C. DES CONTRAINTES CROISSANTES

1. Les besoins de formation augmentent

Dans l'absolu, le manque de formation concerne, au premier chef, les nouveaux usagers de la mer, ce qui génère un nombre d'accidents et aussi de fausses alertes en augmentation. La mission d'information s'est toutefois concentrée sur l'effort de formation des sauveteurs en mer : son objectif est de maintenir le niveau de performance exceptionnel que démontrent leurs interventions.

• Comme l'a rappelé le Président de la SNSM, la création de la direction de la formation, en 2009, dotée d'un Pôle National de Formation (PNF) à Saint-Nazaire a constitué une mesure phare pour faire face à la diversification du vivier de recrutement des bénévoles, moins issus des professions maritimes qu'ils ne l'étaient par le passé.

- Le Pôle de Saint-Nazaire (PNF) dispense les formations de niveau II et III . Il est équipé d'un simulateur de navigation et de conduite des opérations ainsi que de moyens nautiques propres financés grâce au soutien de la fondation Total. 80 formateurs bénévoles expérimentés, issus des stations et des CFI, associés à une équipe de salariés, élaborent les référentiels de qualification, et coordonnent les stages. En 2018, le PNF a organisé 47 stages pour 623 personnes.

- Le niveau I est enseigné dans les stations de sauvetage et les 32 centres de formation et d'intervention (CFI) . La principale mission de ces derniers est de former les nageurs-sauveteurs - 2 000 par an en moyenne dont 500 nouveaux - ayant vocation à être affectés dans les postes de secours de plages, sous la responsabilité des maires des communes du littoral.

Les CFI sont également en charge d'une partie de la formation des sauveteurs embarqués des stations, principalement pour les modules de secourisme : 964 canotiers ont ainsi été formés en 2018.

Aperçu des différents niveaux de formation 57 ( * )

Les formations de niveau I offrent des bases aux sauveteurs embarqués (équipiers, premiers secours, permis bateau, techniques individuelles de survie, Certificat restreint de radiotéléphoniste, par exemple) et aux nageurs-sauveteurs (permis bateau, Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique, Surveillance et sauvetage aquatique mention pilotage...).

Le niveau II concerne tout d'abord les formations avancées pour les sauveteurs embarqués :

- les patrons d'équipage à la navigation opérationnelle (stage NavOps) et au sauvetage (Search and Rescue - Stage OpéSAR) ;

- les nageurs de bord et les plongeurs.

Ce niveau II comprend aussi des formations spécialisées pour les nageurs-sauveteurs, chefs de postes et de secteurs, portant sur la surveillance des côtes dangereuses avec de forts vents et courants. Des formations de deuxième niveau au pilotage de semi-rigides et de marine-jets sont également organisées.

Le niveau III recouvre la formation des formateurs avec des modules communs et spécialisés.

• Depuis l'an dernier, la SNSM a décidé de déployer un plan de formation en trois phases.

L'année 2018 a été consacrée au recrutement et à la consolidation des salariés de la direction nationale de la formation pour renforcer les équipes de formateurs bénévoles qui restent au coeur du dispositif.

Avant l'extension définitive des locaux, deux salles de cours temporaires ont été ajoutées au Pôle national de formation (PNF) pour doubler, dès 2019, l'offre de formation existante, conformément aux besoins exprimés par les patrons de station. La mise en ligne d'une plateforme d'enseignement à distance doit permettre de préparer et de compléter les formations présentielles.

En 2021 et 2022, c'est-à-dire deux à trois ans avant la mise en service des nouveaux moyens de sauvetage, les équipages seront invités à suivre un ensemble modules proposés par la direction nationale de la formation : ces enseignements portent principalement sur la Technique Individuelle de Survie (TIS), la Formation à la Lutte de Base contre l'Incendie (FBLI), la navigation opérationnelle (NavOps). Lors de la mise en service des nouveaux navires, un stage de prise en main sera proposé. Trois formateurs permanents supplémentaires et une personne en charge de l'administration et du suivi des stages seront recrutés pour faire face à la charge de travail supplémentaire induite.

De 2022 à 2023, il est prévu de former systématiquement les nouveaux sauveteurs bénévoles, dans l'année de leur engagement :

- en apportant les qualifications professionnelles requises à ceux qui n'en disposent pas ;

- et en proposant un parcours vers des fonctions opérationnelles de canotier aux bénévoles possédant déjà les diplômes de base.

Financièrement, l'effort de formation des sauveteurs embarqués implique un quasi doublement des sommes qui lui sont allouées par la SNSM pour atteindre 2,5 millions d'euros par an contre 1,4 million d'euros aujourd'hui. Le rapport des commissaires aux comptes pour l'exercice 2018 indique que cette somme est principalement financée par des ressources issues de subventions publiques (700 000 euros), de dons et legs (400 000 euros) et du mécénat (250 000 euros). Pour sa part, la formation des nageurs-sauveteurs représente 2,9 millions d'euros dans les comptes de la SNSM.

