C. UNE COORDINATION DES TRAVAUX À ASSURER

1. Des travaux à mener sur des territoires aux espaces contraints

La géographie des territoires , tous insulaires sauf la Guyane, rend souvent leur accessibilité réduite et les réseaux de communication internes contraints. Dans certains cas, comme celui des Îles du Nord, les territoires sont même dans des situations de double voire triple insularité.

D'une part, le nombre réduit d'infrastructures de liaisons extérieures, ports ou aéroports , est une fragilité. Surtout, alors que ces dessertes peuvent également être sinistrées, leurs capacités d'accueil de marchandises ou matériaux nécessaires à la reconstruction peuvent être largement handicapées. À Saint-Martin, les capacités supérieures des infrastructures de Sint-Maarten, particulièrement le port de Philipsburg, ont été nécessaires pour garantir les approvisionnements indispensables à la reconstruction.

D'autre part, les réseaux de circulation sont souvent limités, en raison notamment de la topographie des territoires . Cela a été plusieurs fois souligné à Saint-Barthélemy où la circulation des camions et véhicules de chantier était largement contrainte et devait être organisée pour ne pas bloquer les routes. À Saint-Martin, ce problème s'est particulièrement révélé criant lors des travaux d'enfouissement des réseaux.

a) Des opérateurs parfois trop peu coordonnés

Lors de leur déplacement dans les Îles du Nord comme lors de leurs échanges et auditions, les rapporteurs ont régulièrement été interpellés sur les blocages relevés dans la conduite des travaux, particulièrement à Saint-Martin.

Si des impératifs liés à l'activité économique des territoires contraignent certains plannings de travaux - EDF soulignait notamment les périodes touristiques qui ne permettent pas des travaux d'envergure -, le principal problème relève de la coordination lacunaire des travaux, notamment au niveau de la collectivité.

Concernant la coordination des travaux, EDF soulignait que dans des territoires en reconstruction générale, les réseaux subissant des travaux sont nombreux et de différents types (télécoms, électricité, eau et assainissement, éclairage, notamment) conduisant à une « une complexité particulière (...) et une sur-sollicitation inflationniste des entreprises ».

Ainsi, les travaux semblent avoir été trop peu optimisés et la réduction de leur temps, de leur coût ou des nuisances occasionnées insuffisante. EDF soulignait que « la coordination est d'autant plus complexe que les opérateurs sont nombreux et que leurs priorités diffèrent », citant l'exemple de l'éclairage public à Saint-Martin.

Trop peu coordonnés, les travaux sur la voirie ont été nombreux et répétés, paralysant régulièrement la circulation , notamment à Marigot, alors que les itinéraires alternatifs sont rares. La collectivité de Saint-Martin a souvent été jugée trop peu capable d'assurer cette coordination entre les opérateurs et prestataires.

b) La question complexe des copropriétés

Une des faiblesses identifiées dans la reconstruction est celle des copropriétés, avec le phénomène des « dents creuses », relevé par le préfet Gustin 108 ( * ) et signalé également dans le bilan gouvernemental de 2018 109 ( * ) : il s'agit de logements laissés à l'abandon par leurs propriétaires ou mis en vente en l'état, souvent de bâtiments issus des programmes de défiscalisation, dont l'investissement est aujourd'hui amorti et dont les propriétaires ne souhaitent plus financer la rénovation.

Selon le Gouvernement, ce phénomène touche surtout les copropriétés et les lotissements privés de résidence . Celui-ci estime en outre que juridiquement, les moyens d'obliger les propriétaires à agir sont limités , relevant essentiellement des risques pour la sécurité sur la voie publique. L'île risque de conserver encore longtemps les stigmates d'Irma, alors même que ces bâtiments ne seront plus habités.

Devant la délégation, Generali signalait également ce problème considérant « des situations parfois très complexes, avec des copropriétaires qui ne se manifestaient pas, ce qui peut retarder les travaux de réparations ».

2. Une demande forte difficile à satisfaire
a) Des besoins importants en main d'oeuvre

La reconstruction des Îles du Nord a mobilisé de nombreuses entreprises du secteur de la construction, bien au-delà des entreprises initialement présentes sur le territoire. Surtout, la reconstruction a nécessité une main d'oeuvre conséquente et des flux de travailleurs extérieurs aux deux îles.

