B. DES MOYENS JURIDIQUES ET DES MÉTHODES DE GESTION MAL ADAPTÉES

1. Un statut associatif qui ne crée pas de lien entre le siège et les stations
a) Une association « 1901 » atypique par nature

La structure associative de la SNSM est le fruit d'une évolution relativement longue. Elle débute au XIX e siècle avec la volonté des gens de mer d'organiser leur propre protection par la mise en commun de moyens matériels et humains à une échelle locale. Ces structures vont finalement aboutir à la création de plusieurs « sociétés » telles que la Société centrale de sauvetage des naufragés (SCSN) et la Société des hospitaliers sauveteurs bretons (SHSB) dont la fusion créera, en 1967, la SNSM, sous la forme d'une association relevant de la loi de 1901 29 ( * ) .

Elle sera reconnue d'utilité publique en 1970, ce qui permet notamment à ses donateurs de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu 30 ( * ) .

Plusieurs modifications des statuts sont intervenues depuis 1967 sans pour autant remettre en cause l'architecture profonde de l'association . Il s'agit d'une association « monolithique » et non d'une fédération d'associations constituée des différentes stations. La SNSM est donc une seule et unique personne morale de droit privé à laquelle appartiennent les stations et autres « moyens locaux » 31 ( * ) . Les conséquences pratiques sont nombreuses : les comptes bancaires des stations doivent être ouverts au nom de la SNSM par des mandataires, l'ensemble des dons doivent être formulés à son attention et les créances, même de niveau local, doivent être recouvrées en son seul nom également.

Contrairement à l'écrasante majorité des associations , les membres de la SNSM ne sont pas des « adhérents » puisqu'aucune cotisation n'est prévue par les statuts. Ils sont répartis dans les catégories de « membres actifs », « membres d'honneur » et « membres associés » selon des critères fixés par les statuts. Être donateur ne permet pas, en soi, d'acquérir la qualité de membre de l'association, à l'exception des donateurs ayant consenti des dons suffisamment importants pour les faire entrer dans la catégorie des « membres associés ».

Membres de la SNSM, par catégories

Membres actifs

• Les administrateurs,

• Les titulaires d'une décision individuelle de nomination par le président à des fonctions locales ou centrales : délégués, délégués adjoints et trésoriers départementaux, présidents et trésoriers des stations, patrons d'embarcations, directeurs, directeurs adjoints et trésoriers des centres de formation, chargés de fonctions ou de mission au siège,

• Les sauveteurs inscrits sur les listes d'équipage par les présidents de stations,

• Les instructeurs nommés par les directeurs de centres de formation,

• Les présidents des antennes et comités de soutien.

Membres d'honneur

Les personnes auxquelles ce titre est décerné par le conseil d'administration  en reconnaissance des services signalés qu'ils rendent ou ont rendus à l'association.

Membres associés

Les personnes physiques ou morales qui apportent annuellement une contribution financière dont le montant minimum est fixé par l'assemblée générale.

Source : Article 3 des statuts de la SNSM retraité par le Sénat

Dans les faits, les membres de la SNSM ont pour particularité d'être ou d'avoir été des gens de mer dont certains occupent ou ont occupé des fonctions éminentes au sein de la marine ou de l'administration civile en parallèle de leur engagement bénévole. Si, formellement, ils appartiennent à une association « 1901 » indépendante des administrations, les dirigeants locaux de la SNSM ont souvent une connaissance fine des institutions et, en leur qualité de marin, sont tenus pour pairs par les sauveteurs et les patrons.

La loi « 1901 » ne prescrivant aucune ossature type pour les associations entrant dans son champ, les plus grandes d'entre-elles s'inspirent souvent des formes prescrites par le code de commerce pour les sociétés. La SNSM ne fait pas exception avec une structure se rapprochant d'une société anonyme « moniste », c'est-à-dire disposant d'un conseil d'administration responsable devant l'assemblée générale des actionnaires. L'architecture institutionnelle de la SNSM est, en ce sens, relativement commune. Néanmoins, certaines stipulations favorisent une concentration excessive du pouvoir de décision.

b) Un modèle « jacobin » défavorable à l'autonomie des stations
(1) Des sauveteurs sans voix

L'organisation de la SNSM se caractérise par la grande centralisation du pouvoir de décision. Le pouvoir de nomination en est un exemple, puisqu'elles relèvent toutes, ou presque, des prérogatives du président comme le démontre le tableau ci-dessous. Seul le directeur général est nommé par le conseil d'administration... sur proposition du président.

