Rapport d'information n° 601 (2020-2021) de Mmes Catherine DUMAS et Marie-Pierre MONIER , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 19 mai 2021

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Synthèse du rapport (1,2 Moctet)


N° 601

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le patrimoine culturel immatériel ,

Par Mmes Catherine DUMAS et Marie-Pierre MONIER,

Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean  Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

AVANT-PROPOS

Si la France a saisi depuis plus de deux cents ans l'importance de conserver certains éléments de son patrimoine monumental pour les transmettre aux générations futures, la prise de conscience de la nécessité de prendre des mesures pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) est intervenue beaucoup plus tardivement.

Nonobstant des actions antérieures, telle la création du Musée national des arts et des traditions populaires en 1937 ou la mise en place d'une mission du patrimoine ethnologique au sein du ministère de la culture au début des années 1980, c'est la Convention de l'Unesco du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui a véritablement stimulé les politiques du PCI en France . Elle a conduit à réorienter l'action publique en matière de PCI, dont la finalité était jusque-là principalement scientifique et pédagogique, en direction de la sauvegarde. En 2016, dans le cadre de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, le législateur a d'ailleurs intégré les éléments du PCI dans la définition de la notion de patrimoine donnée à l'article L. 1 du code du patrimoine.

Cette prise en compte tardive du PCI est d'autant plus étonnante que ses éléments sont pourtant des marqueurs de l'identité de notre pays ou de ses différents territoires au même titre que les biens mobiliers et immobiliers . Mais, à la différence de ces biens, qui forment le patrimoine matériel, le PCI n'est pas constitué d'éléments tangibles. Ce sont des pratiques, des connaissances, des savoir-faire, des expressions ou des représentations qui sont liés aux personnes et à leurs traditions vivantes . Ils sont donc extrêmement fragiles et susceptibles de disparaître si rien n'est fait pour maintenir la communauté de praticiens ou assurer leur transmission. La crise sanitaire pourrait d'ailleurs les avoir particulièrement affectés, dans la mesure où ils reposent, par essence, sur les interactions humaines.

Ces constats ont conduit la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à juger opportun de dresser un bilan de la protection du PCI en France et de formuler des recommandations qui permettraient d'améliorer et de favoriser sa sauvegarde. La vitalité du PCI constitue en effet un enjeu important pour contribuer à la cohésion et au développement des territoires , mais aussi préserver la diversité culturelle et faciliter l'exercice des droits culturels . C'est pourquoi le PCI devrait être appelé à jouer un rôle croissant sur nos territoires.

I. LES MODALITÉS DE LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

A. QU'EST-CE QUE LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL ?

1. La définition

La convention de l'Unesco de 2003 définit le PCI comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - » qu'une communauté humaine reconnaît comme faisant partie de son patrimoine culturel parce qu'elles lui procurent un sentiment d'identité et de continuité . Si cette définition est parfois critiquée pour son caractère flou, elle a volontairement été conçue de manière large pour s'adapter aux spécificités locales et ainsi mieux permettre de préserver la diversité culturelle à travers le monde.

Ce qui différencie le PCI du patrimoine matériel, c'est qu'il s'agit d' un patrimoine vivant , ce qui signifie qu'il reste pertinent après avoir été transmis de génération en génération. Il s'agit également d'un patrimoine dynamique , dans la mesure où il évolue sous l'effet de son adaptation permanente à l'époque et à l'environnement dans lequel il est pratiqué.

S'il comprend des traditions héritées du passé à la condition qu'elles soient toujours en vie, il peut aussi inclure des pratiques rurales et urbaines contemporaines, propres à divers groupes culturels. Plusieurs éléments inscrits sur l'inventaire national du PCI correspondent à des pratiques importées par des communautés étrangères vivant en France (le défilé du Dieu Ganesh, la fête du printemps ou nouvel an chinois, le Norouz ou nouvel an persan, le Yennayer ou nouvel an berbère, la Slava ou fête orthodoxe serbe du saint patron...).

2. Les différentes catégories

La convention répartit les éléments de PCI en cinq grandes catégories :

- les traditions et expressions orales , y compris les langues : contes, légendes, mythes, poèmes épiques, représentations théâtrales, chants comme le Cantu in paghjella ;

- les pratiques sociales, rituels et événements festifs , qui renvoient à des activités coutumières qui structurent la vie des communautés, qu'elles soient pratiquées en public - à l'image des fêtes (fêtes des bouviers et des laboureurs de la Drôme), carnavals (carnaval de Granville) ou processions (ostensions septennales limousines) - ou dans le cercle privé, comme le repas gastronomique des Français ;

- les savoirs et pratiques relevant des arts du spectacle , notamment la musique, la danse et le théâtre traditionnels ;

- les savoir-faire artisanaux , à l'image de la tapisserie d'Aubusson, du savoir-faire de la dentelle au point d'Alençon, de l'art de la construction en pierre sèche, mais aussi du compagnonnage qui constitue un mode de transmission des savoirs et savoir-faire ;

- ainsi que les connaissances et les pratiques en lien avec la nature et l'univers , qui peuvent comprendre des savoirs écologiques traditionnels, des savoirs autochtones, des savoirs relatifs à la flore et la faune locales, des médecines traditionnelles, des rituels, croyances, rites initiatiques, cosmologies, chamanisme, rites de possession, organisation sociale, festivités, langues ou arts visuels. L'équitation de tradition française, qui constitue un art de monter à cheval se fondant sur une relation harmonieuse entre l'homme et l'animal, ou les parfums liés au pays de Grasse, qui nécessitent des connaissances sur la culture des plantes à parfum et leur transformation, entrent dans cette catégorie.

La plupart des éléments de PCI relèvent de plusieurs catégories , comme l'illustre l'exemple du fest noz , qui est un rassemblement festif basé sur la pratique collective des danses traditionnelles de Bretagne, soutenues par des chants ou des musiques instrumentales.

B. POURQUOI S'EN PRÉOCCUPER ?

1. Un enjeu de politique culturelle

Comme le PCI ne repose pas sur des éléments tangibles mais est constitué de traditions et d'expressions qui doivent être sans cesse pratiquées et recréées par des groupes humains, il est, par essence, un patrimoine particulièrement fragile . Les différents éléments du PCI peuvent mourir ou disparaître s'ils ne sont pas transmis de génération en génération .

Le PCI a longtemps été absent des politiques du patrimoine , celles-ci se concentrant exclusivement sur la protection des monuments et des collections d'objets. Or, le patrimoine ne se limite pas à ces seuls biens et inclut également des éléments immatériels. Le PCI est le reflet du caractère vivace d'une culture .

Le PCI, qui renvoie autant à des pratiques et des traditions populaires que des savoir-faire, donne à voir une image plus large et moins élitiste de la culture que celle traditionnellement soutenue par les politiques culturelles. Son intégration dans le champ des politiques culturelles constitue un moyen de reconnaître l'égalité de toutes les cultures , de redonner leurs lettres de noblesse à des pratiques populaires longtemps marginalisées, déconsidérées voire interdites 1 ( * ) , et de faire progressivement évoluer le regard porté sur la culture populaire.

Les éléments ultra-marins de PCI inscrits à l'inventaire national

GUADELOUPE

MARTINIQUE

- le gwoka (2012)

- le bouladjel (2013)

- le carnaval en kabwet à Marie-Galante (2014)

- la yole ronde
de la Martinique (2017)

GUYANE

LA RÉUNION

- le rituel du maraké (2011)

- les traditions aluku des musiques dansées et de parler en musique (2017)

- le carnaval de Guyane avec le Touloulou du bal paré-masqué (2017)

- le tembe, sculpture sur bois koti tembe , et peinture sur bois ou toile ferfi tembe (2020)

- le maloya (2009)

- le rakontaz zistoir (2017)

- la vannerie du vacoa (2017)

- les savoir-faire et la pratique des simples (2018)

- le séga de l'île de la Réunion (2020)

MAYOTTE

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Aucun élément inscrit

Projet en cours pour inclure à l'inventaire « Les danses rituelles de Mayotte : le mbiwi, le chigoma et le maulida » (appel à projet 2019)

Ile de Tahiti

- le `Ori, pratique artistique, sociale et culturelle de Tahiti et des îles de la Société (2017)

- le matatiki, art graphique marquisien

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La sauvegarde du PCI entre pleinement dans le champ des politiques culturelles . Elle répond à plusieurs des objectifs assignés aux politiques publiques dans ce domaine, listés à l'article 3 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, à commencer la promotion de la diversité de la création et des expressions culturelles . Elle constitue en effet un facteur important de maintien de la diversité culturelle. Elle permet de valoriser la richesse culturelle des territoires et d'en préserver les spécificités. Elle contribue ainsi à l'équité territoriale, ainsi qu'à l'élargissement de l'accès à l'offre culturelle. Elle est également un moyen de soutenir les pratiques en amateur et de préserver et de valoriser les métiers d'art.

La sauvegarde du PCI contribue également à la mise en oeuvre des droits culturels , dans la mesure où l'Unesco demande que les communautés dépositaires du PCI - c'est-à-dire celles qui le détiennent, le pratiquent ou le reconnaissent comme un élément de leur patrimoine culturel - jouent un rôle essentiel dans la création et la transmission de ce patrimoine et soient pleinement impliquées dans son identification et la définition de ses mesures de sauvegarde.

2. Un enjeu de cohésion sociale en interne et d'image de la France dans le monde

La reconnaissance et la sauvegarde du PCI constituent également des outils importants pour renforcer la cohésion sociale . D'une part, les activités liées au PCI contribuent à tisser du lien social. Il s'agit d'activités qui favorisent la participation et réunissent différentes générations. D'autre part, le PCI peut aider les individus à éprouver un sentiment d'appartenance à une communauté ou à la société dans son ensemble. La reconnaissance d'un élément de PCI procure un sentiment de fierté pour ceux qui le pratiquent.

L'inscription d'un élément sur l'une des listes de l'Unesco est également une opportunité de renforcer l'unité nationale . Seuls les États parties à la convention de 2003 sont autorisés à soumettre des éléments de PCI pour obtenir leur inscription par l'Unesco. Dans notre pays, c'est le ministre chargé de la culture qui a pour mission de sélectionner les dossiers de candidature présentés par la France. Même s'ils peuvent parfois être plus spécifiquement liés à un territoire, les éléments retenus véhiculent une certaine image de la France et constituent une vitrine de son patrimoine à l'international , témoignant de la richesse et de la variété de celui-ci. L'inscription sur l'une des listes de l'Unesco est un moyen de raconter l'histoire de notre pays et la diversité de sa culture. De ce fait, il apparaît important, au moment de la phase de sélection, de bien expliquer en quoi l'élément s'intègre dans l'histoire nationale afin de faciliter son appropriation par les Français dans leur ensemble.

C. COMMENT SAUVEGARDE-T-ON CE PATRIMOINE ?

1. Les conditions pour préserver la vitalité du PCI

Les politiques relatives au PCI doivent moins viser à protéger ce patrimoine, c'est-à-dire à le conserver en l'état comme le visent principalement les politiques relatives au patrimoine matériel, qu'à le sauvegarder, ce qui renvoie à l'idée de faire en sorte qu'il reste viable et pertinent . Une protection trop stricte, qui consisterait à essayer de fixer l'élément, voire de le figer dans un passé idéalisé, aurait pour effet de l'entrainer dans un processus de « folklorisation » et de paralyser la créativité des individus ou groupe d'individus qui le pratiquent.

Or, les éléments du PCI sont comparables à des organismes vivants : ils doivent pouvoir être interprétés par les individus ou groupes d'individus, ce qui implique leur évolution pour les adapter aux circonstances de l'époque ou du lieu pour permettre aux générations successives de se les approprier . Sans quoi, deux risques guettent lesdits éléments : d'une part, qu'ils ne puissent pas donner naissance à de nouvelles formes d'expression sous l'effet d'une créativité bridée ; d'autre part que la communauté qui les pratiquait ne s'y identifie progressivement plus, au risque qu'ils perdent leur qualité de patrimoine culturel et qu'ils disparaissent peu à peu.

Il en découle deux éléments :

a) La sauvegarde du PCI repose avant tout sur la transmission du savoir, du savoir-faire et du sens associé à l'élément

Lors de son audition, Tim Curtis, secrétaire de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel et chef de l'Entité du patrimoine vivant à l'Unesco, a précisé que l'Unesco jugeait plus important, pour assurer correctement la sauvegarde d'un élément sans le figer, que l'accent soit mis sur les processus et les conditions de sa transmission ou de sa communication d'une génération à l'autre plutôt que sur la production de ses manifestations concrètes - comme les spectacles de danse, les chants, les instruments de musique ou les objets résultant de l'artisanat. L'objectif de la transmission est de faire en sorte que la génération suivante puisse continuer à pratiquer l'élément de PCI et se l'approprie, ce qui suppose principalement d'en transférer les connaissances, les savoir-faire et les significations .

L'article 2 de la Convention de 2003 définit la sauvegarde comme les différentes « mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel ». La Convention détaille un certain nombre des mesures susceptibles d'être prises à cet effet, à savoir : « l'identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l'éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine ».

b) Les communautés doivent jouer un rôle central dans l'identification et la sauvegarde du PCI

L'Unesco estime par ailleurs qu'il appartient principalement aux « communautés » d'identifier ce qui fait patrimoine et de prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde de l'élément en question. Elles apparaissent les mieux placées pour le faire dans la mesure où ce sont elles qui le créent et le maintiennent en vie. Le terme de communauté ne doit pas être entendu dans un sens identitaire, mais renvoie aux personnes et structures qui créent un élément, l'entretiennent ou le transmettent ou alors à celles qui le reconnaissent comme une composante importante de leur patrimoine .

Cela ne veut pas dire que des personnes extérieures à ces communautés, et en particulier les collectivités publiques, ne peuvent pas contribuer à la sauvegarde du PCI. Elles peuvent, par exemple, soutenir les communautés lors de la collecte et de l'enregistrement des informations relatives aux éléments de PCI. Elles peuvent participer à la transmission des savoirs relatifs au PCI dans le cadre du service public de l'enseignement. Elles peuvent également promouvoir le PCI en contribuant à la diffusion de l'information dans ce domaine ou en encourageant les études scientifiques et les programmes de recherche. Elles peuvent désigner des organismes compétents en matière de PCI. Elles peuvent aussi contribuer à sa sauvegarde en intégrant cette question dans leurs politiques publiques ou adoptant des mesures juridiques, techniques, administratives et financières destinées à assurer l'accès au PCI.

Mais, la sauvegarde du PCI se fonde sur une logique ascendante, dans laquelle l'État n'est pas seul prescripteur. Il s'agit d'un véritable changement d'approche par rapport à celle qui préexistait à la Convention de 2003 en France, où le PCI était avant tout une affaire d'experts en ethnologie. Désormais, l'Unesco exige que les communautés soient largement impliquées dans l'identification des éléments de PCI et la définition des mesures de sauvegarde car ce sont les populations qui auront, en tout état de cause, un rôle privilégié ensuite dans la création et la transmission du PCI. L'Unesco demande par ailleurs que les États parties à la Convention aient recueilli le consentement préalable des communautés avant de présenter un dossier de candidature pour obtenir l'inscription d'un élément sur l'une de ses listes.

