Rapport d'information n° 620 (2020-2021) de MM. Laurent DUPLOMB , Hervé GILLÉ , Daniel GREMILLET , Mme Anne-Catherine LOISIER , M. Frédéric MARCHAND et Mme Kristina PLUCHET , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques, déposé le 19 mai 2021

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N° 620

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (2) relatif à l' alimentation durable et locale ,

Par MM. Laurent DUPLOMB, Hervé GILLÉ, Daniel GREMILLET, Mme Anne- Catherine LOISIER, M. Frédéric MARCHAND
et Mme Kristina PLUCHET,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Marie Evrard, Françoise Férat, Catherine Fournier, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

(2) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

L'ESSENTIEL

Avec la crise sanitaire, les sujets de la souveraineté alimentaire et de l'approvisionnement local de l'alimentation des Français sont redevenus une priorité en matière de politique publique.

Ces questions essentielles ne constituent pas une nouvelle problématique, jusqu'alors inconnue des acteurs : la mobilisation du Sénat depuis plusieurs années, et plus récemment depuis l'adoption de l'article 44 de la loi Egalim visant à lutter contre les importations de denrées alimentaires ne respectant pas les normes minimales requises en France, le démontre. Toutefois, l'actualité les a éclairées d'un jour nouveau, en démontrant, à bien des égards, qu'une alimentation plus locale et plus souveraine était justement une réponse afin d'accroître la durabilité de notre modèle alimentaire, déjà considéré comme le plus durable du monde.

Traiter ces sujets multifacettes, à la croisée des problématiques économiques, écologiques et sociales, et embrassant un public d'acteurs très large, allant de l'amont agricole au consommateur à la recherche de denrées saines, sûres et accessibles à tous, a été considéré comme un impératif pour tenter d'apporter des réponses opérationnelles à une volonté citoyenne indéniablement croissante.

C'est pourquoi la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'était dotée d'une cellule de veille spécifique sur le sujet de l'alimentation durable et locale dès le mois de mars 2020, durant le confinement. Elle était pilotée par Frédéric Marchand et Nelly Tocqueville.

À la suite du renouvellement sénatorial, la composition du groupe de travail a été mise à jour, les trois sénateurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (Frédéric Marchand, Kristina Pluchet et Hervé Gillé) étant rejoints par trois sénateurs membres de la commission des affaires économiques (Anne-Catherine Loisier, Laurent Duplomb et Daniel Gremillet), commission compétente pour le secteur agricole et de l'alimentation.

C'est dans une logique transpartisane et en croisant les spécialités que le groupe de travail a souhaité construire une position de consensus en faveur du renouveau d'une politique alimentaire pour consolider les forces de notre modèle alimentaire et en corriger les faiblesses.

Synthèse de réflexions nées d'échanges fructueux menés lors d'une trentaine d'auditions, le rapport appelle à la mise en oeuvre de 25 recommandations concernant à la fois l'offre agricole et la demande des consommateurs. Renforcer notre souveraineté alimentaire, consolider les initiatives locales en matière alimentaire, maîtriser l'empreinte environnementale de notre agriculture et de notre alimentation, renforcer les transitions dans un laps de temps compatible avec le temps des cultures et mettre en oeuvre une réelle transparence sur l'étiquetage de l'origine des produits, tels sont les objectifs poursuivis.

Les rapporteurs ont présenté leurs conclusions le 19 mai 2021 devant les deux commissions réunies, qui ont adopté le rapport d'information.

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 (État, collectivités territoriales, acteurs économiques ) : définir une stratégie nationale pour retrouver notre souveraineté alimentaire en :

- identifiant les filières prioritaires trop concurrencées par les denrées importées ;

- déclinant cette stratégie nationale dans les plans des filières concernées, remis au Ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation, l'État et les filières s'engageant mutuellement à mettre en place les outils pertinents pour assurer la réussite de cette stratégie ;

- activant le pouvoir d'utilisation de campagnes d'information sur les produits agricoles français gratuitement auprès des sociétés publiques de radio et de télévision au moment le plus approprié ;

- installant un Observatoire de la souveraineté alimentaire permettant de suivre l'efficacité du déploiement de la stratégie nationale pour retrouver notre souveraineté alimentaire.

