le kilogramme. S'y ajoutent ensuite les frais de transformation de l'usine, le coût du transport et la marge des intermédiaires.

Pour réaliser des marges, l'objectif des industriels est de comprimer leurs coûts au maximum, parfois de quelques centimes, les volumes significatifs du marché public permettant rapidement de transformer ces centimes en marges importantes.

L'affaire des steaks hachés n'en est qu'une illustration. Si les prix constatés (« entre 3,5 et 3,8 € selon les lots et les conditions de livraison 8 ( * ) » selon Christine Avelin, directrice générale de FranceAgriMer) n'ont pas considérablement évolué depuis quelques années, cela signifie que l'inflation a été absorbée par les industriels, qui ont, mécaniquement, dû la compenser par un moyen ou un autre afin de conserver leurs marges.

Les attributaires sont lancés dans une course à la quantité, au détriment, il faut le dénoncer, de la qualité des denrées.

La FFBA, dans son rapport annuel d'exécution du FEAD en 2017, constate d'ailleurs, à la suite de ses tests gustatifs, que « l'appréciation de la qualité gustative est globalement en baisse contrairement aux années précédentes ».

À l'heure où se pose régulièrement la question de la qualité de l'alimentation des Français, tant au plan gustatif, sanitaire que nutritionnel, cette tendance à faire passer la qualité au second plan pour les plus démunis est très inquiétante.

Sans même parler de l'importance capitale de l'éducation au goût, il n'est pas envisageable d'exclure une partie de la population des considérations sur la qualité de la nourriture.

Le double discours tendant, d'un côté, à exiger légitimement de nos agriculteurs davantage d'efforts pour mieux répondre à la demande des citoyens, tout en permettant, d'un autre côté, à des produits importés ne respectant pas les normes de production requises à France à inonder le marché français, n'est pas cohérent.

Poussé à l'extrême, ce discours prend le risque de diviser encore un peu plus la société, entre ceux qui pourront acquérir des produits français de haute qualité et, les autres, qui seront condamnés à consommer des denrées de moins bonne qualité.

À cet égard, l'affaire des steaks hachés démontre les extrêmes dérives de la croyance en la seule « montée en gamme » pour sauver notre agriculture, déjà dénoncée dans le rapport du groupe d'études Agriculture et alimentation adopté il y a quelques semaines : « prétendre vouloir sauver l'agriculture française uniquement par la montée en gamme est une illusion. Cela exclut de facto les ménages les moins aisés qui n'auront que le choix de s'approvisionner en produits importés, moins onéreux mais de moins bonne qualité 9 ( * ) . »

Il convient donc de trouver un équilibre entre des volumes permettant de répondre aux besoins des associations et un prix unitaire garantissant une qualité sans faille des produits distribués.

À ce titre, le débat sur les moyens alloués au FEAD est donc essentiel car seule une hausse des dépenses dédiées à ces achats permettra de garantir cet équilibre.

Or, ce n'est pas la tendance qui est à l'oeuvre, à l'heure où justement se repose la question de l'avenir du FEAD dans les négociations sur le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne.

Le rapporteur s'inquiète de la mesure proposée par la Commission européenne dans son projet de cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 qui vise à regrouper au sein du Fonds Social européen (FSE) différents instruments financiers, dont le FEAD. L'absence de sanctuarisation de ces fonds dédiés aux plus démunis fait planer le risque de coupes budgétaires moins visibles dont l'aide alimentaire serait victime à l'avenir.

Plus spécifiquement, le rapporteur n'estime pas que l'équilibre actuel entre les volumes et les prix retenus lors de l'émission des appels d'offres soit satisfaisant.

Si les cahiers des charges détaillent, pour certains, précisément les caractéristiques des produits concernés, il n'en demeure pas moins que le critère prix reste le facteur quasi unique permettant de choisir les attributaires finaux des marchés publics , ce que confirme Anne Bideau, directrice des activités bénévoles et de l'engagement de la Croix-Rouge française : « s ur beaucoup de produits, seul le critère de prix est pris en compte. »

Le cahier des charges sur les steaks hachés prévoyait, par exemple que les steaks hachés surgelés contiendraient de la viande de boeuf « 100 % muscle » avec un taux de matières grasses inférieur à 15 % et un rapport collagène/protéines inférieur à 15 %. Ces steaks hachés de 100 grammes par pièce devaient être emballés et marqués individuellement avec des mentions spécifiées dans le code de la consommation. Les colis livrés aux associations ne devaient pas excéder 10 kilogrammes.