2. Des outils pour faciliter l'identification du PCI

Nonobstant le rôle privilégié attribué aux communautés dans l'identification et la sauvegarde du PCI, l'Unesco a elle-même mis en place des listes du PCI au niveau mondial et enjoint les États parties à la Convention d'identifier, par le biais d'une démarche d'inventaire, les éléments de PCI situés sur leur territoire afin de contribuer à la sauvegarde du PCI. De fait, l'inscription sur ces listes d'inventaire contribue à inciter les acteurs à définir les mesures de sauvegarde qu'ils mettront ensuite en oeuvre. Selon les services du ministère de la culture, il est rare d'observer des programmes de sauvegarde structurés s'agissant des éléments qui ne sont pas inclus dans les inventaires.

Au-delà de leur caractère incitatif, les listes de l'Unesco et, dans une moindre mesure, l'inventaire national, jouent un rôle important pour la reconnaissance du PCI et de ses différents éléments .

a) Les listes associées à la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel

Les principaux objectifs de la Convention de 2003 sont d'assurer la sauvegarde et le respect du PCI, de sensibiliser à son importance et de permettre une assistance et une coopération internationales dans ces domaines. Comme pour le patrimoine mondial, pour lequel l'Unesco dresse des listes des biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel au regard de l'héritage commun de l'humanité, l'organisation internationale a mis en place trois listes destinées à mieux identifier le PCI à travers le monde et à encourager sa sauvegarde . Les pays du Sud, souvent moins bien dotés en patrimoine matériel et proportionnellement moins distingués sur la liste de la Convention de 1972 que les pays du Nord, étaient dans l'attente d'une liste portant sur le PCI afin que leur patrimoine soit mieux reconnu au niveau mondial.

La première liste est la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente . L'Unesco considère cette liste comme la plus importante. Elle vise à permettre la prise de mesures de sauvegarde appropriées pour poursuivre la pratique ou la transmission des éléments, soit dont la viabilité est en péril, soit qui font l'objet de menaces sérieuses auxquelles ils ne peuvent pas survivre sans mesures de sauvegarde immédiates.

La deuxième liste est la liste représentative du patrimoine culturel de l'humanité . Cette liste vise à assurer une meilleure visibilité au PCI, à sensibiliser à son importance et à promouvoir la diversité culturelle à l'échelle du monde et la créativité humaine. Ont vocation à figurer sur cette liste les éléments qui démontrent la diversité du PCI. Leur inscription sur la liste est conditionnée à l'élaboration de mesures de sauvegarde permettant de protéger et de promouvoir l'élément.

La troisième liste est le registre des bonnes pratiques de sauvegarde . L'Unesco inscrit sur ce registre des projets et programmes de sauvegarde mis en place pour des éléments de PCI qui reflètent le mieux les principes et les objectifs de la Convention, apparaissent efficaces pour contribuer à la viabilité du PCI concerné et pourraient servir de modèle, en particulier dans les pays en développement.

Si la création de ces listes a initialement été dictée par une volonté de rééquilibrage Nord-Sud, il s'avère que le fait que seul le PCI conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l'homme et à l'exigence de respect mutuel entre communautés, groupes et individus et d'un développement durable, favorise les pays du Nord, d'autant que ces derniers disposent généralement davantage de capacités pour préparer les dossiers de candidature, qui nécessitent de nombreuses données techniques. Plusieurs États parties à la convention peuvent déposer une candidature commune pour obtenir l'inscription d'un élément sur l'une des listes de l'Unesco.

Les risques de voir un élément inscrit sur l'une des listes retiré de celle-ci sont faibles, même s'ils ne sont pas inexistants. Le Bureau du comité de la Convention de 2013 a ainsi décidé en 2019 le retrait du carnaval belge d'Alost de la liste représentative, après avoir constaté que celui-ci avait autorisé l'exhibition d'un char caricaturant des juifs orthodoxes, en contradiction avec l'obligation pour les éléments inscrits de satisfaire aux exigences du respect mutuel entre communautés.

Les candidatures présentées par la France à l'Unesco
pour la période 2021-2022

Trois éléments avaient été identifiés comme pouvant faire l'objet d'une candidature nationale pour inscription sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l'Unesco :

- Le « Biou d'Arbois », fête périodique viti-vinicole, jour de la fête patronale et anniversaire de la Libération de la ville d'Arbois (inscrit à l'inventaire national en 2013) ;

- Les « savoir-faire des couvreurs-zingueurs et des ornemanistes parisiens » (inscrits à l'inventaire national en 2017) ;

- Les « savoir-faire et la culture de la baguette de pain » (inscrits à l'inventaire national en 2018).

La ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a annoncé le 26 mars 2021 que la candidature de la baguette de pain serait soumise au titre du cycle 2021-2022. La ministre de la culture a souligné l'intérêt de cette candidature pour « faire prendre conscience qu'une pratique alimentaire faisant partie du quotidien, partagée par le plus grand nombre et allant de soi, constitue un patrimoine à part entière », espérant que l'Unesco en accepterait l'inscription sur sa liste représentative. Celle-ci doit rendre sa décision d'ici la fin de l'année 2022.

Parallèlement au dépôt de ce dossier national, deux dossiers de candidature multinationale concernent également la France :

- Les fêtes de l'Ours dans les Pyrénées avec la principauté d'Andorre ;

- la culture vivante de la fête foraine et l'art des forains avec la Belgique.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

b) L'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France

L'obligation pour les États parties à la Convention de 2003 de mettre en place des inventaires nationaux permettant d'identifier tous les éléments de PCI situés sur leur territoire constitue un autre des principaux apports de cet instrument juridique. Ces inventaires permettent en effet d'évaluer le PCI présent dans chaque pays et de sensibiliser à ces formes différentes de patrimoine. Ils contribuent à la prise de conscience de l'intérêt de sauvegarder ce patrimoine. Aucun élément ne peut d'ailleurs être inscrit sur la liste de sauvegarde urgente ou sur la liste représentative de l'Unesco s'il ne figure pas au préalable sur l'inventaire national .

En France, cet inventaire est tenu et mis à jour par le ministère de la culture : c'est la délégation à la recherche, à l'inspection et à l'innovation au sein de la direction générale des patrimoines et de l'architecture qui en est chargée. Débuté en 2008, l'inventaire national comporte aujourd'hui près de 500 éléments inventoriés . Il s'agit de savoirs et savoir-faire, de jeux, de pratiques rituelles, de pratiques sportives, de pratiques sociales et festives, de traditions et d'expressions orales, et de musiques et de danses. Chaque fiche d'inventaire 2 ( * ) , réalisée en lien avec les communautés détentrices du PCI, rend compte de la viabilité de l'élément et des mesures de sauvegarde que les communautés s'engagent à mettre en place .

L'inclusion à l'inventaire national se fait principalement par le biais d'appels à projets, même si les communautés ont également la possibilité de la solliciter directement. La demande d'inclusion est soumise à l'examen du comité du patrimoine ethnologique et immatériel (CPEI). Créé en 2012 aux fins de conseiller le ministre chargé de la culture sur l'ensemble des questions relatives à l'application, sur le territoire national, de la Convention de 2003, il est composé à parts égales de représentants du ministère de la culture, d'élus locaux et de personnalités qualifiées.

II. LES CONSTATS DE LA MISSION D'INFORMATION

A. LE PCI RESTE ENCORE TROP MÉCONNU

Il est indispensable de remédier à la méconnaissance qui entoure encore en France le PCI au regard des conséquences qu'elle emporte sur la connaissance et la reconnaissance de ses éléments et des savoir-faire d'excellence, ainsi que sur leur sauvegarde, dans la mesure où c'est aux populations, appuyées par les collectivités territoriales, qu'incombe le rôle essentiel dans la création et la transmission du PCI.

1. La notion est encore mal appréhendée

Les auditions ont révélé que le PCI restait encore mal identifié et que cette notion faisait l'objet de multiples confusions . Il apparait nécessaire de combattre les idées reçues, dans la mesure où elles véhiculent une image déformée du PCI qui, aujourd'hui, nuit à sa reconnaissance et à sa notoriété .

Ainsi, le PCI ne renvoie pas forcément au passé. Il n'a d'ailleurs pas vocation à comprendre des pratiques passées qui n'auraient plus cours. Il concerne exclusivement des pratiques vivantes que les contemporains reconnaissent comme des éléments de leur patrimoine et qu'ils souhaitent pouvoir transmettre aux générations suivantes afin qu'elles se l'approprient.

Le PCI diffère également de la mémoire collective, qui est une forme de patrimoine oral, mais qui concerne des événements passés, sans donner lieu à des pratiques ou des savoir-faire. Il ne correspond pas davantage à la dimension immatérielle associée à un patrimoine matériel : les histoires associées à un lieu ou encore la signification qu'un lieu peut revêtir pour les individus et les groupes d'individus constituent des archives orales ou numériques. Or, le PCI ne correspond pas à des objets. Il n'est pas composé d'archives, qui sont des objets matériels, et qui ne sont utilisées dans le cadre du PCI que pour documenter une pratique et faciliter sa transmission.

Le PCI ne saurait non plus se résumer à du folklore. Il est vrai que la reconnaissance du PCI trouve son origine dans la volonté d'un certain nombre de pays de voir leurs traditions folkloriques et populaires mieux protégées, dans la mesure où les instruments internationaux existants destinés à la protection du patrimoine mondial ou du droit d'auteur ne permettaient pas de couvrir correctement cet enjeu. Mais le champ du PCI est bien plus large que le simple folklore.

Les dates-clés du patrimoine culturel immatériel à l'Unesco

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La définition du PCI donnée par l'Unesco n'est pas la cause de ces confusions . Les acteurs du PCI auditionnés dans le cadre de la mission d'information ne jugent d'ailleurs pas utile qu'elle soit reformulée. La méconnaissance du PCI trouve sans doute davantage son origine dans l'usage du vocable « immatériel », qui apparait peu intelligible . Même si l'emploi de ce terme s'explique par la volonté de distinguer cette forme de patrimoine du patrimoine matériel, pour lequel des outils de protection avaient déjà été mis en place, il constitue un handicap pour la compréhension de cette notion par le grand public. L'expression de « patrimoine vivant » devrait être privilégiée pour mieux signifier le caractère contemporain de l'élément et les interactions humaines sur lesquelles il se fonde.

Les critères d'éligibilité au PCI

Les rapports annuels d'activités du Comité intergouvernemental de sauvegarde du PCI établissent les critères de définition des pratiques culturelles immatérielles selon l'Unesco :

- vivantes, non figées et constamment recréées par les communautés ;

- transmises de génération en génération ;

- propices au développement durable ;

- conformes aux instruments internationaux sur les droits de l'homme ;

- favorables à la diversité culturelle, au dialogue et au respect mutuel ;

- étrangères à toute notion de conflit, de guerre ou de violence, entre êtres humains et entre êtres humains et animaux.

Source : Ministère de la culture

2. Le PCI reste peu visible du grand public

Le PCI souffre aussi d'un manque cruel de visibilité . Les éléments qui relèvent du PCI sont rarement identifiés comme tels par le grand public. La plupart des Français n'ont pas aujourd'hui conscience que le jeu ou l'activité qu'ils pratiquent, la fête à laquelle ils participent, ou le savoir-faire qu'ils apprécient font partie de leur patrimoine et que leur transmission aux générations futures constitue un enjeu, comme pour le patrimoine bâti. Comme le souligne très justement Pierre Sanner, président de l'Association France PCI, qui réunit tous les éléments inscrits à l'UNESCO, « À l'instar de Monsieur Jourdain, la plupart des personnes prennent part au PCI sans le savoir ».

Cette situation peut bien sûr s'expliquer par le caractère récent de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, ainsi que par le rôle prépondérant confié aux communautés dans la sauvegarde de ces patrimoines, qui ne va pas dans le sens d'une institutionnalisation de la sauvegarde, qui aurait pu s'accompagner d'actions de promotion du PCI de plus grande ampleur.

Ces deux difficultés expliquent aujourd'hui la faible conscience qu'a le grand public de l'importance du PCI et de la nécessité de le sauvegarder . Le récent succès du Loto du patrimoine montre pourtant que les Français sont extrêmement attachés aux enjeux patrimoniaux et pourraient sans doute se montrer plus réceptifs au PCI s'ils y étaient davantage sensibilisés.

Or, force est de constater que les actions destinées à sensibiliser le grand public aux enjeux en matière de PCI restent encore peu nombreuses et relativement dispersées. Si de nombreux colloques et travaux de recherche sont organisés sur le PCI, celui-ci ne doit plus demeurer une affaire d'initiés. Il y a un véritable enjeu à mieux éduquer le grand public à cette problématique pour véritablement améliorer la sauvegarde du PCI dans notre pays et favoriser la transmission de ses différents éléments. Deux axes apparaissent prioritaires.

Le premier axe concerne la formation des jeunes au PCI et aux enjeux de sa sauvegarde dans le cadre de l'éducation artistique et culturelle (EAC). Ces formes de patrimoine sont aujourd'hui globalement absentes du champ de l'EAC. Un dialogue entre le ministère chargé de la culture et celui chargé de l'éducation nationale apparait nécessaire pour garantir que cette dimension soit systématiquement intégrée dans le parcours d'EAC. Il serait pertinent de faire appel aux communautés, groupes ou individus liés à la pratique des éléments de PCI pour des interventions en milieu scolaire. Les acteurs du PCI rencontrés à l'occasion de la préparation du présent rapport s'y montrent tout à fait disposés quand ils ne sont pas demandeurs.

Le second axe porte sur la nécessité de développer les actions de sensibilisation destinées au grand public (expositions, ateliers, manifestations, ouvrages, campagnes de communication, émissions télévisées...) afin de faciliter l'identification et la reconnaissance du PCI en France. Le PCI n'est pas aujourd'hui suffisamment visible et doit être davantage médiatisé.

De premiers efforts ont été entrepris au cours des dernières années pour améliorer la visibilité du PCI. Le ministère de la culture a ainsi mis en place en 2018 un logo destiné aux éléments inscrits sur l'inventaire national afin de mieux valoriser le PCI. L'Association France PCI construit, de son côté, un projet de bande dessinée autour du PCI.

L'emblème permettant d'identifier
les éléments inscrits à l'inventaire du PCI en France

Source : Ministère de la culture

Il semble essentiel de poursuivre sur cette voie tant l'adhésion du grand public à l'enjeu de la sauvegarde du PCI pourrait grandement contribuer à faciliter sa transmission . La promotion du PCI et la valorisation de ses différents éléments apparaissent comme les meilleurs moyens de susciter cette adhésion.

Notre pays a la chance de disposer d'un réseau déjà solide d'acteurs dont la mission est de contribuer à promouvoir le PCI sur le territoire national, parmi lesquels :

- la Maison des cultures du monde, désignée en 2011 « Centre français du patrimoine culturel immatériel » avec pour mission d'informer, de sensibiliser, de promouvoir le PCI et la diversité culturelle ;

- l'Association France PCI, qui réunit l'ensemble des éléments de PCI inscrits à l'Unesco aux fins de promouvoir auprès du public l'esprit de la Convention ainsi que les éléments inscrits sur ses listes, de faciliter l'échange et le partage d'informations, de connaissances et d'expériences dans le domaine de la sauvegarde du PCI, et d'être une force de proposition et de réflexion auprès des acteurs du PCI en France et dans le monde ;

- une dizaine d'établissements 3 ( * ) bénéficiant du label « ethnopôle » (pôle national de recherche et de ressources en ethnologie), qui conduisent des projets de recherche, de diffusion, de valorisation et d'animation territoriale dans le domaine du patrimoine ethnologique ;

- et un certain nombre de fédérations spécialisées, comme la Fédération des acteurs et actrices de musiques et de danses traditionnelles (FAMDT), la Fédération des écomusées et musées de société, la Fédération des parcs naturels régionaux (FPNR) ou la Fédération des associations locales des Sites remarquables du goût.

