C. SE PROJETER DANS L'APRÈS

À plus long terme, il apparait que la crise du coronavirus a accentué des déséquilibres déjà existants et accéléré des évolutions . Dès lors, et au-delà d'une logique de relance immédiate et de compensation, le groupe de travail a jugé nécessaire de se projeter pour permettre à notre modèle de s'adapter et de sortir renforcé de cette période.

1. Reconduire les mesures de soutien transitoire et les renforcer

Les mesures provisoires prises notamment avec la loi du 23 mars 2020 ont permis au secteur de ne pas connaitre un effondrement. La situation étant pour encore longtemps loin de la normalité, il convient d'ores et déjà d'en prévoir et d'en annoncer prolongation, en particulier en ce qui concerne :

• la capacité des OGC à utiliser les crédits « AAC » pour venir en aide à leurs sociétaires (ordonnance du 27 mars 2020) ;

• les mesures dérogatoires de la chronologie des médias (article 17 de la loi du 23 mars 2020) ;

• organiser une sortie progressive des mesures de chômage partiel. Les différentes industries culturelles en contact avec le public ne pourront en effet pas retrouver un niveau d'activité comparable à la période précédente en quelques semaines.

2. Procéder rapidement à la transposition des directives SMA et droits d'auteur

Les seuls vainqueurs de la crise pourraient être les plateformes en ligne, qui ont bénéficié des mesures de confinement pour accélérer leur mainmise sur l'accès à l'information et à la culture.

Dès lors, il est plus urgent que jamais de transposer en droit français les directives précisément édictées au niveau européen pour permettre de faire participer les plateformes à la création française et européenne , d'améliorer la transparence des algorithmes et de renforcer le pouvoir de négociation des auteurs. La transposition des directives n'est cependant que la première étape, qui doit être suivie par des négociations complexes entre les différentes parties prenantes. Dès lors, pour que le nouveau système s'applique dès le début de l'année 2021, avec notamment une participation renforcée des plateformes à la création française et européenne, il est nécessaire que cette adoption intervienne le plus rapidement possible .

Une transposition rapide ne permettrait cependant un gain de temps que si, préalablement , les différentes parties prenantes, en particulier au niveau national, avaient suffisamment rapproché leur position pour que les négociations ne soient pas trop longues 32 ( * ) . Faute d'un tel rapprochement, la transposition ne permettrait aucun gain significatif, ne servant qu'à fournir un délai supplémentaire à ce que l'on peut qualifier de combat tactique et de « guerre de position ». Il appartient donc aux différents intervenants de se mettre au niveau des enjeux qu'impose la période.

Il sera également impératif de conforter les obligations de diffusion des oeuvres françaises et européennes sur les radios, en engageant les plateformes de streaming à mettre en valeur plus qu'elles ne le font ces productions dans le cadre de leur activité d'édition (playlist, radios en ligne..).

Le groupe de travail invite donc le gouvernement à inscrire très haut dans la liste des priorités la transposition des directives « SMA » et « droits d'auteur », sous la réserve expresse que les différentes parties prenantes soient tombées d'accord sur l'essentiel des dispositions.

3. Rééquilibrer les conditions de concurrence

En lien direct avec la précédente problématique, la période de confinement a également particulièrement bénéficié aux plateformes de livraison en ligne, notamment Amazon. S'il ne faut pas sous-estimer le service rendu à des millions de personnes par cet outil, notamment dans l'accès aux livres au moment de la fermeture des librairies, il pourra être utile de réfléchir à un meilleur équilibre des conditions de concurrence, par exemple :

• en réexaminant la manière dont Amazon détourne l'esprit de la loi en facturant pratiquement à zéro les frais de livraison alors que les librairies ne bénéficient que du tarif postal de droit commun ;

• en étudiant la possibilité d'une plateforme souveraine de téléchargement de livres numériques , en lien avec le réseau es librairies. Cela permettrait notamment d'améliorer la visibilité des éditeurs les plus modestes, aujourd'hui « écrasés » par les algorithmes.

Récapitulatif des préconisations du groupe de travail

1. Anticiper la reprise d'activité

ï Fixer le plus rapidement possible, et avec au moins cinq semaines d'avance, la date de réouverture des salles de cinéma et la conditionner à une validation explicite par les pouvoirs publics des conditions sanitaires établies par les organisations professionnelles représentatives, sur le modèle de la librairie et du BTP.

ï Définir les contours et les modalités d'intervention du fonds d'indemnisation annoncé par le Président de la République le 6 mai.

ï Avancer rapidement sur la question des assurances afin de permettre une reprise d'activité juridiquement sécurisée.

2. Compenser l'impact de la crise

ï Reconnaitre que les conditions spécifiques d'exercice de la plupart des industries culturelles les placent parmi les secteurs les plus vulnérables aux conséquences de la crise, et s'inscrire en conséquence dans une logique de compensation, en lien avec l'État, les collectivités locales et le secteur privé.

ï Inscrire ce soutien dans le temps long, pour tenir compte des effets différés de la crise, notamment sur les auteurs.

ï Donner rapidement des gages financiers au secteur pour rassurer les différents intervenants et conforter leur modèle économique.

3. Se projeter dans l'après

ï Reconduire les mesures de soutien provisoire, notamment les règles dérogatoires à la chronologie des médias, la faculté donnée aux organismes de gestion collective d'aider leurs membres et organiser une sortie « en sifflet » de la prise en charge par l'État du chômage partiel pour tenir compte d'une reprise d'activité progressive.

ï Procéder rapidement à la transposition des directives SMA et droit d'auteur telle que prévue dans le projet de loi audiovisuelle, afin de conforter les créateurs et de plus faire participer les plateformes de vidéo en ligne, sous condition d'une accélération préalable des négociations entre les parties prenantes et d'une large concertation.

ï Rétablir des conditions de concurrence équitable avec les plateformes de livraison en ligne.


* 32 La commission a été, à ce titre, particulièrement échaudée par les négociations interminables sur la chronologie des médias.

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