II. LES PROPOSITIONS

A. UNE REPRISE DE L'ACTIVITÉ PROGRESSIVE ET ENCADRÉE

L'accès à la culture revêt un caractère fondamental . Maintenir les établissements culturels fermés au motif que leur fréquentation favoriserait, en amont ou en aval, des moments de convivialité en famille ou entre amis, apparaît comme une sanction injustifiée. Il appartient à chaque citoyen de prendre ses responsabilités au regard du contexte sanitaire. Les établissements culturels pourraient d'ailleurs tout à fait contribuer à cette prise de conscience en diffusant des messages, en début ou en fin de séance ou de spectacle, destinés à rappeler l'importance des gestes barrières et les dangers encourus lors des réunions privées avec la famille élargie ou des amis.

La fréquentation des lieux culturels stricto sensu ne doit, en revanche, pas constituer un facteur de contamination compte tenu de la situation sanitaire, ni pour le public, ni pour les personnels de l'établissement ou les artistes et techniciens qui y interviennent.

Le second volet de l'étude ComCor sur les lieux de contamination au SARS-CoV-2 menée par l'Institut Pasteur en partenariat avec la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, l'institut Ipsos et Santé Publique France, en date de mars 2021, indique clairement que « la fréquentation des lieux culturels n'a pas été associée à un sur-risque d'infection pendant la période où ils étaient ouverts ».

Un certain nombre de lieux culturels ne parait en effet pas présenter de tels sur-risques, en particulier ceux dans lesquels le public ne parle pas ou peu et exclusivement à voix basse et où il y semble plus aisé de faire respecter les mesures de protection et les règles de distanciation physique. Dans son avis du 11 mars 2020, le conseil scientifique a d'ailleurs considéré que la fréquentation des lieux culturels, y compris des cinémas et des théâtres, présentait un risque peu élevé, dès lors que les gestes barrières étaient respectés.

Les musées et monuments, les cinémas et les salles de spectacles en format assis pourraient être les premiers autorisés à rouvrir de manière progressive à compter de la levée des mesures de confinement en vigueur depuis le 3 avril . Leur réouverture doit être soumise à plusieurs conditions :

1. Le respect de la distanciation physique entre les personnes n'ayant pas réservé leur billet ensemble. Cette condition suppose une adaptation des jauges . Plutôt que d'imposer une réduction générale de 50 % de la jauge à tous les établissements, qui les placerait très en-dessous de leur seuil de rentabilité et ne serait pas forcément adaptée à la configuration de tous les espaces, le niveau de la jauge pourrait être fixé en fonction du volume, de la disposition et des conditions de ventilation des locaux ;

2. Le respect des principales mesures de prévention (mise à disposition de gels hydro-alcooliques, port obligatoire du masque sur le nez et la bouche). Il parait indispensable que les établissements s'engagent à en contrôler le respect : nomination de référents en matière de sécurité sanitaire, formation des personnels aux consignes sanitaires, mise en place de mesures de contrôle pour garantir le respect des mesures de prévention par le public pendant toute la durée de la visite ou du spectacle ;

3. La mise en place de mesures destinées à faciliter la circulation dans les espaces en limitant les croisements et à réduire les files d'attente en intérieur. Il apparait souhaitable de limiter l'accès des établissements culturels aux seules personnes ayant préalablement réservé leurs billets tant que le niveau de circulation du virus reste élevé. Le principe des billets horodatés pour l'accès aux musées et monuments devrait être systématisé, en veillant à restreindre le nombre de billets vendus pour un même horaire tout en limitant la durée des créneaux (approximativement 15 minutes), l'expérience ayant montré que les visiteurs viennent systématiquement au début du créneau de visite ;

4. La fermeture des espaces de restauration et de buvette aussi longtemps que les bars et restaurants seront maintenus fermés au niveau national ou local. Il apparait nécessaire que les règles concernant les espaces de restauration soient alignées sur celles applicables de manière générale.

Il serait opportun que la réouverture de chaque établissement culturel soit autorisée au cas par cas par le préfet, en concertation avec les collectivités territoriales concernées, en fonction du protocole sanitaire présenté par l'établissement et de l'adéquation de la programmation au respect de celui-ci. Cet alourdissement temporaire des procédures administratives apparait nécessaire pour apporter des garanties aux établissements autorisés à rouvrir et contribuer à restaurer la confiance du public.

En ce qui concerne les concerts en jauge debout , il apparait indispensable d' accélérer et d'amplifier les expérimentations cliniques dans différentes configurations (salle/plein air, format assis/debout, avec/sans distanciation, nature de masques, modalités de dépistage). Menées en partenariat avec des autorités scientifiques, ces expérimentations se révèlent nécessaires afin de déterminer les conditions dans lesquelles les concerts pourraient être de nouveau autorisés .

