N° 22

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 octobre 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l' enquête
de la Cour des comptes relative aux groupements hospitaliers de territoire ,

Par M. Alain MILON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Patrick Boré, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Élisabeth Doineau, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier,
Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, M. Christophe Priou, Mmes Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Dominique Théophile .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, qui dispose que « la Cour des comptes peut être saisie par les commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, de toute question relative à l'application des lois de financement de la sécurité sociale », le président de la commission des affaires sociales du Sénat a, par courrier du 13 septembre 2019, demandé au premier président de Cour de procéder à une enquête sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) .

Cette demande, exprimée peu après la promulgation de la loi relative à l'organisation et à la transformation de notre système de santé, faisait écho aux débats parlementaires ayant largement relayé les inquiétudes des structures hospitalières de proximité face au déploiement de groupements susceptibles de menacer l'équilibre de leur activité et de leur recrutement.

Outre l'enquête menée en réponse à cette saisine, la Cour des comptes a fourni un bilan substantiel des avantages et des inconvénients présentés par les GHT, au terme de plus de quatre années de déploiement. Soulignant plusieurs lacunes d'un modèle qui peine à remplir les objectifs que la loi lui assigne, elle plaide essentiellement pour un renforcement de sa dimension intégrative .

Votre commission des affaires sociales, attachée à une recomposition de l'offre de santé définie au plus près des besoins des usagers, a souhaité compléter les conclusions de la Cour d'une lecture élargie des enjeux territoriaux et de décloisonnement des interventions.

I. L'OBJET DE L'ENQUÊTE : L'IMPACT DES GROUPEMENTS HOSPITALIERS DE TERRITOIRE SUR LES TRANSFERTS D'ACTIVITÉ ENTRE ÉTABLISSEMENTS

Instaurés, en renforcement du modèle des communautés hospitalières de territoire (CHT), par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (MSS) puis précisés par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation de notre système de santé (OTSS), les groupements hospitaliers de territoire (GHT) servent l'objectif d'une meilleure territorialisation de l'offre de soins publique hospitalière .

A. LES GHT : UN TEXTE IMPRÉCIS QUI TRADUIT MAL L'INTENTION DE MIEUX TERRITORIALISER L'OFFRE DE SOINS

L'article L. 6132-1 du code de la santé publique assigne au GHT la mission de permettre aux établissements qui le composent de mettre en oeuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient , dans le but d'assurer une égalité d'accès à des soins sécurisés et de qualité. Il doit par ailleurs assurer la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d'activités entre établissement.

Il se traduit par l'élaboration, par l'ensemble des établissements parties, d'un projet médical partagé (PMP) garantissant une « offre de proximité ainsi que l'accès à une offre de référence et de recours ». Le GHT étant explicitement dépourvu de la personnalité morale, son action se traduit matériellement par la désignation d'un « établissement support » chargé d'assurer, pour le compte des autres établissements parties du groupement, les fonctions et les activités déléguées.

Enfin, innovation d'importance par rapport aux CHT, l'adhésion de tout établissement public de santé à un GHT est obligatoire . Tout établissement privé peut, pour sa part, y être associé.

L'étude d'impact de la loi OTSS estimait que 891 établissements publics étaient alors regroupés en 135 GHT , variables dans leur composition (de deux à vingt établissements), selon les territoires couverts (de 100 000 à 2,5 millions d'habitants) et par leur masse budgétaire (de moins de 100 millions à plus de 2 milliards d'euros).

La création des GHT répondait à une intention des pouvoirs publics clairement exprimée au sein de l' étude d'impact de la loi MSS de 2016 « d'inciter les établissements d'un même territoire à se coordonner autour d'une stratégie de prise en charge partagée » et de « mettre en cohérence des projets médicaux des établissements d'un territoire dans le cadre d'une approche orientée patient et non plus structure ». La clarté de l'intention ne semble toutefois pas s'être retrouvée dans le dispositif retenu qui, bien qu'il affirme l'importance d'une égalité d'accès aux soins, qualifie la prise en charge déployée par le GHT de « commune » et « graduée ».

Comme le montre l'analyse de la Cour des comptes figurant ci-après, la notion de « gradation des soins » peut revêtir plusieurs sens et donner lieu à autant de stratégies de redéploiement de l'offre au sein des GHT :

- une stratégie d'échelonnement des soins : la gradation des soins, entendue de façon verticale, peut alors consister soit à centraliser les activités de référence et de recours vers l'établissement support, et à déporter les soins de proximité au niveau des établissements parties, soit à répartir l'activité de soins entre établissement support et établissements parties en fonction de la lourdeur des plateaux techniques ;

- une stratégie de spécialisation des soins : la gradation des soins est alors entendue de façon horizontale, et conduit à chaque établissement partie du GHT à se spécialiser dans un domaine d'activité.

Ainsi, selon l'angle retenu par le GHT, l'une ou l'autre de ses stratégies se trouve indifféremment susceptible de satisfaire l'objectif indiqué par la loi de « prise en charge graduée du patient ».

Elles n'en ont pour autant pas du tout le même impact sur l'offre de soins assurée par les établissements parties qui, en fonction de l'approche privilégiée de la gradation, peuvent subir des évolutions quantitatives et qualitatives importantes de leur activité. C'est cette ambiguïté, permise par les termes mêmes de la loi, qui a conduit votre commission des affaires sociales à saisir la Cour des comptes d'une demande d'enquête sur les GHT.

Proposition : préciser dans la loi la définition de la gradation des soins.

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