Le cahier des charges spécifiait en outre qu'étaient interdits « les abats, y compris le coeur, les viandes séparées mécaniquement, les ligaments, les poils et peaux sur les viandes, les viandes avec sciures d'os, glandes, caillots de sang, hématomes, ecchymoses, abcès, noeuds lymphatiques, gros vaisseaux sanguins » ainsi que l'utilisation d'« additifs ou ingrédients issus du porc dans les produits autres que ceux à base de porc. »

Certes, les spécifications requises vont au-delà des recommandations du guide des achats publics formulées par la Direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances. Toutefois, elles n'offrent presque aucune garantie quant à la qualité du produit.

L'exemple le plus archétypal concerne la traçabilité des produits : personne ne peut aujourd'hui déterminer l'origine de la viande contenue dans les steaks hachés distribués dans le cadre du marché public incriminé.

Si, lors de son audition devant la commission des affaires économiques, la directrice générale de FranceAgriMer a pu affirmer que les produits FEAD « étaient à 81 % d'origine française, à 17 % en provenance de l'Union européenne. Les fabricants français sont donc très majoritaires avec seulement 2 % de produits importés de pays tiers à l'Union européenne » , elle a confirmé, par la suite, que ces taux s'appliquaient aux volumes des produits en fonction de la localisation de leur centre de production.

En revanche, l'opérateur ne semble pas capable de fournir avec certitude ces éléments pour l'origine des matières premières. Et pour cause : aucun élément relatif à la traçabilité des produits n'est requis dans le cahier des charges.

Sur les étiquettes, comme l'y invite la réglementation européenne, les lieux d'abattage, de découpe et d'« origine » sont indiqués.

Toutefois, tous les auditionnés, les entreprises concernées comme les administrations, ont confirmé qu'il leur était impossible de garantir que l'origine des carcasses utilisées par l'industriel était polonaise.

Ainsi, les carcasses de viandes utilisées par l'industriel Biernacki peuvent très bien être polonaises, ukrainiennes ou brésiliennes, sans qu'il ait à en rendre compte à quiconque.

Selon les personnes auditionnées par le rapporteur, la part des produits importés dans les denrées FEAD est pourtant très majoritaire.

Comment garantir une qualité exemplaire de ces produits sans même avoir suffisamment de garanties sur leur pays d'origine ?

Il apparaît donc essentiel que les appels d'offres devront à court-terme inclure des clauses relatives à la traçabilité des matières premières utilisées dans la fabrication des denrées FEAD.

Proposition : mettre en place un critère de traçabilité sur les matières premières utilisées pour produire les denrées FEAD dans les appels d'offres

L'article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim, a pour ambition de démocratiser le recours à des produits plus qualitatifs dans la restauration collective publique, notamment en favorisant le recours à des produits sous signes officiels de la qualité et de l'origine, bénéficiant de mentions valorisantes ou prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie.

La possibilité d'inclure les modes de valorisation n'est pas incompatible avec le droit de la commande publique, dès lors que les critères de sélection établis lors de la passation du marché visent également les dispositifs équivalents de l'Union européenne.

Certes, le recours à ces mentions valorisantes renchérira, in fine , le coût des produits achetés et réduira mécaniquement le volume de produits distribués.

Toutefois, en révisant les modalités d'élaboration des allotissements et en limitant le recours à ces mentions pour un nombre réduit de lots, il est tout à fait envisageable, selon le rapporteur, de limiter considérablement le surcoût et d'offrir ce type de produits aux personnes les plus démunies.

Aujourd'hui, aucun lot n'exige une quelconque mention valorisante relative à la qualité des produits.

