IV. RENFORCER LA PRÉPARATION DE LA GESTION ET DE LA RÉPONSE AUX RISQUES

A. ASSURER LA DIFFUSION D'UNE CULTURE DU RISQUE DANS LA DURÉE

1. Consolider la préparation face aux risques

En matière de préparation face aux risques, les rapporteurs rappellent l'analyse portée dans le premier volet sur l'anticipation de la gestion des crises, les moyens nécessaires à celle-ci ainsi que les processus organisationnels à établir.

À ce titre, ils reconduisent les recommandations formulées l'an passé concernant la nécessité d'une préparation collective dans les politiques de prévention des risques et l'importance d'une gestion inclusive et d'un pilotage efficace de la réponse lors des catastrophes naturelles . Ils rappellent en outre les indispensables investissements matériels à mener, particulièrement en matière de réseaux de vigilance et de systèmes d'alerte des populations que d'abris de survie par exemple.

2. Renforcer la couverture assurantielle des populations
a) Développer la couverture assurantielle outre-mer

Alors que les indemnisations des assurances ont été un levier significatif du démarrage de la reconstruction chez les particuliers et de maintien des entreprises, le développement de la couverture assurantielle outre-mer est un impératif.

Le ministère des finances considère 221 ( * ) que les améliorations apportées par la réforme « catnat » prévue pourraient rendre l'assurance multirisques habitation, qui couvre le risque « catnat », plus attractive en cela que « les particuliers et entreprises ultramarins sont par exemple susceptibles de bénéficier de garanties plus complètes, d'une plus juste fixation et modulation des franchises pour les biens situés dans les communes touchées plusieurs fois par une catastrophe naturelle et non dotées d'un PPR, dans des modalités qui ne sont pas encore arrêtées ».

Comme le rappelle cependant le ministère, l'augmentation du taux de pénétration des assurances est avant tout conditionnée par une meilleure assurabilité des biens . L'établissement de règles urbanistiques satisfaisantes et le respect de celles-ci est un préalable indispensable. Se pose ici particulièrement la question évoquée des habitations sans droit ni titre. Aussi, les préconisations des assureurs en termes de sécurité et de résilience des habitations, notamment des toitures, sont plus nombreuses.

Le fonds Barnier pourrait en outre être davantage mobilisé pour des campagnes d'information , le ministère des finances souligne en effet que l'article L. 561-3 du code de l'environnement permet de financer par le biais du fonds des campagnes de prévention sur les catastrophes naturelles, « il s'agirait ainsi de faire progresser la culture du risque ». Les rapporteurs soutiennent cette proposition.

Recommandation n° 35 : Engager des campagnes d'information et d'incitation à la souscription d'assurances habitation.

Alors que le marché de l'assurance outre-mer compte très peu d'acteurs par territoire, il conviendra de s'assurer du maintien de ceux-ci et de l'accessibilité de leurs offres.

Le coût de l'assurance peut parfois être un frein : le renforcement de la pénétration assurantielle outre-mer passera nécessairement par la disponibilité de produits abordables . La question de la franchise a également été soulignée. Aussi, il convient d'engager une réflexion sur l'éventuelle opportunité de proposer des produits « simplifiés » intégrant une assurance habitation et donc, de manière obligatoire, une couverture face aux catastrophes naturelles.

Les rapporteurs appellent à la constitution d' « observatoires locaux des assurances » afin de veiller à la présence suffisante d'une diversité d'assureurs dans les territoires et la pratique par ceux-ci de tarifs et produits permettant d'accroître la couverture de la population.

Le ministère des finances a rappelé 222 ( * ) le rôle du bureau central de tarification en cas de difficulté d'accès à l'assurance.

Recommandation n° 36 : Dans chaque territoire, assurer, par le biais d'« observatoires locaux des assurances », un suivi de l'évolution du nombre d'assureurs présents, des tarifs des produits proposés et de la couverture assurantielle.

La préoccupation d'une bonne couverture assurantielle doit également porter sur le secteur économique. Les entreprises rencontrées durant le déplacement ont parfois fait état de révision à la hausse leurs cotisations d'assurance dans des proportions très importantes, ces évolutions tarifaires étant souvent assorties de conditions supplémentaires d'aménagement pour conserver la couverture de l'assureur . Si certains acteurs, notamment du tourisme haut de gamme, peuvent parfois supporter ces majorations, il conviendra de veiller à ce que les conditions et tarifs pratiqués par les assureurs ne mettent pas en péril les possibilités d'activité économique dans les zones touristiques en bordure d'eau par exemple.

La politique d'incitation à l'assurance passe également parfois par le refus de faire supporter par la solidarité nationale des dommages sur des biens qui n'ont pas été assurés par leurs propriétaires. Ainsi, la collectivité de Saint-Barthélemy a indiqué qu' « afin de ne pas encourager la non-assurance, les propriétaires de bateaux, même à usage d'habitation, n'ont pas bénéficié d'aides en 2017 ». Et ce, alors qu'à la suite du passage de l'ouragan Gonzalo en 2014, des aides avaient été débloquées par la collectivité à l'intention des propriétaires de bateaux sinistrés non ou mal assurés.

b) Consolider l'écosystème assurantiel outre-mer

Aussi, alors que de grands groupes ont pu faire état de leur questionnement sur leur présence dans les territoires ultramarins exposés aux risques et que des assureurs ont pu dès l'ouragan Luis quitter les Îles du Nord, les assureurs ont interpellé la délégation sur les conditions de leur maintien outre-mer .

