II. L'ADMINISTRATION CENTRALE DOIT REPRENDRE LA MAÎTRISE DE SES GRANDS PROJETS NUMÉRIQUES

Pour réduire les dérives et les échecs des grands projets numériques, ces derniers doivent connaître une réduction de leur taille et il faut prévoir la mise en place d'une structure de pilotage au sein de l'administration, face aux prestataires extérieurs. La Dinum doit pouvoir jouer un rôle important dans cette organisation.

A. LE RECOURS À L'EXTERNALISATION ATTEINT SES LIMITES...

Parmi les raisons de l'échec du projet Sirhen, la Cour note une « emprise forte des prestataires extérieurs sur le programme sans que les moyens internes de suivi soient proportionnés ». Le directeur interministériel du numérique souligne également le rôle des grands cabinets de conseil intervenant lors du cadrage des projets : la Dinum a identifié « des comportements opportunistes et une tendance à complexifier certains aspects » de la part de ces cabinets de conseil, que l'on retrouve en accompagnement sur les projets en dérive.

D'une manière générale, l'État recourt de plus en plus à l'achat de prestations intellectuelles informatiques 5 ( * ) , sans que les administrations disposent , lors du lancement des projets , des ressources internes nécessaires à la conduite et au contrôle des travaux confiés à ces prestataires.

Le risque d'une externalisation non accompagnée d'une capacité de l'administration à contrôler les prestataires dépasse le domaine des projets numériques et constitue une préoccupation pour l'ensemble des activités de l'administration .

À titre d'exemple, il ressort du rapport 2019 du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) sur la gestion du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales que, pour de nombreuses missions autrefois exercées en régie, le recours à des prestataires extérieurs peut accroître les coûts du fait du manque de précision des conventions de gestion. La modification très fréquente des dispositifs, imposée par une volonté légitime de réactivité, a généralement un impact très fort sur les frais de gestion.

Le risque est fonctionnel et économique , des prestations insuffisamment maîtrisées pouvant conduire à des surcoûts ou des réalisations ne correspondant pas aux besoins, mais aussi juridique .

La Cour relève des cas où des protocoles transactionnels d'un montant important ont dû être conclus : dans le cas du projet Cassiopée de gestion de la chaîne pénale, l'administration ne s'est pas dotée assez tôt des compétences nécessaires en maîtrise d'ouvrage et en maîtrise d'oeuvre, ce qui a retardé la validation des spécifications et entraîné la signature de protocoles transactionnels à hauteur de 10 % du prix du marché. Le CBCM fait le même constat pour le recours à des prestataires extérieurs : « La nécessité de modifier, parfois lourdement et dans des délais très brefs, les systèmes d'information, l'insuffisante qualité du cadrage des commandes de prestations (qui devrait respecter le processus normal, alternant un cahier des charges, suivi d'un devis et d'une facture qui s'y tient) conduisent souvent à la nécessité de recourir à des transactions pour solder les frais engagés par les prestataires . »


* 5 Le montant des achats de prestations intellectuelles informatiques par l'État était de 660,3 millions d'euros en 2016, 758,5 millions d'euros en 2017 et 828,4 millions d'euros en 2018 selon l'annexe 3 de l'enquête de la Cour des comptes.

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