Proposition : imposer, dans la mesure du possible, des critères de qualité sur les produits dans les appels d'offres

L'analyse des attributaires des marchés publics du FEAD révèle un fait souvent méconnu : un quasi-monopole est accordé à quelques négociants spécialisés qui ont développé une compétence unique pour gagner, à tour de rôle, voire chaque année, les lots soumis à appels d'offres par FranceAgriMer dans le cadre de ce programme européen.

La proportion des négociants dans les attributaires des marchés publics FEAD oscille entre 90 et 100 % selon les années. 10 ( * )

Dans certains cas, des intermédiaires interviennent entre le fabricant, parfois situé à l'étranger, et l'attributaire du marché public pour gérer le marché contre commissionnement. C'était le rôle de la société Marcel Proux dans le cadre des relations entre l'entreprise Voldis et l'industriel polonais Biernacki dans le cas des steaks hachés.

En d'autres termes, les marchés destinés à fournir une aide alimentaire aux plus démunis sont réservés à des traders spécialisés dans l'obtention de ce type d'appels d'offres.

Le négoce a un rôle essentiel dans de nombreuses filières alimentaires et permet d'améliorer l'appariement entre l'offre et la demande sur les marchés agricoles.

L'omniprésence des négociants parmi les attributaires de ces marchés publics s'explique par la nature des marchés qui relève non seulement de la production d'un produit alimentaire mais aussi de l'acheminement logistique de ces produits dans une multitude d'entrepôts situés partout en France à des dates très précises.

C'est ce que rappelle Christine Avelin, directrice générale de FranceAgriMer : « L'ensemble des produits achetés par FranceAgriMer avec les crédits du FEAD et les crédits nationaux sont livrés dans 350 points de livraison, ce qui représente pratiquement 17 000 livraisons en une année. Dans l'affaire des steaks hachés, les livraisons étaient effectuées dans 80 entrepôts, à raison de 7 livraisons par an dans chacun d'entre eux, soit un total de 560 livraisons. La plupart des entreprises ayant répondu à l'appel d'offres étaient donc à la fois capables de fournir des denrées alimentaires et d'assurer les livraisons, ce qui explique la nature des entreprises choisies. 11 ( * ) »

Cette situation, fort compréhensible, suscite toutefois quelques difficultés en participant au manque de traçabilité des denrées FEAD.

Les attributaires sont le plus souvent des « boîtes aux lettres » qui gèrent uniquement les obligations administratives, certes nombreuses , mais sont totalement déconnectés de la production voire de la livraison de produits aux associations.

L'entreprise Voldis, par exemple, comporte un unique employé chargé de gérer les marchés relatifs aux steaks hachés. Elle n'intervient en rien dans la production ou la livraison des produits aux associations.

Lors de son audition, l'actionnaire majoritaire de la société comme la gérante de la société Voldis ont d'ailleurs confirmé avoir été démarchés par l'intermédiaire spécialisé dans les marchés de la viande bovine, la société Marcel Proux, pour soumissionner aux appels d'offres FEAD, dans la mesure où Voldis possède une assise financière supérieure à celle de l'intermédiaire, notamment pour avancer les paiements à la livraison dans l'attente des règlements de FranceAgriMer.

Cet éloignement des attributaires de la production des denrées est un premier élément entretenant une certaine opacité sur la traçabilité des produits.

En outre, les négociants spécialisés dans ces marchés FEAD parviennent, sur certains lots, à externaliser la production dans des pays où les coûts de main d'oeuvre sont les moins élevés et où les normes appliquées diffèrent de celles appliquées en France.

Ce point est connu de longue date, comme le mentionne le rapport de gestion du FEAD 2017 de la Fédération française des banques alimentaires : « ces traders savent rechercher les fournisseurs européens les moins chers sans prise en compte des notions environnementales, traçabilité, assurance qualité, certification. »

Cela aboutit au paradoxe d'exclure des producteurs qui pourraient soumissionner mais, faute d'expérience logistique, ne s'y risquent pas, ce que rappelle Jean-Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale : « certains producteurs ne se sentent pas en capacité de maitriser à la fois la fabrication des produits et l'acheminement, ce qui les exclut de facto des appels d'offres. 12 ( * ) »

S'il apparaît difficile de remettre radicalement en cause ce schéma, il pourrait être envisagé, à des fins de plus grande transparence et pour améliorer la traçabilité des produits, notamment en recentrant l'offre sur certains producteurs français, de séparer pour certains produits les appels d'offres entre la production de denrées et la logistique .