Jusqu'ici, les concerts-tests organisés dans des pays européens depuis l'été dernier ont eu lieu dans des salles : un concert-test réunissant 2 000 personnes à Leipzig en août 2020, deux concerts-tests à Barcelone (un premier de 500 personnes en décembre 2020 et un second avec 5 000 participants en mars 2021), un concert-test à Amsterdam de 1 300 personnes en mars 2021. Les travaux scientifiques démontrent cependant qu'aucun cluster ne serait apparu en plein air et que les risques de circulation du virus y sont très réduits. Auditionné par la mission d'information le 4 mars dernier, le professeur Antoine Flahault indiquait que des concerts en plein air en format debout, dès lors que le port du masque et les règles de distanciation physique étaient respectés, pourraient être relativement sûrs.

Bien qu'inéluctable au regard de l'évolution de la situation sanitaire, le report à la mi-mai des concerts-tests initialement programmés en mars à Marseille et en avril à Paris repousse d'autant les perspectives de reprise de l'activité pour les salles de concerts. Compte tenu des délais nécessaires pour évaluer les effets de ces expérimentations, leurs résultats pourraient n'être connus qu'au mois de juin. Les conclusions qui pourront en être tirées n'interviendront donc pas en temps utile pour permettre aux grands festivals de musiques actuelles de l'été de se réorganiser en s'y conformant. L'organisation à courte échéance de ces concerts-tests apparait néanmoins impérative pour favoriser une relance de l'activité à compter de la rentrée de septembre et permettre aux salles de concerts d'élaborer la programmation de la saison 2021-2022.

Concernant les festivals , les retards pris dans l'organisation des concerts-tests, le refus des assurances d'accompagner les établissements face aux conséquences de la crise sanitaire, le cadre annoncé par le Gouvernement le 18 février 2021 pour la tenue des festivals en 2021 (configuration assise avec distanciation, jauge inférieure à 5 000 spectateurs sur un même site et pour un même événement) et la faible dotation du fonds destinés à soutenir les festivals face à la crise sanitaire et à faciliter leur adaptation au regard du nombre de festivals organisés chaque année sur le territoire national (30 millions d'euros) compromettent l'organisation d'un certain nombre d'entre eux, notamment dans le domaine des musiques actuelles.

Cette situation est d'autant plus regrettable que les festivals sont un temps fort de la vie culturelle locale chaque année et contribuent à l'objectif de démocratisation culturelle. La jauge de 5 000 personnes retenue par le Gouvernement pour interdire les grands rassemblements apparait arbitraire et ne repose sur aucun fondement scientifique . Il faut néanmoins reconnaitre que la densité favorise les risques de contamination. C'est ce qui a d'ailleurs conduit le conseil scientifique à considérer, dans son avis du 11 mars 2020, que les fêtes et évènements culturels à forte densité présentaient un risque élevé. Ce constat justifie le recours au dépistage pour les personnes qui ne sont pas vaccinées afin de rendre possible ce type d'événements dès cette année.

Pour garantir que certains festivals puissent malgré tout rythmer l'été en France, une solution pourrait consister à confier au préfet le soin d'accorder aux festivals une autorisation au cas par cas en fonction du protocole sanitaire qu'ils présentent et de leurs engagements en matière de contrôle.

Quoi qu'il en soit, l'instauration d'un passeport vaccinal qui ouvrirait l'accès aux lieux de culture apparait impossible à ce stade .

Cette question ne pourra être débattue qu'une fois que l'ensemble des citoyens aura été mis en situation de se faire vacciner. En l'état de la campagne de vaccination , où seuls dix millions de Français ont reçu une première injection, l'obligation du passeport vaccinal serait tout à fait discriminatoire . Nombreux sont les établissements culturels qui estiment qu'elle soulève des problèmes éthiques, dans la mesure où le préambule de la Constitution du 17 octobre 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, dispose que « la Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte [...] à la culture ». Ils refusent également que cette obligation puisse leur être imposée si elle ne s'applique pas indistinctement pour accéder aux établissements relevant d'autres secteurs de la vie économique.

Beaucoup paraissent en revanche disposés à procéder au contrôle d'un pass sanitaire - qui prendrait la forme, soit d'un certificat de vaccination, soit de la présentation du résultat négatif d'un test - s'il s'agit d'une condition sine qua non pour permettre une réouverture de leurs lieux. Pour autant, la mise en place d'un tel pass sanitaire ne permettra jamais de garantir le « risque zéro » (risque de « faux négatif », risque de contamination entre le moment où le test a été réalisé et le moment où la personne accède à l'établissement culturel, possibilité de falsification des résultats...). Elle soulève aussi la question des modalités de contrôle de ce pass sanitaire par les établissements. Elle constitue enfin un coût pour les finances publiques, dans la mesure où le dépistage du Covid-19 est intégralement pris en charge par l'assurance-maladie.

La stratégie vaccinale du Gouvernement, notamment la liste des publics prioritaires, a évidemment une incidence sur la reprise des activités culturelles. Si le Gouvernement venait à favoriser les jeunes adultes, une fois la vaccination des personnes les plus âgées et les plus fragiles achevée, ce choix pourrait accélérer la reprise des activités culturelles, en particulier les festivals et les concerts.

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