Proposition n° 2 (État) : envisager une redéfinition de l'enveloppe allouée dans le plan de relance au « plan Protéines », en recherchant les complémentarités avec les élevages, notamment au travers de la souveraineté protéique de l'alimentation animale, et accompagner le déploiement de ce plan par un soutien technique d'ampleur aux acteurs économiques par FranceAgrimer.

Proposition n° 3 (État) : renforcer l'objectif de diversité des cultures dans le programme national pour l'alimentation pour renforcer la richesse agronomique et la biodiversité cultivée et élevée en France, en priorité pour les cultures pour lesquelles la consommation alimentaire est majoritairement assurée par des produits importés, notamment en raison d'un défaut de compétitivité suffisante (fruits et légumes, protéines végétales...).

Proposition n° 4 (État, collectivités) : faire de la reconquête par des produits français des approvisionnements en restauration collective une priorité en :

- promouvant une évolution des règles en vigueur au niveau européen, en accord avec nos partenaires, et au niveau national, afin de favoriser des approvisionnements issus de produits locaux , par exemple en limitant cette faculté à un montant total des produits frais concernés par le marché ;

- étendant à la restauration collective privée les obligations créées pour la restauration collective publique en application de la loi EGALIM ;

- élargissant la liste des produits à privilégier dans la restauration collective à d'autres produits répondant à des critères locaux ou de durabilité.

Proposition n° 5 (État) : rendre applicable l'article L. 412-9 du code de la consommation imposant la transparence sur l'origine des denrées alimentaires dans la restauration collective et commerciale en imposant un affichage de l'origine des viandes, dans un endroit visible du restaurant ou sur les cartes au format numérisé des restaurants.

Proposition n° 6 (État) : se saisir du sujet de la compétitivité de la Ferme France en réduisant les charges de production de l'amont agricole et de l'industrie agro-alimentaire.

Proposition n° 7 (État) : porter un discours d'harmonisation des conditions culturales en Europe , au plus haut niveau d'exigence en matière d'environnement et de sécurité sanitaire, et éviter, par principe, les surtranspositions françaises entraînant des distorsions de concurrence ne résultant qu'en une importation accrue de produits pour lesquels sont maintenues les pratiques dénoncées tout en fragilisant les agriculteurs français.

Proposition n° 8 (État) : protéger de toutes pratiques trompeuses les produits locaux en proposant une meilleure définition de ces derniers, ce qui accompagnera leur essor.

Proposition n° 9 (État) : actionner tous les leviers disponibles pour relever le revenu agricole en :

- révisant le cadre régentant les relations commerciales entre la grande distribution et l'amont agricole et agroalimentaire, en révisant en profondeur les mécanismes de la loi Egalim ;

- s'opposant à toute déconstruction de la politique agricole commune , tant au niveau européen en luttant contre la renationalisation de la PAC qui entraînerait de nouvelles distorsions de concurrence, qu'au niveau national, en réduisant substantiellement les aides aux filières en difficulté ;

- menant une politique conquérante de parts de marché à l'export en remettant la compétitivité prix et hors prix au coeur des préoccupations des politiques agricoles nationales et en replaçant l'agriculture au coeur des négociations avec nos partenaires commerciaux ;

- développant les diversifications de revenu (ventes directes, revenus tirés d'activités non agricoles...) ;

- menant une politique de baisse des charges des exploitations agricoles.

Proposition n° 10 (État) : renforcer la résilience des exploitations agricoles face au changement climatique en érigeant un modèle basé sur deux piliers :

- une plus grande prévention pour limiter l'exposition, en s'appuyant sur le progrès technique et une meilleure gestion des eaux ;

- une meilleure couverture financière par un système fondé sur un mécanisme assurantiel à la charge des exploitants pour les risques maîtrisables et un dispositif de solidarité garanti par l'État via le fonds national de gestion des risques en agriculture pour les risques exceptionnels.

Proposition n° 11 (État) : avancer sur le chemin d'une évolution du cadre légal pour mieux inciter la transmission des exploitations à de jeunes agriculteurs.

Proposition n° 12 (État) : renforcer la transparence nationale et locale sur les circuits alimentaires en tenant à la disposition de l'ensemble des acteurs publics les données locales et une cartographie sur les flux locaux des produits agricoles à l'import, à l'export et destinés au marché domestique et en donnant la possibilité aux collectivités territoriales d'imposer la transmission d'informations utiles pour la définition de leur politique alimentaire, sous réserve du respect du secret des affaires.

