PREMIÈRE PARTIE
DES AMBASSADEURS THÉMATIQUES
AU PROFIL PLUTÔT TECHNIQUE

I. APRÈS 20 ANS D'EXISTENCE, UN CADRE JURIDIQUE QUI DOIT ÊTRE PRÉCISÉ

A. LE RECOURS À DES AMBASSADEURS THÉMATIQUES S'INSCRIT DANS LE CADRE D'UNE DOCTRINE PROGRESSIVEMENT CONSTRUITE

1. Le recours à des ambassadeurs thématiques constitue un mouvement déjà ancien au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

La préfiguration des actuels ambassadeurs thématiques réside dans la nomination, au cours des années 1980, d'ambassadeurs itinérants 1 ( * ) auprès de pays d'Asie ou d'Amérique du Sud. D'un nombre inférieur à la dizaine, ces diplomates avaient pour mission d'approfondir et de consolider les relations de la France avec ces États.

Si de telles nominations ont constitué une première innovation au regard de la pratique tendant à conférer le statut d'ambassadeur à des personnalités accréditées auprès d'un État étranger ou d'une organisation internationale, le développement du recours à des ambassadeurs « en mission » ou « thématiques » s'esquisse, en réalité, à l'orée des années 2000.

À l'occasion de la conférence annuelle des ambassadeurs de France du 26 août 1998, le Président de la République, M. Jacques Chirac, a souhaité en effet que le ministre des affaires étrangères nomme des ambassadeurs « qui seraient spécifiquement chargés de dossier tels que l'environnement, les droits de l'Homme, la lutte contre la drogue et le crime organisé ».

Comme l'indiquait le ministère des affaires étrangères 2 ( * ) à l'occasion d'une réponse à la question de l'ancien sénateur Emmanuel Hamel, la nomination de ces trois ambassadeurs est intervenue au cours de l'année 2000. En outre, un ambassadeur en mission chargé de la dimension internationale de la Shoah, des spoliations et du devoir de mémoire devait, également, être nommé en novembre 2003.

Le nombre de ces nominations a largement progressé dans la première décennie des années 2000 passant de trois, comme précédemment évoqué, à 27 en 2011 ce qui appelle à s'interroger sur le rôle que jouent ces ambassadeurs dans le dispositif diplomatique.

2. Une doctrine s'est progressivement dégagée pour éclairer le choix de reconnaitre le statut d'ambassadeur thématique

Un tel accroissement de leur nombre montre qu'au-delà du souhait exprimé par le Président de la République, le recours à des ambassadeurs thématiques s'est imposé comme un instrument de plus en plus répandu dans la conduite de la diplomatie française.

Du point de vue du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, cette tendance s'explique par l'intérêt que représentent les ambassadeurs thématiques pour prendre en charge :

- certains sujets d'actualité ou problématiques transversales considérés par la France comme des priorités de politique étrangère (droits de l'Homme, numérique ou santé...) pour lesquels, parfois, aucun cadre de discussion multilatéral n'est encore institué ;

- certains dossiers géographiques sensibles ou transfrontaliers (Syrie, partenariat oriental de l'Union européenne...) ;

- certains évènements internationaux majeurs (G7, sommet Afrique-France...).

Si ces tâches pourraient être accomplies au niveau des directions du ministère et par leur personnels d'encadrement, il semble que le choix d'accorder le statut d'ambassadeur thématique se justifie - au-delà du souhait d'éviter d'alourdir la charge de travail des services centraux - par des considérations de facilitation et de légitimation des personnes.

Ainsi, le ministre des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, indiquait, à propos de M. Pascal Teixeira Da Silva, ambassadeur chargé des migrations, que « s'il n'était pas ambassadeur, il ne pourrait pas rencontrer certaines personnes avec lesquelles il doit s'entretenir, y compris des chefs d'État et de gouvernement » 3 ( * ) .

À cette dimension symbolique, peuvent également s'ajouter les facilités concrètes qu'offre le statut d'ambassadeur, en particulier du point de vue des libertés de déplacement. À ce titre, la lettre de mission de l'ambassadeur chargé des investissements internationaux - par ailleurs directeur de Business France - indique que ce statut lui est conféré « pour faciliter l'exercice de [sa] mission ».

Enfin, le ministère a insisté dans les réponses qu'il a fournies aux rapporteurs spéciaux sur l'utile autorité que confère le statut d'ambassadeur dans la perspective de travaux au niveau interministériel.

Une capacité à entrainer les services à un tel niveau apparait effectivement nécessaire compte tenu de la grande transversalité des sujets dont traitent les ambassadeurs thématiques et de leur statut particulier qui implique souvent - contrairement aux ambassadeurs ordinaires - une double tutelle ministérielle.


* 1 On peut relever que le terme « d'ambassadeur itinérant » a perduré bien après les années 1980. Ainsi, plusieurs questions parlementaires se réfèrent à cette appellation au cours des années 2000 pour désigner ceux qui sont alors davantage qualifiés par le Gouvernement « d'ambassadeurs en mission » et, bientôt, « d'ambassadeurs thématiques ».

* 2 Question écrite n° 28283 et réponse publiée au journal officiel du 23 novembre 2000.

* 3 M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, lors de l'examen du projet de loi de finances 2020 au Sénat, 29 novembre 2019.

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