Pouvoir de nomination du Président de la SNSM

Visa

Qualité des membres nommés

Article 3 du règlement intérieur

• bénévoles et salariés chargés de pourvoir
aux emplois de l'association

Article 3 du règlement intérieur renvoyant
à l'article 3 des statuts

• délégués, délégués adjoints et trésoriers départementaux

• présidents et trésoriers des stations

• patrons d'embarcations, directeurs,
directeurs adjoints et trésoriers des centres
de formation

• chargés de fonctions ou de mission au siège

Article 7, alinéa 2
du règlement intérieur

• inspecteurs

Article 7, alinéa 2
du règlement intérieur

• délégué à la vie associative

Source : Statuts et règlement intérieur de la SNSM retraités par le Sénat

Le seul ancrage local de la prise de décision réside dans les avis que doit prendre le président avant toute nomination. Cette garantie présente toutefois deux limites. La première est qu'en l'absence de précision au sein des statuts et du règlement intérieur, ces avis semblent revêtir la forme simple et peuvent donc ne pas être suivis. La seconde et principale est que les avis que doit recueillir le président sont formulés par des membres qu'il a lui-même préalablement nommés ou qui ont été nommés par ses prédécesseurs. Ainsi, l'article 8 « échelons locaux » du règlement intérieur précise bien que « les délégués départementaux sont nommés par le Président de l'association après avis des inspecteurs généraux concernés » alors que ces inspecteurs généraux sont eux-mêmes nommés par le président en application de l'article 3 de ce même règlement. Le constat est le même pour les présidents de stations. En application de l'article 8 précité, ils sont nommés par le Président après « consultation du délégué départemental et de l'inspecteur général concerné », que le Président a également nommés (voir tableau supra ). L'avis des membres n'entre donc jamais formellement en compte dans la nomination de leurs dirigeants locaux.

L'avis des membres locaux de l'association est également limité dans la prise de décision du siège puisque seuls certains d'entre eux détiennent un droit de vote à l'Assemblée générale qui élit et contrôle l'action du conseil d'administration. Il s'agit « du président, les membres du conseil d'administration, les membres d'honneur et des délégués des autres membres actifs. [...] les responsables départementaux de l'association [...] les présidents de stations et les directeurs de centre de formation, ou leur représentant (désigné parmi les membres actifs de la station ou centre de formation) » 32 ( * ) .

Ces membres sont extrêmement peu nombreux puisque sur les 8 000 membres actifs que compte la SNSM 33 ( * ) , seul 286 détenaient un droit de vote à l'assemblée générale de 2018 34 ( * ) . Ce chiffre est d'autant plus faible que, dans les faits, très peu d'entre eux utilisent cette prérogative. Seulement 84 suffrages ont été recueillis pour l'élection des membres renouvelables du conseil d'administration en 2018, selon le procès-verbal de l'assemblée générale 35 ( * ) . Les chiffres étaient relativement similaires lors du renouvellement partiel précédent (108 suffrages exprimés pour 321 votants potentiels) 36 ( * ) . Votre rapporteur constate donc que, au final, seulement 1% des membres de la SNSM s'expriment lors de l'assemblée générale.

Nous sommes donc loin des préconisations du Conseil d'État qui prône, pour toute association reconnue d'utilité publique, le « renforcement de la démocratie interne » 37 ( * ) au travers de la « participation exigée de toutes les catégories de membres à l'assemblée » 38 ( * ) .

Les comités et autres commissions prévus par les statuts et le règlement intérieur pour aiguiller l'action du conseil d'administration ne semblent pas non-plus le lieu privilégié de l'expression des sauveteurs puisque le « comité des bénévoles » prévu à l'article 7 du règlement intérieur n'est qu'un organe consultatif et ne dispose pas des prérogatives d'un comité de surveillance.

(2) Un « siège » hors d'atteinte

L'hyper-pouvoir du président de la SNSM et, plus généralement, du « siège » est d'autant moins compris des membres actifs que les contre-pouvoirs et moyens de mise en responsabilité semblent très limités par les statuts. Certes, le Président est élu par le conseil d'administration 39 ( * ) qui est lui-même élu par l'assemblée générale des membres 40 ( * ) . Mais n'ont de voix à l'assemblée générale, que des membres majoritairement nommés par le Président lui-même , en application de l'article 8 des statuts (voir supra ). En effet, les seuls membres de l'assemblée générale pourvus de voix délibératives qui ne sont pas nommés par le président sont les membres du conseil d'administration (qui ne seraient pas nommés par le président à un autre titre) et les membres d'honneur, qui sont nommés par le conseil d'administration. Le système est donc circulaire !

