XI. SPORT

Le groupe de travail « Sport » de la commission de la culture animé par Jean-Jacques Lozach (Creuse, socialiste et républicain) est composé de Céline Boulay-Espéronnier (Paris, LR), Nicole Duranton (Eure, LR), Mireille Jouve (Bouches-du-Rhône, RDSE), Antoine Karam (Guyane, LREM-A), Claude Kern (Bas-Rhin, UC), Michel Savin (Isère, LR).

Le groupe de travail « Sport » a été constitué en mars afin d'assurer le suivi de la crise sanitaire dans le secteur du sport, d'examiner les modalités du déconfinement et de réfléchir à des mesures permettant d'accompagner la relance économique de ce secteur.

Après avoir réalisé de nombreuses auditions par visioconférence, le groupe de travail a présenté ses conclusions accompagnées d'une dizaine de propositions le mercredi 17 juin 2020 devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

A. UNE MISE À L'ARRÊT DU SECTEUR DU SPORT PENDANT LA CRISE SANITAIRE AUX CONSÉQUENCES PARTICULIÈREMENT SÉVÈRES

1. Un secteur sportif très fortement impacté par la crise sanitaire

Lors de son audition par le groupe de travail, le président du Conseil social du mouvement sportif (COSMOS), Philippe Diallo, a expliqué que la situation du sport amateur était différente de celle du sport professionnel, le sport amateur ayant plus de chance de « s'en sortir » que le sport professionnel qui dépend beaucoup des recettes de billetterie (volley, basket, handball) ou des droits audiovisuels (football, rugby). Il estime que la visibilité restera limitée en l'absence de reprise des compétitions.

Philippe Diallo a distingué la phase de la crise sanitaire de la dégradation de l'écosystème sportif qui est aujourd'hui encore à l'oeuvre. L'écosystème formé par les associations sportives et les entreprises du secteur sportif a subi un coup d'arrêt général dans le fonctionnement de ses structures et dans son activité de la mi-mars à la mi-mai.

Pour ce qui concerne les opérateurs économiques, les enquêtes réalisées par COSMOS 49 ( * ) et Union Sport & cycle montrent que plus de 84 % des structures ont suspendu leur activité pendant le confinement ; 54,6 % ont placé l'intégralité de leur personnel en activité partielle ; 76 % des industriels du secteur ont connu un arrêt total ou partiel de leur production et 70 % des entreprises du secteur affirment avoir mis leurs salariés en chômage partiel.

Lors de son audition par le groupe de travail, Patrick Wolff, le président de l'Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP), a indiqué que toutes les compétitions avaient été arrêtées à l'issue du discours du Premier ministre du 28 avril à l'Assemblée nationale 50 ( * ) avec pour objectif de les reprendre en septembre.

Du point de vue de la pratique sportive, on dénombrait, dès mars 2020, près de 200 000 associations sportives à l'arrêt 51 ( * ) . Sur la décision des instances fédérales et des ligues professionnelles, il a été mis un terme aux championnats professionnels d'athlétisme, de handball, de volley-ball, de hockey et de football.

Les centres de formation des clubs professionnels ont suspendu leur activité. Le ministère des sports a lui-même décidé, dès mars 2020, de fermer l'ensemble des établissements placés sous sa tutelle (écoles CREPS, INSEP).

La crise sanitaire remet également en cause l'activité des organisateurs d'événements sportifs. Amaury sport organisation (ASO) a ainsi annulé une quarantaine d'événements internationaux (le semi-marathon et le marathon de Paris, l'épreuve cycliste Liège-Bastogne-Liège, le Tour de France à la Voile, etc.).

Lorsqu'ils n'ont pas été annulés, certains événements ont été reportés. C'est le cas du Tour de France cycliste qui aura lieu du 29 août au 20 septembre 2020. La FFT a pour sa part reporté le tournoi de Roland Garros du 20 septembre au 4 octobre 2020.

Comme l'a indiqué le président du syndicat Première Ligue, Bernard Caïazzo, au groupe de travail, cet arrêt des compétitions s'est accompagné d'un arrêt des recettes qui ne devraient pas repartir avant le mois d'août. Jean-Michel Aulas a insisté sur le fait que la France était plus touchée que les autres pays européens qui, pour la plupart, ont recommencé à jouer avec des protocoles sanitaires adaptés. Pour le président de l'Olympique Lyonnais (OL), la décision d'arrêter les championnats a créé une situation concurrentielle difficile et a accru la vulnérabilité des clubs français.

Un arrêt du championnat de Ligue 1 décidé sans concertation ?

Dans quelles conditions la décision d'arrêter la Ligue 1 a-t-elle été prise ? Le président du FC Nantes, Waldemar Kita, a indiqué au groupe de travail que jusqu'à la veille de l'annonce de la décision du Gouvernement, les clubs travaillaient encore avec des médecins à l'élaboration d'un protocole de reprise des compétitions. Bernard Caïazzo a indiqué que tous les présidents de clubs avaient été surpris par l'annonce du Premier ministre car « on était dans l'idée de reprendre les matchs » a-t-il encore ajouté. « Nous n'avons pas été associés à cette décision » a conclu le président de Première Ligue qui a expliqué qu'elle relevait de l'autorité du président de la FFF et du pouvoir de police générale du Premier ministre.

