III. LES PROPOSITIONS ET RECOMMANDATIONS DE LA MISSION

A. MIEUX RECONNAÎTRE LE BÉNÉVOLAT ET SON ENGAGEMENT HUMANISTE

1. Conforter les bénévoles dans leurs missions par une meilleure reconnaissance de leur action

Le bénévolat est un fondement de la SNSM et la mission ne souhaite pas remettre en cause cet élément, auquel la grande majorité des sauveteurs est très attachée . Elle constate toutefois qu'ils ressentent un manque de reconnaissance , qu'il convient de résoudre par une addition d'actions concrètes et facilitatrices.

La reconnaissance de la Nation envers les bénévoles doit se traduire par des mesures concrètes permettant de faciliter et de sécuriser l'exercice de leurs missions, de prendre en compte le temps qu'ils y consacrent et de valider à son juste niveau l'excellence de leurs compétences professionnelles.

Les bénévoles de la SNSM rencontrés par la mission ne souhaitent pas un statut proche des pompiers volontaires. L'association a une histoire propre, construite sur 150 ans d'événements maritimes et sur des valeurs très fortes à partir de la solidarité des gens de mer, que la mission souhaite consolider.

Dans ses documents de communication, la SNSM comptabilise d'ailleurs les heures effectuées par ses sauveteurs.

Source : SNSM, L'essentiel 2018

La mission constate que ce statut de bénévole n'empêche pas l'atteinte d'un très haut niveau de qualité dans les interventions des sauveteurs, qui donnent un sentiment de grand professionnalisme. Elle formule toutefois plusieurs recommandations pour améliorer leur cadre d'intervention.

En premier lieu, la mission appelle à un travail avec les employeurs des sauveteurs. Ce travail devrait viser, d'une part, à améliorer le cadre de la disponibilité des sauveteurs pour leurs interventions et, d'autre part, à renforcer l'accès des sauveteurs à la formation , dans le cadre du droit individuel à la formation (DIF).

Lors de son audition par la mission, le directeur général de la SNSM a d'ailleurs souligné la complexité du dossier : « les employeurs de nos bénévoles salariés dépendent de l'un des treize organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Vous imaginez les difficultés auxquelles nous serions confrontés si nous devions déposer un dossier pour le financement de chacune des formations aux premiers secours, sachant en outre que l'employeur n'est pas obligé d'accepter que son salarié s'absente sur son temps de travail, sauf si une convention employeur a été signée ».

Sur ces sujets de formation et de disponibilité, la mission considère que c'est au délégué départemental de la SNSM de recenser et de faire la démarche auprès des employeurs des sauveteurs pour formaliser des conventions leur permettant d'être plus facilement détachés de leurs obligations professionnelles dès lors qu'ils sont appelés à intervenir en mer.

Plus globalement, la mission attend que l'État facilite le bénévolat.

L'accès aux congés de formation permettrait ainsi au bénévole de ne pas engager ses fonds propres ou ceux de la station d'une part et de ne pas prendre sur son temps libre d'autre part. Ce serait donc une reconnaissance pour la pérennité du modèle SNSM et une source de motivation pour les bénévoles.

La piste d'un octroi de jours de délégation pour certains cadres de la SNSM, comme les présidents de station et les patrons de canot, pourrait également être envisagée, afin de prendre en compte la spécificité du sauvetage en mer dans la communauté littorale.

La mission juge également nécessaire d'avancer sur le chemin d'une reconnaissance équivalente et d'une uniformisation des diplômes de formation entre le ministère de l'Intérieur (PSC 1, PSE1 et PSE 2), le ministère de la Santé (AFGSU1, AFGSU2, AFGSU3) et la marine marchande (Médical1, Médical2, Médical3).

En second lieu, afin de garantir la place centrale des bénévoles dans l'association, la mission considère que tous les bénévoles devraient être adhérents de l'association , par le biais d'une cotisation. Le rapport Guittet de 2016 considérait d'ailleurs l'absence d'une catégorie de membre adhérent comme un frein à l'engagement plus massif des plaisanciers. Les anciens bénévoles , qui perdent aujourd'hui la qualité de membre de la SNSM dès lors qu'ils cessent leurs actions bénévoles, devraient être plus systématiquement intégrés dans la catégorie des « membres d'honneur » ou dans une nouvelle classification qui permettrait de mieux valoriser leur contribution à l'intérêt général et leurs années de service au sein de la SNSM. La reconnaissance d'un statut spécifique pour les sauveteurs en mer au sein de l'association est d'autant plus légitime que leur formation est plus complète et contraignante que celle des maîtres-nageurs.