Il apparait primordial de mobiliser davantage ces différents acteurs autour d'actions communes qui permettraient de mieux faire connaître le PCI auprès de l'ensemble de la population.

Une autre piste pourrait être d'encourager les institutions culturelles dans le domaine du patrimoine (musées et monuments) à contribuer à la promotion du PCI, à l'image des actions conduites par le Mobilier national ou pour la Cité de la tapisserie d'Aubusson. Il semble en effet nécessaire de ne pas opposer le patrimoine immatériel et le patrimoine matériel et de décloisonner les approches entre ces différentes formes de patrimoine . Les établissements culturels dans le domaine de la création pourraient également être davantage sollicités.

3. Les collectivités territoriales ne jouent pas encore pleinement le rôle qui pourrait être le leur en matière de sauvegarde du PCI

Les collectivités territoriales apparaissent comme des acteurs clés de la promotion et de la sauvegarde du PCI . Les acteurs du PCI jugent leur concours absolument nécessaire à la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde en raison de leurs compétences en matière de gestion des services publics culturels locaux, en matière d'éducation, en matière d'urbanisme et en matière économique. Ils estiment que leur connaissance fine des acteurs locaux les rend incontournables pour faire le lien entre les différentes parties susceptibles de concourir à la bonne marche d'un projet de sauvegarde et pour les fédérer autour de la construction d'un projet.

Les collectivités territoriales apparaissent néanmoins jusqu'à présent peu impliquées sur ces questions . Elles le sont en tout cas de manière très inégale. Une nouvelle fois, le caractère récent de la Convention et le fait que le PCI soit aujourd'hui une préoccupation encore davantage portée par des groupes épars que par le grand public du fait de sa faible médiatisation figurent parmi les principales causes de cette situation. Mais d'autres raisons peuvent aussi l'expliquer.

Le nombre encore réduit de biens français inscrits sur l'une des trois listes du patrimoine immatériel de l'Unesco (23 contre 45 au titre du patrimoine mondial), leur inégale répartition géographique, ainsi que le manque de notoriété de l'inventaire du PCI en France ne créent pas aujourd'hui l'émulation nécessaire pour conduire les collectivités territoriales à se saisir de cette question.

Une autre explication réside dans le fait que la plupart des élus locaux n'ont pas conscience du potentiel que représente le PCI sur leur territoire .

Celui-ci peut pourtant constituer une ressource importante pour les collectivités territoriales. Il est un marqueur d'identité du territoire de nature à nourrir le sentiment d'appartenance et de fierté de ses habitants. Il peut ainsi contribuer à la notoriété d'un territoire, en véhiculant de lui une image d'authenticité susceptible de générer des retombées économiques locales et de renforcer son attractivité touristique. Il peut d'ailleurs être exploité pour valoriser des territoires qui ne seraient pas aussi richement dotés en patrimoine matériel. Il est enfin un outil de cohésion qui favorise la participation citoyenne, facilite l'intégration des nouveaux habitants et permet de fédérer les acteurs d'un territoire. L'association Dastum, organisme chargé de la sauvegarde du fest noz , souligne ainsi que le dossier de candidature de cet élément auprès de l'Unesco a joué un rôle de catalyseur en réunissant autour d'un même projet des acteurs qui ne se rencontraient plus ou n'avaient pas l'habitude de se parler (collectivités, associations, artistes...).

Il apparait donc urgent de sensibiliser les élus locaux à l'enjeu de la promotion et de la sauvegarde du PCI .

Il serait ainsi utile que le ministère de la culture diffuse sans tarder un vade-mecum destiné aux élus locaux grâce auquel ils pourraient disposer des informations qu'ils sont susceptibles de rechercher relatives au PCI (Pourquoi sauvegarder le PCI ? Quel rôle les élus peuvent-ils jouer à chaque échelon territorial ? Quelle forme de soutien peuvent-ils apporter aux communautés ? Pourquoi un inventaire du PCI ? Comment contribuer à l'inventaire du PCI en France ? Comment présenter un dossier de candidature ? A qui s'adresser sur ces questions ? Quels sont les organismes qui peuvent les aider ?). Le gouvernement du Québec a ainsi publié, depuis 2018, un guide pour les municipalités intitulé « le patrimoine immatériel : pour une vitalité culturelle locale - vers une action municipale profitable ».

Parallèlement, des formations pourraient également être organisées à l'intention des élus locaux, en partenariat avec les grandes associations d'élus ou les réseaux de collectivités mis en place dans le domaine du patrimoine (Villes et Pays d'art et d'histoire, Petites cités de caractère...).

Des études pourraient enfin être commandées pour permettre de mieux mesurer les effets d'une inscription à l'inventaire national ou sur l'une des listes de l'Unesco (par exemple, en termes de bonification de l'offre culturelle, en termes économiques, en termes d'emplois directs et indirects, en termes d'attractivité touristique...). Les données quantitatives et qualitatives qui en ressortiraient pourraient être transmises aux élus locaux pour information ou alimenter le vade-mecum qui leur serait destiné.

Une dernière explication qui peut être avancée pour justifier l'implication modérée des collectivités territoriales en matière de PCI, c'est le manque d'appui dont elles bénéficient sur ces questions qui nécessitent des compétences spécifiques en matière ethnologique, juridique et technique , surtout lorsqu'il s'agit d'élaborer un dossier de candidature pour l'inclusion d'un élément sur l'inventaire national ou pour son inscription par l'Unesco.

Les collectivités ont besoin d'être mieux accompagnées . Seules quatre directions régionales des affaires culturelles disposent encore de conseillers pour l'ethnologie (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Normandie, Occitanie). Il manque aujourd'hui un relais à l'échelon régional faisant le lien entre les collectivités territoriales et l'administration centrale du ministère de la culture ou les services de l'Unesco sur les questions de PCI. Dans les Pays de la Loire, il existe une association dénommée « Office pour le patrimoine culturel immatériel-Ethnodoc », qui peut apporter son ingénierie aux territoires pour les aider à bâtir leurs projets d'identification, de valorisation et de sauvegarde du PCI. Elle conduit également une activité scientifique sur le PCI et gère un centre de documentation et d'archives ethnographiques. Elle est susceptible d'intervenir à la demande sur l'ensemble du territoire national, mais ses capacités actuelles ne lui permettent sans doute pas de répondre à toutes les sollicitations si l'ensemble des collectivités territoriales faisaient appel à ses services. D'où la nécessité de mettre à la disposition des collectivités territoriales une liste de référents en matière de PCI , aucune information centralisée n'étant aujourd'hui disponible à ce sujet.

B. LE SENS DE L'INSCRIPTION D'UN ÉLÉMENT PAR L'UNESCO N'EST PAS TOUJOURS CORRECTEMENT COMPRIS PAR CEUX QUI ENTREPRENNENT LA DÉMARCHE POUR L'OBTENIR

1. La Convention de 2003 ne fonctionne pas comme la Convention de 1972

On observe aujourd'hui une méprise au sujet de la finalité de l'inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco . Celle-ci repose sur la confusion qui est faite entre la liste du patrimoine mondial qui découle de la Convention de 1972 et la liste représentative du PCI qui relève de la Convention de 2003. Elle est très largement entretenue par les médias.

Alors que la liste du patrimoine mondial n'intègre que des biens qui détiennent une valeur universelle exceptionnelle, tel n'est pas le cas de la liste représentative du patrimoine culturel immatériel, sur laquelle a vocation à figurer n'importe quel élément répondant à la définition du PCI , dès lors qu'il est compatible avec les principes des droits de l'homme et qu'il ne porte pas atteinte au respect mutuel entre les peuples ni au développement durable. Contrairement à la liste du patrimoine mondial, la liste représentative du PCI n'a pas pour objet de recenser les meilleurs exemples d'une pratique, d'un savoir ou d'un savoir-faire. L'Unesco est très attachée à ce que la liste représentative n'engendre aucune hiérarchie entre les éléments de PCI . Les capacités de l'entité du patrimoine vivant, qui est chargée au sein de l'Unesco du suivi de la Convention de 2003, ne lui permettent cependant pas d'examiner plus de 50 à 60 dossiers de candidature par an, ce qui explique que seuls 584 éléments aient été inscrits sur l'une des trois listes du PCI de l'Unesco depuis 2008.

Il apparaît important de mieux faire comprendre les distinctions entre les philosophies sur lesquelles reposent la Convention de 1972 et celle de 2003 et de clarifier les objectifs de cette seconde convention. L'Unesco conçoit avant tout celle-ci comme un outil de préservation de la diversité culturelle et de promotion de la paix .

Pour l'Unesco, l'intérêt de cet instrument juridique n'est pas tant à rechercher dans ses listes que dans la prise de conscience qu'elle vise à provoquer dans chacun des États parties concernant l'importance du PCI et la nécessité de le valoriser et de le transmettre. C'est la raison pour laquelle les questions de sauvegarde du PCI à l'échelle nationale, qui comprennent en particulier la réalisation d'inventaires nationaux visant à identifier le PCI, sont traitées dans la convention prioritairement aux questions de sauvegarde du PCI à l'échelle internationale, auxquelles les trois listes cherchent à répondre.

L'objectif de promouvoir la paix par le biais du PCI explique aussi pourquoi l'Unesco encourage les dossiers de candidature soumis par plusieurs États. Les candidatures multinationales ne sont pas limitées en nombre à la différence des candidatures nationales : à titre individuel, la France n'est autorisée à présenter qu'un dossier de candidature tous les deux ans.

2. L'inscription sur l'une des listes de l'Unesco n'est pas un label

Compte tenu des finalités poursuivies par la Convention de 2003 et de la volonté de ne pas hiérarchiser les éléments de PCI, l'inscription sur l'une des listes de l'Unesco ne constitue pas un label. Pour l'Unesco, elle constitue un moyen d'inciter à la définition et à la mise en oeuvre de mesures de sauvegarde du PCI sur le territoire de chacun des États parties à la convention.

Beaucoup sollicitent pourtant l'inscription auprès de l'Unesco pour combler un déficit de reconnaissance et obtenir une légitimité, mais aussi dans l'espoir d'en obtenir des retombées. Même si l'inscription sur la liste représentative a pour but d'apporter davantage de visibilité aux éléments qui y figurent et contribue ainsi à faire reconnaître et apprécier lesdits éléments et le rôle des individus et groupes d'individus qui y concourent, les retombées de l'inscription apparaissent difficiles à mesurer .

D'une part, l'Unesco est très vigilante à ce que l'inscription sur les listes ne poursuive pas une finalité commerciale. Elle ne souhaite pas qu'on puisse attribuer au PCI une « valeur de marché » au lieu de sa valeur culturelle, ce qui explique qu'elle cherche à éviter tout risque de dérive mercantile sur laquelle l'inscription pourrait déboucher (tourisme de masse susceptible de conduire à une dénaturation et une perte d'authenticité de l'élément inscrit, récupération d'une inscription par des groupes industriels ou des lobbies économiques). L'utilisation de son logo se révèle complexe . Elle suppose une autorisation expresse à chacune des occasions où il est prévu de l'apposer afin que l'Unesco s'assure de la finalité poursuivie. Beaucoup renoncent dans ces conditions à en faire la demande.

Le contrôle exercé par l'Unesco sur le risque de dérive commerciale est particulièrement fort pour ce qui concerne les pratiques et savoir-faire dans le domaine de la gastronomie, obligeant les candidats à l'inscription à apporter un soin extrême à la présentation de leur dossier de candidature et au contenu des mesures de sauvegarde envisagées de manière à rassurer l'Unesco. Ces contraintes expliquent pourquoi c'est le repas gastronomique des Français, c'est-à-dire la pratique festive et conviviale du bien manger et du bien boire, et non la gastronomie française, qui a été inscrite en 2010 par l'Unesco pour ne pas favoriser un secteur d'activité. L'obtention de l'inscription de la pizza par l'Italie sur la liste représentative a nécessité huit ans de négociation du fait des craintes émises par l'Unesco, avant que « l'art du pizzaiolo napolitain » ne soit finalement inscrit en 2017. La candidature des savoir-faire artisanaux et de la culture de la baguette de pain, présentée par la France au titre des années 2021-2022, s'accompagne d'une étude anthropologique présentant les fonctions de la baguette dans la société française et les représentations autour de la baguette.

D'autre part, l'inscription ne garantit aucun effet pour les porteurs de projets . Elle ne se traduit notamment pas par la mise à disposition automatique de crédits pour accompagner la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde, ni au niveau de l'Unesco, ni au niveau national. Des demandes d'assistance financière peuvent être présentées par les gouvernements auprès de l'Unesco, mais elles concernent prioritairement les besoins des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés, et portent principalement sur la sauvegarde du patrimoine figurant sur la liste de sauvegarde urgente et sur la création d'inventaires nationaux.

La sauvegarde repose donc ensuite intégralement sur les communautés qui portent le dossier . Elles doivent trouver les moyens de valoriser et de contrôler leur PCI et de mettre en oeuvre les mesures de sauvegarde détaillées dans le dossier de candidature. Jean-Robert Pitte, président de la mission française de la culture et des patrimoines alimentaires, note ainsi une certaine lenteur dans la réalisation des projets, regrettant la faible implication de beaucoup de ministères, alors même que la candidature devant l'UNESCO émane de la France avec le consentement des communautés et non l'inverse.

L'Unesco exige des États parties qu'ils présentent tous les six ans un rapport sur leur mise en oeuvre de la Convention et sur le statut des éléments inscrits sur la liste représentative - les rapports concernant les éléments inscrits sur la liste de sauvegarde urgente devant, eux, être transmis tous les quatre ans. L'implication des communautés dans la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde une fois l'inscription obtenue se révèle toutefois très inégale , au risque de voir l'inscription de l'élément par l'Unesco manquer son objectif premier.

3. La demande d'inscription n'a de sens que si elle s'inscrit dans une volonté de mettre en place un véritable projet de sauvegarde

L'inscription sur les listes du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco doit s'inscrire dans le cadre d'une ambition authentique de sauvegarde de l'élément. Elle permet d'insuffler une dynamique politique en faveur de la connaissance, de la promotion, de la valorisation et de la transmission de l'élément.

Elle constitue une occasion pour les communautés de fédérer une diversité d'acteurs autour de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'un projet de sauvegarde. Il s'agit d'une dimension essentielle, dans la mesure où plus il y a d'acteurs fédérés en amont d'un dossier, plus la sauvegarde a de chance d'être complète et de pouvoir être menée à bien. Une implication d'une multiplicité d'acteurs dans la sauvegarde réduit le risque que la sauvegarde ne s'interrompe, comme cela peut arriver dans le cas où il n'y aurait qu'une seule association porteuse et que celle-ci disparaitrait.

L'inscription peut d'ailleurs être un vecteur pour rassembler tous les acteurs d'une filière autour d'un savoir-faire et ainsi préserver et développer l'économie locale. L'élément « les savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse » réunit ainsi toute la filière des parfums, depuis les cultivateurs des plantes à parfum jusqu'aux artistes-parfumeurs en passant par les spécialistes des matières premières naturelles (artisans, ouvriers, techniciens). La ganterie de Millau prépare elle aussi un dossier de candidature en vue de son inscription à l'Unesco avec pour objectif de redonner du sens à toute une filière allant de l'agropastoralisme (éleveurs, bergers, naisseurs, nourrisseurs, tondeurs, agriculteurs, vétérinaires) à la connaissance et la transformation des matières naturelles (mégissiers, tanneurs, coupeurs, teinturiers, classeurs, filateurs, délaineurs) et à l'art de confectionner le gant (maîtres-gantiers, couturiers piqûres et cousu main).

