AVANT-PROPOS

En érigeant la lutte contre la fraude fiscale en objectif de valeur constitutionnelle 7 ( * ) , le Conseil constitutionnel a consacré la place centrale de cette mission, à la croisée de plusieurs principes fondateurs de notre système fiscal et de notre société : le consentement à l'impôt, la contribution commune aux dépenses publiques et l'égalité devant les charges publiques. Laisser faire impunément les contribuables qui auraient décidé d'agir à rebours de ces principes, c'est entamer leur crédibilité et leur pérennité.

Une administration est prioritairement concernée par la lutte contre la fraude fiscale, il s'agit de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Si elle n'est pas la seule à y participer et si le contrôle fiscal est loin de constituer son unique mission, la DGFiP y consacre aujourd'hui plus de 10 % de ses effectifs et une partie significative de ses crédits.

Quand nous avons proposé ce thème de contrôle au bureau de notre commission des finances, les derniers résultats du contrôle fiscal disponibles étaient ceux de l'année 2018 : ils s'étaient à nouveau révélés décevants, le volume des montants recouvrés poursuivant une baisse qui semblait alors inexorable . Ces résultats interrogeaient sur l'efficacité de la stratégie adoptée par le Gouvernement en matière de lutte contre la fraude. Depuis, le Gouvernement a très largement communiqué sur les résultats exceptionnels obtenus pour l'année 2019, même s'il est difficile d'en apprécier la portée et que certaines interrogations demeurent. Au regard des enjeux du contrôle fiscal, il est donc parfaitement légitime que le Parlement puisse se prononcer sur les moyens qui y sont consacrés et sur leur adéquation aux objectifs poursuivis. Sont-ils à un niveau satisfaisant ? Leur allocation et leur répartition permettent-elles d'obtenir les meilleurs résultats possibles ? Où se situent les éventuelles marges de progrès ?

Depuis plusieurs années, en tant que rapporteurs spéciaux de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », nous constatons une friction de plus en plus forte entre la priorité donnée au développement de nouveaux outils et techniques d'analyse de données au service du contrôle fiscal et la fin de la sanctuarisation des effectifs. Si les outils technologiques sont indispensables, nous considérons cependant qu'ils ne pourront atteindre leur plein potentiel que sous réserve d'investissements informatiques pérennes et d'une véritable réflexion sur les ressources humaines, sur l'organisation et sur la stratégie choisie par le Gouvernement en matière de contrôle fiscal . Nous nous concentrons ici sur les moyens budgétaires - humains et informatiques - alloués au contrôle fiscal, et non sur les évolutions législatives intervenues ces dernières années. Ce n'est pas pour autant que nous ne soutenons pas l'absolue nécessité de s'obliger à passer en revue ces évolutions ou encore les sanctions contre la fraude mises en place. Notre système fiscal, suffisamment complexe, pourrait s'économiser le maintien de procédures éventuellement jugées inefficaces.

Notre rapport d'information propose ainsi des premiers éléments de réponse à ces préoccupations et n'a pas vocation à se substituer à des travaux existants et complémentaires, comme celui de la Cour des comptes du mois de novembre 2019 sur la fraude aux prélèvements obligatoires. Ces éléments se veulent avant tout des pistes de réflexion, des jalons pour de futurs travaux parlementaires. Nous rappelons à cet égard que la crise liée à l'épidémie du covid-19 a nécessité d'adapter nos travaux : l'ensemble des sujets abordés dans le présent rapport n'a pu être approfondi autant qu'il l'aurait fallu auprès des administrations concernées et les réponses de ces dernières sont arrivées tardivement, parfois de façon incomplète.

Nous concluons avec l'idée que, dans le domaine du contrôle fiscal, il est vital que l'obligation de moyens s'accompagne d'une obligation de résultats , pour préserver les principes fondateurs de notre système fiscal : l'égalité devant les charges publiques, le consentement à l'impôt et la participation de tous aux charges communes. La crise que la France traverse actuellement, dans le contexte de l'épidémie de covid-19, n'a fait que renforcer l'importance de préserver et de garantir ces principes.


* 7 Conseil constitutionnel, n° 99-424 DC du 29 décembre 1999.

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