En troisième lieu, la mission souhaite que la collaboration avec les SDIS soit améliorée et évaluée à l'aune du principe de subsidiarité qui consiste à faire intervenir le service le mieux placé, le plus en capacité, pour répondre à l'urgence du sauvetage. Comme l'a reconnu le président de la Gorce lors de son audition par la mission, « la collaboration avec les SDIS est très inégale selon les endroits ». De même, les échanges avec les sauveteurs ont dévoilé des phénomènes de quasi-concurrence avec les SDIS, ce qui n'est évidemment pas souhaitable et fait oublier le but premier de la mission d'assistance et de sauvetage : intervenir rapidement pour sauver des vies.

Aussi, la mission appelle l'ensemble des acteurs contribuant au sauvetage en mer à mieux communiquer entre eux. La doctrine d'intervention doit être clarifiée. Pour la mission, la SNSM est aujourd'hui l'acteur le mieux placé pour intervenir rapidement en mer. La communication entre les SDIS et les CROSS devrait donc être améliorée, au service d'une meilleure adaptation de la réponse publique.

En parallèle, l'information des usagers doit être consolidée et les numéros d'urgence (196, canal 16 VHF pour les CROSS) devraient être systématiquement affichés de façon visible dans les navires de plaisance .

De même, tous les dispositifs de sensibilisation des plaisanciers doivent être soutenus, comme par exemple l'utilisation de check-lists de sécurité 58 ( * ) .

Au-delà, des actions simples et concrètes pourraient être conduites pour améliorer l'attractivité du bénévolat et renforcer la reconnaissance dont il fait l'objet. Ainsi, la mission souhaite que les heures consacrées à la SNSM par les bénévoles soient prises en compte dans le calcul de leur retraite , par exemple par l'attribution de trimestres supplémentaires par tranche d'année d'exercice, au moins 5 ou 10 ans. Les sauveteurs ont également fait part à la mission de leur souhait d'être aidés en matière de logement .

La mission appelle également à renforcer les mutualisations entre stations d'un même département , pour dégager les présidents de station de certaines tâches administratives chronophages, et à renforcer les liens de la SNSM avec les lycées maritimes pour sensibiliser les jeunes générations à l'importance de sa mission. La mise en réserve de canots et d'équipements à l'échelle départementale permettrait de pallier les problèmes d'indisponibilité des équipements.

Comme a pu le rappeler le rapporteur Didier Mandelli, « l'objectif de notre mission d'information est de nous interroger sur le modèle du sauvetage en mer : non pas nécessairement pour le remettre en cause puisque la participation des bénévoles est un pilier essentiel mais pour encourager l'État à assumer ses responsabilités avec le soutien complémentaire des collectivités locales ».

Aujourd'hui, l'un des enjeux principaux pour l'avenir de la SNSM est l'adaptation de son modèle à l'évolution de la démographie de ses bénévoles . Des actions de communication sont nécessaires pour améliorer la connaissance de la SNSM auprès du public et renforcer l'attractivité du bénévolat.

Récemment, les stations de Gravelines-Grand-Fort et de Dunkerque ont ramené sains et saufs 33 migrants dans des conditions météorologiques fortement dégradées et de nuit, en mettant à l'eau un nageur de bord. Cette intervention, comme le drame des Sables-d'Olonne, dans des conditions particulièrement dangereuses, illustre l'engagement sans faille et le courage des sauveteurs. La mission considère, par ailleurs, que la piste d'une mention « mort pour le service de la Nation », attribuable à toute personne bénévole décédée en accomplissant une mission de service public pourrait être étudiée.

2. Faciliter la vie quotidienne des bénévoles

La mission appelle le Premier ministre à prendre des engagements forts et concrets pour soutenir les sauveteurs dans le cadre du prochain comité interministériel de la mer (CIMer).

La mission a constaté un sentiment assez développé de manque de reconnaissance chez les sauveteurs . Elle estime dès lors nécessaire de mettre en place un panel de solutions « simples » pour leur faciliter la vie et améliorer leur reconnaissance.