L'expérience montre que l'inscription peut aussi contribuer à donner un coup d'accélérateur à des projets précédemment en germe , dès lors qu'ils sont susceptibles de contribuer à la sauvegarde de l'élément. Ce fut le cas pour les cités de la gastronomie, dont l'idée était née avant l'inscription du repas gastronomique des Français à l'Unesco en 2010, mais dont la réalisation a été rendue possible dans un délai rapide grâce à cette inscription, puisqu'il s'agissait de l'une des mesures phares du plan de gestion de l'élément dans le dossier de candidature.

La FAMDT estime à juste titre qu' il conviendrait de faire davantage la promotion du registre des bonnes pratiques et d'encourager les porteurs de projets à solliciter l'inscription sur celui-ci, dans la mesure où il s'agit de celles des trois listes de l'Unesco qui correspond le mieux à l'esprit de la Convention de 2003. Elle suppose en effet la construction préalable d'un projet beaucoup plus complet et abouti de sauvegarde. Dans une évaluation réalisée à l'occasion des dix ans de la Convention, l'Unesco soulignait elle aussi que l'importance de la liste représentative est surestimée et que le registre des bonnes pratiques était sous-exploité. Elle jugeait indispensable de clarifier tous les malentendus concernant le concept et l'objet de la liste représentative et de repenser la façon d'identifier et de diffuser les meilleures pratiques.

C. L'INVENTAIRE NATIONAL DU PCI N'A PAS ENCORE VÉRITABLEMENT TROUVÉ SA PLACE FACE AUX LISTES DE L'UNESCO

1. L'inventaire national doit gagner en notoriété et en attractivité

L'inventaire national souffre aujourd'hui d'un déficit de notoriété . Il paraît être un outil très confidentiel , malgré les efforts entrepris ces dernières années par le ministère de la culture pour en accroître la visibilité, avec l'introduction en 2018 de l'emblème PCI France (cf. supra ) et la mise en place en 2017 d'une plateforme collaborative dénommée PCI-Lab qui vise à faciliter la recherche et à mieux valoriser les pratiques recensées sur l'inventaire national (requêtes thématiques, cartographie interactive, mise en ligne de vidéos associées).

La découverte de l'ensemble des éléments inventoriés et l'accès aux fiches d'inventaire restent très délicats , à moins de savoir précisément quel élément on recherche, ce qui suppose d'être déjà informé qu'il figure à l'inventaire. Même si la plateforme PCI-Lab apparait plus accessible et peut donc davantage servir à promouvoir le PCI auprès du grand public, elle ne comporte pas à ce jour l'ensemble des éléments inclus à l'inventaire, dans la mesure où elle s'appuie sur les données de Wikipedia pour enrichir sa base de données utiles à la recherche des fiches d'inventaire.

Ce déficit de notoriété de l'inventaire pèse sur son attractivité . La délégation à l'inspection, à la recherche et à l'innovation (DIRI), qui est chargée au sein du ministère de la culture de l'inventaire national, confirme que l'intérêt manifesté pour l'inventaire varie considérablement d'une région à l'autre. La Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine - et en son sein, le département des Pyrénées-Atlantiques - apparaissent comme les régions qui sont les plus préoccupées par la sauvegarde du PCI. La moindre reconnaissance du PCI dans certaines régions génère un cercle vicieux car moins une région a d'éléments inclus à l'inventaire, moins ses élus et sa population sont sensibilisés à l'importance du PCI et moins sa sauvegarde a donc de chance d'être intégrée dans les orientations politiques.

L'inscription sur l'inventaire national résulte aujourd'hui, soit de demandes spontanées formulées par des communautés, soit d'appels à projets lancés chaque année par le ministère de la culture auprès des structures regroupant des détenteurs de pratiques culturelles immatérielles, avec un partenariat scientifique, ainsi qu'auprès des collectivités territoriales et des laboratoires de recherche. Les candidats sélectionnés dans le cadre de ces appels à projets bénéficient de subventions de l'État pour leur contribution à l'enrichissement de l'inventaire et à la recherche en sciences sociales dans le domaine du PCI. La majorité des éléments ont été inclus à l'inventaire par le biais des appels à projets.

Il pourrait être pertinent que des orientations soient données à ces appels à projets pour rééquilibrer la répartition géographique et thématique de l'inventaire national . Une attention particulière portée à certaines formes de PCI ou à la reconnaissance du PCI dans certains territoires pourrait avoir un effet « boule de neige » sur la prise en compte du PCI susceptible de lui assurer davantage de stabilité. L'inscription à l'inventaire national apparaît en effet comme un outil déterminant de la sauvegarde, dans la mesure où il favorise l'élaboration de véritables projets de sauvegarde.

2. L'inventaire national ne doit pas être une simple antichambre de l'Unesco compte tenu de la difficulté à obtenir une inscription sur l'une des listes internationales

Il apparait d'autant plus important que l'inventaire national soit reconnu en tant que tel que l'inscription sur l'une des listes de l'Unesco se révèle être un véritable parcours du combattant à l'issue très incertaine . Peu d'éléments inscrits sur l'inventaire national ont de chance d'être consacrés à l'Unesco.

Les porteurs de projets doivent avoir conscience qu'il s'agit d'une procédure longue, complexe et coûteuse. Elle ne peut pas être portée exclusivement par les communautés, qui ont besoin de se faire accompagner par des spécialistes pour les aider à collecter les informations pertinentes pour la documentation de l'élément et à rédiger le dossier de candidature.

À cela s'ajoute le fait que la concurrence est de plus en plus forte entre les candidats à l'inscription auprès de l'Unesco. L'Unesco n'autorise plus la France qu'à déposer un seul dossier de candidature tous les deux ans pour une inscription sur la liste représentative. Elle fait valoir que la France est déjà dans une position avantageuse au regard des 14 éléments déjà inscrits en son seul nom (hors inscriptions à caractère multinational), sur un total de 526 éléments à caractère strictement national inscrits correspondant à 118 pays. Seuls la Chine (40), le Japon (22), la République de Corée (18), la Croatie (15) et l'Espagne (15) comptent davantage d'éléments inscrits. La Turquie (14), la Mongolie (13), l'Inde (12), le Vietnam (12), la Belgique (11), l'Iran (11), l'Azerbaïdjan (10), la Colombie (10), l'Indonésie (10), le Mexique (10) et le Pérou (10) font également partie des États qui comptent le plus d'éléments inscrits.

Compte tenu d'un afflux de candidatures chaque année supérieur à sa capacité de traitement des dossiers, l'Unesco, en outre, fixe désormais des priorités en ce qui concerne l'examen des dossiers . Les dossiers provenant d'États n'ayant pas d'éléments inscrits, les dossiers multinationaux et les dossiers provenant d'États ayant le moins d'éléments inscrits sont traités en priorité.

Au regard des priorités désormais fixées par l'Unesco, le dépôt d'une candidature multinationale peut être une solution pour faciliter l'inscription d'un élément, puisque l'Unesco n'y impose jusqu'ici aucune limite - en dehors du fait que l'inscription est alors prise sur le quota annuel du premier pays signataire. Mais les porteurs de projets sont partagés au sujet de ce type de candidature, qui ne leur permet pas toujours d'atteindre aussi bien les objectifs qu'ils poursuivent au travers de l'inscription (par exemple, fédérer ou structurer une filière au niveau local ou national). La reconnaissance qui découle de l'inscription est en effet diluée entre différents pays. Les candidatures multinationales ne sont par ailleurs pas adaptées pour des éléments qui seraient spécifiques à la France. Elles peuvent enfin retarder une inscription lorsque l'un des pays partenaires se montre à la traîne sur la constitution du dossier de candidature.

L'engorgement croissant des candidatures au niveau de l'Unesco se traduit par un processus de plus en plus sélectif au niveau national , sans pour autant que les critères sur lesquels se font la sélection soient connus.

Les dossiers de candidature doivent passer le filtre du CPEI , qui rend un avis sur les dossiers de candidature avant le choix final opéré par le ministre chargé de la culture. Ce comité est saisi des dossiers une fois un premier examen effectué par la DIRI et par le Centre français du patrimoine culturel immatériel. Se contente-t-il ainsi de vérifier si les dossiers satisfont aux critères définis par l'Unesco pour prétendre à l'inscription sur l'une de ses listes ou oriente-t-il la décision finale prise par le ministre ? Le cas échéant, les critères sur lesquels il se fonde pour classer les différents dossiers qui lui sont soumis devraient être rendus publics, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les rapporteures se sont également interrogées sur la validité du fonctionnement de cet organe, dans la mesure où elles ne sont pas parvenues à trouver l'arrêté qui aurait reconduit ce comité au-delà des cinq années pour lesquelles il avait été créé par un premier arrêté en date du 5 mars 2012.

Deux options se présentent pour faciliter la reconnaissance du PCI et mieux répondre aux attentes des détenteurs de pratiques culturelles immatérielles compte tenu des contraintes actuelles :

- soit plaider pour que l'Unesco inscrive chaque année un plus grand nombre d'éléments sur ses listes. Face à la croissance des demandes d'inscription, le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco a d'ailleurs lancé une réflexion à ce sujet. Mais, au regard des capacités administratives et financières de l'Unesco, cette évolution s'accompagnerait nécessairement d'une réduction des critères qui président à l'inscription. Elle pourrait avoir des conséquences sur la qualité des listes et leur image au niveau international, ce qui n'est pas forcément souhaitable, ni pour les éléments déjà inscrits, ni pour les candidats à l'inscription ;

- soit renforcer l'attractivité de l'inventaire national, notamment en faisant en sorte que l'inclusion sur sa liste apporte un « plus » pour les porteurs de projet (crédits déconcentrés, aide au développement d'une offre de formation pour faciliter la transmission...).

D. L'ACTION PUBLIQUE MÉRITERAIT D'ÊTRE RAFFERMIE POUR QUE LA SAUVEGARDE GAGNE EN EFFICACITÉ

L'une des principales difficultés pour rendre la sauvegarde plus efficace tient à ce qu'il faut parvenir à mieux soutenir les détenteurs de pratiques culturelles immatérielles sans pour autant institutionnaliser à outrance la sauvegarde, afin que l'initiative continue à venir de la base.

1. Les démarches pour obtenir une inscription doivent être clarifiées pour simplifier le travail des porteurs de projet

Autant les porteurs de projet louent globalement la qualité de l'accompagnement procuré par la DIRI une fois entrés en contact avec elle dans la perspective d'une inclusion à l'inventaire national ou d'une candidature à l'Unesco, autant ils sont nombreux à faire état des difficultés qu'ils ont rencontrées au tout début de leurs démarches pour faire reconnaitre un élément de PCI.

Beaucoup d'acteurs du PCI indiquent ne pas avoir su à qui s'adresser face à la multiplicité des acteurs institutionnels susceptibles d'être impliqués en matière de PCI (administration centrale ou services déconcentrés du ministère de la culture, Centre français du patrimoine culturel immatériel, délégation française auprès de l'Unesco, commission nationale française pour l'Unesco...). Ils attendent des clarifications sur la procédure applicable, sur le contenu des démarches à entreprendre, sur les critères de sélection des dossiers (voir supra au sujet du CPEI) , ainsi que sur les interlocuteurs qu'ils peuvent contacter à chacune des étapes . Il paraît en effet important de clarifier le rôle qu'est susceptible de jouer chacun de ces acteurs, celui-ci restant flou pour beaucoup de détenteurs de pratiques culturelles immatérielles, au risque de les voir perdre plusieurs mois en s'orientant dans une mauvaise direction. L'existence d'un point d'entrée unique pourrait sans doute faciliter les choses.

Le site du ministère de la culture ne comporte pas aujourd'hui une page unique récapitulant l'ensemble de ces informations, mais implique une navigation entre de multiples pages, qui ne sont pas toujours, de surcroît, à jour. À titre d'exemple, la personne toujours citée en référence pour obtenir des renseignements relatifs à une candidature aux listes de l'Unesco a quitté ses fonctions depuis bientôt six mois.

Dans la perspective d'une multiplication des candidatures multinationales auprès de l'Unesco, il paraîtrait également pertinent de fournir des informations sur l'accompagnement dont peuvent bénéficier les porteurs de projet en matière de recherche de partenaires étrangers. La commission nationale française pour l'Unesco, compétente en la matière, regrette de ne pas être davantage contactée à cet effet.

2. Le suivi assuré par l'Unesco et, en France, par l'État apparaît aujourd'hui nettement insuffisant

Ni l'Unesco ni le ministère de la culture ne sont aujourd'hui en mesure d'assurer un véritable suivi de l'exécution des mesures de sauvegarde des éléments inscrits. L'Unesco se fonde sur les rapports périodiques transmis par les États parties pour évaluer la mise en oeuvre de la Convention de 2003. Mais, elle reconnait qu'il lui manque aujourd'hui un cadre de suivi et d'évaluation assorti d'objectifs, d'indicateurs et de critères de référence qui lui permettrait de mesurer correctement les résultats obtenus et d'en tirer de véritables enseignements. Le ministère de la culture regrette aussi, pour sa part, de ne pas disposer d'une meilleure visibilité sur la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde des éléments inscrits, alors même qu'il s'agit de la finalité même de l'inscription.

Un véritable suivi des mesures de sauvegarde serait pourtant indispensable à un double titre . D'une part, il permettrait d'identifier les carences dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'élément, de constater l'éventuelle disparition de la structure porteuse et de déterminer si des solutions alternatives pourraient être trouvées pour assurer la transmission de l'élément (recherche de nouvelles structures porteuses ou de nouveaux partenaires, recherche d'un soutien auprès des collectivités territoriales, mise en place de nouvelles actions...). D'autre part, il permettrait de démontrer la pertinence de la sauvegarde et les retombées liées à une inscription sur l'une des listes de l'Unesco ou à une inclusion sur l'inventaire national.

Dans les deux cas, le suivi n'est pas réalisé par manque de moyens humains et financiers . À titre d'illustration, seuls deux agents sont chargés des questions de PCI au sein de l'administration centrale du ministère de la culture. C'est pourquoi il semble impérieux de désigner des référents PCI dans chaque DRAC car c'est au plus près des territoires que le suivi de la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde pourrait être le mieux assuré afin de faciliter la prise de décision avec les collectivités territoriales, le cas échéant.

Globalement, la faiblesse des moyens consacrés par le ministère de la culture au patrimoine culturel immatériel n'est pas sans générer un certain ressentiment parmi les acteurs du PCI, qui y voient le signe du manque de considération de l'État pour le PCI , surtout lorsqu'ils observent l'importance de son action dans le domaine du patrimoine matériel. Ce n'est pas parce que l'État n'est pas prescripteur en matière de PCI qu'il ne doit pas jouer un rôle pour le promouvoir et en faciliter la sauvegarde. Cela exige de sa part d'y consacrer un minimum de moyens humains et matériels. Il s'agirait d'un moyen d'honorer les engagements qui découlent de la ratification de la Convention de 2003.

Jusqu'ici encore relativement absent sur ces questions, le Parlement a aussi une responsabilité à prendre en charge pour faire connaître le PCI, l'aider à gagner en lisibilité et pour contrôler, à l'avenir, régulièrement l'action du Gouvernement sur ces questions. Il apparaît important que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat poursuive, à l'avenir, le contrôle qu'elle a initié avec ce premier rapport sur la mise en oeuvre des engagements de la France en matière de sauvegarde du PCI.