La question de l'hébergement de la main d'oeuvre et des personnes nécessaires à la reconstruction a pu faire naître une pression sur l'immobilier avec des besoins importants en matière de logement sur des territoires où les disponibilités manquaient du fait même du sinistre. La reconstruction ne doit pas déstabiliser l'économie locale et créer de tensions sur certains secteurs. Aussi, comme le souligne la collectivité de Saint-Barthélemy 110 ( * ) , en matière de logement, « pour éviter les excès consécutifs à la pénurie et à la reconstruction , un dispositif de gel des loyers provisoire , le temps nécessaire à un retour progressif à la normale, pourrait être imaginé ».

b) Des prix des matériaux à la hausse

La reconstruction et les travaux nécessaires à celle-ci a produit une forte hausse de la demande en matériels et matériaux de construction . Dans des territoires où les prix sont souvent élevés en temps normal du fait de l'éloignement et des difficultés d'approvisionnement, les situations de catastrophes naturelles sont d'autant plus tendues, de par des moyens d'approvisionnement plus limités et des demandes supérieures.

Les rapporteurs ont été interpellés sur la question de la hausse des prix , dans les Îles du Nord mais aussi en Guadeloupe à la suite des ouragans de 2017.

Selon le service de l'État chargé de l'économie, la DIECCTE de Guadeloupe, qui a effectué en 2018 un relevé des prix des matériaux , l'enquête réalisée n'a « pas révélé de surcoûts tarifaires sur ces produits » 111 ( * ) .

Le ministère des outre-mer indique avoir saisi les DIECCTE de Martinique, Guadeloupe et Guyane afin de mener des enquêtes dont les conclusions sont attendues pour la fin de l'année 2019.

Les rapporteurs appellent à poursuivre ces enquêtes sur l'évolution des prix jusqu'en 2020 et à systématiser ce suivi dans le cas de catastrophes naturelles.

Recommandation n° 6 : Assurer la surveillance de l'évolution des prix des matériaux dans les territoires dans les trois ans suivants la catastrophe majeure .

Concernant ce phénomène d'évolution des prix, il pourrait être envisagé de consentir à des aménagements fiscaux permettant de réduire le coût des matériaux nécessaires à la reconstruction.

C'était ainsi le cas en Polynésie française où des exonérations de taxes sont prévues. Ainsi, « sont admis au bénéfice de l'exonération de tous droits et taxes de douane , à l'exception de la taxe de péage portuaire et de la redevance aéroportuaire, les matériaux de construction et d'équipement importés pour le compte du Fonds d'entraide aux îles et destinés à réparer les dégâts occasionnés par des calamités naturelles » 112 ( * ) . La liste des matériaux éligibles à ces exonérations relevaient d'un arrêté du conseil des ministres.

Dans le cas des territoires relevant de l'article 73, il pourrait être procédé à des exonérations d'octroi de mer sur les matériaux d'équipement et de construction destinés à la reconstruction d'une catastrophe naturelle . Cette exonération ne devant pas nuire pour autant à la situation financière des collectivités du territoire sinistré, celle-ci devrait faire l'objet d'une compensation par l'État.

Recommandation n° 7 : Exonérer d'octroi de mer les matériaux de construction et d'équipement nécessaires à la reconstruction.

3. Une conduite complexe
a) Des besoins importants en ingénierie

La conduite de la reconstruction est une des tâches les plus complexes. La gestion et le pilotage, au-delà de l'aspect institutionnel, sont avant tout des préoccupations opérationnelles . À ce titre, si la collectivité de Saint-Barthélemy disposait des capacités pour gérer la reconstruction, la collectivité de Saint-Martin apparaissait largement défaillante en matière d'ingénierie. Le préfet Gustin 113 ( * ) considérait ainsi « c'est justement l'erreur qu'a commise Saint-Martin en voulant emboîter le pas à Saint-Barthélemy alors qu'elle n'était pas prête. Comment imaginer qu'une collectivité de 40 000 habitants soit armée pour une reconstruction de cette ampleur ! ». Cette différence de capacité opérationnelle entre les deux collectivités a également été relevée par le délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer 114 ( * ) .

Dans le cadre de la reconstruction de Saint-Martin, l'Agence française de développement a assuré cette mission d'appui en ingénierie auprès de la collectivité de Saint-Martin ; le préfet Gustin indiquait un appui de trois experts et près d'1,8 million d'euros.

Auditionné par la délégation, le directeur du département « Trois Océans » de l'AFD précisait les modalités de l'appui de l'agence à Saint-Martin. Celle-ci a ainsi dans un premier temps mobilisé ses services pour procéder à des évaluations et conseils mais aussi des financements de missions d'expertise . Une seconde phase a ensuite été engagée avec la mise en place d'un dispositif d'assistance technique multisectorielle sur 12 à 24 mois pour un montant de 1 à 1,5 million d'euros et notamment une assistance au pilotage et à la coordination auprès de la direction générale de la collectivité et un renforcement des capacités et de la structuration de la collectivité.