Comme l'a souligné son Président, la SNSM « ne dispose pas des fonds nécessaires pour former ses sauveteurs comme elle en a l'impérieuse obligation » ni, d'ailleurs, pour alléger la charge qui pèse de manière excessive sur les bénévoles.

• Dans le prolongement des recommandations des rapports de 2015 et 2016 précités, la SNSM a été agréée en 2018 comme organisme de formation professionnelle, ce qui ouvre la possibilité aux bénévoles de suivre certains stages dans le cadre de leur droit à la formation professionnelle ou sur leur temps libre.

Selon les témoignages recueillis par la mission, de nombreux nageurs-sauveteurs continuent de financer eux-mêmes leur stage, ce qui peut leur permettre ensuite d'accéder à des emplois saisonniers de surveillance des plages.

S'agissant des sauveteurs bénévoles embarqués, la disposition n° 4 de la Charte du Bénévolat SNSM prévoit que l'association « s'engage envers le bénévole à lui fournir les moyens, la formation et les entraînements nécessaires à l'exercice de son activité bénévole. »

• Trois principales idées et observations résument l'analyse et les recommandations de la mission en matière de formation des sauveteurs bénévoles.

Tout d'abord, la transformation progressive de la sociologie des sauveteurs en mer appelle, à l'évidence, un effort de formation accru .

L'action de la SNSM, dans ce domaine, peut s'inspirer de l'exemple britannique qui consacre des moyens très importants à la formation maritime. La mission souligne, en particulier, l'utilité des camions de formation mobiles qui vont au plus près du terrain.

Il convient cependant de souligner la valeur inestimable du trésor de savoir-faire que transmettent les marins et les plongeurs expérimentés dans les stations . La mission rend ici hommage avec émotion à la pertinence des témoignages selon lesquels rien ne remplace l'expérience en mer par gros temps : les jeunes sauveteurs, avant d'affronter des conditions extrêmes, doivent d'abord s'aguerrir en se « formant sur le tas » et  « au chevet » des personnes ainsi que des navires secourus, un peu comme les futurs médecins dont la formation est efficace.

On peut également faire observer que le déclin de la proportion d'anciens professionnels de la mer dans les effectifs de bénévoles est pour partie imputable à la cherté du logement et au coût du foncier sur une grande partie du littoral. Les anciens marins et pêcheurs contraints de s'éloigner des côtes faute de pouvoir d'achat suffisant ne peuvent pas satisfaire la condition sine qua non du bénévole embarqué : atteindre les embarcations en 15 minutes. Ils peuvent cependant apporter leur contribution au sauvetage en mer, par exemple comme formateurs. Sur ce plan, la mission appelle les intervenants du secteur du logement situé sur le littoral à prendre en compte cette réalité et à saisir toutes les occasions propices à faciliter l'engagement bénévole des professionnels de la mer.

En second lieu, le financement de ces besoins de formation croissants et du renouvellement de la flotte est le pilier fondamental de la pérennisation de notre modèle de sauvetage en mer .

Enfin, les visites de terrain soulignent deux nécessités :

- faciliter l'accès des bénévoles à la formation en minimisant les sacrifices qu'ils consentent sur leurs congés et leur budget personnel ;

- et valider les acquis de leur expérience à un juste niveau, tout en s'efforçant d'expliquer aux praticiens chevronnés que la logique parfois un peu trop administrative de la formation peut, par exemple, conduire à demander d'effectuer un stage de plongée à un professionnel qui en compte des milliers à son actif. De plus, dans un certain nombre de cas, après avoir exprimé des réticences initiales, le stagiaire aguerri reconnait finalement l'utilité de sa formation qui peut lui faire découvrir de nouvelles techniques dans un domaine très spécialisé.

2. La flotte doit être entretenue et renouvelée

Le vieillissement de la flotte de sauvetage, accéléré par une utilisation intensive résultant de la croissance du nombre d'interventions, ainsi que la nécessité primordiale de garantir la sécurité des sauveteurs bénévoles, impose un effort d'entretien et surtout de renouvellement des navires. Cet objectif mobilise l'essentiel des ressources de la SNSM et des stations : malgré la compression des autres dépenses, le financement de la modernisation des équipements est loin d'être à la hauteur des besoins.

• Le renouvellement partiel de la flotte de sauvetage vient d'être enclenché, avec un contrat signé le 17 octobre 2019 entre la SNSM et l'entreprise Couach, qui comporte deux volets :

- un engagement ferme de l'ordre de 25 millions d'euros pour la fourniture de 35 navires sur cinq ans ;

- auquel s'ajoute une seconde tranche optionnelle du même montant, pour le même nombre de navires et également sur cinq ans.

Ce contrat prévoit, sur 10 ans, une obligation de résultats du constructeur titulaire, avec un engagement sur les prix et les délais.

Le programme ainsi mis en oeuvre ne couvre cependant qu'environ la moitié du besoin de renouvellement de la flotte de la SNSM puisque 140 navires doivent être remplacés au cours des dix prochaines années . La limitation du nombre de navires commandés est imposée par des raisons essentiellement financières et seule la première tranche de 35 navires est a priori compatible avec la capacité de financement actuelle sur ressources et fonds propres de la SNSM.

