III. ALORS QUE LA CRISE ACTUELLE ACCÉLÈRE CES MUTATIONS, IL EST URGENT D'AIDER LES COMMERÇANTS À ÉPOUSER CES NOUVELLES FORMES DU COMMERCE

A. LA CRISE SANITAIRE AMPLIFIE ET ACCÉLÈRE LA TRIPLE RÉVOLUTION DU COMMERCE

1. Des mutations de toute façon appelées à se poursuivre

Indépendamment des considérations liées à la crise sanitaire, les évolutions décrites supra ne devraient pas connaître de ralentissement dans les prochaines années. Plusieurs phénomènes, au contraire, accentuent et accélèrent ces mutations :

• l'usage du smartphone se développe et remplace l'ensemble des terminaux numériques : le temps journalier passé sur son téléphone à consulter internet est désormais d'1 h 54 contre 1 h 42 pour l'ordinateur 150 ( * ) . Par ailleurs, plus de 55 % des personnes âgées de 60 à 70 ans disposent désormais d'un smartphone . 71 % du trafic sur le site français Cdiscount provient désormais de téléphones portables (22 % en moyenne sur les sites de commerce en ligne). Or ceci implique une nouvelle approche de la relation au client, du marketing et de la communication pour les commerçants : ceux ne pouvant s'adresser aux clients via ce canal (ceux dont le site internet n'est, par exemple, pas adapté à la consultation sur téléphone) perdront en attractivité aux yeux des clients ;

• les innovations se multiplient afin de fluidifier la livraison : serrures connectées pour livrer en l'absence des clients, emballages traçables et réutilisables, développement de nouveaux points de réception des colis, etc . En outre, tous les marchés ne sont pas encore totalement ouverts au commerce en ligne (lunettes, assurances, ...).

Surtout, les marges de progression en termes d'omnicanalité restent significatives, notamment pour les PME et les TPE. Ainsi que le note CCI France, « le décalage entre l'offre web globale (concentrée dans Google) et l'offre proposée par un commerçant est, et sera de plus en plus, insurmontable pour les petits commerçants indépendants de centre-ville. Ils doivent augmenter leur gamme, inventer de nouveaux scénarios de vente. Ne vendre que ce que l'on stocke ne permet plus d'être concurrentiel. Donc le commerce traditionnel doit conjuguer la force de l'e-commerce [...] avec la force du commerce physique » 151 ( * ) .

2. La crise actuelle a accéléré le rythme de développement du commerce en ligne

La crise sanitaire, et les deux confinements qu'elle a jusqu'à présent entraînés, s'est traduite par une chute dramatique de l'activité commerciale physique en 2020 : ce secteur a en effet enregistré une baisse de 18 % de ses ventes sur l'année (- 4,5 % pour le sport, - 23 % pour les bijoux ou l'équipement de la personne), selon les données de l'institut du commerce spécialisé Procos parues en janvier 2021 152 ( * ) . Une vague de faillites de PME est donc à craindre, y compris parmi les secteurs autorisés administrativement à ouvrir mais dont l'endettement est particulièrement élevé et les clients absents.

Corrélativement, le taux de pénétration du commerce en ligne a fortement augmenté. Sa part dans le chiffre d'affaires global a ainsi doublé, passant de 6 à 12 %, tandis que les modes de consommation ont continué leur évolution au profit de ces nouvelles modalités d'achat.

Du côté de l'offre, face à l'impossibilité d'ouvrir physiquement, de nombreux commerçants y ont en effet trouvé un moyen utile d'atténuer la chute des ventes (la progression du commerce en ligne a été quatre fois plus importante pour les enseignes physiques que pour les pure players 153 ( * ) ). Les ventes en ligne des enseignes ont ainsi crû de 85 % en décembre 2020, et de 80 % sur l'ensemble de l'année 2020, selon Procos. En moyenne, le click&collect a permis de réaliser jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires habituel non alimentaire 154 ( * ) .

Taux de croissance du chiffre d'affaires des sites du panel iCE100

(vente de produits hors alimentaire, hors places de marché)

Source : iCE/Fevad

Lecture : le panel iCE100 regroupe une centaine de sites de commerces en ligne parmi les sites leaders . En mai 2020, les ventes en ligne d'enseignes physiques (Fnac, Décathlon, etc .) ont augmenté de 126 %, et celles des sites pure players de 36 %.

Du côté de la demande, des consommateurs jusqu'alors peu habitués à ce canal de vente y ont trouvé un moyen de satisfaire leurs attentes. Un milliard de colis ont ainsi été livrés en 2020 contre 800 millions en 2019 155 ( * ) . Une étude de la chambre de commerce et d'industrie des Hauts-de-France, réalisée lors du premier confinement, concluait par exemple que 90 % des ménages ont changé leurs habitudes en la matière et que 41 % d'entre eux ne souhaitent pas renouer avec leurs anciens modes de consommation 156 ( * ) . Durant le premier confinement, un Français sur cinq dit en outre avoir « acheté une nouvelle catégorie de produits en ligne » 157 ( * ) . Il ressort par exemple d'échanges entre le rapporteur et la fédération des magasins de bricolage que le pourcentage de ventes réalisées en ligne a considérablement augmenté à la faveur de la crise.

Taux de croissance trimestriel du chiffre d'affaires des sites du panel iCE100

(ventes de produits aux consommateurs et du commerce de détail)

Source : iCE/Fevad et Banque de France

Lecture : le panel iCE100 regroupe une centaine de sites de commerces en ligne parmi les sites leaders. « btoc » : business-to-consumers ; « yc » : comparaison annuelle

Les récentes enquêtes de la Fevad montrent par ailleurs que près de 70 % des acheteurs en ligne souhaiteraient que le commerce de proximité propose cette option de vente 158 ( * ) .


* 150 eMarketer, « Media Time Will Tilt Digital in France in 2017 », 2016.

* 151 Contribution écrite de CCI France transmise au groupe de travail.

* 152 Procos, Communiqué de presse, « Commerce spécialisé : 2020, bilan et évolutions ; 2021, principaux enjeux. », 29 janvier 2021. Il est à noter que les commerces des Champs-Élysées ont enregistré une baisse de 60 % de leurs ventes en janvier 2021, que ceux du boulevard Haussmann à Paris ont subi une chute d'activité de 45 % et que les grands centres commerciaux ont connu, au cours de ce mois, une diminution de 35 à 45 % de leur chiffre d'affaires.

* 153 Audition des représentants de la Fevad, 7 décembre 2020.

* 154 Rapport d'information de M. Serge BABARY, Mmes Anne CHAIN-LARCHÉ, Élisabeth LAMURE et M. Fabien GAY, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 535 tome VIII (2019-2020) - 17 juin 2020.

* 155 Directeur général de Colissimo, cité par Le Monde, 22 janvier 2021.

* 156 Étude citée par le président de CCI France lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, reprise par le rapport d'information déposé par la commission des affaires économiques sur les propositions du groupe de travail sur les entreprises concernant la reprise et le plan de relance après l'épidémie de covid-19, présenté par MM. Philippe Huppé, Daniel Fasquelle, Thierry Benoît, François Ruffin et Alain Bruneel.

* 157 Étude Yougov pour Keley Consulting, relayée par le site spécialisé LSA : https://www.lsa-conso.fr/coronavirus-comment-le-click-collect-et-le-drive-s-imposent-dans-le-non-alimentaire,347784

* 158 Fevad, « Bilan e-commerce 2 e trimestre 2020 », septembre 2020.

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