D. VALORISER DES SOLUTIONS NATURELLES DE PROTECTION DES TERRITOIRES : L'EXEMPLE DU PROJET RESCCUE

1. Préserver les systèmes de protection côtière

Les rapporteurs se sont également intéressés aux solutions naturelles permettant d'accroître la résilience des territoires.

Entendue par la délégation 217 ( * ) , Virginie Duvat, professeure de géographie à l'Université de La Rochelle, a mis en avant le rôle des écosystèmes tropicaux comme service de protection côtière.

Celui-ci tient à leurs capacités à protéger les régions côtières, pour la plupart aménagées et urbanisées, des impacts des phénomènes naturels extrêmes et de l'élévation du niveau de la mer. Selon elle, ces écosystèmes réduisent les risques d'érosion côtière et de submersion marine et rendent également d'autres services aux sociétés humaines pour le maintien de la biodiversité, quand celle-ci s'est réduite de 25 à 50 % selon les habitats au cours des cinquante dernières années

Le service de protection côtière ne dépend, selon la chercheuse, non pas d'un écosystème, mais d'un « continuum d'écosystèmes marins et côtiers » servant à « amortir les vagues de tempête et à capturer les sédiments issus du récif corallien ou des milieux terrestres en général ». Cela assure une réduction des risques d'érosion et de submersion marine et pourrait également permettre aux écosystèmes, dans certaines conditions écologiques, de suivre le niveau d'élévation du niveau de la mer et d'ainsi continuer à assurer cette fonction de protection à travers le temps.

La chercheuse a particulièrement mis en avant le rôle des récifs coralliens, qu'elle juge les plus efficaces : selon elle, ceux-ci réduisent l'énergie des vagues de 97 % en moyenne en provoquant leur déferlement sur le front récifal et leur amortissement sur le platier récifal. Cet amortissement serait de l'ordre de 50 % sur les 150 premiers mètres de platier. Virginie Duvat estime ainsi qu' en leur absence, à l'échelle mondiale, les dégâts dus aux tempêtes seraient deux fois plus élevés . Les zones submergées augmenteraient de 69 % et les populations affectées de 81 %. Le maintien du bon état de santé des récifs coralliens permettrait, selon elle, le maintien d'une grande partie des îles des Tuamotu « au moins jusqu'à 2070, et peut-être 2100 selon le scénario de réchauffement climatique considéré ».

La chercheuse a également précisé le rôle, moindre mais non négligeable, des mangroves qui réduiraient de 31 % l'énergie et la hauteur des vagues . Enfin, les herbiers marins auraient une efficacité amortiraient en moyenne 36 % de l'énergie libérée par les vagues.

La situation des Îles du Nord après l'ouragan Irma a en outre été prise en exemple du rôle des écosystèmes. Selon Virginie Duvat, « les plages de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont été considérablement engraissées par les apports en provenance du récif corallien, qu'il s'agisse de débris coralliens ou de l'interception de sables et de débris coralliens par la végétation côtière dense ». Le gain d'altitude se serait inscrit dans une fourchette d'un à deux mètres sur les sites qui en ont le plus bénéficié. En revanche, précise la chercheuse, là où la ceinture végétale originelle avait été défrichée ou remplacée par les espèces introduites comme les cocoteraies, ce qui est le cas dans la baie orientale de Saint-Martin, la destruction de la végétation par le vent et les vagues cycloniques a été quasiment totale.

Virginie Duvat considère ainsi, concernant ces solutions naturelles, qu'« il semble d'autant plus crucial d'y prendre appui que les solutions conventionnelles d'ingénierie technique de "la défense lourde" rencontrent certaines limites ». La « défense lourde » soulève selon elle « de nombreuses autres questions relatives à la justice sociale et s'avère inadaptée dans certains contextes, notamment les milieux ruraux qui manquent généralement de moyens ainsi que les atolls où elle trouve de sérieuses limites techniques. Enfin, elle contribue à la perte de biodiversité en renforçant l'artificialisation des côtes ». La chercheuse précisait cependant la nécessité d'évaluer site par site les solutions les plus pertinentes, leur faisabilité technique et financière et leurs conditions de mise en oeuvre.

