B. UN SOUTIEN FINANCIER INDISPENSABLE AU BLOC COMMUNAL, QUI DOIT ÊTRE MIEUX COORDONNÉ AVEC CELUI DE L'ÉTAT ET DES RÉGIONS

1. Les départements se sont largement emparés de leur mission de soutien aux projets d'investissement du bloc communal

La mission de solidarité territoriale des départements s'exprime tout particulièrement au travers du soutien financier qu'ils apportent aux projets portés par les communes et intercommunalités, particulièrement utile en milieu rural .

Les départements sont en effet habilités par la loi à « contribuer au financement des projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes, leurs groupements, les établissements publics qui leur sont rattachés ou les sociétés dont ils détiennent une part du capital », y compris lorsque ces projets ne se rattachent pas à leurs propres domaines de compétence . De même, « pour des raisons de solidarité territoriale et lorsque l'initiative privée est défaillante ou absente », ils peuvent contribuer au financement des « opérations d'investissement en faveur des entreprises de services marchands nécessaires aux besoins de la population en milieu rural », dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par des communes ou des EPCI à fiscalité propre. Ils peuvent enfin contribuer au financement des « opérations d'investissement en faveur de l'entretien et de l'aménagement de l'espace rural réalisées par les associations syndicales autorisées ou constituées d'office ou par leurs unions 81 ( * ) ».

Si les priorités varient d'un département à l'autre, les projets d'investissement financés concernent en général l'aménagement du territoire, le développement local, les infrastructures ou la préservation de l'environnement mais aussi le foncier agricole et l'immobilier d'entreprise, les équipements culturels et sportifs, le patrimoine, les équipements en faveur de la jeunesse et de l'enfance, etc .

Les départements sont libres de déterminer leurs critères de sélection, qui en pratique tiennent tant à la nature des projets (démarche de développement durable, d'insertion ou d'inclusion des personnes handicapées...) qu'aux caractéristiques du maître d'ouvrage (communes peu peuplées, faible potentiel financier, important effort fiscal...) ou encore à la présence de cofinanceurs. Ils peuvent apporter leur soutien par le biais d'appels à projets, ceux-ci étant sélectionnés par une commission dédiée, ou bien par exemple dans le cadre de programmes pluriannuels de contractualisation avec les communes et EPCI.

Dans l'ensemble, les départements sont fortement mobilisés dans cette politique de soutien à l'investissement du bloc communal . En 2019, les subventions d'équipement versées par les départements aux communes et à leurs groupements représentaient une masse financière de 2,1 milliards d'euros , soit 16 % de leurs dépenses d'investissement hors remboursement de la dette 82 ( * ) . D'importantes disparités de pratiques peuvent cependant être constatées : dans les Bouches-du-Rhône, ces subventions s'élevaient en 2019 à 265 millions d'euros (soit 51 % des dépenses d'investissement du département hors remboursement de la dette) tandis qu'elles ne représentaient qu'1,5 million d'euros dans le Maine-et-Loire (2 % des dépenses d'investissements hors remboursement de la dette).

La politique de soutien financier au bloc communal a pu servir de levier de participation à l'effort national de relance économique suite à la crise sanitaire . Le département de l'Hérault a par exemple décidé de doubler en 2020 son soutien aux projets communaux et intercommunaux d'investissement concernant le patrimoine, la voirie et l'aménagement des centres anciens (soit un effort supplémentaire de 8,5 millions d'euros).

La loi 83 ( * ) permet également aux départements d'intervenir dans le cadre d'un plan d'aide à l'équipement rural au vu, notamment, des propositions qui leur sont adressées par les communes. Ce dispositif semble cependant peu utilisé.

2. La nécessité d'une meilleure coordination avec les interventions de l'État et des régions

L'État et les régions jouent, eux aussi, un rôle de soutien financier aux projets du bloc communal, ce qui impose un effort de coordination avec les départements afin d'assurer la cohérence de leur action et d'éviter le « saupoudrage » de l'argent public.

L'État intervient par le biais de deux principales dotations d'investissement financées sur le budget général : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) . Ces deux dotations représentent en 2020 un effort initialement prévu à 1,6 milliard d'euros, augmenté d'1 milliard d'euros supplémentaires dans le cadre du plan de soutien aux collectivités territoriales face aux conséquences de la crise sanitaire.

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et
la dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements (DSIL)

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) , dotée d'environ 1 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2020 , vise à subventionner les dépenses d'équipement des communes et d'EPCI situés essentiellement en milieu rural, ciblées selon des critères de population et de richesse fiscale. Si la décision d'attribution des subventions relève du préfet de département , l'originalité de la procédure de sélection tient à l'examen des dossiers par une commission composée d'élus du territoire .

La dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements (DSIL) , dotée de 1,6 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2020, vise à soutenir des projets d'investissement correspondant aux grandes priorités définies par l'État (rénovation thermique, transition énergétique, développement des énergies renouvelables, mise aux normes et sécurisation des équipements publics, développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou de la construction de logements, développement du numérique et de la téléphonie mobile, bâtiments scolaires, réalisation d'hébergements et d'équipements publics rendus nécessaires par l'accroissement du nombre d'habitants.). En raison du caractère plus structurant des investissements ciblés (en principe du moins...), son attribution relève du préfet de région (mais l'instruction des dossiers est très fréquemment déléguée aux préfectures de département). L'enveloppe initialement prévue pour 2020 a été augmentée d'1 milliard d'euros dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 84 ( * ) et du plan de soutien aux collectivités territoriales face aux conséquences de la crise sanitaire.

Si l'État, comme l'attestent les objectifs de performance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » , vise à maximiser l'effet de levier de ces dotations en favorisant les cofinancements, la part de projets pour lesquels la DETR ou la DSIL représentait autour du tiers des financements n'était que de 37,7 % en 2019, soit bien en deçà de l'objectif fixé à 55 % 85 ( * ) . Les représentants du bloc communal entendus par la mission ont confirmé que la congruence des dispositifs de l'État et des départements était perfectible . On observe, il est vrai, des efforts de coordination : comme il a été indiqué à la rapporteure, certaines préfectures veillent à se faire communiquer la liste des projets que le conseil départemental envisage de subventionner, afin d'y adapter leur propre réponse aux demandes d'attribution de DETR ou de DSIL. De telles pratiques mériteraient d'être systématisées . Allant plus loin, l'ADF préconise de mettre en place une plateforme unifiée des différents dispositifs d'aide au bloc communal de l'État et des départements , permettant d'offrir une meilleure visibilité aux élus municipaux, de coordonner les financements croisés et de mutualiser l'instruction des dossiers.

Les régions, en revanche, se sont vu ôter par la loi « NOTRe » la faculté d'apporter un soutien financier aux projets locaux d'investissement, sur le fondement de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales. Il en résulte que « les régions ne peuvent participer qu'au financement d'opérations entrant dans leur champ de compétences, ainsi qu'aux opérations inscrites aux CPER [contrat de plan État-région] » , comme l'indiquait une circulaire du 22 décembre 2015 86 ( * ) . Toutefois, le champ de compétence de la région reste défini en termes extrêmement larges, puisque la loi lui assigne pour mission de « contribuer au développement économique, social et culturel » de son territoire, notamment par « la participation volontaire au financement d'équipements collectifs présentant un intérêt régional direct 87 ( * ) ».

Comme la mission a pu le constater, la lettre de la loi est interprétée de manière très souple, et les conseils régionaux n'hésitent pas à intervenir pour subventionner de « petits » projets locaux dont l'intérêt régional direct n'a rien d'évident ... Les subventions de la région au bloc communal peuvent néanmoins s'inscrire dans le cadre d'une politique structurée de développement et de rééquilibrage territorial, comme c'est le cas en Auvergne-Rhône-Alpes par le biais des « pactes » conclus par le conseil régional avec quatre des départements les plus ruraux de la région, l'Ardèche, la Haute-Loire, le Cantal et l'Allier 88 ( * ) .

Ici encore, le « chef-de-filat » départemental reste donc bien théorique... Sans remettre en cause la liberté contractuelle des collectivités ni imposer de mécanisme coercitif, la mission estime également nécessaire, dans un souci de cohérence et d'efficacité de la dépense publique, de mieux coordonner les soutiens financiers apportés par la région et les départements aux projets locaux .

Recommandation n° 7 : Veiller à la coordination des aides financières de l'État, des régions et des départements aux investissements du bloc communal. Envisager la création d'une plateforme départementale unique d'instruction des dossiers.


* 81 Article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales.

* 82 Source : OFGL.

* 83 Article L. 3232-1 du code général des collectivités territoriales.

* 84 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 85 Projet annuel de performance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » annexé au projet de loi de finances pour 2020.

* 86 Instruction du Gouvernement du 22 décembre 2015 relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales, NOR RDFB1520836N.

* 87 Article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales. Par ailleurs, la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations a rendu à la région la faculté de contribuer au financement de projets d'investissement du bloc communal dans le domaine de la GEMAPI.

* 88 Voir la page dédiée sur le site Internet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, www.auvergnerhonealpes.fr . Une enveloppe comprise entre 100 et 127 millions d'euros est allouée au financement de chaque pacte, comprenant dans certains cas un co-financement du département. La présentation thématique des conventions de pacte rend difficile d'identifier les montants consacrés au financement d'opérations dont le maître d'ouvrage est une commune ou un groupement de communes ; une partie de l'enveloppe est consacrée à des aides directes aux entreprises locales.

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