B. LE CADRE JURIDIQUE APPLICABLE N'EST PAS SUFFISAMMENT PRÉCIS

1. Les modalités de sélection et de nomination des ambassadeurs thématiques ont longtemps été caractérisées par une grande diversité

D'après les informations fournies par le secrétariat général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, la sélection des personnes appelées à être nommées aux fonctions d'ambassadeurs s'inscrit dans une démarche de transparence et privilégie l'appréciation de leurs compétences professionnelles.

Ainsi, les postes d'ambassadeurs susceptibles d'être vacants sont publiés sur le réseau interne du ministère. Un conseil de sélection 4 ( * ) est chargé d'examiner les candidatures et de soumettre deux noms à l'attention du ministre et du Président de la République. Ces derniers demeurent libres, toutefois, de retenir la candidature d'une personnalité qui n'aurait pas été proposée par le comité de sélection.

Si la procédure de sélection des candidats offre un équilibre entre les objectifs de transparence, d'équité et de garantie des compétences professionnelles, d'une part, et la liberté dont doivent bénéficier les autorités politiques s'agissant d'emplois de cette nature, d'autre part, la procédure de nomination apparait moins compatible avec les exigences notamment posées par la Constitution.

Il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article 13 de la Constitution du 4 octobre 1958 « (...) les ambassadeurs et envoyés extraordinaires (...) sont nommés en Conseil des ministres » par décret du Président de la République.

Or, comme l'indique le ministère dans les réponses transmises aux rapporteurs spéciaux, la nomination d'un ambassadeur thématique par décret en Conseil des ministres ne constitue une règle générale que depuis 2016. Auparavant, en effet, « certains ambassadeurs étaient nommés par note du ministre ou par notre interne ».

Ainsi, les rapporteurs spéciaux ont pu constater que sur les 24 ambassadeurs thématiques en fonction au cours de l'année 2009, douze d'entre eux n'avaient pas été nommés par décret en Conseil des ministres.

Cette méconnaissance de la lettre constitutionnelle semble contradictoire avec l'importance, évoquée par le ministère, de conférer un statut d'ambassadeur à ces personnes afin d'asseoir leur autorité. Paradoxalement, elle ne saurait s'expliquer autrement que par le fait que le ministère ait pu considérer que les ambassadeurs thématiques ne constituaient pas des ambassadeurs au sens de l'article 13 de la Constitution.

Il apparait donc heureux aux rapporteurs spéciaux que les nominations les plus récentes aient fait l'objet d'un décret en Conseil des ministres. Ils estiment que cette pratique devra perdurer à l'avenir puisqu'il ne semble pas douteux qui si les personnes concernées bénéficient du statut d'ambassadeur, elles relèvent bien du champ de l'article 13 de la Constitution.

2. Les prérogatives des ambassadeurs thématiques s'inscrivent dans un cadre juridique qui n'est pas clairement défini

L'assimilation des ambassadeurs thématiques aux « ambassadeurs et envoyés spéciaux » mentionnés à l'article 13 de la Constitution n'épuise pas, toutefois, le débat sur le régime juridique qui leur est applicable dans l'exercice de leurs fonctions.

En effet, à l'inverse des ambassadeurs en poste à l'étranger ou accrédités auprès des organisations internationales, le rôle et les prérogatives des ambassadeurs thématiques ne sont régis par aucun texte.

La mission des ambassadeurs accrédités auprès d'un État étranger est précisée par les termes du décret n° 79-433 du 1 er juin 1979 notamment en son article 1 er :

« L'ambassadeur est dépositaire de l'autorité de l'État dans le pays où il est accrédité. Il est chargé, sous l'autorité du ministre des affaires étrangères, de la mise en oeuvre dans ce pays de la politique extérieure de la France. Il représente le Président de la République, le Gouvernement et chacun des ministres. Il informe le Gouvernement, négocie au nom de l'État, veille au développement des relations de la France avec le pays accréditaire, assure la protection des intérêts de l'État et celle des ressortissants français. »

De même, les ambassadeurs accrédités auprès d'organisations internationales voient le périmètre de leur mission délimité par les dispositions du même décret notamment en son article 12 :

« L'ambassadeur, chef de la représentation permanente de la France auprès d'une organisation internationale, est chargé auprès de cette organisation, sous l'autorité du ministre des affaires étrangères, de la mise en oeuvre de la politique extérieure de la France. Il représente le Président de la République, le Gouvernement et chacun des ministres. Il exerce à l'égard des services de l'État qui lui sont attachés les mêmes compétences que celles qui sont attribuées à l'ambassadeur, chef de mission diplomatique, en vertu des articles 2 à 9 et 11. »

Faute d'un texte de référence, les prérogatives et les moyens des ambassadeurs thématiques sont, eux, précisés par les documents qui accompagnent leur entrée en fonction (lettre de mission, notamment).

Cette absence ne favorise pas la clarté et la transparence et apparait - là-encore - contradictoire avec l'objectif d'asseoir l'autorité des ambassadeurs thématiques par la reconnaissance d'un statut d'ambassadeur.

Les rapporteurs spéciaux estiment qu'un cadre réglementaire précisant les prérogatives et moyens reconnus aux ambassadeurs thématiques pourrait être adopté sans préjudice de précisions et compléments par la voie d'une lettre de mission.


* 4 Dans sa formation actuelle, le conseil de sélection réunit le directeur de cabinet du ministre, le secrétaire général du ministère, l'inspectrice générale du ministère, la directrice générale de l'administration et de la modernisation, le directeur des ressources humaines et la haute fonctionnaire pour l'égalité.

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