IV. LES ÎLES ÉPARSES : ENJEU DE SOUVERAINETÉ ET DE COGESTION DANS L'OCÉAN INDIEN

Dans le cadre de la mondialisation et de l'accroissement de l'importance stratégique des enjeux maritimes, les îles Éparses sont assurément devenues plus que jamais un enjeu de souveraineté dans l'océan Indien. Cela implique donc un rôle nouveau et une concurrence accrue des États en mer.

Troisième océan mondial avec 78 millions de km 2 , au croisement des grandes routes maritimes mondiales, l'océan Indien possède une importance stratégique exceptionnelle, des détroits et accès primordiaux comme le Cap, le Golfe d'Aden ou encore le détroit de Malacca.

Il ne faut pas oublier, quand on évoque les enjeux de souveraineté dans cette partie du monde, de parler de Mayotte, mais aussi d'aborder Tromelin, seule terre située en dehors du canal du Mozambique. Depuis près de cinq décennies, les îles Éparses font l'objet d'une double contestation territoriale, celle de Madagascar pour Juan de Nova, Europa, Bassas de India et Glorieuse, et celle de Maurice pour Tromelin.

Même si ce n'était pas le but du déplacement, et même si Mayotte ne dépend pas de l'administration des TAAF puisqu'il s'agit d'un département français, il est impossible de ne pas indiquer qu'outre les revendications sur les îles Éparses, les Comores n'ont pas accepté l'indépendance de Mayotte pourtant consacrée par deux referendums en 1974 et 1976. Mayotte a demandé son maintien dans la République française et est devenue un département français en 2011.

Les ressources halieutiques, énergétiques et minières (réelles ou supposées) de la région sud-ouest de l'océan Indien sont évidemment la raison de ces contestations, mais il ne faut pas mésestimer l'exceptionnelle richesse environnementale des îles Éparses : le bien naturel qu'elles constituent est un bien mondial unique et, à ce titre, justifie l'attention particulière qu'il convient d'y porter.

Quatre enjeux principaux doivent être ici relevés.

Cette partie de l'océan Indien recèle de gigantesques réserves halieutiques. Les intérêts économiques français et espagnols ne sont pas négligeables. Qui dit possession territoriale dit ZEE, et donc organisation et coordination de la pêche dans le cadre de la Communauté Thonière de l'océan Indien (32 pays côtiers) mais aussi de la Commission de l'océan Indien (C.O.I) qui réunit la France, Maurice, Madagascar, les Seychelles et les Comores.

Le deuxième enjeu concerne les ressources supposées en matière d'hydrocarbures sur lesquelles subsistent de nombreuses incertitudes (existence, caractère offshore de l'exploitation, profondeur des gisements).

Le troisième enjeu concerne l'accès aux ressources minérales, notamment aux amas sulfurés qui contiendraient des métaux rares.

Le quatrième enjeu concerne la biodiversité marine, un patrimoine naturel et des écosystèmes encore fonctionnels exceptionnels. Les enjeux environnementaux rendent nécessaire de renforcer les projets de recherches scientifiques et la protection de ces espaces.

La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972 identifie cette zone comme l'une des régions d'aire primaire constituant l'avenir du patrimoine mondial marin. Or, les ZEE de 5 pays recouvrent le canal du Mozambique : le Mozambique, Madagascar, les Comores, la Tanzanie et la France.

Les conflits potentiels de souveraineté sont dès lors logiques, puisqu'ils touchent aux sujets halieutiques, environnementaux ou minéraux. Les îles Éparses sont ainsi revendiquées par Madagascar, tandis que Tromelin l'est par Maurice. Néanmoins, compte tenu de l'histoire récente de ces îles, ces revendications sont discutables : les îles Éparses n'ont jamais été « habitées » par des populations autochtones et étaient, depuis 1896, rattachées pour leur administration à la Colonie française de Madagascar. En 1960, le Général de Gaulle plaça ces îles sous l'autorité directe du ministère de l'Outre-mer, ce qui ne suscita alors aucune contestation. Ce n'est qu'à partir du milieu des années 1970 que celle-ci apparaît à Madagascar, entraînant une revendication d'abord à l'Organisation de l'unité africaine (OUA), puis aux Nations-unies en 1979.

Seule la Cour internationale de justice apparaît compétente pour arbitrer ce conflit de souveraineté, sous réserve d'une saisine par la France et Madagascar. Le conflit entre Maurice et la France sur Tromelin a trouvé une solution à travers un accord de cogestion qui n'a cependant pas été ratifié par le Parlement français.

Une telle solution serait-elle susceptible d'apaiser les tensions dans le canal du Mozambique ? Un changement de souveraineté n'est peut-être pas l'option privilégiée par les Malgaches qui ont parfaitement conscience qu'ils n'ont pas les moyens de sécuriser la zone, tandis que l'utilisation du terme « restitution » paraît impropre, puisqu'avant l'arrivée des Français au XVIIIème siècle, ces îles ont toujours été inoccupées.

En 2016, le Président de la République François Hollande avait proposé et mis en place avec son homologue malgache une commission commune destinée à bâtir une solution face aux enjeux de sécurité, de défense de la biodiversité et de lutte contre la pêche illicite. Celle-ci poursuit les négociations à l'heure actuelle.

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