À ce titre, les rapporteurs ont constaté que l'AFD n'était pas nécessairement en mesure de répondre avec ses propres agents aux besoins d'urgence, devant recourir parfois à des experts ou cabinets privés. Il pourrait être constitué au sein de l'agence une équipe d'agents projetables en appui temporaire d'urgence aux collectivités .

Recommandation n° 8 : Renforcer les capacités de déploiement de l'Agence française de développement en appui de collectivités à la suite d'une catastrophe naturelle.

Les rapporteurs ont également été sensibles à la question de la solidarité entre collectivités . Le délégué interministériel Frédéric Mortier indiquait 115 ( * ) ainsi que la métropole de Lille avait pu venir en appui de la collectivité de Saint-Martin sur la question de l'eau.

Il conviendra de faciliter l'envoi par des collectivités territoriales ou par l'État d'agents compétents capables de renforcer les capacités opérationnelles de collectivités de territoires sinistrés .

Recommandation n° 9 : Permettre le déploiement rapide de fonctionnaires territoriaux ou de l'État au service des collectivités touchées par une catastrophe naturelle majeure.

b) Des procédures parfois mal adaptées

Il a régulièrement été fait état de contraintes normatives et administratives freinant la reconstruction. Si cela a déjà été relevé concernant les fonds ministériels ou européens dans le présent rapport, la question se portait essentiellement du point de vue des collectivités, particulièrement de Saint-Martin, sur les questions de marchés publics .

Le code de la commande publique 116 ( * ) prévoit déjà des dérogations aux règles des marchés publics dans des cas d'urgence particulière. Aussi, les autorités de l'État dans les Îles du Nord ont fait état, durant les déplacements de la délégation, d'une souplesse dans l'exercice de leur mission de contrôle de légalité , au titre des conditions exceptionnelles dans lesquelles les marchés ont dû être passés à la suite de l'ouragan Irma.

Dans une situation d'urgence, la facilité doit être de mise pour permettre d'enclencher une reconstruction rapide et efficace . Aussi, la demande forte a souvent été soulignée comme un gage d'appel à tous les prestataires potentiels des territoires, et donc de risque plus faible de favoritisme de tel ou tel acteur.

Pour autant, l'intensité de la reconstruction ne doit pas conduire au non-respect des principes de la commande publique , issus notamment de normes européennes.

Aussi, les rapporteurs appellent le Gouvernement à clarifier auprès des collectivités et des services territoriaux de l'État les marges de manoeuvre offertes et les dérogations possibles aux règles relatives à la commande publique. Il convient en effet d'apporter une sécurité juridique aux services et aux élus devant agir dans de telles situations. La souplesse accordée aux collectivités ne doit, le cas échéant, pas se faire sans autorisation préalable ou contrôle de l'État .

La collectivité de Saint-Martin a particulièrement regretté que ne soient pas prises, notamment par la loi, des dispositions d'urgence permettant de manière claire des dérogations plus larges.

Recommandation n° 10 : Clarifier les conditions de dérogation, sous contrôle du représentant de l'État, aux règles de la commande publique à la suite d'une catastrophe naturelle.

c) Une coopération internationale à prévoir

Les territoires ultramarins entretiennent des relations plus ou moins fortes avec leurs voisins dans les différents bassins océaniques. Si, à part la Guyane et Saint-Martin, aucun ne partage de frontière avec un État étranger, des coopérations internationales doivent être envisagées dans les réponses apportées aux catastrophes naturelles . Si cela vaut pour les dispositifs de prévention et d'alerte, comme souligné dans le volet 1 de la présente étude 117 ( * ) , la reconstruction n'échappe pas à cette nécessité. En effet, les risques naturels, notamment les séismes, les tsunamis ou les cyclones, touchent l'ensemble d'une région : la reconstruction se fait donc en même temps dans la totalité de la zone sinistrée.

Dans le cas d'Irma, la coopération internationale est apparue comme une nécessité entre Saint-Martin et Sint-Maarten , les deux parties, française et néerlandaise, de l'île.

Un accord a ainsi été, par exemple, conclu entre la France et les Pays-Bas quant à l'utilisation d'infrastructures de la partie néerlandaise, particulièrement du port de Philipsburg et de l'aéroport Princesse Juliana ou de facilités de passage ou de circulation, terrestres comme aériennes ou maritimes, au bénéfice de forces gouvernementales ou armées françaises 118 ( * ) .

Comme l'indiquait également le Gouvernement 119 ( * ) , un sommet quadripartite a ainsi été organisé le 28 juin 2018 à Paris 120 ( * ) . Cette réunion dite « Q4 » a permis d'obtenir un accord global sur plusieurs thématiques clefs : renforcement de la coopération policière, judiciaire et douanière, contrôle de l'immigration, aviation civile, flux de marchandises, trafic maritime avec l'île voisine d'Anguilla, convention fiscale, lutte contre la fraude aux prestations sociales, sécurité civile, gestion de crise et gestion des événements majeurs, traitement et valorisation des déchets et réhabilitation du lagon de Simpson Bay.