• En ce qui concerne la procédure qui a été suivie , la SNSM, qui n'est pas soumise à la réglementation des marchés publics, a cependant appliqué une méthode de mise en concurrence qui s'en inspire. Elle a abouti à la sélection d'une entreprise française dont le chantier, implanté sur le bassin d'Arcachon depuis 1897, emploie plus de 200 personnes en incluant les entreprises sous-traitantes.

La procédure de choix de la nouvelle flotte

La SNSM indique que, plus en amont, dès 2013, une commission de la flotte et des infrastructures a été créée, composée de personnels des différents départements centraux ainsi que des représentants des stations, CFI et délégations départementales (délégués, présidents et patrons d'équipage). La SNSM précise que les ingénieurs en charge du projet, issus de la direction générale de l'armement (DGA), ont antérieurement travaillé à la mise au point de sous-marins nucléaires et d'autres navires de la flotte de la Marine nationale.

Une analyse détaillée des missions confiées à la SNSM a été entreprise, prenant en compte les évolutions des différentes pratiques de navigation et l'arrivée des nouveaux loisirs nautiques (windsurf, kitesurf, kayak de mer, etc.). Cette analyse a été complétée de celle des zones de navigation dans lesquelles interviennent les sauveteurs, en prenant en compte leurs caractéristiques physiques, de fréquentation et d'accidentalité, et également le tissu local en évaluant le recrutement potentiel de sauveteurs bénévoles et les capacités industrielles locales. Les fonctionnalités attendues des moyens de sauvetage, conçus pour les trente ou quarante prochaines années, ont été analysées en associant des patrons de stations.

Puis, un appel à candidature a été effectué auprès d'architectes navals et les architectes Neumann-Barreau ont été retenus. Une flotte homogène et standard de six navires, avec options permettant une adaptation contrôlée des navires aux caractéristiques des zones d'interventions et aux pratiques de certaines stations, a été mise au point. La SNSM disposera ainsi de deux navires hauturiers et de quatre navires côtiers.

Source : SNSM

Cette stratégie de renouvellement, qui traduit le choix de la standardisation accentuée constitue, pour la SNSM, une approche nouvelle . Historiquement, elle commandait ses moyens de sauvetage à différents chantiers, au gré de ses besoins et de ses ressources financières. Or ce modèle se heurte aujourd'hui à la nécessité de remplacer à brève échéance l'essentiel des canots tous temps (CTT) et de nombreuses vedettes en fin de vie. D'où l'idée de la SNSM de saisir cette occasion pour standardiser la flotte, en trouvant un maître d'oeuvre unique pour lui assurer une visibilité à long terme et réduire les coûts. La SNSM précise également que cette nouvelle stratégie d'achat permettra de faciliter la maintenance générale, l'approvisionnement en pièces détachées, la gestion des pannes et la conformité règlementaire.

• Votre rapporteur a bien noté que, selon les indications fournis par la SNSM, un panel de patrons aguerris a été associé à définition du renouvellement de la flotte et que leurs recommandations ont été intégrées au projet final. Il souligne la nécessité de mettre en oeuvre très concrètement, et en associant étroitement les élus concernés, les volets de sous-traitance locale et de réseau de maintenance de proximité qui semblent incorporés dans cette opération.

Il fait observer que des stratégies alternatives, plus décentralisées, de renouvellement de la flotte restent envisageables pour compléter cette première « salve » de construction de navires . La consultation plus approfondie de certaines stations particulièrement compétentes dans la construction de navires aurait d'ailleurs peut-être conduit à prendre en compte la nécessité d'une harmonisation bien avant la commande en cours.

D'autre part, le schéma actuel de financement des navires doit être pris en considération : s'il continue à obéir à la règle dite des 4/4, chaque station devra continuer de collecter et économiser, euro par euro, 25 % du coût du navire, auxquels doivent s'ajouter 25 % de la Région, 25 % du Département et 25 % de l'État. De ce fait, la capacité des stations à collecter les dons et l'intérêt porté aux dossiers maritimes par les collectivités tiendra nécessairement compte des retombées économiques pour le territoire.

Enfin, il convient de rappeler que le financement de ce projet de renouvellement de la flotte n'est, pour l'instant, pas assuré. La commande ferme qui a été signée par la SNSM porte aujourd'hui sur 35 navires pour un prix de 25 millions d'euros, ce qui laisse dans le flou le sort final :

- de la seconde tranche optionnelle de ce chantier qui concerne également 35 navires ;

- du nécessaire renouvellement de 70 autres navires ;

- et des conséquences de ces investissements lourds sur la vie et les dépenses de fonctionnement des stations.

La mission propose, face à ce défi financier, une solution de bon sens : des ressources budgétaires stables pour financer une flotte de sauvetage en mer qui représente non seulement un élément de patrimoine mais aussi une garantie de pérennisation d'un dispositif exemplaire qui fonctionne grâce à des ressources humaines bénévoles de très grande valeur. ( Cf. infra ).


* 57 Données tirées du rapport d'activité de la SNSM pour l'année 2018.

Page mise à jour le

Partager cette page