II. LA DÉGRADATION PRÉOCCUPANTE DE L'ÉTAT DE DROIT AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

La situation de l'État de droit et des droits fondamentaux dans l'Union européenne et ses États membres fait l'objet d'un suivi périodique, et qui s'est accru au fil du temps, de la part des institutions, organismes et organes de l'Union.

Le constat établi depuis plusieurs années, en particulier à partir de 2010, est celui d'une dégradation régulière et inquiétante du respect de l'État de droit sur notre continent.

L'Union européenne n'est pas restée inactive face aux atteintes portées à l'État de droit. Elle a mobilisé les outils à sa disposition, y compris les plus puissants, et a également cherché à améliorer sa capacité de réaction en développant de nouveaux mécanismes.

Toutefois, cette réaction européenne s'est révélée peu efficace.

A. LE SUIVI RÉGULIER DES DROITS FONDAMENTAUX PAR L'UNION EUROPÉENNE

En tant que gardienne des traités, la Commission européenne assure le suivi de la bonne mise en oeuvre de la législation de l'Union européenne. Pour ce qui concerne l'État de droit, elle assure cette fonction de monitoring sur la base de différents outils et avec le soutien de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne. Mais elle exerce aussi un rôle d'assistance, en particulier à travers son service d'appui à la réforme structurelle, qui apporte un soutien technique aux réformes dans les États membres, en particulier celles qui ont un impact sur le renforcement de l'État de droit (administration, système judiciaire, lutte contre la corruption, etc.). Une part des fonds européens structurels et d'investissement est allouée à ce type de réformes : l'enveloppe financière du programme « Justice, droits et valeurs » s'établit à 841 millions d'euros au titre du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027.

1. L'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne

L'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont le siège se trouve à Vienne, a été instituée par le règlement (CE) n° 168/2007 du Conseil du 15 février 2007, prenant la suite de l'Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, créé en 1997.

Son rôle est essentiellement consultatif puisqu'elle rend des rapports non contraignants. Elle publie un rapport annuel sur les questions relatives aux droits fondamentaux relevant de ses domaines d'action, en soulignant également les exemples de bonnes pratiques. Elle publie aussi des rapports thématiques sur la base de ses analyses, de ses recherches et de ses enquêtes. À titre d'illustration, l'Agence publie différents documents sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont un rapport annuel . Elle a également publié un rapport dix ans après que la Charte - qui a la même valeur juridique que les traités - fut devenue juridiquement contraignante pour les institutions, organes et organismes de l'Union et pour les États membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, ainsi qu'un manuel présentant des orientations pour l'application de la Charte dans le processus législatif et l'élaboration des politiques à l'échelle nationale. Elle a aussi réalisé un manuel de droit européen en matière d'asile, de frontières et d'immigration. Par ailleurs, elle a aussi publié toute une série d'études sur le respect des droits fondamentaux pendant la crise sanitaire.

Elle assiste les institutions européennes et nationales dans le domaine des droits de l'Homme et des libertés, en s'assurant que les mesures prises et les législations adoptées respectent les droits fondamentaux et ne présentent aucune discrimination, notamment dans le cadre de la transformation numérique. Elle est appelée à coordonner ses activités avec celles du Conseil de l'Europe, en particulier pour son programme de travail annuel.

Ses partenaires peuvent solliciter une demande d'avis, mais l'Agence est également libre d'en rendre de son propre fait.

L'Agence est financée par les fonds de l'Union européenne, dont le montant était de près de 24 millions d'euros en 2020. Elle disposait d'un effectif de 100 personnes en 2019.

L'État de droit, entendu strictement comme le fait la Commission, ne s'étend pas aux droits fondamentaux. Néanmoins, certains droits fondamentaux ont une portée structurante pour l'État de droit et notamment celui relatif à l'accès à la justice. Ainsi, les travaux menés par l'Agence dans ce domaine permettent de faire avancer la réflexion sur les moyens à mettre en oeuvre pour préserver et favoriser le respect de l'État de droit dans sa dimension judiciaire. Par ailleurs, le directeur de l'Agence est régulièrement invité au Conseil Affaires générales pour partager son analyse en matière de droits fondamentaux dans le cadre des travaux sur l'État de droit, notamment pour ce qui concerne la collecte d'informations. Enfin, l'Agence a été sollicitée pour la rédaction du rapport annuel de la Commission sur la situation de l'État de droit.