3. Des synergies devraient être créées avec d'autres outils pour compléter les moyens de sauvegarde du PCI

Une piste à explorer pour compenser le déficit de moyens alloués au PCI serait de mobiliser davantage autour de cet enjeu un certain nombre d'outils déjà existants .

L'Unesco ne semble pas nécessairement hostile à une telle approche, puisqu'elle avait elle-même déploré, dans sa première évaluation de la Convention en 2013, que les liens entre la Convention de 2003, la Convention de 1972 sur le patrimoine mondial, la Convention de 2005 sur la diversité des expressions culturelles et les activités de l'organisation en matière de propriété intellectuelle ne soient pas suffisamment exploités par les États parties.

Étonnement, elle n'avait pas pensé à mentionner le Réseau des villes créatives , programme qu'elle a créé en 2004 pour promouvoir la coopération avec et entre les villes qui ont décidé de faire de la créativité et des industries culturelles l'un des principaux leviers de leur développement, alors même que plusieurs des sept domaines créatifs valorisés sont étroitement liés au PCI. Les villes peuvent être reconnues en tant que villes créatives d'artisanat et des arts populaires, villes créatives de la gastronomie, villes créatives de musique, villes créatives de littérature, villes créatives de design, villes créatives du film ou villes créatives des arts numérique. Les villes qui rejoignent le réseau s'engagent à partager leurs bonnes pratiques, à développer des partenariats pour promouvoir la créativité et les industries culturelles, à renforcer la participation à la vie culturelle et à inscrire ces questions au coeur de leurs politiques.

Malheureusement, les villes françaises sont aujourd'hui peu impliquées dans ce programme qui regroupe 246 villes à travers le monde. Seules six d'entre elles y sont associées : Angoulême en tant que ville créative de la littérature, Enghien-les-Bains et Lyon en tant que villes créatives des arts numériques, Limoges en tant que ville créative de l'artisanat et des arts populaires, Metz en tant que ville créative de la musique, et Saint-Etienne en tant que ville créative du design. Aucune ville n'y participe au titre de la gastronomie ou du film. Il s'agit pourtant d'un outil qui serait propice à rendre le PCI plus visible et à garantir la bonne prise en compte de l'enjeu de sa sauvegarde dans les politiques publiques. On peut en attendre des effets très positifs sur l'attention portée par les élus locaux aux questions de PCI. C'est la raison pour laquelle il serait souhaitable que l'Unesco développe des synergies entre les listes du PCI et ce programme et que, de son côté, l'État encourage nos villes à candidater pour rejoindre ce réseau.

À cet axe de travail s'ajoutent également, au niveau français :

- le renforcement des liens entre le PCI et un certain nombre de labels et procédés normatifs existants , à l'image du titre de maître d'art, du titre de meilleur ouvrier de France, du label Entreprise du patrimoine vivant, des différentes appellations et indications dans le domaine gastronomique et culinaire, du label des Sites remarquables du goût, ou encore des labels dans le domaine du patrimoine ou du développement durable. Même si l'Unesco n'encourage pas les signes de distinction ou d'excellence en matière de PCI, c'est une manière de répondre aux désirs légitimes de reconnaissance des détenteurs de pratiques culturelles immatérielles ;

- la plus forte mobilisation des établissements publics dans le domaine de la création et des patrimoines en faveur de la promotion du PCI .

III. LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D'INFORMATION

A. ACCROÎTRE LA VISIBILITÉ DU PCI

1. Faire figurer les termes de « patrimoine culturel immatériel » dans l'intitulé de la délégation chargée de ces questions au sein de la direction générale des patrimoines du ministère de la culture.

2. Faire de l'année 2023 l'année du patrimoine culturel immatériel en France .

Les vingt ans de la Convention constituent une opportunité à ne pas laisser passer pour organiser des événements d'envergure nationale permettant de mieux faire connaître le PCI. Il serait souhaitable que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat s'associe à cette initiative en organisant un colloque à cette occasion pour assurer le suivi des travaux amorcés dans le cadre du présent rapport.

3. Organiser chaque année les Journées du patrimoine culturel immatériel avec des démonstrations pour intéresser le grand public.

Les journées du patrimoine, mises en place en France depuis 1984, constituent, chaque année, un moment privilégié pour la découverte et la promotion du patrimoine matériel. Il est regrettable que ces manifestations ne soient pas davantage l'occasion de valoriser le PCI, dans la mesure où cette distinction entre les différentes formes de patrimoine renforce le sentiment d'un patrimoine à deux vitesses. Il apparait essentiel, soit d'organiser chaque année des Journées du patrimoine culturel immatériel, sur le modèle des Journées européennes du patrimoine, soit d'ouvrir très largement les Journées européennes du patrimoine à des démonstrations de PCI afin de contribuer à sa connaissance et à sa reconnaissance.

4.    Créer davantage de liens entre le patrimoine immatériel, d'une part, et le patrimoine matériel et la création, d'autre part.

Le patrimoine matériel protégé au titre du code du patrimoine pourrait être un écrin privilégié pour des expositions et des démonstrations liées au PCI permettant d'en faire la promotion et de démontrer les liens qui existent entre patrimoine matériel et patrimoine immatériel. Les liens avec la création devraient également être développés. Les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens conclues avec les opérateurs et les labels peuvent être un vecteur pour garantir la promotion du PCI dans les territoires.

5.    Mettre en place des panneaux d'information touristique sur lesquels serait apposé l'emblème de l'inventaire national chaque fois qu'un élément de PCI reconnu par l'inventaire peut être associé à un territoire donné.

6.    Lancer une campagne de communication nationale autour du PCI valorisant les pratiques et les savoir-faire des différents territoires et mettant en exergue son caractère vivant.

Le PCI est un élément important de la vitalité et de l'authenticité des territoires. Il peut être un élément de leur attractivité, qui pourrait être mis en avant dans les campagnes de communication, du type de celle qui avait été lancée l'an passé intitulée « Cet été, je visite la France ». Il s'agirait d'un moyen de rendre le PCI plus visible et de mieux l'identifier comme un marqueur d'identité.

7.    Soutenir la création d'une émission de télévision « La pratique culturelle immatérielle préférée des Français » sur le modèle des émissions « le village préféré des Français », « le monument préféré des Français » ou « la ferme préférée des Français ».

8.    Éditer, en partenariat avec la Poste, un carnet de timbres autour d'éléments inscrits au titre du PCI.

B. MIEUX SENSIBILISER AU PCI

9. Éveiller les jeunes au PCI en intégrant obligatoirement cette dimension dans le cursus d'EAC et en associant les responsables d'éléments inscrits, soit à l'Unesco, soit à l'inventaire national, aux actions d'EAC en la matière.

10. Sensibiliser les élus locaux aux enjeux liés à la sauvegarde du PCI.

Les élus locaux doivent impérativement avoir à leur disposition un vade-mecum émanant des services de l'État les éclairant sur les enjeux liés au PCI, les outils à leur disposition pour faciliter sa sauvegarde, l'accompagnement dont ils peuvent bénéficier et les contacts qu'ils peuvent utiliser à cette fin précisant le rôle respectif de chacun de ces contacts.

Ils doivent également pouvoir avoir accès à une offre de formations diversifiées et véritablement pratiques sur le PCI qui pourrait être construite et organisée en partenariat entre les services de l'État et les grandes associations d'élus, ou avec les associations de collectivités dans le domaine du patrimoine.

La mise en place d'un observatoire du PCI destiné à mesurer les retombées d'une inscription pourrait également fournir des données susceptibles d'avoir un effet d'entrainement sur les collectivités territoriales.

11. Prévoir systématiquement des modules relatifs au patrimoine culturel immatériel dans le cursus de la formation des futurs professionnels du patrimoine afin de faciliter le décloisonnement des approches en matière de patrimoine.

C. DONNER PLUS DE MOYENS À LA SAUVEGARDE DU PCI

12.    Nommer un référent PCI dans chaque DRAC et DAC afin de faciliter les liens entre les porteurs de projet, les collectivités territoriales et l'administration centrale.

13.    Revoir le portail internet du ministère de la culture dédié au PCI afin de répondre plus aisément aux interrogations des détenteurs de pratiques culturelles immatérielles quant à la procédure à suivre pour obtenir la reconnaissance d'un élément de PCI, aux interlocuteurs à chaque étape et aux critères de sélection.

14.    Assurer un véritable suivi des mesures de sauvegarde pour les éléments reconnus par l'Unesco ou inclus à l'inventaire national . Ce suivi, qui ne peut être correctement effectué que par l'Unesco et le ministère de la culture, est indispensable pour contrôler la mise en oeuvre des mesures de sauvegarde, qui constituent la finalité de l'inscription, et identifier les difficultés qui ont été rencontrées afin de déterminer les moyens d'y remédier.

15.    Mieux impliquer les autres ministères concernés dans la sauvegarde du PCI (ministère de l'éducation nationale, ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ministère de la transition écologique, ministère chargé des affaires étrangères et ministère chargé du tourisme).

16. Instaurer un loto du patrimoine culturel immatériel ou accompagner la création d'une fondation destinée à soutenir la sauvegarde du PCI.

17.    Confier à un opérateur de l'État ou à un établissement public dans le domaine de la création ou des patrimoines, lorsqu'il existe, le soin d'accompagner les communautés pour la promotion et la transmission de l'élément inscrit dans son domaine d'action (par exemple, le Mobilier national, l'Institut national des métiers d'art et du patrimoine vivant) et mobiliser davantage certaines institutions (ethnopôles, écomusées, pôles ressources, laboratoires de recherche, parcs naturels régionaux) comme des relais pour l'identification et la promotion du PCI dans les territoires, ainsi que pour l'accompagnement des communautés dans la mise en oeuvre de leurs mesures de sauvegarde.

D. RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DE L'INVENTAIRE NATIONAL

18.    Rendre sa consultation plus aisée par le grand public.

19.    Créer un mécanisme participatif pour l'inscription à l'inventaire permettant aux citoyens de suggérer une inscription.

20.    Mettre en place des incitations associées à l'inscription sur l'inventaire . Il pourrait être ainsi envisagé d'accompagner le développement de l'offre de formation des éléments inscrits si possible. Des crédits déconcentrés pourraient également être réservés pour la sauvegarde des éléments inscrits, au-delà de la seule recherche scientifique autour de ces éléments.

21.    Veiller à un équilibre de l'inventaire d'un point de vue thématique et géographique.

E. MUSCLER L'ACTION DE L'UNESCO EN FAVEUR DE LA SAUVEGARDE DU PCI

22. Renforcer les liens entre les biens culturels labellisés au titre de la Convention de 1972 et les éléments de PCI inscrits situés sur le même territoire en leur demandant de coopérer et d'échanger régulièrement sur leurs expériences respectives.

23. Développer des synergies avec d'autres programmes de l'Unesco , à l'image du programme des Villes créatives , afin d'offrir aux communautés des outils complémentaires pour assurer la transmission des éléments inscrits.

24. Faire davantage appel aux détenteurs des pratiques et savoir-faire inscrits sur l'une des listes pour faire partager leur expérience ou assurer des formations à l'international afin de contribuer à leur reconnaissance et à leur promotion.

L'Unesco n'est aujourd'hui susceptible de faire appel qu'aux éléments inscrits sur le registre des bonnes pratiques de sauvegarde pour contribuer à diffuser leurs pratiques dans les autres États parties à la convention. Elle pourrait cependant davantage favoriser la reconnaissance des éléments inscrits à l'échelle internationale et conférer des retombées à l'inscription en constituant un annuaire des détenteurs d'éléments de PCI inscrits . La consultation de cet annuaire pourrait permettre à des communautés de faire appel aux détenteurs de pratiques déjà reconnues pour les aider à construire leur propre projet de sauvegarde ou, plus simplement, pour enrichir leurs propres pratiques à l'aune d'autres expériences.

25. Encourager chaque État partie à la convention à créer une association regroupant l'ensemble des éléments inscrits sur les listes du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco , sur le modèle de l'association France PCI, afin de permettre aux différentes associations nationales de se rencontrer pour faciliter le dialogue et les échanges de bonnes pratiques au niveau mondial.

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Le présent rapport a été préparé dans le contexte particulier de la pandémie de Covid-19. Le PCI, qui est un patrimoine vivant, a été fragilisé par cette crise. Les mesures de distanciation physique et de confinement ont empêché de pratiquer la plupart des éléments de PCI et menacé leur transmission. Mais, paradoxalement, la crise sanitaire a aussi contribué à faire apparaître le PCI sous un jour nouveau. Elle a conduit beaucoup de nos concitoyens, cantonnés chez eux au cours de la dernière année, à reconsidérer leur culture traditionnelle. Le PCI a un rôle à jouer dans le « monde d'après », tant il peut être une source de résilience et de solidarité au sortir de cette période difficile.

La France a la chance de disposer d'un large patrimoine culturel immatériel. Il est important qu'elle le défende. Ce patrimoine divers est à la fois l'identité de nos territoires, et donc un vecteur de leur attractivité et de leur développement, mais aussi l'ADN de notre pays, qui participe de son image et de son rayonnement. Il reste à souhaiter que ce rapport permette aux élus de mieux s'approprier le PCI et qu'ils soient désormais convaincus de son importance et de la nécessité de le transmettre aux générations futures.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication autorise la publication du rapport d'information.

TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 19 MAI 2021

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M. Laurent Lafon, président . - L'ordre du jour de notre réunion appelle en premier lieu la présentation, par nos collègues Catherine Dumas et Marie-Pierre Monier, des conclusions de leur mission sur le patrimoine culturel immatériel (PCI), régi par une convention de l'Unesco de 2003. Il s'agit d'un sujet important pour la vie de nos territoires qui nécessitait d'être analysé en profondeur. Jamais le Parlement ne s'était ainsi penché sur cette question depuis l'entrée en vigueur de la convention internationale. Il est regrettable que le PCI soit aujourd'hui encore aussi peu visible.

Mme Catherine Dumas, co-rapporteure . - Marie-Pierre Monier et moi-même formons le voeu que ce rapport permette à chacun d'entre vous de mieux comprendre ce qu'est le PCI. Il s'agit d'une forme de patrimoine beaucoup moins connue que le patrimoine matériel, mais pourtant tout aussi importante pour nos territoires. Nous espérons donc que vous pourrez puiser dans notre travail des informations utiles pour l'exercice de vos fonctions de sénatrice et sénateur.

Depuis janvier dernier, nous avons mené avec Marie-Pierre Monier près d'une trentaine d'auditions pour dresser le bilan de la Convention de l'Unesco de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et de sa mise en oeuvre en France. Nous avons évidemment entendu les services de l'Unesco, la délégation française auprès de l'Unesco et le ministère de la culture, comme les acteurs institutionnels du PCI en France, des représentants de collectivités territoriales, ainsi que des représentants d'éléments qui ont obtenu l'inscription sur l'une des listes de l'Unesco ou qui souhaiteraient déposer une candidature.

Avant que Marie-Pierre Monier ne vous fasse part de nos constats et de nos propositions, je crois utile de revenir quelques instants sur ce qu'est le PCI, ce qui le distingue du patrimoine matériel, et ce qu'a changé la Convention de 2003 dans l'action en direction du PCI. Pour mémoire, la protection du patrimoine matériel constitue une préoccupation bien plus ancienne. À l'Unesco, elle est régie par la Convention de 1972 pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, soit plus de trente ans avant la convention relative au PCI, qui n'est d'ailleurs entrée en vigueur qu'en 2006.