La préfecture de Saint-Martin et Saint-Barthélemy indique qu'une feuille de route de la coopération régionale a été actée lors d'une réunion dite « P4 » le 4 décembre 2018. Parmi les treize thématiques retenues, les coopérations en matière de sécurité civile, de sécurité publique, de douanes, de justice, de gestion des déchets ont été reconnues comme essentielles et stratégiques . De nouvelles pistes de coopération sur deux sujets complémentaires ont également été ouvertes en matière de santé et d'éducation.

La collectivité de Saint-Martin déplore la faible activation de cette coopération dans la durée 121 ( * ) .

4. Une reconstruction qui doit bénéficier à l'économie locale

La reconstruction d'un territoire doit être un levier de reprise économique et sociale de celui-ci après une catastrophe naturelle.

Philippe Gustin 122 ( * ) expliquait que « le tissu local n'est pas en mesure d'absorber la demande. Il y a un manque de compétences et on fait venir de la main d'oeuvre de l'extérieur ». Cependant, les rapporteurs insistent sur la nécessité de pouvoir favoriser les entreprises et main-d'oeuvre locales . La clarification demandée par les rapporteurs concernant les dérogations possibles aux règles de la commande publique doit également préciser dans quelle mesure une priorité peut être donnée aux entreprises locales.

Concernant l'emploi, l'exemple de la Polynésie française et des « chantiers de reconstruction » peut être une piste de réflexion, permettant à la fois un soutien en main-d'oeuvre et un accompagnement social.

En Polynésie, l'exemple des « chantiers de reconstruction »

La Polynésie française a mis en place un dispositif d'aide en faveur des populations sinistrées dans les cas de catastrophes naturelles, appelé « chantier de reconstruction » (CDR) 123 ( * ) .

Ce dispositif s'adresse à des personnes en situation de précarité , sans emploi ou dont l'activité professionnelle a été interrompue du fait de la catastrophe naturelle.

Les personnes souhaitant bénéficier de cette aide doivent résider sur une commune sinistrée et participer, à raison de 36 heures par semaine, à des chantiers de réhabilitation ou de reconstruction de biens privés ou publics ou de reconstruction de l'outil économique .

Recommandation n° 11 : Veiller à la capacité des entreprises locales à répondre aux commandes et garantir leur priorité dans l'accès aux commandes publiques.


* 108 Audition de Philippe Gustin, préfet de la Guadeloupe, délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le 14 novembre 2018.

* 109 Dossier de presse.

* 110 Réponses de la collectivité de Saint-Barthélemy au questionnaire des rapporteurs.

* 111 Le ministère des outre-mer indique que l'île de Saint-Barthélemy n'a pas été incluse dans le périmètre car aucune demande n'est parvenue de la collectivité.

* 112 Délibération n° 95-68 AT du 23 mai 1995 portant exonération des droits et taxes de douane applicables à certains matériaux de construction et d'équipement importés pour le compte du fonds d'entraide aux îles.

* 113 Audition de Philippe Gustin, préfet de la Guadeloupe, délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le 14 novembre 2018.

* 114 Audition de Frédéric Mortier, délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, le 2 juillet 2019.

* 115 Audition de Frédéric Mortier, délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer, le 2 juillet 2019.

* 116 Article L2122-1 du code de la commande publique.

* 117 Rapport n° 688 (2017-2018), de MM. Guillaume Arnell, Mathieu Darnaud et Mme Victoire Jasmin, sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer (volet relatif à la prévention et à la gestion de l'urgence).

* 118 Accord sous forme d'échange de notes verbales entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas relatif à la demande de soutien de la France aux autorités de Sint-Maarten suite au passage de l'ouragan Irma, signées à La Haye le 30 janvier 2018.

* 119 Dossier de presse du Gouvernement - novembre 2018.

* 120 Ce format « Q4 » réunissait les gouvernements français et néerlandais ainsi que les dirigeants de Saint-Martin et Sint-Maarten.

* 121 Réponses de la collectivité de Saint-Martin au questionnaire des rapporteurs.

* 122 Audition de Philippe Gustin, préfet de la Guadeloupe, délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le 14 novembre 2018.

* 123 Délibération n° 98-16 APF du 3 février 1998 instituant le dispositif d'allocation d'aide pouvant être mis en oeuvre en cas de sinistre lié à une calamité naturelle dit « Chantier de reconstruction » (CDR) modifiée.

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