Des organes de gouvernance autoportés

Président
(mandat de 6 ans)

Conseil d'administration (mandat de 6 ans)

Élit

Nomme pour 6 ans
la plupart des membres pourvus d'une voix délibérative

Élit 24 membres sur 31

Assemblée générale

Source : Sénat

Le système prévu par les statuts et le règlement intérieur limite également la marge de manoeuvre des dirigeants locaux puisque « les délégués départementaux, les présidents de station et les directeurs de centre de formation agissent dans la limite des pouvoirs qui leurs sont consentis par le président » 41 ( * ) . Leurs prérogatives et leur légitimité ne sont donc l'émanation que d'une seule personne.

(3) Une fracture entre la base et le sommet

À l'occasion de leurs nombreux déplacements sur les côtes, la rupture entre la base et le sommet a été très nettement perçue par les membres de la mission d'information. Les sauveteurs rencontrés ont fréquemment évoqué leur incompréhension face aux décisions prises par Paris et auxquelles ils ne se sentaient pas associés, faute de pouvoir y participer directement . Une plus grande autonomie dans la gestion des moyens a souvent été évoquée.

Pour pallier l'impossible expression de l'écrasante majorité des membres actifs, des assemblées générales informelles sont organisées à l'échelle locale afin de permettre aux différents acteurs de se rencontrer et de débattre. Dépourvues d'existence dans les statuts de la SNSM, leurs éventuelles délibérations sont cependant sans effet juridique.

Cette situation est d'autant plus frustrante pour les sauveteurs que les stations concentrent des personnels dont les grandes qualités sont reconnues en dehors de la SNSM, dans leur cadre professionnel. C'est le sens d'un témoignage spontané reçu par votre rapporteur : « Je crois qu'il n'y a pas que des benêts dans les stations: dans ma station, les cadres sont constitués de Pilotes Maritimes (capitaines de 1ère classe), de capitaines de remorqueur, de patrons de pilotines, de patrons pêcheurs, d'officiers de port, etc... les plus jeunes sont formés par nos soins ou au centre national de St-Nazaire (ça coûte en temps de bénévoles et en monnaie à la station) » 42 ( * ) .

2. Une charge administrative et de recherche de financements trop lourde pour les stations

Le constat est unanime à la SNSM, aussi bien auprès des stations qu'au niveau de la base : les sauveteurs doivent consacrer beaucoup trop de temps à des tâches qui ne concernent pas le sauvetage . Les mots du Président lors de l'Assemblée générale 2019 témoignent de la prise de conscience du problème : « Il est indispensable de renforcer le soutien et l'accompagnement d'un bénévolat qui ne perdurera pas, si l'on ne sait l'aider à se concentrer sur sa mission première, cette mission qui est à l'origine même de son engagement [...] Est-il acceptable que des bénévoles qui se sont engagés pour le sauvetage aient à faire la quête sur la place publique, pour récolter les fonds qui sont nécessaires à la préservation de leur sécurité ? » 43 ( * ) .

a) Principale activité chronophage : la recherche de fonds

La première mission « parasite » dénoncée par les sauveteurs est la collecte de fonds. La majorité des ressources des stations étant constituée de dons de particuliers, les bénévoles des stations dépensent une énergie considérable à recueillir des fonds par tout moyen , qu'il s'agisse de collectes, de vente de produits dérivés, de campagnes locales ou d'organisation de manifestations festives de type « sardinade ».

Tous les bénévoles rencontrés à l'occasion des déplacements de votre mission d'information ont évoqué « [l']énergie et [le] temps consacrés à la recherche de fonds et à l'organisation de manifestations pour lever des fonds » 44 ( * ) . Ces témoignages nombreux sont souvent les mêmes et considèrent ces activités de collecte comme « du temps en moins pour l'entretien des compétences » 45 ( * ) . D'autres constatent qu'il est « difficile de demander aux sauveteurs de s'engager pour faire des sauvetages et également de rechercher des fonds » 46 ( * ) . La prédominance de cette tâche finit par altérer la vocation des sauveteurs bénévoles, comme le soulignent certaines stations : « les équipiers bénévoles veulent sauver des vies mais pas faire la manche à la sortie des supermarchés » 47 ( * ) .

b) Les nombreuses charges administratives

Le pendant de la collecte de fonds privés par les bénévoles est la recherche de subventions publiques par les présidents de stations. En effet, en application des instructions générales de la SNSM, « les présidents de stations sont chargés de solliciter les municipalités, les collectivités locales (hors régions et départements), les entreprises et les organismes locaux susceptibles de les aider » 48 ( * ) .