Toutefois, l'Agence et ses travaux restent peu connus. Son mandat, antérieur au traité de Lisbonne, est restreint et centré sur l'information. La Commission joue un rôle important dans le fonctionnement de l'Agence. Le mandat de l'Agence mériterait sans doute d'être révisé de façon à ce qu'elle exerce des activités plus opérationnelles, par exemple dans le déclenchement et le suivi de la procédure de l'article 7 du traité sur l'Union européenne (TUE) ( cf . infra ).

2. Le tableau de bord de la justice dans le cadre du Semestre européen

L'Union européenne a institué en 2014 le Semestre européen qui consiste en un cycle, concentré sur les six premiers mois de l'année, de coordination des politiques économiques et budgétaires au sein de l'Union européenne, et qui s'inscrit dans le cadre de la gouvernance économique de l'Union.

Le Semestre européen doit donner lieu à la mise en oeuvre par les États membres de réformes structurelles faisant l'objet de recommandations, présentées sous la forme de rapports par pays et proposées par la Commission puis adoptées par le Conseil.

Parmi ces réformes structurelles figurent celles des systèmes judiciaires . Ceux-ci sont évalués par le tableau de bord de la justice dans l'Union européenne , qui est une base de données comparatives portant sur trois caractéristiques : l'indépendance, la qualité et l'efficacité de la justice d'un État membre .

Les principales conclusions du tableau de bord 2020 de la justice
dans l'Union européenne 22 ( * )

Le tableau de bord 2020 de la justice fait apparaître trois principales conclusions :

1) l'efficacité des systèmes judiciaires connaît une évolution positive : depuis 2012, une évolution positive est observée dans la plupart des États membres qui ont été recensés dans le cadre du Semestre européen comme étant confrontés à des défis spécifiques. Dans presque tous ces États membres, la longueur des procédures judiciaires de première instance a diminué ou est restée stable. Quasiment tous les États membres ont signalé un taux élevé d'affaires classées (plus de 97 %), ce qui signifie que les juridictions sont généralement en mesure de suivre les nouvelles affaires, tout en progressant sur l'arriéré judiciaire. Le tableau de bord se penche également sur l'efficacité dans certains domaines du droit de l'UE, sélectionnés en raison de leur pertinence pour le marché unique et l'environnement des entreprises. Il s'agit notamment du droit en matière de protection des consommateurs, par exemple, domaine dans lequel les affaires traitées dans sept États membres ont fait l'objet d'une décision en moins de trois mois ; ainsi que du blanchiment de capitaux, domaine dans lequel les procédures en première instance varient d'une année dans la moitié des États membres à deux ans dans plusieurs États membres confrontés à des difficultés en matière de poursuites relatives à des infractions de blanchiment de capitaux ;

2) la justice est perçue comme étant moins indépendante qu'en 2019 : d'après un nouveau sondage Eurobaromètre, la manière dont l'indépendance de la justice est perçue par les citoyens s'est améliorée dans deux tiers des États membres par rapport à 2016. Cependant, par rapport à l'année dernière, cette perception a reculé dans près de deux cinquièmes de l'ensemble des États membres et dans environ la moitié des États membres confrontés à des défis spécifiques. L'ingérence ou la pression des pouvoirs publics et des responsables politiques ont été les raisons les plus souvent invoquées pour la perception d'un manque d'indépendance des juridictions et des juges, suivies de la pression exercée par des intérêts économiques ou d'autres intérêts spécifiques ;

3) on observe une amélioration de l'accessibilité et de l'égalité des sexes : quasiment tous les États membres fournissent un accès en ligne à certaines informations sur leur système judiciaire, et une majorité d'entre eux fournissent des informations destinées aux personnes malvoyantes ou malentendantes, ainsi qu'aux locuteurs non natifs. Les États membres commencent à mettre en place des dispositifs pour les décisions de justice lisibles par machine, mais le degré d'avancement dans la mise en oeuvre de ces dispositifs varie d'un État membre à l'autre. Les décisions rendues dans ce format sont plus faciles d'emploi et plus accessibles pour le grand public. Quasiment tous les États membres ont prévu certaines mesures adaptées aux enfants, par exemple en ce qui concerne les auditions afin que celles-ci répondent à leurs besoins spécifiques. En revanche, seule la moitié des États membres ont conçu des sites web pour les enfants qui fournissent des informations sur le système judiciaire. Enfin, bien que les femmes représentent encore moins de 50 % des juges dans la plupart des cours suprêmes des États membres, les chiffres continuent de progresser dans la plupart des États membres depuis 2010.