Le ministère des outre-mer 218 ( * ) considère également que la gestion de l'urbanisation des littoraux en outre-mer doit être une priorité, comme la gestion des pollutions anthropiques issues des bassins versants urbanisés qui sont sources de détérioration des écosystèmes protecteurs de la côte.

Aussi, selon le ministère, les pollutions liées aux systèmes d'assainissement défectueux ou tout simplement inexistants ainsi que les pollutions par l'activité agricole ont en effet un impact majeur. Une meilleure gestion en amont des sources de pollutions permet d'améliorer la résilience des écosystèmes qui sont aussi des milieux nourriciers importants pour les îliens.

Sur ce constat, l'État lancera une réflexion avec les acteurs de la protection de l'environnement et les collectivités locales afin de mettre en place un fonds en faveur de la préservation de la biodiversité outre-mer d'ici 2020 . Le ministère des outre-mer indique que ce fonds territorial, en lien avec les collectivités, financera annuellement des « petites initiatives » portées par des associations ou des collectivités (chantiers d'éco-volontariat) qui permettront de développer et de structurer le mouvement de préservation de l'environnement en outre-mer.

À ce sujet, le ministère des outre-mer indique 219 ( * ) de son côté que « la vulnérabilité des zones littorales est accentuée par la détérioration de l'état de santé des récifs coralliens et de leurs écosystèmes associés, mangroves et herbiers », soulignant le rôle dans la limitation de l'effet de la houle en absorbant une partie de son énergie lors des événements climatiques d'envergure. Le ministère précise que ce rôle a pu être chiffré dans un exercice de mise en valeur des services écosystémiques qu'ils rendent dans la protection côtière. Ainsi, en réduisant les dommages sur les aménagements littoraux lors des inondations et des autres événements météorologiques, ils sont sources d'importantes économies : pour l'ensemble des outre-mer français, ce chiffre s'élève à 595 millions d'euros.

2. Le projet RESCCUE

La délégation a souhaité consacrer une audition à la problématique des systèmes de protection côtière et au projet RESCCUE mené dans le Pacifique 220 ( * ) .

Comme l'expliquait Raphaël Billé, coordonnateur de projet au secrétariat de la Communauté du Pacifique le projet RESCCUE entend « protéger les écosystèmes des pressions non climatiques pour accroître leur résilience au changement climatique et celle des populations qui en dépendent, en mettant en oeuvre la gestion intégrée des zones côtières et en faisant une meilleure utilisation des outils économiques et financiers tout en renforçant les capacités locales et en favorisant les échanges d'expérience ».

Mis en oeuvre par la Communauté du Pacifique, son financement de ce projet est de 13 millions d'euros répartis avec 6,5 millions d'euros issus de l'Agence française de développement (AFD) et 2 millions d'euros accordés par le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM).

Sites pilotes du projet RESCCUE

Source : Projet RESCCUE

Le projet entend défendre une « gestion intégrée » ne distinguant pas l'aménagement terrestre de l'environnement marin voisin. Les coordonnateurs du projet soulignent le recours recherché à des financements « innovants » pour générer des financements additionnels et appuyer les actions menées.

D'un point de vue politique ou règlementaire , Jean-Baptiste Marre, coordonnateur adjoint au secrétariat de la Communauté du Pacifique indiquait que le projet a notamment contribué au développement de stratégies avec les pouvoirs publics . Dans la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, le projet a appuyé une stratégie de constitution d'un réseau d'aires protégées d'ici à 2025.

Le projet s'appuie aussi sur des changements dans les pratiques et les comportements par le biais de mécanismes économiques et financiers innovants. Ainsi, au Vanuatu et à Fidji, le projet a permis la création de fonds fiduciaires locaux à petite échelle destinés à financer diverses actions de conservation et de restauration écologique comme celles de mangroves ou de récifs coralliens au travers des contributions du secteur du tourisme.

Recommandation n° 34 : Valoriser les systèmes de protections naturels face aux risques et assurer la préservation des milieux naturels dans l'aménagement des espaces littoraux. Engager le fonds pour la biodiversité outre-mer dans des projets en faveur de la protection des territoires.


* 217 Audition autour du projet RESCCUE (Résilience des écosystèmes et des sociétés face au changement climatique), le 25 juin 2019.

* 218 Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs.

* 219 Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs.

* 220 Audition autour du projet RESCCUE (Résilience des écosystèmes et des sociétés face au changement climatique), le 25 juin 2019.

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