Cette séparation serait de nature, sans créer nécessairement de surcoûts, à permettre à des producteurs français (ou européens) d'être plus compétitifs pour remporter les marchés publics.

Proposition : expérimenter la séparation des appels d'offres sur la production des denrées et la logistique de celles-ci sur certains lots

Il apparaît également nécessaire d'exiger que les attributaires des marchés publics respectent certains critères de qualité notamment au regard de leur responsabilité sociale et environnementale.

Le recours plus systématique à des normes ou des certifications permettrait, en outre, de disposer d'une arme contre les producteurs responsables de difficultés sanitaires ou de composition des produits à répétition , ce qui semble être le cas de l'industriel polonais Biernacki.

Une faute étant sanctionnée par la perte de l'accréditation, il serait dès lors possible de se doter d'une « liste noire » des producteurs présentant certains problèmes en les excluant des appels d'offres suivants tant qu'ils n'ont pas retrouvé leur accréditation.

Proposition : exiger plus systématiquement le respect par les attributaires des marchés publics de critères de responsabilité sociale et environnementale, de certification de qualité, de normes reconnues au niveau international

Comme l'a confirmé au rapporteur madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, il est nécessaire de mieux allotir les marchés publics destinés à acquérir des denrées alimentaires et à y préciser des clauses précises afin de favoriser, dans le plein respect du code des marchés publics, un approvisionnement local.

À cet égard, la jurisprudence européenne comme le code des marchés publics permettent de recourir à des critères environnementaux dans l'attribution de marchés publics. Un recours plus systématique à ces critères permettrait sans doute de sélectionner les cocontractants de FranceAgriMer en fonction de critères autres que le prix.

Proposition : préciser les appels d'offres pour mieux prendre en compte des critères environnementaux

Enfin, plusieurs associations ont fait part au rapporteur de la nécessité de recourir davantage à des contrats pluriannuels, avantageux pour le producteur en ce qu'il obtient un engagement à plus long terme comme pour les associations qui pourraient ainsi mieux lisser les dates de livraison de leurs produits.

Proposition : favoriser la conclusion de contrats pluriannuels avec les associations

La combinaison de ces propositions est de nature à redonner la main à FranceAgriMer dans le choix des attributaires des marchés publics sur des critères différents du simple « prix » , en faveur d'une meilleure traçabilité des produits, d'un approvisionnement plus local, sans susciter mécaniquement de surcoûts au détriment des volumes nécessaires aux associations.

*


* 1 Le collagène est une famille de protéines naturellement présente dans la viande. Il confère aux tissus une résistance mécanique à l'étirement. Plus le taux de collagène est élevé, moins la viande est tendre. Cette protéine n'est pas assimilable par l'organisme donc elle est inutile en termes d'apport nutritionnel. Dès lors, un taux collagène/protéines élevé signifie un apport nutritionnel faible.

* 2 Via une de ses filiales.

* 3 Contribution écrite transmise par FranceAgriMer.

* 4 Rapport d'information n° 34 (2018-2019) de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances - « Aide alimentaire : un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver ».

* 5 À hauteur de 5 % de la valeur des marchandises livrées par un forfait logistique.

* 6 Source : contribution écrite transmise par la DGCS.

* 7 Audition du 3 juillet 2019 par la commission des affaires économiques.

* 8 Audition du 3 juillet 2019 devant la commission des affaires économiques.

* 9 Rapport d'information n° 528 (2018-2019) La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? de M. Laurent Duplomb, fait au nom de la commission des affaires économiques.

* 10 La proportion était de 95 % en 2018 et de 92 % en 2019 selon les estimations transmises par FranceAgriMer (source : contribution écrite).

* 11 Audition du 3 juillet 2019 devant la commission des affaires économiques.

* 12 Audition du 3 juillet 2019 devant la commission des affaires économiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page