N° 243

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 janvier 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur l' aide publique au développement à Madagascar ,

Par M. Jean-Pierre VIAL, Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT et M. Jacques LE NAY,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Olivier Cadic , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert- Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

L'ESSENTIEL

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a défini le « cahier des charges » suivant pour la future loi d'orientation et de programmation sur la solidarité internationale :

I. La loi d'orientation devra définir une stratégie forte et lisible pour l'aide publique au développement française autour de deux axes

L'aide publique au développement poursuit des objectifs nombreux, mal hiérarchisés et parfois contradictoires. Le manque de concentration sur les pays les plus fragiles et l'importance des financements pour les pays émergents brouillent le message et ne sont compris ni des Parlementaires, ni de nos concitoyens.

Le premier chapitre de la loi d'orientation doit fixer le cap en dégageant des objectifs intelligibles et évaluables.

Contenu de la loi d'orientation : la loi d'orientation doit confirmer les grandes orientations stratégiques de la France en matière de solidarité internationale. Elle doit également définir, dès son premier chapitre, deux grands axes principaux d'action, correspondant à deux types de pays concernés :

- d'une part, affirmer une politique de solidarité à l'égard des pays pauvres ou en crise, dont l'objectif prioritaire est la lutte contre la pauvreté, la faim, pour la santé et pour l'éducation (ODD n°1 à 4 ). Cette politique de solidarité a par nature un coût pour l'Etat en raison de ses instruments privilégiés, les dons et les prêts bonifiés. En outre, des modalités d'action spécifiques doivent être prévues pour les pays en crise, avec des projets mis en place plus rapidement et des décaissements plus rapides ;

- d'autre part, poursuivre une politique de partenariat au développement avec les pays à revenu intermédiaire, dont les objectifs prioritaires sont la lutte contre le changement climatique et l'application de l'accord de Paris, la sauvegarde de la biodiversité mondiale, ainsi que l'influence de la France. Cette politique ne doit pas avoir de coût pour l'Etat, son instrument privilégié étant le prêt à taux de marché.

Cette distinction permettra notamment de mettre fin à la remise en cause réitérée des flux de financements à destination des pays émergents en mettant en exergue leur légitimité spécifique, distincte de celle des financements à destination des pays les plus pauvres.

II. Le pilotage politique de l'aide publique au développement devra être réaffirmé, avec une gouvernance renforçant la cohérence et la complémentarité des actions

Le pilotage politique de l'APD est aujourd'hui particulièrement éclaté et donc affaibli. Le Président de la République, à travers le Conseil de développement, et le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) fixent des orientations mais ces instances ne se réunissent pas assez régulièrement pour assurer la continuité de l'impulsion politique.

La tutelle ministérielle de l'APD est éclatée entre des ministres qui n'ont plus les ressources nécessaires pour remplir cette mission. L'opérateur principal (l'AFD), dont les moyens en forte augmentation vont encore accroître la puissance, s'est émancipé et participe à la définition de la stratégie de l'APD française dont il devrait n'être que l'outil de mise en oeuvre.

Il apparaît donc nécessaire de simplifier le dispositif pour assurer la bonne gouvernance au niveau politique de l'aide publique au développement et en faciliter la gestion budgétaire. Il s'agit de créer un ministère unifié disposant a minima des services suivants : services compétentes de la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international, services du Trésor chargés de l'APD, services stratégiques de l'AFD, agents des ministères techniques concernés.

Le contenu de la loi d'orientation : elle devra prévoir un dispositif de pilotage politique plus cohérent.

La loi d'orientation devra mettre en place une gouvernance développant une approche intégrée apte à mettre en cohérence la politique de solidarité et de développement avec les autres politiques publiques (diplomatie, défense, éducation, immigration, politique commerciale), afin que la réalisation des objectifs de la politique d'APD ne soient pas contredits par ceux de ces autres politiques publiques. Cette cohérence devra pouvoir faire l'objet d'évaluations régulières.

Au niveau local, il apparaît nécessaire de mettre en place une coordination plus efficace des actions de développement entre les ambassades, les services de coopération et d'action culturelle (SCAC), l'AFD et ses agences locales et les services économiques à l'étranger, formant une véritable « équipe de France », sous l'égide des ambassades.

III. La trajectoire financière devra être clairement affichée et concentrer les moyens sur les pays prioritaires

Le Président de la République a fixé un objectif d'APD à 0,55% du revenu national brut (RNB) en 2022, ce qui correspond à une augmentation d'environ 6 milliards. Ceci suppose notamment que l'AFD fasse passer ses engagements financiers de 11 milliards d'euros en 2018 à près de 18 milliards d'euros en 2022. La trajectoire financière devant permettre d'atteindre cet objectif n'est pas clairement définie. Compte-tenu des faibles augmentations du début du quinquennat, un effort très important devra être accompli à la fin de celui-ci. L'absence de trajectoire claire nuit à la crédibilité de l'objectif et à la prévisibilité de la politique d'APD, ce qui risque également d'altérer son efficacité.

