N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les relations de la Hongrie avec l' Union européenne ,

Par MM. Jean BIZET, André GATTOLIN et Jean-Yves LECONTE ,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin , président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Henri Cabanel, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique , vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Catherine Fournier , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Jérémy Bacchi, Jean Bizet, Philippe Bonnecarrère, Pierre Cuypers, Gilbert-Luc Devinaz, Laurent Duplomb, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Véronique Guillotin, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Patrice Joly, Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Pierre Médevielle, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Louis-Jean de Nicolaÿ, Mme Elsa Schalck, MM. Yannick Vaugrenard, Richard Yung .

L'ESSENTIEL

La commission des affaires européennes du Sénat s'intéresse depuis plusieurs années 1 ( * ) à la situation en Hongrie et aux positions que ce pays défend au sein de l'Union européenne, qu'il a rejointe le 1 er juin 2004.

La Hongrie a joué un rôle important dans l'histoire de l'Europe et dans les événements qui ont abouti à la chute du Mur de Berlin. Elle a, alors que le parti socialiste ouvrier hongrois était encore au pouvoir, précipité l'effondrement du Pacte de Varsovie en ouvrant sa frontière avec l'Autriche à partir du 2 mai 1989, en engageant la réhabilitation officielle d'Imre Nagy et en supprimant le rôle hégémonique du parti communiste 2 ( * ) . Elle a aussi très tôt marqué son attachement aux valeurs européennes démocratiques , en devenant le 24 e État membre du Conseil de l'Europe, le 6 novembre 1990, puis en étant le premier pays de l'ancien bloc soviétique à ratifier la convention européenne des droits de l'Homme, en 1992.

La délégation de la commission des affaires européennes, qui a effectué un déplacement à Budapest du 20 au 23 septembre 2020, s'est rendue dans un pays dirigé, pour le troisième mandat consécutif, par Viktor Orban, président du Fidesz et Premier ministre depuis mai 2010 - il l'avait déjà été entre 1998 et 2002. La coalition au pouvoir, rassemblant le Fidesz et le parti populaire chrétien-démocrate KNDP, a en effet conservé sa majorité qualifiée des deux tiers au parlement monocaméral 3 ( * ) lors des élections législatives d'avril 2018. Le parti d'extrême-droite Jobbik était arrivé en deuxième position, avec 19 % des suffrages, suivi du parti socialiste hongrois (MSZP), arrivé en troisième place (11 % des suffrages), puis de divers partis de gauche et libéraux.

Début 2014, la commission des affaires européennes, au cours du premier mandat du Fidesz, s'était inquiétée d'« une pratique constitutionnelle et législative contestée » et d'« un double discours permanent à l'égard de l'Union européenne ». Le deuxième mandat de Viktor Orban a été notamment marqué par son désormais fameux discours du 26 juillet 2014, prononcé en Roumanie, dans lequel il avait évoqué l' « illibéralisme », qui lui vaut depuis lors une réputation de dirigeant populiste . Un peu plus de deux ans après le début du troisième mandat du Fidesz, la commission était donc désireuse d'observer l'évolution de la situation hongroise, alors que le Parlement européen a déclenché, en septembre 2018, la procédure dite « de l'article 7 » (du traité sur l'Union européenne), qui permet de sanctionner un État membre risquant de porter atteinte aux valeurs européennes, parmi lesquelles figure l'État de droit.

Par ailleurs, la délégation de la commission des affaires européennes s'est rendue dans un pays confronté , comme tant d'autres en Europe, mais dans des proportions moindres, à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 . Il était donc intéressant pour elle de mieux connaître les réactions hongroises à ce nouveau coronavirus et à ses conséquences.

À Budapest, elle a bénéficié d' entretiens de haut niveau , tant avec des membres du pouvoir exécutif que des parlementaires, avec lesquels elle a abordé de très nombreux sujets : État de droit, bien sûr, mais aussi cadre financier pluriannuel et plan de relance, politique migratoire, politique agricole commune, détachement des travailleurs, crise sanitaire, Brexit, avenir de l'Europe, etc.

La délégation a rencontré non seulement des représentants de la majorité Fidesz, qui ont délivré un message homogène sur les positions hongroises, mais aussi ceux de l'opposition, dont la victoire aux élections municipales de l'automne 2019 a ouvert une nouvelle séquence politique pour la première fois depuis 2010 , et d'organisations non gouvernementales. Ainsi a-t-elle pu prendre connaissance de la variété des points de vue sur la situation du pays et chercher à se forger une opinion équilibrée.

Au cours de ce déplacement, nombreux sont les interlocuteurs qui ont insisté sur certaines spécificités hongroises au regard de l' histoire complexe et difficile de ce pays.

Il n'en demeure pas moins que c'est librement et en connaissance de cause que la Hongrie a rejoint l'Union européenne pour laquelle le respect de l'État de droit fait partie intégrante des valeurs européennes. Tous les États membres se sont engagés à le respecter et à le promouvoir lors de leur adhésion à l'Union européenne. Or, force est de constater que la situation de l'État de droit en Hongrie est source d'inquiétudes légitimes sur plusieurs sujets importants tels que la place de la société civile et la liberté d'association, la diversité du paysage médiatique, l'indépendance du système judiciaire, la politique migratoire, le respect de ses engagements européens et internationaux en matière d'asile et le contrôle de l'usage des fonds européens. À plusieurs reprises, la Commission européenne a recouru à la procédure en manquement pour faire respecter l'État de droit en Hongrie et a régulièrement obtenu satisfaction de la Cour de justice de l'Union européenne. Toutefois, son récent premier rapport annuel sur l'État de droit dans l'Union européenne a illustré une fois de plus les dérives observées en Hongrie.


* 1 Rapport d'information n° 406 (2013-2014) du 26 février 2014, intitulé La Hongrie et l'Union européenne, quatre ans après la « révolution par les urnes » , établi par M. Michel Billout .

* 2 Le rôle dirigeant du parti avait été abrogé par le parlement le 18 octobre 1988.

* 3 L'Assemblée nationale hongroise compte 199 sièges. 106 députés sont élus dans des circonscriptions uninominales au scrutin majoritaire, et les 93 autres le sont dans une circonscription nationale unique au scrutin de liste à représentation proportionnelle. Le parlement élit le président de la République pour un mandat de cinq ans ; János Ader est le chef de l'État depuis 2012 et a été réélu en 2017.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page