II. UN BILAN DRESSÉ PAR LA COUR : UN MODÈLE DES GHT GLOBALEMENT MAL ENGAGÉ

Au-delà des réponses apportées sur l'objet de sa saisine, la Cour dresse un premier bilan du déploiement des GHT , engagé il y a désormais plus de quatre ans. Malgré la précocité relative de cette démarche, qui n'a pu tenir compte du nombre important de dispositions de la loi OTSS relatives aux GHT qui n'ont pas encore reçu de traduction réglementaire , ce travail a permis à votre commission de distinguer d'emblée trois grandes causes à l'hétérogénéité préoccupante de la pratique des GHT , contradictoire avec l'esprit de la loi les ayant instaurés.

A. UNE MOBILISATION VARIABLE DES ACTEURS CONCERNÉS

Bien que la loi ait rendu obligatoire l'adhésion de chaque établissement public de santé à un GHT et déterminé (de façon sibylline) les missions de ces groupements, la réalisation de l'objectif poursuivi dépend presque exclusivement sur le terrain du degré d'investissement des acteurs concernés .

Au premier rang d'entre eux, les établissements eux-mêmes qui, bien que légalement contraints à l'adhésion, sont faiblement incités à animer le GHT dont ils sont membres . Comme le souligne la Cour à plusieurs reprises, le fait que la loi ait expressément prévu que le GHT ne serait pas doté de la personnalité morale le prive des moyens juridiques et financiers d'assurer, pour le compte des établissements signataires de la convention constitutive, les missions qui auraient pu lui être déléguées. Le seul délégataire de ces missions se trouve donc être l'établissement support, auquel le GHT n'offre que le cadre juridique de la délégation, sans qu'il n'y bénéficie pour autant de facilités de gestion.

En effet, constatant qu'aucun effet de substitution dans la gouvernance n'a jusqu'ici accompagné la création des GHT, la Cour indique que « le nombre d'instances créées à l'occasion des GHT est venu alourdir sensiblement le processus de prise de décision ». À ce titre, les dispositions contenues dans la loi OTSS du 24 juillet 2019, permettant aux GHT de fusionner des instances de manière à créer une gouvernance plus intégrée 5 ( * ) , pourraient avoir des conséquences tout à fait bénéfiques mais restent potentiellement obérées par deux écueils :

- l'absence de décrets d'application, par ailleurs déplorée par votre commission ;

- l'absence de personnalité morale reconnue au GHT, qui en toute vraisemblance maintiendra légitimement les établissements parties dans la crainte d'une récupération léonine par l'établissement support du pouvoir décisionnaire. À cet égard, la commission des affaires sociales, sans aller aussi loin que la Cour des comptes favorable à la fusion des établissements membres d'un GHT, appelle néanmoins de ses voeux l'attribution d'une personnalité morale au GHT .

En surplomb des établissements, les agences régionales de santé (ARS), pourtant volontiers soupçonnées de dirigisme dans la définition et la dotation des territoires de santé, ne semblent s'être que très partiellement intéressées à ce nouvel outil. La loi, qui soumet pourtant la validité de la convention constitutive à l'accord de leur directeur général, ne leur reconnaît en réalité qu'une prérogative limitée sur les GHT, celle de vérifier la conformité de leur projet médical partagé au projet régional de santé (PRS) qu'elles doivent déployer. La Cour indique d'ailleurs que cet examen de conformité semble faire l'objet d'un contrôle très limité , puisqu'il est apparu que « nombre de GHT avaient pris en compte de façon parfois très imparfaite [les] priorités » définies dans le cadre des travaux préparatoires des PRS 2018-2022. En dehors de cet examen obligatoire, l'ARS ne peut, comme le souligne la Cour, être guère plus qu'une accompagnatrice et il peut arriver que ses demandes ne soient pas satisfaites 6 ( * ) .

En outre, l'éloignement des ARS à l'égard des GHT semble être accentué par l' assise territoriale et la taille de ces derniers, que la loi n'a pas entendu définir. Ainsi, près de la moitié des GHT (43 %) a fait le choix d'un territoire infra-départemental et plus du quart (25,2 %) compte au plus deux établissements. Ces structurations territoriales, que votre commission a par ailleurs interprétées comme la preuve d'un modèle qui suscite d'abord la méfiance de ses destinataires , ne donnent pas toujours aux GHT l'envergure nécessaire pour peser différemment sur la stratégie régionale de santé 7 ( * ) .

Proposition : mieux définir les prérogatives de l'ARS dans le déploiement des GHT, notamment dans l'objectif de rendre plus compatibles les projets médicaux partagés et le projet régional de santé.


* 5 Dont la possibilité des directoires d'établissements parties de fusionner avec le comité stratégique du GHT ou des commissions médicales d'établissement (CME) de fusionner avec la commission médicale du groupement (CMG).

* 6 La Cour cite l'exemple d'une demande du directeur général de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté de voir mieux collaborer les deux GHT du département de l'Yonne, demande à laquelle le conseil de surveillance du GHT Nord-Yonne a refusé de donner suite.

* 7 Ainsi que le note la Cour, « une part importante des GHT n'a pas la taille critique pour constituer une offre de soins homogène ».

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