La mission souhaite que les bénévoles soient davantage associés aux choix des équipements et que leurs contraintes et souhaits d'aménagements soient mieux pris en compte lors de la passation des marchés. En tant que premiers utilisateurs de ces équipements, la mission considère que les bénévoles doivent disposer d'un droit de regard. Le siège de la SNSM devrait par ailleurs être davantage à l'écoute des besoins des stations en terme d'équipements légers (semi-rigide, jet-ski) qui permettent des interventions plus rapides.

La mission estime nécessaire de renforcer la prise en charge des bénévoles par l'association . Une augmentation du forfait de défraiement (actuellement fixé à 20 euros par intervention) pourrait ainsi être envisagée car il permet aux stations dont les bénévoles ne souhaitent pas en bénéficier d'agglomérer des moyens qui, mis bout à bout, constituent une ressource intéressante.

La mission souligne également la nécessité de conduire un travail sur le démantèlement des navires de la SNSM , les rescapés du drame des Sables d'Olonne ayant notamment indiqué que ces navires n'étaient pas assurés et que le démantèlement du Jack Morisseau a été financé sur fonds propres.

Au-delà, la mission appelle à conduire une réflexion sur la meilleure réponse à apporter à la demande formulée par de nombreux sauveteurs de la SNSM qui souhaitent disposer de feux et d'avertisseurs sonores sur les véhicules des bénévoles opérationnels , tant voitures qu'engins à deux roues. Elle souligne la nécessité pour les bénévoles en opération d'avoir un accès libre aux parkings portuaires pour lesquels l'accès s'effectue via un badge et la lecture des plaques.

L'assermentation des patrons de canot constitue également une piste intéressante, pour les aider dans la gestion d'une fin d'opération ou lors d'une opération de sécurité.

La mission considère enfin qu'il est impératif, pour la SNSM, de soutenir les bénévoles dans la gestion des contentieux issus des opérations de sauvetage. Le siège de la SNSM devrait mieux accompagner les bénévoles visés par des procédures judiciaires pour des faits commis dans l'exercice de leurs missions.

3. Éviter un transfert supplémentaire sur les collectivités territoriales

A l'heure actuelle, les collectivités prennent en charge la surveillance des plages, les services d'incendie et de secours (SDIS) et contribuent au fonctionnement et aux investissements de la SNSM par des subventions et des soutiens en nature. L'aide des collectivités est même déterminante pour les investissements et peut représenter jusqu'à la moitié du financement (25 % par la région, 25 % par le département).

Pour la mission, dans un contexte budgétaire contraint , consécutif des baisses de dotations intervenues ces dernières années, il n'est pas envisageable de demander aux collectivités territoriales de prendre en charge une part plus importante de la mission de sauvetage en mer. Aux yeux du rapporteur, il n'est pas souhaitable de raidir l'organisation du sauvetage, qui fait déjà intervenir une pluralité d'intervenants, en transférant une responsabilité aux collectivités territoriales et en particulier aux maires, au-delà de la bande des 300 mètres.

En revanche, la mission souhaite qu'une plus grande transparence et une plus grande efficience soit recherchée par la SNSM dans ses liens avec les collectivités territoriales . Ainsi, une contractualisation des dépenses d'investissements et de fonctionnement entre les régions, les départements et la SNSM serait particulièrement souhaitable. Elle permettrait de garantir une meilleure information des élus sur les circuits financiers internes à la SNSM et les modalités de péréquation entre stations.

La mission recommande également aux collectivités territoriales d'utiliser des outils concrets , là où cela est possible , comme la mise à disposition de locaux, pour appuyer les sauveteurs en mer dans leurs missions. Les établissements portuaires font déjà de même et doivent être encouragés à poursuivre leur soutien à la SNSM. Une convention nationale pourrait être discutée et formalisée entre la SNSM, les associations d'élus et les autorités portuaires pour traduire le principe d'un soutien matériel de ces derniers à la SNSM.


* 58 Depuis 2012, un guide « Safetics la Checks-list des Marins », parrainé par le navigateur Armel Le Cléac'h, et recommandé par tous les acteurs du sauvetage en mer, est déjà utilisé par plus de 25 000 plaisanciers.

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