Ce qui caractérise le PCI et le distingue du patrimoine matériel, c'est d'être un patrimoine vivant et dynamique. Il est composé de pratiques, de connaissances, de savoir-faire, d'expressions et de représentations qui sont liées aux personnes et à leurs traditions vivantes. Il recouvre des savoir-faire artisanaux, comme la dentelle au point d'Alençon, des jeux, des pratiques rituelles, des pratiques sportives, des pratiques sociales et festives, à l'image du Fest noz ou du carnaval de Granville, des traditions et expressions orales ou encore des danses et des musiques. Je pense, par exemple, au chant corse, le cantu in paghjella .

C'est bien parce qu'il est un patrimoine vivant que le PCI est un patrimoine extrêmement fragile. D'une part, parce qu'il n'est composé d'aucun élément tangible et que sa disparition est inéluctable si la transmission à la génération suivante n'est pas assurée. D'autre part, parce qu'il peut aussi disparaître s'il est figé dans son état d'origine ou rigidifié à l'excès. Le PCI doit pouvoir être adapté en permanence à l'époque et à l'environnement dans lequel il est pratiqué, sinon il pourrait tomber en désuétude et ne plus être reconnu comme un élément de patrimoine partagé par tous.

C'est pour cela qu'on ne préserve pas le PCI comme on préserve le patrimoine matériel. Les politiques relatives au patrimoine matériel visent à le protéger ou à le conserver pour les générations futures, tandis que les politiques relatives au PCI ont pour finalité sa sauvegarde, et non sa protection. Elles ont pour but de maintenir le PCI viable et pertinent afin que les générations suivantes puissent se l'approprier.

Il s'ensuit que la sauvegarde du PCI passe principalement par sa transmission, même si elle ne s'y résume pas, puisqu'une bonne transmission suppose qu'un élément soit aussi identifié, documenté, promu, mis en valeur et, si nécessaire, revitalisé.

L'autre élément qui distingue la sauvegarde du PCI de la protection du patrimoine matériel, c'est que l'Unesco estime que cette sauvegarde repose principalement sur les communautés. Ce terme de communautés ne doit pas s'entendre dans un sens identitaire : il renvoie aux individus, aux groupes d'individus et aux structures qui créent un élément de PCI, l'entretiennent ou le transmettent. Il s'agit d'un changement d'approche total par rapport à la manière dont nous concevons les politiques du patrimoine. En matière de PCI, la logique est ascendante, et les collectivités publiques ne viennent qu'en appui.

Ce qui ne veut pas dire que celles-ci n'ont aucun rôle à jouer, notamment pour aider à l'identification et contribuer à la reconnaissance. L'Unesco a d'ailleurs exigé des États parties qu'ils mettent en place des inventaires du PCI sur leur territoire. La France dispose d'un inventaire national depuis 2008, qui compte environ 500 éléments.

L'Unesco elle-même tient, de son côté, trois listes sur lesquelles figurent aujourd'hui près de 600 éléments de PCI : la liste de sauvegarde urgente, qui comportent des éléments qui font l'objet de menaces ; la liste représentative sur laquelle sont inscrits des éléments pour donner une meilleure visibilité au PCI ; et le registre des bonnes pratiques, sur lequel figurent des éléments dont les modalités de la sauvegarde apparaissent exemplaires. Dans les trois cas, l'inclusion à l'inventaire national est une condition préalable à l'inscription sur l'une des listes de l'Unesco.

Il ne faut pas pour autant se méprendre au sujet de l'inscription d'un élément sur l'inventaire national ou sur l'une des listes de l'Unesco. Il ne s'agit pas d'un label. Contrairement au patrimoine mondial ou aux monuments historiques, l'inscription ne distingue pas seulement les éléments qui ont une valeur exceptionnelle. Elle est ouverte à tous les éléments qui répondent à la définition du PCI. Elle ne procure d'ailleurs aucun avantage direct pour les éléments qui obtiennent l'inscription. Ses retombées sont en outre difficiles à mesurer. En tout cas, aucune mesure n'en a jamais été faite, ni par l'Unesco, ni au niveau national.

L'inscription doit plutôt être considérée comme une sorte de mise en visibilité et d'appel à la sauvegarde. D'ailleurs, chaque demande d'inscription s'accompagne de la présentation d'un plan pour sauvegarder l'élément qui lie moralement les demandeurs.

Les auditions que nous avons menées ont montré que la Convention de 2003 avait globalement marqué un véritable tournant dans la prise en compte du PCI en France et dans la manière de concevoir les politiques dans ce domaine. Avant elle, l'action dans le domaine du PCI était centrée sur la connaissance scientifique et concernait principalement un public d'initiés, en particulier des ethnologues. Depuis 2003, l'action dans le domaine du PCI s'est réorientée vers la sauvegarde, avec pour ambition d'impliquer le plus grand nombre, c'est-à-dire potentiellement toutes les personnes qui considèrent un élément de PCI comme faisant partie de leur patrimoine. L'Unesco estime qu'il faut, pour qu'une pratique relève du PCI, qu'elle soit vivante, non figée et constamment recréée par les communautés, transmise de génération en génération, propice au développement durable et conforme aux droits de l'homme.

Malgré les avancées auxquelles la convention a donné lieu, nous constatons que des améliorations restent encore nécessaires pour favoriser la sauvegarde du PCI et mieux le faire connaître, comme va vous l'expliquer Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure . - J'ai éprouvé un grand intérêt à préparer ce rapport en compagnie de Catherine Dumas, déjà très familière de ces questions sur lesquelles elle travaille depuis un grand nombre d'années. Le PCI est, en quelque sorte, l'ADN de la France et mérite véritablement qu'on s'y penche.

Même si l'on entend bien plus souvent parler de PCI qu'il y a vingt ans, cette notion reste encore obscure pour beaucoup de Français et d'élus. Le PCI souffre d'un fort déficit de visibilité, ce qui a naturellement des conséquences sur sa reconnaissance, sa notoriété et sa sauvegarde. Malheureusement, la plupart des personnes sont comme M. Jourdain et prennent part au PCI sans le savoir. J'en suis un bon exemple pour avoir participé à de multiples reprises aux fêtes des bouviers dans la Drôme, une pratique qui a été inscrite à l'inventaire national du PCI en 2019. Ces fêtes sont organisées dans mon département depuis plus de deux cents ans et témoignent bien du caractère vivant du PCI, c'est-à-dire d'un patrimoine qui sait évoluer au fil des années et s'adapter à son époque.

Il est triste de constater que le PCI est invisible jusque dans l'organigramme du ministère de la culture, puisque les termes mêmes de PCI n'y figurent nulle part : c'est la délégation à l'inspection, à la recherche et à l'innovation, qui dépend de la direction générale des patrimoines, qui est chargée de traiter ces questions ! Encore faut-il le savoir !

D'où la première série de propositions que nous formulons pour accroître la visibilité du PCI et mieux y sensibiliser le grand public : faire de l'année 2023, qui coïncide avec les vingt ans de la Convention, l'année du patrimoine culturel immatériel ; organiser chaque année des journées du patrimoine culturel immatériel avec des démonstrations pour intéresser le grand public ; multiplier les actions « grand public » (panneaux d'information touristique, campagnes de communication, émissions de télévision, carnet de timbres de la Poste, etc...) ; et faire la promotion du PCI dans les lieux de patrimoine et de création, beaucoup plus connus du grand public, afin que le PCI profite de leur plus grande notoriété.

Nous pensons aussi qu'il faut faire un effort pour sensibiliser les jeunes aux enjeux du PCI dès leur plus jeune âge. Nous suggérons donc d'intégrer obligatoirement cette dimension dans le cursus de l'éducation artistique et culturelle (EAC) et d'associer les responsables d'éléments de PCI inscrits aux actions d'EAC conduites dans les établissements scolaires.

En plus de ce déficit de visibilité du PCI, nous avons constaté que les collectivités territoriales semblaient encore relativement peu impliquées sur ce sujet. Il s'agit d'un problème majeur, parce que le concours des collectivités est souvent indispensable à la bonne mise en oeuvre des mesures de sauvegarde. Les collectivités ont en effet des compétences (en matière d'animation de la vie du territoire, de culture, d'éducation, d'économie, d'aménagement du territoire ou d'urbanisme), des ressources - notamment au travers des services publics culturels locaux qu'elles gèrent - et des contacts qui font d'elles des acteurs clés de la sauvegarde du PCI.

Il reste difficile de déterminer les raisons pour lesquelles les collectivités territoriales n'ont pas pris jusqu'ici davantage part au PCI. Est-ce parce que le grand public ne manifeste pas encore un intérêt marqué pour celui-ci ? Est-ce parce que les collectivités manquent aujourd'hui d'appui de la part de l'État pour les accompagner dans leurs projets de sauvegarde ? Est-ce simplement parce que les élus n'ont pas encore véritablement pris conscience du potentiel que représente le PCI sur leur territoire ?

Les auditions que nous avons menées nous ont pourtant montré à quel point le PCI peut être un marqueur d'identité, venir nourrir le sentiment d'appartenance et de fierté de ses habitants et contribuer à la notoriété d'un territoire. Je pense au maloya, qui est une musique, un chant et une danse née au temps de l'esclavage, dont la pratique fut interdite à La Réunion jusqu'en 1892, avant de faire partie des premiers éléments français inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité en 2009 et d'être aujourd'hui ardemment défendu par tous les Réunionnais, département et région en tête.

Le PCI est aussi un outil de cohésion qui favorise la participation citoyenne, facilite l'intégration des nouveaux habitants et permet de fédérer les acteurs d'un territoire. Le Fest noz en est une belle illustration : la construction du dossier de candidature de cet élément auprès de l'Unesco a joué un rôle de catalyseur en réunissant autour d'un même projet des acteurs qui ne se rencontraient plus ou n'avaient pas l'habitude de se parler.

Il nous paraît donc important que les collectivités territoriales s'emparent du PCI présent sur leur territoire, ce qui nous amène à formuler trois recommandations pour mieux sensibiliser les élus locaux aux enjeux liés à la sauvegarde du PCI.

D'abord, nous jugeons nécessaire que les services de l'État leur fassent parvenir un vade-mecum leur expliquant pourquoi et comment ils peuvent sauvegarder leur PCI, ainsi que l'aide que l'État et d'autres acteurs institutionnels peuvent leur apporter dans l'élaboration et la mise en oeuvre de mesures de sauvegarde. Le Québec a publié un guide pratique de ce type il y a quelques années qui nous paraît constituer un excellent modèle.

Ensuite, nous militons pour que soit développée l'offre de formation en matière de PCI destinée spécifiquement aux élus locaux.

Enfin, nous suggérons la mise en place d'un observatoire du PCI qui permettrait de mesurer les retombées d'une inscription. Nous pensons que ce type de données peut avoir un effet d'entrainement sur les collectivités territoriales.

Évoquer l'implication des collectivités territoriales conduit à s'interroger, plus largement, sur les moyens mis à disposition pour sauvegarder le PCI. Catherine Dumas a évoqué il y a quelques instants l'existence des listes de l'Unesco et de l'inventaire national, qui ont pour but d'inciter à l'élaboration de plans de sauvegarde.

Le problème, c'est que ni l'Unesco, ni l'État ne disposent aujourd'hui des moyens humains suffisants pour leur permettre d'assurer un suivi des mesures de sauvegarde mises en oeuvre par les porteurs de projet une fois l'inscription obtenue. Il s'agit d'une vraie faiblesse car ce contrôle permettrait d'identifier les carences dans la mise en oeuvre du plan de sauvegarde, de constater l'éventuelle disparition de la structure porteuse et de déterminer si d'autres solutions pourraient être trouvées. Il permettrait aussi de se faire une meilleure idée de la pertinence de la sauvegarde et des retombées liées à une inscription. L'Unesco demande aux États de lui transmettre périodiquement un rapport sur l'état des éléments inscrits - celui-ci doit être établi tous les six ans pour les éléments inscrits sur la liste représentative et tous les quatre ans pour ceux inscrits sur la liste de sauvegarde urgente. Mais l'organisation n'a pas les moyens de vérifier les informations qui lui sont transmises par les États.

Globalement, il est clair que la France consacre aujourd'hui des moyens très limités à la sauvegarde du PCI, surtout en comparaison de son action dans le domaine du patrimoine matériel. Seuls deux agents du ministère de la culture sont chargés de ces questions. Seules quatre directions régionales des affaires culturelles (DRAC) disposent d'un conseiller pour l'ethnologie (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Normandie et Occitanie) alors que les services déconcentrés de l'État seraient le point d'entrée naturel sur ces questions pour les acteurs de terrain, qu'il s'agisse des porteurs de projet ou des collectivités territoriales.

Ces moyens humains sont nettement insuffisants et donnent l'impression aux acteurs du PCI que cette forme de patrimoine reste encore terriblement déconsidérée par l'État.

J'ajoute que les acteurs du PCI ont besoin d'être mieux orientés. Les communautés ne peuvent pas mener seules une procédure de candidature. Elles ont besoin d'être accompagnées par des spécialistes pour les aider à collecter les informations pertinentes à la documentation de l'élément et pour rédiger le dossier de candidature. Mais, elles ignorent bien souvent auprès de qui s'adresser et ce que l'on attend d'elles, ce qui en conduit certaines à baisser les bras par manque d'information ou difficulté à la trouver - les informations en matière de PCI sont nombreuses sur internet, mais très éparpillées.

Il serait également bon que les communautés soient orientées vers les autres labels déjà existants qui pourraient être pertinents dans l'objectif de la sauvegarde d'un élément - comme, par exemple, le label d'entreprise du patrimoine vivant ou de site remarquable du goût au niveau français ou le réseau des villes créatives au niveau de l'Unesco. Il y a des synergies à créer pour briser les trop nombreux silos.

Ces réflexions nous conduisent à formuler plusieurs recommandations pour donner plus de moyens à la sauvegarde du PCI sans que cela se traduise nécessairement par une hausse considérable des engagements financiers : la nomination d'un référent PCI dans chaque DRAC ; la mise à jour du portail internet du ministère de la culture dédié au PCI pour y trouver facilement toutes les informations nécessaires sur la procédure applicable aux candidatures, le contenu des démarches à entreprendre, les critères de sélection des dossiers, ainsi que les interlocuteurs à contacter à chacune des étapes de la candidature ; l'implication des autres ministères concernés dans la sauvegarde du PCI ; la mise en place par l'Unesco et le ministère de la culture d'un véritable suivi des mesures de sauvegarde ; le développement de synergies avec les labels et les programmes qui peuvent contribuer à la reconnaissance, à la valorisation et à la sauvegarde du PCI ; et enfin la mobilisation des différents opérateurs culturels de l'État pertinents pour promouvoir et transmettre les éléments de PCI.

Catherine Dumas et moi-même sommes très attachées à ce que les choses bougent et nous solliciterons donc un entretien avec la ministre de la culture pour lui faire part de nos propositions et la convaincre de ce qu'elles pourraient apporter à la sauvegarde du PCI.

Se pose également la question d'une meilleure articulation entre les listes de l'Unesco et l'inventaire national. Même si les porteurs de projet visent généralement l'inscription sur les listes de l'Unesco, peu d'entre eux parviendront à l'obtenir. Non seulement la procédure de candidature est longue, coûteuse et complexe, mais la France, compte tenu des quotas, ne peut présenter qu'un dossier tous les deux ans. Il y a donc un véritable engorgement. Il reste possible de déposer une candidature avec d'autres États pour contourner les quotas, mais la reconnaissance qui découle de l'inscription serait alors diluée entre différents pays, au risque que les porteurs de projets n'y trouvent pas forcément leur compte.

