II. L'EXEMPLE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE : POURQUOI LES DÉPARTEMENTS NE PEUVENT PAS ÊTRE LAISSÉS À L'ÉCART

A. UNE VOLONTÉ D'EXPULSER LES DÉPARTEMENTS HORS DU CHAMP ÉCONOMIQUE

1. Les départements dépouillés de l'essentiel de leurs compétences économiques

Au cours de la décennie passée, le législateur a progressivement réduit le rôle des départements en matière économique.

Mis à part quelques ajustements, l'état actuel du droit résulte de la loi « NOTRe ». Engagés sous le signe de la suppression puis de la « dévitalisation » des conseils départementaux, les débats sur cette loi ont conduit à dépouiller progressivement les départements de l'essentiel de leurs compétences économiques. Il convient de noter que, si le projet de loi initial prévoyait que les régions puissent déléguer leur compétence d'octroi d'aides à la création ou à l'extension d'activités économiques à toute autre collectivité territoriale ou à tout groupement de collectivités, les départements ont été exclus de la liste des délégataires potentiels à l'initiative de l'Assemblée nationale et contre l'avis du Sénat.

2. Des attributions résiduelles

Les départements conservent cependant quelques attributions résiduelles, qui se rattachent parfois à leurs compétences sociales ou de solidarité territoriale.

Premièrement, les départements peuvent se voir déléguer la définition et l'octroi des aides à l'immobilier d'entreprise par les communes et EPCI à fiscalité propre normalement compétents 157 ( * ) .

Deuxièmement, ils disposent en propre de la capacité d'octroyer certaines aides à des acteurs ou dans des secteurs spécifiques , notamment :

- pour le maintien ou l'installation de professionnels de santé (article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales) ;

- pour l'exploitation de salles de cinéma (article L. 3232-4 du code général des collectivités territoriales) ;

- aux secteurs de l'agriculture et de la pêche en matière d'aide « à l'équipement rural » (article L. 3232-1-2 du code général des collectivités territoriales) 158 ( * ) .

Pour chacune des aides, le département est tenu de respecter certaines conditions de procédure ou de fond . En ce qui concerne l'aide aux professionnels de santé, elle ne peut être versée par les collectivités territoriales ou leurs groupements qu'à des professionnels s'installant dans des « zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins 159 ( * ) ». Or ces zones ne sont pas définies par les conseils départementaux, mais par un arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé. Les départements n'ont donc pas la possibilité d'attribuer des aides à l'installation de professionnels médicaux sur l'ensemble de leur territoire mais sont tenus de respecter les choix, parfois imparfaits, des services de l'État 160 ( * ) .

En ce qui concerne les aides aux secteurs de l'agriculture et de la pêche, le département n'est pas libre de les attribuer seul puisqu'il ne peut agir que dans le cadre d'une convention avec la région , comme le prévoit l'article L. 3232-1-2 du code général des collectivités territoriales. Surtout , cette aide ne peut être que complémentaire à celle de la région , ce qui implique qu'une aide de la région soit préexistante. En d'autres termes, le département ne peut se substituer à une éventuelle carence de l'exercice de la compétence régionale en la matière.

Aides aux secteurs de l'agriculture et de la pêche : un rôle du département encadré

L'article L. 3232-1-2 du code général des collectivités territoriales encadre le rôle joué par les départements dans l'attribution d'aides aux secteurs de la pêche et de l'agriculture :

« Par dérogation à l'article L. 1511-2, le département peut, par convention avec la région et en complément de celle-ci , participer, par des subventions, au financement d'aides accordées par la région en faveur d'organisations de producteurs au sens des articles L. 551-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et d'entreprises exerçant une activité de production, de commercialisation et de transformation de produits agricoles, de produits de la forêt 161 ( * ) ou de produits de la pêche. Ces aides du département ont pour objet de permettre à ces organisations et à ces entreprises d'acquérir, de moderniser ou d'améliorer l'équipement nécessaire à la production, à la transformation, au stockage ou à la commercialisation de leurs produits, ou de mettre en oeuvre des mesures en faveur de l'environnement . »

Enfin, en ce qui concerne les aides au maintien ou à l'installation de salles de cinéma, elles sont conditionnées au respect de deux conditions alternatives par les salles en questions : elles ne peuvent être attribuées « qu'aux établissements qui, quel que soit le nombre de leurs salles, réalisent en moyenne hebdomadaire moins de 7 500 entrées ou qui font l'objet d'un classement art et essai dans des conditions fixées par décret 162 ( * ) ».


* 157 Article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales.

* 158 Pour un panorama complet, voir la fiche n° 3 annexée à l'instruction du Gouvernement du 22 décembre 2015 relative à la nouvelle répartition des compétences en matière d'interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements. Aux compétences mentionnées par cette instruction, il faut ajouter depuis la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 celle qui concerne les entreprises frappées par une catastrophe naturelle (voir plus loin).

* 159 Articles L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales et L. 1434-4 du code de la santé publique.

* 160 La définition de zones sous-denses est d'ailleurs jugée comme ayant permis de mieux connaître le phénomène des « déserts médicaux ». Pour autant, la cartographie qui en résulte est souvent jugée imparfaite, car menant à des effets d'aubaine. Dans un rapport de janvier 2020, nos collègues Hervé Maurey et Jean-François Longeot notaient ainsi : « La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 a également permis d'identifier des zones sous-denses, définies à l'article L. 1434-4 du code de la santé publique. (...) Si ces zonages témoignent d'une prise de conscience bienvenue des services de l'État sur la réalité du problème, ils occasionnent toutefois des effets d'aubaine, en particulier aux frontières entre certains départements. (...) Si ces zonages ont permis de mieux déterminer la cartographie des inégalités d'accès aux soins, les rapporteurs rappellent que de tels zonages impliquent néanmoins d'inévitables effets de bord, pouvant mettre en concurrence des territoires limitrophes ne bénéficiant pas des mêmes soutiens financiers à l'installation . » Pour plus d'informations, voir le rapport d'information n° 282 (2019-2020) de MM. Hervé Maurey et Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 29 janvier 2020, pp. 38 et 39.

* 161 À titre subsidiaire, l'article L. 3232-5 du code général des collectivités territoriales prévoit l'intervention du département en matière de protection des forêts contre les incendies : « Les départements peuvent financer ou mettre en oeuvre des actions d'aménagement, d'équipement et de surveillance des forêts afin, d'une part, de prévenir les incendies et, le cas échéant, de faciliter les opérations de lutte et, d'autre part, de reconstituer les forêts. »

* 162 Article L. 3232-4 du code général des collectivités territoriales. Cet article prévoit par ailleurs que ces aides ne peuvent bénéficier aux « entreprises spécialisées dans la projection de films visés à l'article 279 bis du code général des impôts », c'est-à-dire de films à caractère pornographique.

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