Là aussi, le temps passé à monter les dossiers de demande de subventions auprès de diverses collectivités est particulièrement important. Il vient s'ajouter à celui passé à de nombreuses autres tâches administratives . Les premières et les plus lourdes relèvent de la gestion des hommes et du matériel au quotidien mais d'autres sont tout aussi chronophages, telles que le recouvrement de créances. Les stations doivent parfois entreprendre des démarches auprès de marins professionnels ou plaisanciers refusant de payer les sommes dues à la SNSM au titre de prestations d'assistance, le plus souvent de remorquage. Ces sommes sont calculées sur la base d'un barème national révisé périodiquement qui détaille les types d'opération et leurs montants respectifs 49 ( * ) .

Dépourvues de prérogatives particulières, les stations doivent alors mettre en oeuvre des moyens de recouvrement assez fastidieux et qui ne sont pas très éloignés de ceux à la disposition d'un « simple » particulier 50 ( * ) . Le fait que le débiteur soit assuré ne rend pas nécessairement le recouvrement plus aisé pour la SNSM puisqu'elle ne bénéfice pas du paiement direct des assurances.

Outre l'intervention possible des Affaires maritimes du port d'immatriculation du navire secouru 51 ( * ) , les stations peuvent parfois bénéficier de l'assistance des CROSS qui mettent à leur disposition les enregistrements des échanges radio durant lesquels les équipages demandent explicitement assistance afin de fonder l'existence du contrat qui lie la SNSM avec le responsable du navire.

Un problème du même ordre se pose avec les évacuations sanitaires assurées par les canots des stations de certaines îles. L'« EvaSan », dans le jargon de la SNSM, est « une opération au cours de laquelle un moyen S.N.S.M. est utilisé comme ambulance, à la demande d'un médecin, pour transporter une personne, dont l'état nécessite des soins médicaux, de son domicile vers un centre hospitalier » 52 ( * ) . Alors que les stations des îles ne sont censées être appelées qu'en dernier recours par les services de santé via les CROSS, elles semblent l'être systématiquement faute de moyens alternatifs. Si, dans certains cas, le remboursement des stations est directement effectué par la Caisse primaire d'assurance maladie lorsqu'une convention le prévoit, « les autres stations se font rembourser par la personne transportée ou par ses proches. Il appartiendra à ces derniers d'obtenir le remboursement par leur caisse d'Assurance maladie et par leur mutuelle » 53 ( * ) . Là aussi, les stations doivent elles-mêmes entreprendre les démarches en cas de non-recouvrement spontané de la part du malade.

3. Un statut fragile pour les bénévoles et un recrutement s'effectuant de plus en plus en dehors de la communauté maritime

La mission considère que le statut précaire des sauveteurs de la SNSM n'est pas à la hauteur de leur implication dans la vie de l'association et de leur contribution à l'intérêt général.

Présents dans 250 implantations, dont 220 stations et 30 centres de formation et d'intervention, les bénévoles de la SNSM accomplissent une mission unanimement saluée par la communauté maritime et au-delà, parfois au détriment de leur vie personnelle. Si les bénévoles signent une charte d'engagement, ils ne sont par ailleurs pas adhérents de la SNSM à part entière.

Leur sens de l'engagement et leur professionnalisme permettent à la SNSM de garantir un haut niveau de maîtrise dans ces interventions. La réactivité des bénévoles , la qualité de leur formation en font un partenaire majeur pour l'État. La SNSM est ainsi en mesure d'assurer une permanence opérationnelle sur l'ensemble du littoral : ses bénévoles sont prêts à appareiller en 15 ou 20 minutes , à toute heure, sur simple appel des CROSS.

Les liens tissés entre les habitants des territoires et les sauveteurs autour des stations , espaces de convivialité et de solidarité, ont d'ailleurs permis à l'association d'être financée en grande partie par des fonds issus de la générosité du public. Cette proximité et cet ancrage territorial sont des éléments constitutifs du « modèle SNSM ».