Il nous parait donc important que l'inventaire national gagne en notoriété et en attractivité pour qu'il ne soit plus simplement une antichambre de l'Unesco, mais un outil à part entière au service du PCI, reconnu en tant que tel. Pour cela, il faut qu'il devienne une référence pour le grand public, ce qui suppose de mieux faire connaître son emblème, créé en 2018, et de rendre sa consultation plus aisée. Il faudrait aussi que des efforts soient faits pour rendre l'inventaire plus équilibré d'un point de vue thématique et géographique car plus une région aura d'éléments inclus à l'inventaire, plus ses élus et sa population seront sensibilisés à l'importance du PCI et plus sa sauvegarde aura donc de chance d'être intégrée dans les orientations politiques. Comme l'inclusion à l'inventaire national se fait majoritairement sur la base d'appels à projets lancés par le ministère de la culture, même si elle peut également résulter de demandes spontanées des communautés, le ministère peut tout à fait remédier dans ses appels à projets aux déséquilibres constatés entre régions et entre catégories de PCI.

Mme Catherine Dumas, co-rapporteure . - Marie-Pierre Monier et moi voulons faire preuve d'un certain optimisme car la convention reste relativement récente et, depuis 2003, des outils de sauvegarde sont apparus et des acteurs se sont emparés de cette préoccupation. Ce qu'il manque aujourd'hui, c'est surtout davantage de fluidité, d'accompagnement et un engagement accru des collectivités publiques en faveur de cet enjeu. Nous avons évoqué à la fois les carences du ministère de la culture et la quasi-absence de conseillers en charge du PCI dans les services déconcentrés. Nous avons également mentionné le rôle décisif que pourraient avoir les collectivités territoriales dans la sauvegarde du PCI.

Nous pensons que ces évolutions sont d'autant plus importantes que la sauvegarde du PCI constitue un réel enjeu pour les politiques publiques parce que le PCI est le reflet vivace d'une culture.

Il s'agit d'abord d'un enjeu de politique culturelle car à travers le PCI, on donne à voir une image plus large et moins élitiste de la culture. On redonne leurs lettres de noblesse à des pratiques populaires longtemps déconsidérées. Bref, on favorise la diversité de la création et des expressions culturelles et on valorise la richesse culturelle de nos territoires, ce qui est aussi un moyen de mettre en oeuvre les droits culturels.

Mais, la reconnaissance et la sauvegarde du PCI est également un outil important pour renforcer la cohésion. L'inscription d'un élément sur l'une des listes de l'Unesco est une opportunité de renforcer l'unité nationale, dans la mesure où les candidatures sont présentées au nom de la France et que les éléments inscrits véhiculent une certaine image de notre pays et constituent une vitrine de notre patrimoine à l'international. C'est donc une occasion pour les Français de s'approprier collectivement un pan de leur histoire et de leur culture.

Lorsque la commission a décidé, début 2020, de réaliser un rapport sur la Convention de 2003 pour la sauvegarde du PCI, nous ne nous doutions pas encore que la pandémie à laquelle nous allions être confrontés allait donner à ce rapport un sens encore plus crucial. D'une part, parce que les mesures de distanciation physique et de confinement mises en place dans le cadre de la crise sanitaire ont empêché, pendant de longs mois, de pratiquer la plupart des éléments de PCI et menacé leur transmission. Sa sauvegarde revêt donc un caractère d'urgence. D'autre part, parce que la crise sanitaire a aussi contribué à mettre le PCI au premier plan. Sous l'effet du confinement, beaucoup de nos concitoyens se sont mis à investir de nouveau leur culture traditionnelle. Ils cherchent aujourd'hui des références ou des occasions pour s'unir et se rassembler. Et c'est justement ce que peut permettre le PCI.

Nous pensons qu'il serait opportun que la commission poursuive, dans les années à venir, ses travaux sur cette question, afin de contrôler l'action du Gouvernement en matière de PCI et de vérifier si les préconisations que nous avons formulées seront mises en oeuvre. Le vingtième anniversaire de la Convention de 2003 en 2023 pourrait être une occasion pour la commission d'organiser un colloque sur la sauvegarde du PCI. J'ajoute que vous avez tous sur vos territoires des savoir-faire, des traditions et des pratiques à valoriser et à perpétuer. J'espère que la présentation que Marie-Pierre Monier et moi-même venons de vous faire vous en donnera l'envie.

J'achèverai mon propos en évoquant des éléments d'actualité relatifs au PCI. Trois éléments avaient été identifiés comme pouvant faire l'objet d'une candidature nationale pour inscription sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l'Unesco : le « Biou d'Arbois », qui est une fête périodique viti-vinicole de la ville d'Arbois, les « savoir-faire des couvreurs-zingueurs et des ornemanistes parisiens », ainsi que les « savoir-faire et la culture de la baguette de pain ». Vous savez que Roselyne Bachelot a finalement sélectionné ce troisième élément, dont la candidature sera présentée au nom de la France au titre du cycle 2021-2022. Vous connaissez tous mon investissement dans cette candidature mais, sans cela, il me semble qu'il s'agit d'un élément particulièrement représentatif de l'ADN de la France. Parallèlement au dépôt de ce dossier national, deux dossiers de candidature multinationale concernent également la France, puisque l'Unesco est dans l'attente de ce type de candidatures qui contribuent à rapprocher les États et à promouvoir la paix : les fêtes de l'Ours dans les Pyrénées avec la Principauté d'Andorre, et la culture vivante de la fête foraine et l'art des forains avec la Belgique.

Mme Sylvie Robert . - Le travail de Catherine Dumas et de Marie-Pierre Monier adresse un signal très fort de la part de notre commission sur ce sujet. Leur rapport pointe très justement les manquements et les points à améliorer. Il est nécessaire que l'État s'engage davantage. Il serait intéressant pour la commission de poursuivre ces travaux jusqu'en 2023 pour assurer le suivi des recommandations.

Je suis préoccupée par le manque de suivi. Si je prends l'exemple de la Bretagne, le Fest noz est inscrit depuis bientôt dix ans sur la liste représentative du PCI. Cette inscription a constitué une reconnaissance majeure. Cependant, je constate, comme le rapport le souligne également, qu'une évaluation de l'impact de cette inscription se fait toujours attendre. Quel effet celle-ci a-t-elle eu en termes de transmission entre générations ? Les jeunes participent-ils plus au Fest noz ? Le but de la sauvegarde est de garantir la transmission entre générations. Une évaluation serait dès lors très utile.

Enfin, le PCI me paraît intimement lié aux droits culturels. Je rappelle que le Sénat a été à l'origine de leur inscription dans la loi. L'évolution de l'organigramme du ministère de la culture et la création il y a quelques mois démontre une réelle prise de conscience de l'importance des droits culturels, avec la création d'une délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle spécifiquement chargée de leur mise en oeuvre. J'espère qu'il en ira de même pour le PCI, qui me semblerait lui aussi pouvoir relever des compétences de cette nouvelle délégation transversale.

M. Bernard Fialaire . - Je félicite également nos collègues et je m'interroge simplement sur les contraintes administratives qui pèsent pour la candidature ou le renouvellement de la labellisation.

Mme Monique de Marco . - La Nouvelle-Aquitaine bénéficie de nombreuses inscriptions au titre du PCI. Je m'interroge cependant sur les critères qui président à l'inscription suite à une polémique il y a quelques années relative à l'inclusion de la corrida sur l'inventaire national. L'affaire avait été portée devant la juridiction administrative et le Conseil d'État, en cassation, avait validé la décision de la cour administrative d'appel de Paris de radier cette pratique de l'inventaire. Quels sont donc les critères de sélection des éléments inclus à l'inventaire national ?

Mme Annick Billon . - Je constate que des régions et des départements à l'identité très forte, comme la Nouvelle-Aquitaine et la Bretagne, se retrouvent richement dotées en inscription au titre du PCI. Peut-on faire un lien entre cette politique de promotion d'une « marque » régionale ou départementale et l'inscription sur la liste ? Par ailleurs a-t-on une idée du coût que représente un dossier de candidature pour une inscription au titre du PCI ? Les collectivités territoriales ont un rôle essentiel mais parfois difficile à valoriser car il passe par la mise à disposition de salles ou de bénévoles. Comment mieux le mettre en valeur ? Je m'interroge également sur l'impact de la crise pandémique notamment au regard du désengagement des bénévoles dans le domaine culturel. Une toute dernière interrogation sur les listes de l'Unesco et l'inventaire national. L'inscription sur l'une est-elle concurrente ou complémentaire de l'inscription sur l'autre ?

Mme Marie-Pierre Monier, co-rapporteure . - Je peux répondre immédiatement à la dernière question d'Annick Billon : il faut être inscrit à l'inventaire national pour pouvoir prétendre à l'inscription sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l'humanité.

En ce qui concerne le coût de la candidature, des études approfondies sont nécessaires pour étayer les dossiers. Le ministère de la culture alloue chaque année 1 million d'euros au titre du PCI.

Sur la question de la tauromachie, il me semble que les critères d'éligibilité excluent toute forme de conflit et de violence.

Vous nous avez demandé s'il y avait une actualisation des éléments inscrits au patrimoine culturel immatériel. L'Unesco a retiré en 2019 le carnaval d'Alost, inscrit depuis 2010 au patrimoine culturel immatériel, à la suite d'un char caricaturant les Juifs orthodoxes.

Comme je l'ai indiqué, un rapport est réalisé tous les six ans pour les éléments inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité - ou tous les quatre ans si l'élément est inscrit sur la liste de sauvegarde urgente. Les communautés qui cherchent à faire inscrire leur patrimoine doivent être accompagnées. Les directions régionales des affaires culturelles, mais aussi les collectivités ont un rôle important à jouer, car les communautés ne peuvent pas monter seules le dossier de candidature.

Nous avons auditionné l'association chargée de la sauvegarde du Fest noz , Dastum. Cette candidature a véritablement joué un rôle catalyseur en rassemblant des acteurs qui ne se parlaient plus ou n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble.

En outre, en 2016, nous avons intégré, dans le cadre de la loi relative à la création, à l'architecture et au patrimoine, les éléments du patrimoine culturel immatériel dans la définition de la notion du patrimoine donnée à l'article L. 1 du code du patrimoine.

Mme Catherine Dumas, co-rapporteure . - Nous avons constaté qu'il y avait assez peu d'évaluation. Le peu d'évaluation qui est réalisé l'est à l'occasion du rapport qui doit être remis à l'Unesco tous les six ans. Pour nous, ce manque d'évaluation constitue une vraie difficulté.

Je me suis intéressée au PCI dès 2009, au moment de l'inscription du repas gastronomique des Français sur la liste représentative de l'Unesco. J'avais alors proposé que notre commission se saisisse de ce sujet. À l'époque, le président de la commission de la culture qui était en fonction n'y était pas favorable, en raison de l'image que cela aurait pu renvoyer - le sujet ne lui apparaissait pas suffisamment sérieux. Or pour moi, cette thématique entre pleinement dans le champ de notre commission. Ce rapport est important car il permet de faire un point d'étape sur le PCI et de mieux l'évaluer et le faire connaître à l'avenir.

Cette reconnaissance du PCI - l'Unesco refuse que l'on parle de label - ne profite-t-elle pas plus à l'Unesco qu'aux territoires ? Nous voulons inverser ce fait. Les communautés font un travail fantastique. Monter un dossier prend du temps - souvent plusieurs années. Cela nécessite de traduire des éléments de façon intellectuelle voire ethnologique. Un comité - le comité du patrimoine ethnologique et immatériel - évalue tous les dossiers de candidature, puis le ministre chargé de la culture celui qui sera présenté au nom de la France.

Les élus locaux ont un rôle à jouer, en s'emparant de ce qui a déjà été inscrit et en en faisant la promotion. En tant que sénateurs, nous devons les sensibiliser sur ce point. Les sénateurs doivent parler de ce sujet sur les territoires, afin que tous les élus avec lesquels vous travaillez fassent vivre le travail réalisé par les communautés.

Il existe un lien entre une identité forte d'une région et l'inscription d'éléments au titre du PCI. Cette identité forte suscite plus de candidatures, avec une mobilisation plus forte pour les y faire inscrire.

Les démarches de candidatures pour obtenir une inscription ne sont pas forcément coûteuses. Mais il faut avoir le temps et les outils pour monter un dossier. Or les outils ne sont pas là et le ministère de tutelle ne se mobilise pas beaucoup en faveur du PCI. 120 pays sont liés par cette convention dont le Canada que nous avons mentionné dans notre présentation. Le Canada a rédigé un vade-mecum pratique, qui est une sorte de mode d'emploi pour déposer un dossier de candidature. Nous aimerions que notre ministère de la culture s'approprie cette idée.

L'accompagnement par les collectivités territoriales des communautés est indispensable. Je suis convaincue que les sénateurs ont un rôle à jouer pour les y sensibiliser.

M. Laurent Lafon, président . - Je me félicite du travail accompli par nos deux rapporteures. Ce sujet est typique des missions de notre commission : elles ont réalisé un travail précurseur, qui n'est pas fait par ailleurs, car c'est un sujet dont on parle peu. Même si la convention aura bientôt vingt ans, nous ne sommes qu'au début de la reconnaissance du PCI. Il reste beaucoup à faire, comme nous y ont invités Sylvie Robert et nos rapporteurs. 2023 pourrait être un temps fort. Notre mission est de continuer à mettre ce sujet sur la table, exercer une pression sur le ministère de la culture mais aussi sur les collectivités territoriales pour que chacun s'en saisisse. Nous avons tous dans nos territoires du PCI à mettre en valeur. En tant que sénateurs et notamment membres de la commission de la culture, nous devons porter cet enjeu.

Il me reste à demander formellement à la commission d'autoriser la publication du rapport.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 26 janvier 2021

- Unesco : M. Tim CURTIS , secrétaire de la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, chef de l'entité du patrimoine vivant de l'Unesco.

- Patrimoine culturel immatériel du pays de Millau : Mme Nadia BEDAR , directrice du projet de candidature.

- Association France PCI : MM. Pierre SANNER , président (Le repas gastronomique des Français), Emmanuel GERARD , vice-président (La tapisserie d'Aubusson), et Bernard MAUREL , trésorier (L'équitation de tradition française).

Mercredi 27 janvier 2021

- Maison des cultures du monde - Centre français du patrimoine culturel immatériel : Mme Séverine CACHAT , directrice.

Vendredi 29 janvier 2021

- Table ronde consacrée à l'élément « Le compagnonnage » :

. Union Compagnonnique des Devoirs Unis : MM. Jean-Luc ROUYER , président général, et Frédéric THIBAULT , membre du conseil d'administration,

. Fédération compagnonnique nationale : MM. Sylvain MAGNIAT , président national, et Marc BLANCHARD , délégué général,

. Les Compagnons du Devoir et du Tour de France : M. Jean MOPIN , conseiller au secrétariat.

- Mobilier national et manufactures des Gobelins : M. Emmanuel PÉNICAUT , directeur de la production du Mobilier national.

- Direction générale des patrimoines : M. Pascal LIEVAUX , chef du département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique, Mme Valérie PERLÈS , chargée de mission Ethnologie - PCI délégation à l'inspection, la recherche et l'innovation (DIRI), M. Thomas MOUZARD , chargé de mission ethnologie et patrimoine culturel immatériel (PCI).