Source : Commission européenne

Ce tableau de bord de la justice trouve l'une de ses principales sources dans l'étude annuelle que mène depuis 2013 la Commission européenne pour l'efficacité de la justice ( CEPEJ ) du Conseil de l'Europe. La dernière étude a pris en compte, à la demande des autorités françaises, de nouveaux indicateurs qui permettent de mieux mesurer le respect de l'État de droit, par exemple l'indicateur n° 52 sur la composition des conseils de justice en charge des nominations ou l'indicateur n° 53 sur l'autorité en charge des sanctions disciplinaires à l'égard des procureurs.

3. Le mécanisme de coopération et de vérification concernant la Bulgarie et la Roumanie

Lors de l'adhésion, le 1 er janvier 2007, de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, ces deux pays présentaient encore des lacunes en matière de réformes du système judiciaire et de lutte contre la corruption, ainsi qu'en matière de criminalité organisée pour ce qui est de la Bulgarie 23 ( * ) . Ces lacunes pouvaient entraver l'application efficace de la législation, des politiques et des programmes de l'Union européenne.

Un mécanisme spécifique, le mécanisme de coopération et de vérification (MCV), a donc été mis en place par deux décisions de la Commission du 13 décembre 2006 24 ( * ) pour permettre à cette dernière d' aider ces deux pays à pallier ces lacunes , mais aussi à vérifier de manière régulière les progrès accomplis au regard des critères de référence spécifiques définis à cette fin. Ce mécanisme a été l'occasion de traiter les questions relatives à l'État de droit comme un sujet post-adhésion, et non plus comme un critère justifiant un report de l'adhésion à l'Union européenne. Il a aussi permis à l'Union d'être plus efficace dans ses exigences, en particulier en matière de lutte contre la corruption, lors des négociations d'adhésion avec la Croatie.

Le MCV a été conçu comme un dispositif provisoire . Il devrait expirer lorsque les six critères de référence pour la Bulgarie et les quatre critères de référence pour la Roumanie auront été remplis de manière satisfaisante.

Les quatre critères de référence pour la Roumanie

1. Garantir un processus judiciaire à la fois plus transparent et plus efficace, notamment en renforçant les capacités et la responsabilisation du Conseil supérieur de la magistrature. Rendre compte de l'incidence des nouveaux codes de procédure civile et administrative et l'évaluer.

2. Constituer, comme prévu, une agence pour l'intégrité dotée de responsabilité en matière de vérification de patrimoine, d'incompatibilités et de conflits d'intérêts potentiels, mais aussi de la capacité d'arrêter des décisions impératives pouvant donner lieu à la prise de sanctions dissuasives.

3. Continuer, en se basant sur les progrès déjà accomplis, à mener des enquêtes professionnelles et non partisanes sur les allégations de corruption à haut niveau.

4. Prendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, en particulier au sein de l'administration locale.

Les six critères de référence pour la Bulgarie

1. Adopter des modifications de la Constitution supprimant toute ambiguïté au sujet de l'indépendance et de la responsabilisation du système judiciaire.

2. Garantir un processus judiciaire plus transparent et plus efficace en adoptant et en mettant en oeuvre une nouvelle loi sur le système judiciaire et le nouveau code de procédure civile. Rendre compte de l'incidence de ces deux nouvelles lois, ainsi que des codes de procédure pénale et administrative, notamment au cours de la phase d'instruction.

3. Poursuivre la réforme du système judiciaire, de manière à renforcer le professionnalisme, la responsabilisation et l'efficacité. Évaluer les effets de cette réforme et en publier les résultats chaque année.

4. Mener des enquêtes professionnelles et non partisanes sur les allégations de corruption de haut niveau et en rendre compte. Établir des rapports sur les inspections internes d'institutions publiques et sur la publication des biens personnels détenus par les hauts fonctionnaires.

5. Prendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, notamment aux frontières et au sein de l'administration locale.

6. Mettre en oeuvre une stratégie destinée à lutter contre la criminalité organisée, particulièrement axée sur les délits graves, le blanchiment de capitaux et la confiscation systématique des biens des délinquants. Rendre compte des enquêtes, mises en examen et condamnations nouvelles et en cours dans ce domaine.