L'institution du sauvetage en mer comme « grande cause nationale » en 2017 par le Premier ministre et la création d'une journée annuelle dédiée à cette mission ont marqué une volonté de reconnaissance de l'action des sauveteurs mais ne permettent pas d'améliorer le quotidien des sauveteurs.

Les sauveteurs ont notamment fait part de difficultés dans la conciliation de leur mission de sauvetage avec leur vie professionnelle et personnelle . Si leur disponibilité potentielle permanente participe de la qualité du service de la SNSM, elle impose une forte pression aux employés, ouvriers, cadres et chefs d'entreprises qui s'engagent pour le sauvetage en mer. Leurs familles saluent naturellement leur engagement et éprouvent une fierté légitime, même si l'engagement des sauveteurs les met parfois à rude épreuve.

L'attention de la mission a également été attirée sur l'exposition des sauveteurs à des poursuites judiciaires et sur le processus de « judiciarisation » de la société qui touche les sauveteurs de la SNSM.

La mission rappelle que la SNSM se doit de garantir la sécurité de ses équipages , par la fourniture d'équipements adaptés et par un appui direct afin de maintenir la flotte en condition opérationnelle mais elle se doit également et surtout d'apporter un soutien moral et matériel.

Lors de son audition par la mission, la direction des affaires maritimes a indiqué que le droit existant permet de répondre aux besoins de protection et d'accompagnement des sauveteurs dans les épreuves qu'ils peuvent traverser, notamment dans les plus dures, comme c'est le cas actuellement pour gérer les conséquences du drame des Sables d'Olonne. L'indemnisation au titre de la condition de collaborateur occasionnel du service public peut être mise en place à travers des protocoles transactionnels. Toutefois, l'absence de corpus juridique unifié peut laisser les sauveteurs dans l'inquiétude.

La mission a également pu constater une forte évolution dans les profils des bénévoles . Certains présidents de station parlent même d'une « crise des vocations » du fait d'un manque de personnes pouvant se libérer en journée à côté de leurs impératifs professionnels.

Déjà en 2015, le rapport conjoint des inspections CGEDD/IGAM relevait une évolution rapide de l'environnement de la SNSM et notamment un changement de profil de ses bénévoles , de moins en moins issus du milieu professionnel maritime.

La sociologie des bénévoles a changé mais leur nombre total s'est accru de 20 % depuis 2018, ce qui témoigne d'une volonté d'engagement intacte pour accomplir les sacrifices financiers et personnels que requièrent « l'école de la vie » de sauveteur.

La population historique des marins de la pêche et du commerce qui armait les canots et faisait profiter l'association de leur expérience professionnelle tend à diminuer significativement et à être remplacée par une population de bénévoles qui n'ont plus systématiquement d'expériences ni même de formation maritime . Dans certains territoires, comme les îles par exemple, le recrutement des bénévoles est plus en plus difficile.

Par ailleurs, la pression foncière sur le littoral pousse les professionnels de la mer (marins pêcheurs, ostréiculteurs) à se loger plus loin du littoral et donc à des distances incompatibles avec les délais d'intervention fixés par l'association . Ces délais d'intervention rendent impossible un recrutement de bénévoles dans les communes éloignées des ports.

A l'heure actuelle, les sauveteurs issus des professions maritimes représentent 27 % du nombre total de bénévoles . Parmi eux, 24 % sont des retraités du secteur maritime, 39 % travaillent dans la marine de commerce, 15 % dans la marine nationale, 22 % dans le secteur de la pêche.

Les sauveteurs issus des professions non maritimes représentent quant à eux 73 % du total des bénévoles de la SNSM avec 23 % de retraités, 30 % de cadres et employés du secteur privés, 7 % d'ouvriers et assimilés, 5 % exerçant des professions libérales, 6 % de militaires et policiers, 11 % de commerçants et d'artisans, 5 % d'étudiants et environ 12 % de cadres et employés de la fonction publique. Par ailleurs, 21 % du total des inscrits est sans profession.

L'âge moyen des bénévoles embarqués s'approche aujourd'hui des 50 ans, contre 24 ans pour les nageurs-sauveteurs . Il y a seulement 6 % de bénévoles ayant entre 18 et 25 ans. La majorité du vivier des bénévoles embarqués a entre 26 et 55 ans et l'ancienneté moyenne est de pratiquement 10 ans contre environ 5 ans pour les nageurs-sauveteurs. L'attention doit donc être portée sur cet enjeu majeur qu'est le renouvellement des générations.

Le Président de la SNSM a également rappelé que la jeunesse exemplaire qui s'engage sur les plages constitue un excellent vivier de recrutement pour le sauvetage embarqué.