Mardi 2 février 2021

- Délégation permanente de la France auprès de l'Unesco : Mme Véronique ROGER-LACAN , ambassadrice de France auprès de l'Unesco, Mme Julie FORT , conseillère en charge des questions de patrimoine au sein de la délégation française auprès de l'Unesco.

- Association des ateliers des maîtres d'art et de leurs élèves : M. Pierre REVERDY , délégué à l'international de l'association, coutelier d'art en acier damassé, maître d'art 2004, et Mme Marie-Pierre BEL, s culpteur, bronzier d'art, ciseleur et ancienne élève du maître d'art Bernard Werner

- Fédération des acteurs et actrices des musiques et danses traditionnelles (FAMDT) : MM. David de ABREU , vice-président, Yvon DAVY , secrétaire, Alban COGREL , directeur, et Hervé PARENT

- Ambassade des Confréries de Nouvelle-Aquitaine : M. Bruno CARNEZ , président.

Vendredi 5 février 2021

- Dastum : MM. Ronan GUÉBLEZ , président, et Gaëtan CRESPEL , directeur.

- Mission française du patrimoine et des cultures alimentaires : M. Jean-Robert PITTE , président.

- Atout France : MM. Christophe DE CHASSEY , sous-directeur filières touristiques - Département ingénierie, développement et prospective, et Jean-Baptiste CAZAUBON , chef de mission auprès de la directrice générale Communication et Relations publiques.

- Commission nationale française pour l'Unesco : M. Yves SAINT-GEOURS , président.

Mardi 9 février 2021

- Table ronde réunissant les collectivités territoriales : Mme Karine GLOANEC MAURIN , co-présidente de la commission des communes et territoires ruraux de l'Association des maires de France (AMF), présidente de la communauté de communes des Collines du Perche, adjointe au maire de Couëtron au Perche, M. Olivier MORIN au nom de l'Assemblée des départements de France (ADF), vice-président du département de Seine-et-Marne en charge de la culture et du patrimoine.

Vendredi 12 février 2021

- La collectivité territoriale de la Réunion :

. Mme Samia BADAT-KARAM , conseillère technique chargée des relations nationales département de la Réunion / Antenne de Paris.

. Pour la Région Réunion :

- M. Gilles PIGNON , conservateur régional de l'inventaire général du patrimoine culturel - Service régional de l'inventaire,

- M. Éric ALENDROIT , chargé de recherches - Service régional de l'inventaire,

- Mme Prisca GRONDIN , responsable du service du patrimoine culturel.

. Pour le département de La Réunion :

- Mme Béatrice SIGISMEAU , vice-présidente du département chargée de la culture,

- Mme Catherine CHANE-KUNE , directrice de la culture et du sport au département de La Réunion.

- Fédération française des professionnels de la pierre sèche : Mme Claire CORNU , co-fondatrice.

- Société scientifique internationale pour l'étude pluridisciplinaire de la pierre sèche : M. Michelangelo DRAGONE , président, et Mme Ada ACOVITSIÓTI-HAMEAU , secrétaire générale.

- Office pour le patrimoine culturel immatériel (OPCI) : M. Philippe BOISSELEAU , directeur.

- Ambassade du Japon : M. Junichi IHARA , ambassadeur.

Mardi 16 février 2021

- Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture : M. Frédéric HOCQUARD , président.

Vendredi 12 mars 2021

- Les fêtes des bouviers et des laboureurs de la Drôme : M. Christian MONIER , président.

Mardi 16 mars 2021

Déplacement à l'école Ferrandi-Paris autour de la candidature de la baguette de pain à l'inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco : MM. Dominique ANRACT , président de la confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, Guillaume GOMEZ , représentant personnel du Président de la République auprès des acteurs et des réseaux de la gastronomie et de l'alimentation, Bruno de MONTE , directeur général de l'école Ferrandi-Paris, Didier CHAPUT , enseignant-formateur en pâtisserie-boulangerie à l'école Ferrandi-Paris, Sébastien CHEVALLIER , meilleur ouvrier de France boulanger, Mathieu LA FAY et Mme Coline CARMIGNAC , respectivement directeur associé et consultante senior au sein de l'agence Com'Publics.

Jeudi 18 mars 2021

Fédération des Parcs naturels régionaux de France : M. Éric BRUA , directeur, Mme Laurence DERVAUX , directrice du Parc des Boucles de la Seine normande et membre du bureau de la Fédération, M. Arnaud BERAT , chargé de mission sur la culture.

ANNEXES

A. LES ÉLÉMENTS FRANÇAIS DE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL RECONNUS PAR L'UNESCO

1. Les 20 éléments inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité (sur un total de 492 éléments inscrits correspondant à 128 pays)

Objet du classement

Pays concernés

Date de classement

L'art de la perle de verre

Italie - France

2020

L'art musical des sonneurs de trompe, une technique instrumentale liée au chant, à la maîtrise du souffle, au vibrato, à la résonance des lieux et à la convivialité

France - Belgique - Luxembourg - Italie

2020

Les savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d'art

Suisse - France

2020

L'alpinisme

France - Italie - Suisse

2019

L'art de la construction en pierre sèche : savoir-faire et techniques *

Croatie - Chypre - France - Grèce - Italie - Slovénie - Espagne - Suisse

2018

Les savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse : la culture de la plante à parfum, la connaissance des matières premières naturelles et leur transformation, l'art de composer le parfum

France

2018

La fauconnerie, un patrimoine humain vivant

Allemagne - Arabie saoudite - Autriche - Belgique - Émirats arabes unis - Espagne - France - Hongrie - Italie - Kazakhstan - Maroc - Mongolie - Pakistan - Portugal - Qatar - République arabe syrienne - République de Corée - Tchéquie

2016

Le carnaval de Granville *

France

2016

Les fêtes du feu du solstice d'été dans les Pyrénées *

Andorre - Espagne - France

2015

Le gwoka : musique, chants, danses et pratique culturelle représentatifs de l'identité guadeloupéenne *

France

2014

Les ostensions septennales limousines *

France

2013

Le fest-noz, rassemblement festif basé sur la pratique collective des danses traditionnelles de Bretagne

France

2012

L'équitation de tradition française

France

2011

Le compagnonnage, réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier

France

2010

Le repas gastronomique des Français

France

2010

Le savoir-faire de la dentelle au point d'Alençon

France

2010

La tapisserie d'Aubusson

France

2009

La tradition du tracé dans la charpente française

France

2009

Le Maloya

France

2009

Géants et dragons processionnels de Belgique et de France

Belgique - France

2008

* dossiers considérés comme des bons exemples par le comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel

2. Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente (sur un total de 67 éléments inscrits correspondant à 35 pays)

Le Cantu in paghjella profane et liturgique de Corse de tradition orale

France

2009

3. Registre de bonnes pratiques de sauvegarde (sur un total de 25 éléments correspondant à 22 pays)

La yole de Martinique, de la construction aux pratiques de navigation, un modèle de sauvegarde du patrimoine

France

2020

Les techniques artisanales et les pratiques coutumières des ateliers de cathédrales, ou « Bauhütten », en Europe, savoir-faire, transmission, développement des savoirs, innovation

Allemagne - Autriche - France - Norvège - Suisse

2020

B. LA CANDIDATURE DES SAVOIR-FAIRE ARTISANAUX ET DE LA CULTURE DE LA BAGUETTE DE PAIN À LA LISTE REPRÉSENTATIVE

Cette candidature trouve son origine dans la volonté des artisans boulangers de sensibiliser à la richesse des savoir-faire liés à la préparation de la baguette et à l'importance de leur transmission aux générations à venir.

Ils considèrent cette transmission essentielle au regard des menaces qui pèsent sur ces savoir-faire : industrialisation, baisse du nombre de boulangeries-pâtisseries, en particulier en milieu rural. On ne compte plus aujourd'hui que 35 000 boulangeries artisanales en France (soit une boulangerie pour 2 000 habitants) contre 55 000 en 1970 (une boulangerie pour 790 habitants).

Les boulangers estiment que les valeurs de convivialité et de partage, le caractère populaire et le lien social véhiculés par la baguette de pain rendent ses savoir-faire et sa culture dignes d'être reconnus par l'Unesco.

Visite d'un atelier de formation en boulangerie
destiné aux étudiants du programme international de l'école Ferrandi-Paris

Pour préparer cette candidature, les boulangers se sont appuyés sur tous les professionnels de la filière blé-farine-pain : meuniers, céréaliers, producteurs de levure, équipementiers, paysans boulangers, salariés de la boulangerie artisanale, apprentis boulangers, enseignants, formateurs, etc. Ces professionnels sont réunis au sein du comité de pilotage .

Le comité scientifique de la candidature regroupe une dizaine de scientifiques (historien, sociologue, anthropologue, spécialiste de la formation, etc.).

Les boulangers se sont associés avec l'Université de Tours et l'Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation (IEHCA), spécialisés dans les études en lien avec l'alimentation. Des élèves de master de l'Université de Tours ont réalisé une enquête anthropologique auprès des boulangers et des consommateurs pour enrichir la candidature.

La candidature est structurée autour de deux axes : le savoir-faire artisanal et la culture de la baguette de pain. Se rendre à la boulangerie est une véritable pratique sociale qui rythme la vie de tous les Français sur l'ensemble du territoire, sans distinction de genre, de classe sociale ou d'âge.

Les mesures de sauvegarde présentées dans le dossier de candidature poursuivent trois finalités :

1/ La transmission

- Mettre en place un Certificat de Compétence Professionnelle, qui serait une formation courte et diplômante à destination d'un public éloigné de l'emploi, ce qui faciliterait le montage de projets d'insertion autour de la baguette.

- Formaliser dans les diplômes existants le rôle de la baguette artisanale et, pour cela, définir les règles de l'art de la préparation d'une baguette et les savoir-faire à acquérir.

- Ajouter un module culturel aux formations de boulangers et de vendeurs en boulangerie pour aborder les savoir-faire artisanaux de la baguette en tant qu'éléments du patrimoine.

2/ La documentation et la recherche autour de l'élément

- Octroyer une bourse de doctorat annuelle Conventions Industrielles de Formation par la Recherche en sciences humaines et sociales.

- Mener des actions internationales (colloques/séminaires) avec d'autres éléments liés à des savoir-faire alimentaires inscrits à l'Unesco.

- Créer un site internet qui regroupera : une bibliothèque virtuelle; un inventaire des experts travaillant en lien avec l'élément ; des informations sur les formations et des informations sur les actions de valorisation.

3/ La promotion de l'élément

- Mettre en place une journée de la baguette artisanale. Cette manifestation, qui pourrait se tenir lors des Journées du Patrimoine, prendrait la forme d'une « Journée fournils ouverts ». Elle permettrait de présenter au public les spécificités de ces savoir-faire artisanaux et de lui permettre d'apprécier et de distinguer les baguettes artisanales, toutes uniques, d'autres produits standardisés.

- Promouvoir le Concours national de la Meilleure Baguette de tradition française en créant un réseau de personnes points de contact (un par région) et en assurant une meilleure diffusion de l'information. Ce réseau aura pour but d'inciter les formateurs et les maîtres d'apprentissage à préparer les jeunes aux concours et à les y aider.

- Faire évoluer le Concours national de la Meilleure Baguette de tradition française en : i) ajoutant des épreuves pour d'autres types de baguettes ; ii) élargissant la participation aux jeunes. Une note « baguette » serait ajoutée au concours des Meilleurs Jeunes Boulangers de France, à celui « Un des Meilleurs Apprentis de France » ainsi qu'aux examens de CAP. Cette note ferait office de présélection et la finale jeune aurait lieu lors de la Fête du pain.

- Créer un Conservatoire de la baguette de pain destiné à faire voir et à transmettre les savoir-faire artisanaux et la culture de la baguette, à travers une exposition de référence et interactive allant de la production des céréales aux modes de consommation de la baguette, des ateliers sensoriels autour des manières de déguster et de choisir sa baguette, des cours de formation et des Master class pour tous, des débats citoyens.

C. FICHE-TYPE D'INVENTAIRE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

NOM DE L'ÉLÉMENT

Vue 1

Vue 2

Vue 3

[Légende]

[Crédits] (c)

[Légende]

[Crédits] (c)

[Légende]

[Crédits] (c)

Description sommaire

[1500 caractères (espaces compris) maximum]

I. IDENTIFICATION DE L'ÉLÉMENT

I.1. Nom

[150 caractères (espaces compris) maximum]

En français

En langue régionale

I.2. Domaine(s) de classification, selon l'Unesco

I.3. Communauté(s), groupe(s) et individu(s) liés à la pratique

I.4. Localisation physique

Lieu(x) de la pratique en France

Pratique similaire en France et/ou à l'étranger

I.5. Description détaillée de la pratique

[25 à 30 000 caractères (espaces compris) maximum]

I.6. Langue(s) utilisée(s) dans la pratique

I.7. Éléments matériels liés à la pratique

Patrimoine bâti

Objets, outils, matériaux supports

II. APPRENTISSAGE ET TRANSMISSION DE L'ÉLÉMENT

II.1. Modes d'apprentissage et de transmission

II.2. Personnes/organisations impliquées dans la transmission

III. HISTORIQUE

III.1. Repères historiques

[10 000 caractères (espaces compris) maximum]

III.2. Évolution/adaptation/emprunts de la pratique

IV. VIABILITÉ DE L'ÉLÉMENT ET MESURES DE SAUVEGARDE

IV.1. Viabilité

Vitalité

Menaces et risques

IV.2. Mise en valeur et mesure(s) de sauvegarde existante(s)

Modes de sauvegarde et de valorisation

Actions de valorisation à signaler

Modes de reconnaissance publique

IV.3. Mesures de sauvegarde envisagées

IV.4. Documentation à l'appui

Récits liés à la pratique et à la tradition

Inventaires réalisés liés à la pratique

Bibliographie sommaire

Filmographie sommaire

Sitographie sommaire

V. PARTICIPATION DES COMMUNAUTÉS, GROUPES ET INDIVIDUS

V.1. Praticien(s) rencontré(s) et contributeur(s) de la fiche

[reproduire nom/fonctions/coordonnées autant que nécessaire]

Nom

Fonctions

Coordonnées

V.2. Soutiens et consentements reçus

VI. MÉTADONNÉES DE GESTION

VI.1. Rédacteur(s) de la fiche

[reproduire nom/fonctions/coordonnées autant que nécessaire]

Nom

Fonctions

Coordonnées

VI.2. Enquêteur(s) ou chercheur(s) associés ou membre(s) de l'éventuel comité scientifique instauré

[reproduire nom/fonctions autant que nécessaire]

Nom(s)

Fonctions

Lieux(x) et date/période de l'enquête

VI.3. Données d'enregistrement

Date de remise de la fiche

Année d'inclusion à l'inventaire

N° de la fiche

Identifiant ARKH


* 1 La pratique du Maloya, qui est à la fois une musique, un chant et une danse née au temps de l'esclavage, fut ainsi interdite jusqu'en 1982.

* 2 Une fiche-type d'inventaire est présentée en annexe du présent rapport.

* 3 La fabrique de patrimoines en Normandie, le Centre français du patrimoine culturel immatériel en Bretagne, la Maison du patrimoine oral de Bourgogne, le Musée des arts et traditions populaires du château de Champlitte, le Musée Courbet à Ornans, le Centre des musiques traditionnelles Rhône Alpes, le Centre du patrimoine arménien à Valence, le Musée de Salagon à Mane, le GARAE à Carcassonne, l'Institut occitan de culture (CIRDOC) et l'Institut culturel basque dans les Pyrénées-Atlantiques.

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