Si ces deux pays ne parviennent pas à atteindre les objectifs de référence de manière adéquate, la Commission peut théoriquement appliquer des mesures de sauvegarde sur la base des articles 37 et 38 de l'acte d'adhésion. Elle peut notamment suspendre l'obligation faite aux États membres de reconnaître et d'exécuter, dans les conditions fixées par la législation communautaire, les jugements et décisions judiciaires roumains ou bulgares, tels que les mandats d'arrêt européens. Toutefois, de telles mesures n'ont jamais été appliquées jusqu'à présent.

La Commission transmet normalement un rapport tous les six mois au Parlement européen et au Conseil. Les États membres assurent le suivi du MCV par l'élaboration de conclusions adoptées à l'unanimité, y compris donc par la Bulgarie et la Roumanie - les rendant donc la fois juges et parties et leur donnant la possibilité d'amoindrir la teneur des conclusions par la nécessité d'arriver à un texte recueillant leur approbation -, après leur discussion dans un groupe ad hoc . Ces conclusions interviennent après la publication du rapport écrit de la Commission. Toutefois, en 2020, la Commission n'a pas présenté de rapport écrit, mais un rapport oral sur la Roumanie et estimé que ses recommandations de l'automne 2019 sur la Bulgarie étaient toujours valables. La Commission a justifié sa décision en renvoyant, pour la Bulgarie, au premier rapport annuel de la Commission sur l'État de droit publié le 30 septembre 2020 et aux discussions du Conseil du 10 novembre 2020. Elle a estimé, pour la Roumanie, que le contexte ne donnait pas de réelle matière à analyse complémentaire. Aucune conclusion du Conseil n'a donc été adoptée en 2020, plusieurs États membres, dont la France, ayant néanmoins contesté cette méthode.

In fine cependant, le MCV n'a pas encore été clôturé, alors que la Bulgarie et la Roumanie sont des États membres depuis plus de 14 ans, et la Commission continue de publier des rapports annuels sur sa mise en oeuvre dans ces deux pays. Les derniers rapports datent donc d'octobre 2019.

S'il est généralement admis que, sans le MCV, la volonté politique des gouvernements à mettre en oeuvre les réformes n'aurait pas été la même, la Bulgarie et la Roumanie n'ont pas progressé au même rythme ni de manière linéaire .

Pour la Bulgarie 25 ( * ) , la Commission, dix ans après la mise en place du MCV, en 2017, avait procédé à une évaluation d'ensemble et formulé dix-sept recommandations définissant pour ce pays une trajectoire devant conduire à la clôture du mécanisme. La Commission note que les efforts de la Bulgarie lui ont permis « de réaliser de nouvelles avancées, notamment en ce qui concerne les recommandations relatives aux troisième, quatrième et cinquième objectifs de référence, toujours en suspens à la suite de l'évaluation de l'année dernière ». L'année 2019 a vu la consolidation du cadre juridique et institutionnel mis en place au cours des années précédentes. Sa concrétisation à long terme supposera de faire preuve de détermination et d'assurer un suivi en la matière. Outre l'engagement de poursuivre les réformes en matière de lutte contre la corruption, la Commission « prend note en particulier de l'engagement du gouvernement bulgare de mettre en place des procédures garantissant la responsabilisation d'un procureur général, y compris la préservation de l'indépendance de la justice conformément aux recommandations de la Commission de Venise. Le gouvernement bulgare a sollicité un avis et s'est engagé à respecter les recommandations de la Commission de Venise, conformément aux paramètres de l'ordre constitutionnel bulgare ». La Commission note également l'engagement des autorités bulgares d'adopter des dispositions législatives « visant à abroger les dispositions de la loi sur le système judiciaire qui prévoient la suspension automatique des magistrats en cas d'ouverture d'une enquête pénale à leur encontre et d'adhésion à des associations professionnelles ». Enfin, la Commission « prend acte de l'engagement du gouvernement bulgare de veiller à la poursuite de la coopération avec les organes du Conseil de l'Europe afin de remédier aux éventuelles lacunes subsistant en ce qui concerne le cadre bulgare de lutte contre la corruption et l'efficacité des enquêtes pénales ». La Commission conclut que « les progrès accomplis par la Bulgarie au titre du MCV sont suffisants pour satisfaire aux engagements pris par la Bulgarie au moment de son adhésion à l'UE ». Elle r ecommandait donc de mettre fin au MCV .