Directeur au sein de la FFA, Stéphane Pénet 223 ( * ) estimait ainsi que « le sujet de la réassurance, via le dispositif catnat outre-mer de la CCR, est évidemment indispensable. Les ultramarins paient actuellement pour la réalité de leurs risques concernant tous les risques couverts, sauf les risques climatiques, pour lesquels les traités de réassurance impliquent une mutualisation . Une réflexion sur ce sujet constitue une condition indispensable au maintien des assureurs dans les territoires d'outre-mer » . La Fédération française des assurances a annoncé élaborer à ce sujet un rapport sur les conditions de l'assurabilité des outre-mer .

Il conviendra de garantir que la mutualisation des risques climatiques avec l'ensemble du territoire national demeure bien une réalité des traités de réassurance et que la solidarité reste la règle en la matière.

Pour Generali, Jean-Luc Charluteau 224 ( * ) insistait lui aussi sur la nécessaire modération des évolutions tarifaires de la CCR à l'égard des assureurs exposés outre-mer. Il expliquait ainsi que, si que le groupe avait pu opérer des majorations modérées en fonction de l'exposition aux risques, l'assurance doit demeurer accessible outre-mer . Or, selon lui, « si en effet les conditions de réassurance, consenties par la CCR aux sociétés opérant localement, devaient entraîner une élévation trop importante des primes d'assurance de base , cette égalité de droit deviendrait de fait une inégalité, la surprime étant fixée en pourcentage. Apparaîtrait alors un phénomène qui consisterait, par l'enchérissement du prix de l'assurance multirisque habitation, à pousser nos concitoyens ultramarins vers la non-assurance ».

Le ministère des finances reconnaissait 225 ( * ) que « la hausse des tarifs pratiqués par les assureurs dans les Îles du Nord est indéniable , bien que le tarif final reste en dessous du prix réel du risque grâce en grande partie au mécanisme solidaire de taux de surprime unique » .

Consolider la présence et l'accessibilité des produits assurantiels outre-mer pour la population passera par une modération des tarifs de la réassurance auprès des acteurs exposés.

Recommandation n° 37 : Garantir la mutualisation outre-mer/hexagone en matière de réassurance face aux risques climatiques et veiller à la modération des majorations tarifaires à l'égard des assureurs exposés outre-mer.

3. Améliorer l'éducation des populations aux risques

Dans le premier rapport consacré à la prévention et à la gestion de l'urgence, les rapporteurs avaient largement insisté sur la nécessité d'une formation très large de l'ensemble des acteurs de la gestion des risques mais aussi et, surtout, de la population globale .

Les rapporteurs de ce second volet ont partagé ce même constat et appellent à amplifier les efforts réalisés pour une meilleure acculturation des populations aux risques naturels. Les semaines dédiées , notamment « Réplik » à la Martinique, sont par exemple des outils pertinents à systématiser et à diversifier sur différents types de risques dans l'ensemble des territoires.

Frédéric Pichonnat, directeur outre-mer de la Croix-Rouge indiquait ainsi devant la délégation 226 ( * ) que « le déploiement post-crise passe par le renforcement de la formation des bénévoles et des populations », précisant que, depuis Irma, la Croix-Rouge insistait sur la formation des formateurs. Il considérait en outre que, contrairement au Japon, « en métropole comme dans les outre-mer, nous n'avons pas de vraie résilience. À Saint-Martin, Irma commence à être oublié , parce que le territoire a reverdi, que les maisons sont en train d'être reconstruites... Pourtant, près de 18 mois après le cyclone, il y a encore des maisons avec des bâches et nous sommes loin d'une reconstruction durable » .

Le directeur outre-mer de la Croix-Rouge insistait en outre sur la nécessité de travailler la résilience en milieu scolaire , préoccupation partagée par les rapporteurs.

Recommandation n° 38 : Soutenir les actions d'information et de préparation face aux risques et organiser régulièrement des exercices et événements publics permettant une meilleure acculturation des populations.

4. Appuyer la structuration des organisations humanitaires

Alors que le premier volet des travaux de la délégation avait souligné le rôle déterminant des acteurs humanitaires dans la formation des populations en amont comme dans les interventions d'urgence dans l'immédiat après-crise, ceux-ci sont aussi des pivots de la reconstruction par leur intervention auprès des populations.

Aussi, il convient de favoriser les moyens et la structuration des organisations humanitaires , notamment la Croix-Rouge et la Protection civile, présentes dans les territoires. Cette consolidation des moyens humanitaires doit également s'appuyer sur une meilleure collaboration entre acteurs mais aussi sur une approche régionale .

Les rapporteurs encouragent à ce titre la constitution d'un « PIROI Center » à La Réunion afin de développer la plateforme d'intervention régionale de la Croix-Rouge dans l'océan Indien.

Recommandation n° 39 : Soutenir la consolidation des plateformes humanitaires dans les territoires et à l'échelon des différents bassins.


* 221 Réponses du ministère de l'économie et des finances au questionnaire des rapporteurs.

* 222 Audition de la direction générale du Trésor (DGT), ministère de l'économie et des finances, le 29 mai 2019.

* 223 Table ronde sur la problématique assurantielle, le 15 mai 2019.

* 224 Table ronde sur la problématique assurantielle, le 15 mai 2019.

* 225 Réponses du ministère de l'économie et des finances au questionnaire des rapporteurs.

* 226 Audition de la Croix-Rouge française, le 4 avril 2019.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page