IV. UNE ABSENCE D'ÉVALUATION GLOBALE REGRETTABLE, DANS UN CONTEXTE DE CRISE ÉCONOMIQUE SANS PRÉCÉDENT

La quasi-totalité des professionnels estiment que l'étude d'impact de la RE2020 réalisée par le Gouvernement n'est pas satisfaisante 44 ( * ) .

Les bailleurs privés et sociaux 45 ( * ) de même que les professionnels du gaz 46 ( * ) et de la chaleur 47 ( * ) considèrent que cette étude , réalisée selon une méthode « en silo », ne permet pas d'apprécier l'impact global de la réglementation sur les secteurs de l'énergie et de la construction.

Est notamment critiqué le fait que l'étude d'impact ne tienne pas ou peu compte des frictions sur le marché, de l'évolution des prix ou des besoins de formation ou d'approvisionnement.

À titre d'illustration, les professionnels du bâtiment 48 ( * ) estiment que l'étude d'impact élude les contraintes d'application de la RE2020.

A également été relevé le fait que l'incidence de la RE2020 doit être appréciée au regard du contexte macroéconomique, dégradé par la crise de la Covid-19, ainsi que de l'accumulation de normes de construction et d'urbanisme ces dernières années, qui laissent augurer un « effet cocktail » : normes de sécurité, d'accessibilité, d'acoustique, de qualité de l'air ou parasismiques, diagnostic de performance énergétique (DPE), objectif « zéro artificialisation nette » des sols notamment.

D'autres organisations professionnelles , à l'image de la Fédération nationale des services énergie environnement (FEDENE) 49 ( * ) , relèvent les lacunes de l'étude d'impact sur le plan de l'emploi.

Ainsi, selon cette fédération : « le volet adaptation des compétences professionnelles n'a pas été suffisamment appréhendé alors que la réforme est particulièrement impactante. [...] Dans un contexte durable de tensions sur les métiers des services énergétiques, la contrainte de l'adaptation des compétences à très court terme s'ajoute aux difficultés chroniques de recrutement. »

Enfin, tous secteurs confondus, les professionnels 50 ( * ) ont critiqué la transmission tardive de l'étude d'impact , quelques jours avant l'examen par eux des projets de décret et d'arrêté devant le CSCEE.

Interrogé par le rapporteur , le Gouvernement a indiqué avoir confié à un groupe de travail 51 ( * ) - composé de bureaux d'études et d'économistes de la construction - la réalisation d'un ensemble de simulations technico-économiques 52 ( * ) . 400 variantes ont ainsi été évaluées pour mesurer les surcoûts associés à chaque niveau de performance.

Pour autant, seules certaines variantes ont donné lieu à une évaluation économique globale , tenant compte des coûts d'exploitation (entretien, maintenance, renouvellement) ou des bénéfices attendus (consommation d'énergie, facture d'énergie, émissions de GES).

Le rapporteur regrette les insuffisances de l'étude d'impact de la RE2020. Il déplore que cette évaluation ne tienne pas compte du coût complet des différentes normes (coût d'exploitation, bénéfices induits, amortissements attendus) ainsi que de leur cumul. Il regrette que les besoins de formation des personnels et d'approvisionnement en matériaux n'aient été que très partiellement abordés. Enfin, le rapporteur estime qu'il est illusoire de faire abstraction du contexte de crise économique et d'étouffement normatif qui entrave les perspectives de développement des secteurs de l'énergie et de la construction.

Aussi invite-t-il le Gouvernement à consolider l'étude d'impact de la RE2020, en lui adjoignant une évaluation globale de ces normes et en actualisant les hypothèses macroéconomiques retenues, à l'aune de la crise.

Surtout, il appelle le Gouvernement à identifier, en lien avec les professionnels, les besoins en termes d'emplois, de compétences et de formations, générés par ces nouvelles normes de performance énergétique.

Sur ce dernier point, le rapporteur rappelle que le CSCEE , dans son avis du 26 janvier, a indiqué que « la mise en oeuvre performante de la RE2020 implique la formation de tous les personnels concernés » , ajoutant que « le Gouvernement doit s'engager à mettre en oeuvre les programmes de formation nécessaires, d'une part, pour la compréhension globale des enjeux techniques de la RE2020, d'autre part, les formations ?métier? spécifique, notamment à destination des jeunes et des demandeurs d'emploi, dans un calendrier compatible avec l'entrée en vigueur ».

Parce que les projets de décret et d'arrêté en cours , qui concernent les logements, les bureaux et les locaux d'enseignement, vont être suivis d'autres textes , spécifiques à certains bâtiments tertiaires, le rapporteur souhaite que la méthodologie qu'il propose soit également appliquée à ces futurs textes.

3. Consolider l'étude d'impact de la RE2020 en lui adjoignant une évaluation globale - portant sur les coûts complet et cumulé de ces normes - et en actualisant les hypothèses macroéconomiques retenues, à l'aune de la crise économique.

4. Identifier, en lien avec les professionnels, les besoins en termes d'emplois, de compétences et de formations générés par l'application de la RE2020.

5. Appliquer les deux recommandations précitées aux projets de textes à venir spécifiques aux bâtiments tertiaires.


* 44 De son côté, EDF considère que « les études menées par les contributeurs (dont EDF) ont permis au fil de l'eau de tester et améliorer le moteur [...] et de mieux appréhender les différentes évolutions et leurs impacts ».

* 45 Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et Union sociale pour l'habitat (USH).

* 46 Association française du gaz (AFG), Fédération du gaz renouvelable (FGR), Engie, GrDF.

* 47 Fédération des services énergie environnement (FEDENE).

* 48 Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et Fédération française du bâtiment (FFB).

* 49 Dont les entreprises membres exercent des activités de service dans le domaine de l'énergie.

* 50 Coénove, Énergies & Avenir, Engie, Fédération des services énergie environnement (FEDENE), Fédération de l'industrie du béton (FIB).

* 51 Groupe de travail « Modélisateur ».

* 52 Toutes les simulations ont fait l'objet d'un taux d'actualisation, de 4 ou 4,5 %.

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