Il n'y a donc eu aucune concertation ni accord des clubs pour mettre un terme prématuré à la saison 2019/2020.

Le président de Première Ligue estime que la perte des clubs de football du fait de l'arrêt des matchs devrait s'établir entre 500 et 600 M€. Il indique par ailleurs que le mercato de juin devrait être perturbé et donc moins rapporter aux clubs. Un autre point d'inquiétude concerne la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) qui aurait annoncé ne pas avoir l'intention de revoir ses critères de contrôle des clubs au cours de la saison 2020/2021.

Pour Bernard Caïazzo, une reprise des matchs à huis-clos réduirait de facto les recettes de billetterie et de marketing et aurait un impact sur le montant des droits de retransmission télévisée, le « produit » football à huis clos étant dévalorisé, les diffuseurs ne manqueront pas de renégocier le tarif des droits. Cette baisse prévisible des recettes en cas de huis clos devrait par ailleurs coïncider avec le remboursement des prêts souscrits pendant la crise 52 ( * ) , accentuant ainsi un effet de ciseaux entre recettes et charges.

Les présidents de clubs auditionnés par le groupe de travail ont demandé à pouvoir bénéficier d'un soutien public pour faire face à la dégradation de leur situation. Ils ont demandé une baisse de leurs charges sociales, les plus élevées d'Europe, et le maintien du chômage partiel jusqu'à la reprise du championnat en neutralisant la période de reprise des entraînements qui ne génère pas de recettes. Ils ont également demandé la mise en place d'un crédit d'impôt « sponsoring » afin de compenser la perte des recettes de billetterie et de sponsoring estimée à 200 M€ sur la saison 2019/2020.

2. Une situation particulièrement délicate pour les collectivités territoriales

Lors de leur audition par le groupe de travail, les représentants de l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) ont expliqué que l'attention des maires avait d'abord été concentrée sur la réouverture des écoles lors de la crise sanitaire, les questions relatives au sport étant donc reportées à plus tard.

Ils ont estimé par ailleurs que le sport devrait évoluer dans le cadre de l'après-crise et que de nombreuses incertitudes se faisaient jour concernant en particulier le maintien des emplois dans les associations sportives. L'ANDES a pour sa part réalisé un guide 53 ( * ) à destination des élus afin de les aider à avancer dans la réouverture des équipements sportifs. L'association a fait part de son inquiétude que les équipements sportifs soient négligés à l'avenir, les collectivités territoriales concentrant leur soutien sur les emplois dans les associations sportives.

Les représentants de l'ANDES ont ensuite plaidé pour que les efforts afin de faire rentrer le sport à l'école soient poursuivis afin notamment de lutter contre l'obésité.

Lors de leur audition par le groupe de travail, les représentants de l'Association nationale des directeurs et intervenants d'installations et des services des sports (ANDIISS) ont pour leur part indiqué qu'il avait fallu trois semaines afin de concevoir les différents guides nécessaires pour établir les protocoles de reprise de l'activité et qu'un des enjeux avait été de communiquer afin de les faire connaître de l'ensemble des élus.

Une des difficultés rencontrées par les collectivités territoriales dans la période de déconfinement tient aux incivilités qui se sont manifestées par de nombreuses intrusions sur des équipements sportifs toujours interdits d'accès. « On n'arrive pas à faire respecter les interdictions » a reconnu un des représentants de l'ANDIISS.

Les responsables des services des sports des collectivités territoriales ont également expliqué les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du dispositif 2S2C (Sport santé - culture civisme) avec l'éducation nationale qui n'est « quasiment pas mis en place » du fait notamment de différences culturelles entre les acteurs du sport et de l'éducation et des limites imposées dans l'accueil des élèves. Le financement du dispositif n'a pas été suffisamment précisé indique un représentant de l'ANDIISS exerçant à Bordeaux.

Concernant la réouverture des piscines qui s'est accélérée en juin, l'ANDIISS alerte sur la hausse des coûts puisque la fréquentation sera moindre et en appelle à une aide publique. La crainte existe qu'en cas de canicule les installations ne soient pas en mesure de jouer leur rôle pour accueillir suffisamment le public.


* 49 Source : Conseil Social du Mouvement Sportif (CoSMoS), avril 2020.

* 50 https://www.vie-publique.fr/discours/274200-edouard-philippe-28042020-plan-de-deconfinement-covid

* 51 Enquête réalisée par la Centrale du Sport et le cercle de réflexion Sport et citoyenneté.

* 52 La Ligue a souscrit un PGE de 235 M€ gagé sur les futures recettes de retransmission télévisée.

* 53 http://www.andes.fr/279627/un-guide-de-recommandations-sur-les-equipements-sportifs-transmis-au-ministere-des-sports/

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