Pour la Roumanie 26 ( * ) , l'appréciation portée par la Commission est moins positive. Lors de l'évaluation d'ensemble de 2017, la Commission avait formulé douze recommandations « dont l'application suffirait pour clôturer le processus lancé au titre du MCV et qui pourraient être respectées dans le cadre du mandat de la Commission actuelle ». Le MCV pourrait être clôturé à condition que les recommandations soient mises en oeuvre de manière irréversible, mais aussi que de nouveaux éléments ne constituent pas clairement un retour en arrière. Or, la Commission a certes constaté des progrès sur un certain nombre de recommandations, mais aussi noté que « la dynamique de réforme avait disparu au cours de l'année 2017 » . Elle a mis en garde contre « le risque de faire resurgir des problèmes qui étaient considérés comme réglés dans le rapport de janvier 2017 ». Pour ce qui concerne la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption, la Commission « a confirmé une régression par rapport aux progrès réalisés au cours des années antérieures ». L'évolution de la situation au cours des premiers mois de 2019 a été une source de vives préoccupations. En conséquence, la Commission a dû informer les autorités roumaines en mai 2019 que, si les améliorations nécessaires n'étaient pas apportées à brève échéance ou si d'autres mesures néfastes étaient prises, « la Commission prendrait des mesures au titre du cadre pour l'État de droit, qui prévoit un dialogue pour répondre aux préoccupations dans ce domaine (ce qui peut donc aller au-delà des paramètres du MCV) ». La Commission s'est toutefois félicitée du fait que « le gouvernement roumain a exprimé [...] le souhait de revoir son approche, et que des efforts ont été consentis dans le cadre de nouveaux mécanismes de consultation et d'un dialogue avec le pouvoir judiciaire ». Elle estime que « les grandes institutions roumaines devront à présent faire la preuve, collectivement, de leur fort attachement à l'indépendance de la justice et à la lutte contre la corruption en tant que pierres angulaires indispensables, et garantir la capacité des sauvegardes et contre-pouvoirs nationaux à agir ». Elle conclut ainsi : « Il est impératif d'appliquer ces recommandations si l'on veut remettre le processus de réforme sur les rails et progresser à nouveau vers la conclusion du MCV ».

Il convient de noter que la France estime encore prématuré de mettre fin au MCV, y compris pour la Bulgarie , estimant que de véritables progrès ne peuvent être actés seulement par des engagements politiques. De plus, le MCV apporte des garanties en termes de coopération et de suivi que ne prévoit pas le cadre de l'État de droit. En effet, le volet « coopération » du MCV permet un accompagnement aux réformes par les partenaires européens et le volet « vérification », par le biais du suivi annuel, exerce une forme de pression sur les gouvernements roumain et bulgare pour progresser dans la mise en oeuvre des critères de référence. Ces deux aspects n'existent pas dans le cadre de l'État de droit. Pour la France, le MCV doit donc être conservé tant que les objectifs de référence fixés pour chacun des pays ne sont pas pleinement atteints.

4. Le suivi des droits fondamentaux dans l'Union européenne par le Parlement européen

Le Parlement européen adopte, sous la forme de résolutions, des rapports annuels sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne, qui vont au-delà du sujet de l'État de droit et de la mise en oeuvre de l'article 7 du TUE.

Ainsi sa résolution du 26 novembre 2020, qui porte sur les années 2018 et 2019, aborde-t-elle des sujets très variés : droits économiques et sociaux, droit à l'égalité de traitement, libertés, droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés, État de droit et lutte contre la corruption, conditions pénitentiaires et adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme.


* 22 Texte COM (2020) 306 final du 10 juillet 2020.

* 23 Par ailleurs, la Bulgarie fait également l'objet de la procédure dite de « dialogue post-suivi » (qui concerne les États membres étant sortis de la procédure de suivi en raison de leurs progrès, et qui est moins intensive et porte sur un nombre limité de questions en suspens) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

* 24 Décisions 2006/928/CE pour la Roumanie et 2006/929/CE pour la Bulgarie.

* 25 Texte COM (2019) 498 final.

* 26 Texte COM (2019) 499 final.

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