• De moins en moins de bénévoles étant issus du milieu de la mer, la maîtrise des moyens de sauvetage en mer repose sur un effort de formation croissant, et, pour l'instant insuffisamment financé :

- de la SNSM qui a mis en place un pôle de formation ainsi qu'une stratégie visant à accroitre et adapter son offre de stages ;

- des patrons de station qui sont à la fois formateurs de terrain, tout au long de la vie de la station, et prescripteurs de stages ponctuels ;

- et des bénévoles qui y consacrent encore trop de sacrifices financiers et de temps de vie familiale.

La mission est préoccupée par l'avenir de ce modèle de bénévolat, qui constitue l'identité de la SNSM et nourrit sa force d'intervention. Elle a pris connaissance, avec une certaine inquiétude, de la récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 54 ( * ) concluant que la directive européenne sur le temps de travail 55 ( * ) s'applique aux pompiers volontaires 56 ( * ) . Retenant que le travailleur est contraint d'être physiquement présent au lieu déterminé par son employeur et de s'y tenir à sa disposition pour pouvoir immédiatement intervenir en cas de besoin, la Cour juge par ailleurs que les périodes de garde à domicile des pompiers volontaires doivent être considérées comme du temps de travail au sens de la directive 2003/88. Aussi, à ce stade, la mission ne préconise pas un rapprochement du statut des bénévoles de la SNSM avec celui des sapeurs-pompiers volontaires. Un travail juridique approfondi doit être conduit sur cette question afin d'en tirer tous les enseignements, aussi bien pour les sapeurs-pompiers volontaires français que pour les bénévoles de la SNSM.


* 29 Loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.

* 30 Article 200 du code général des impôts.

* 31 Terme employé par l'article 12 des statuts pour désigner l'ensemble des structures rattachées au siège, telles, que les stations, centres de formation, les ateliers de réparation et les antennes des comités.

* 32 Article 8 des statuts.

* 33 Chiffre mentionné par Monsieur le Président Xavier de la Gorce lors de son audition au Sénat le 10 octobre 2019.

* 34 Procès-verbal de l'assemblée générale de la SNSM du 15 juin 2018, G Proclamation des résultats du vote de renouvellement du conseil d'administration.

* 35 . Ibidem.

* 36 Procès-verbal de l'assemblée générale de la SNSM du 30 septembre 2016, 8. Résultat du vote pour l'élection des nouveaux administrateurs.

* 37 Faciliter la création et la vie des associations et fondations d'utilité publique : Nouveaux statuts, premiers recueils de jurisprudence, site internet du Conseil d'État.

* 38 Ibidem.

* 39 Article 5, alinéa 13 des statuts de la SNSM.

* 40 Article 5, alinéa 2 des statuts de la SNSM. Sur les 31 membres du Conseil d'administration, 24 sont élus par l'Assemblée générale et 7 sont nommés « par des départements ministériels, au titre des subventions publiques dont est susceptible de bénéficier l'association ».

* 41 Article 12 des statuts de la SNSM.

* 42 Témoignage anonymisé recueilli le 11 octobre 2019.

* 43 Rapport moral de l'assemblée générale de la SNSM du 18 septembre 2019, pages 3 et 4.

* 44 Réponse au questionnaire des rapporteurs par la station SNSM de Nouvelle-Calédonie.

* 45 Ibidem.

* 46 Réponse au questionnaire des rapporteurs par le pôle de formation de Saint-Nazaire.

* 47 Réponse au questionnaire des rapporteurs par la station de Saint-Malo en Ille-et-Vilaine.

* 48 Instructions générales de la SNSM, version 2019, 5.5.5. Transport sanitaire.

* 49 Décision n° 28 du Président, du 23 juin 2016 portant annexe 5.4 à l'instruction générale de la SNSM « Barème des indemnités liées à l'assistance maritime ».

* 50 Voir le 5.5.3.2. Recouvrement des frais d'intervention en mer.

* 51 Ibidem.

* 52 Bilan annuel des sauveteurs en mer, année 2017, SNSM, page 36.

* 53 Instructions générales de la SNSM, version 2019, 3.4.2. Financement.

* 54 CJUE, 21 février 2018, affaire C-518/15, Ville de Nivelles contre Rudy Matzak.

* 55 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

* 56 En droit national, la loi du 20 juillet 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique précise bien que cette activité n'est pas exercée à titre professionnel.

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