Le contenu de la loi d'orientation : elle doit fixer, au service des grands objectifs définis dans son chapitre premier, la trajectoire financière permettant de les atteindre, offrant une visibilité de long terme à cette politique et permettant une programmation précise des moyens alloués. Cette trajectoire financière doit favoriser une concentration des moyens sur les pays les plus pauvres.

Cette trajectoire financière devra comprendre une présentation détaillée, distinguant les crédits de la mission budgétaire APD, les taxes affectées, les dépenses des autres missions et programmes concourant à l'APD, la contribution des prêts de l'AFD, la part minimale de financements en dons, la programmation des versements aux fonds multilatéraux afin de concentrer cette aide sur les organisations dont les objectifs correspondent aux objectifs prioritaires de l'aide française, enfin une programmation financière des moyens humanitaires et de stabilisation.

IV. Les financements bilatéraux et multilatéraux devront être mieux articulés

Les contributions de la France aux divers fonds multilatéraux en matière d'aide publique au développement se caractérisent par leur nombre important (plus de 50) malgré une volonté récente de concentration, par un manque de stratégie et une certaine opacité dans le choix des fonds auxquels la France apporte son soutien, enfin par une absence de prévisibilité du volume financier de ces contributions. En outre, l'influence exercée par la France au sein des instances de gouvernance de ces fonds n'est pas toujours suffisamment efficace pour en orienter la mise en oeuvre dans un sens compatible avec les priorités françaises.

Le contenu de la loi d'orientation : elle devra prévoir que la France contribue à un nombre limité de fonds multilatéraux en fonctions des priorités sectorielles définies dans sa stratégie, et en cohérence avec son aide bilatérale. Ces contributions devront faire l'objet d'évaluations précises.

V. La loi devra préserver les acquis de l'expertise internationale française au service d'une approche globale du développement

Il est nécessaire de disposer d'instruments permettant une action rapide et efficace dans des contextes de crise où les enjeux de sécurité et de développement sont fortement interconnectés. L'agence Expertise France a su développer une telle capacité d'action, en particulier au Sahel (soutien au G5 Sahel). Par ailleurs, le rapprochement d'opérateurs ministériels d'expertise autrefois éclatés a constitué un facteur de succès évident pour la projection et le rayonnement de l'expertise française à l'international. Au début de 2018, la question spécifique de la fusion d'Expertise France et de Civipol a toutefois bloqué l'achèvement de cette réforme. Enfin, un rapprochement entre Expertise France et l'AFD doit intervenir en 2019.

La loi d'orientation devra garantir qu'Expertise France reste une agence autonome au sein du Groupe AFD. Elle devra également réaffirmer le principe de la fusion des opérateurs dans le domaine de l'agriculture (FVI et Adecia) et de la justice (JCI), ainsi que le regroupement avec Expertise France des activités de Civipol n'appartenant pas au champ de la « sécurité dure ».

VI. La loi devra consolider les partenariats avec les entreprises privées, la société civile et les collectivités territoriales

Le principe du partenariat avec les entreprises, les organisations de la société civile (OSC) et les collectivités locales est déjà affirmé par l'article 4 de la loi d'orientation de 2014. Toutefois, si le principe d'une concertation en amont par le biais du conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) est posé, il n'est pas fait mention d'un partenariat dans la mise en oeuvre des projets.

Le contenu de la loi d'orientation : elle devra prévoir que la politique d'aide publique au développement peut être mise en oeuvre en partenariat avec les OSC ou les collectivités locales.

VII. La loi devra renforcer l'évaluation de l'APD afin de développer une véritable culture du résultat

L'aide française et en particulier celle de l'AFD est en partie contrôlée et évaluée : les procédures internes de l'AFD sont celles d'une banque, avec en amont des contrôles indépendants de tous les projets, une vérification de la non-corruption des partenaires, etc. En aval, le ministère des affaires étrangères, le ministère des finances et l'AFD elle-même réalisent régulièrement des évaluations dans tel ou tel secteur. Toutefois, cette évaluation apparaît éclatée entre les deux ministères et l'AFD. En outre, il s'agit surtout d'une évaluation de redevabilité et de contrôle, et non d'un « pilotage selon les résultats ». Enfin, cette évaluation manque toujours d'indépendance et ses résultats sont méconnus.

Le contenu de la loi d'orientation : elle devra créer une agence d'évaluation indépendante de l'aide publique au développement, à l'exemple de l'ICAI britannique.

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