IV. FOCUS 3 : L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

« Guyane, terre d'immigration ». « Guyane, nation arc-en-ciel » : l'immigration a été un élément constitutif de l'identité guyanaise, revendiqué par les Guyanais . En Guyane, selon les estimations officielles, une personne sur trois est étrangère. Les nationalités les plus représentées sont les Haïtiens, les Surinamais et les Brésiliens. Pour autant, l'immigration est telle qu'elle finit par poser des questions quant à la capacité de la société et des infrastructures guyanaises à l'absorber .

A. UNE FORTE PRESSION MIGRATOIRE POSANT DE NOMBREUX DÉFIS AUX INFRASTRUCTURES GUYANAISES

1. Un territoire attractif pour de nombreux candidats à l'immigration

La Guyane, seul territoire de l'Union européenne à disposer d'une frontière terrestre avec l'Amérique du Sud, est un territoire très attractif pour les candidats à l'immigration . Cette situation s'explique par des facteurs :

- économiques , le niveau de vie en Guyane étant largement supérieur à celui des pays voisins (15 813 euros par an et par habitant en 2016 en Guyane 41 ( * ) , contre 734 dollars à Haïti, 5 871 dollars au Suriname et 8 639 dollars au Brésil 42 ( * ) , mais beaucoup moins dans les régions voisines de la Guyane) ;

- familiaux , liés notamment à la présence de communautés surinamiennes, brésiliennes et haïtiennes installées de longue date en Guyane ;

- conjoncturels , liés à la situation régionale : les arrivées en provenance d'Amérique latine hispanophone (Colombie, Pérou, Venezuela, etc. ) peuvent varier en fonction des crises politiques ou économiques.

À cela s'ajoute la perméabilité des frontières : les fleuves Maroni et Oyapock sont considérées par la population comme des voies de communication, ce qui rend les contrôles difficiles.

La Guyane connaît donc une forte pression migratoire : au 31 décembre 2017, pour une population estimée à 281 612 habitants, le nombre d'étrangers en situation régulière était de 47 463 , dont plus de 18 000 Haïtiens, 10 000 Brésiliens et 10 000 Surinamiens.

L'immigration brésilienne est la plus ancienne, et s'est développée dès les années 1960. Les flux en provenance du Suriname ont fortement augmenté à compter de la guerre civile dans ce pays (1986-1992). L'immigration a été telle à cette période que le préfet de Guyane a pu qualifier 1986 de l'an I de la nouvelle histoire guyanaise . L'immigration haïtienne est plus récente : débutée dans les années 1980 avec les premiers troubles politiques, elle s'est accrue dans les années 1990 par le biais des regroupements familiaux.

Immigration régulière et immigration irrégulière se mêlent sur le territoire guyanais . Ainsi en 2016, plus de 4 titres de séjour sur 5 ont été délivrés à des étrangers entrés irrégulièrement. La population présente irrégulièrement en Guyane ne fait évidemment pas l'objet d'un recensement officiel. Il est toutefois possible de l'estimer à un nombre au moins égal à celui de la population en situation régulière .

2. Des services publics sous tension

L'afflux constant de populations étrangères, migrantes ou transfrontalières déséquilibre le fonctionnement de certains services publics. L'exemple du secteur médical est significatif. Les structures sanitaires, déjà déficitaires sur le territoire 43 ( * ) , peinent à apporter les soins suffisants à l'ensemble de la population guyanaise.

Cette situation a été particulièrement mise en lumière lors de la visite du centre hospitalier de l'Ouest Guyanais (CHOG) par la délégation de la commission des lois. Le CHOG est submergé par les naissances , à tel point qu'a été installé en son sein, à l'instar d'autres grandes maternités dans l'Hexagone, un bureau d'état civil pour faciliter les déclarations de naissance. En parallèle, les orpailleurs de l'Ouest du territoire, dans leur grande majorité Brésiliens en situation irrégulière, viennent s'y faire soigner. Ils arrivent généralement tard à l'hôpital, une fois les maladies infectieuses développées. Enfin, la plupart des personnes soignées sont en situation irrégulière. La situation financière de l'établissement est donc régulièrement critique .

À ces problématiques sanitaires liées à l'immigration s'ajoute le comportement constaté parmi les étrangers venant de certains pays en particulier . Plusieurs des interlocuteurs rencontrés ont ainsi indiqué que parmi les Haïtiens existe une forte propension à voler des objets et à détruire des équipements, et des actes de violence extrême parmi les Guyaniens ont aussi été rapportés. Ces comportements font naître un fort ressentiment mêlé de crainte à l'égard des immigrés clandestins. La Guyane se revendiquant comme une nation arc-en-ciel, il s'agit d'une véritable nouveauté.


* 41 INSEE.

* 42 Banque mondiale.

* 43 La densité médicale du département est en effet trois fois inférieure à la moyenne nationale et la moyenne d'âge des praticiens est élevée.

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