Proposition n° 13 (État ) : donner aux collectivités territoriales une véritable capacité d'action et des moyens pérennes pour structurer et soutenir les filières agricoles et les industries de transformation locales en :

- envisageant une réflexion visant à évaluer l'opportunité de confier aux collectivités territoriales le statut d'« autorités organisatrices de l'alimentation » (AOA), avec des modalités de dévolution de la compétence souples et adaptatives et, le cas échéant, en associant la nouvelle compétence créée d'une dotation annuelle spécifique de l'État aux collectivités concernées , avec une part variable associant des critères qualitatifs et quantitatifs sur le déploiement des projets alimentaires territoriaux locaux (PAT) ;

- créant une section dédiée aux PAT au sein du chapitre I er du titre I er du livre I er du code rural et de la pêche maritime qui permettrait notamment :

* d'ajouter explicitement dans leurs objectifs le renforcement de la résilience alimentaire et la contribution à l'autonomie alimentaire nationale ;

* d'introduire un rapport de compatibilité ou de prise en compte avec le plan régional de l'agriculture durable ( PRA ) et avec le programme national pour l'alimentation ( PNA ) ;

* de prévoir une meilleure coordination pour que les PAT couvrent au moins les établissements de restauration collective publique des collectivités territoriales et des établissements publics parties prenantes dès lors qu'ils sont portés par une collectivité ;

- de promouvoir, le cas échéant, le développement de l'agriculture urbaine et des jardins partagés ;

- fixant un objectif d'au moins 1 PAT/département d'ici fin 2022.

Proposition n° 14 (État et ses opérateurs) : soutenir le déploiement des PAT afin de valoriser l'agriculture dans sa diversité et sur tous les débouchés en :

- donnant des moyens renforcés au réseau national des PAT, qui pourrait évoluer vers un Observatoire national des projets alimentaires territoriaux (ONPAT) chargé d'assurer le suivi de leur déploiement et réalisation ;

- assurant un financement d'au moins 80 M€ par an pendant 5 années afin de donner une visibilité financière aux acteurs ;

- améliorant l'approche réglementaire pour la production et la transformation de produits de proximité et sur la ferme (ex. abattages de proximité) dans le plus strict respect des règles sanitaires en vigueur ;

- incluant le volet « autonomie alimentaire, transition et compétitivité agroécologiques » des PAT dans les futurs CRTE conclus entre l'État et les métropoles, pour faciliter leur déclinaison entre métropoles et collectivités voisines partenaires.

Proposition n° 15 (État ) : donner davantage de leviers d'action aux collectivités en :

- actant le transfert vers les conseils départementaux et régionaux de l'autorité sur les adjoints gestionnaires en charge de la restauration collective de l'État pour les collèges et les lycées ;

- envisageant une évolution du code des marchés publics pour renforcer la part des approvisionnements vertueux sur le plan environnemental, social, territorial ;

- envisageant de faire passer à 80 000 € HT le seuil de passation des marchés de gré à gré pour les approvisionnements en produits alimentaires ;

- accompagnant les acheteurs publics par des outils pratiques (guides, formations) et financiers , en pérennisant les mesures du plan de relance ;

- permettant aux produits agricoles et alimentaires acquis dans le cadre d'un projet alimentaire territorial (PAT) de satisfaire aux objectifs prévus par l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

Proposition n° 16 (État) : à l'échelle de l'Union européenne, faire de la lutte contre les importations alimentaires déloyales pour le producteur et potentiellement dangereuses pour le consommateur une priorité de la présidence française de l'Union européenne en promouvant :

- la mise en place d'une task force européenne sur la sécurité alimentaire permettant des interventions harmonisées en la matière au niveau européen (du type DGCCRF européenne) ;

- le renforcement des contrôles des organismes certificateurs dans les pays tiers, sur tous les produits agricoles, conventionnels ou issus de l'agriculture biologique ;

- la mise en place de clauses miroirs et environnementales lors de la signature d'accords internationaux, en révisant le CETA et en refusant en l'état toute reprise des négociations sur le traité d'échanges avec le Mercosur ;

- la définition obligatoire, lors d'une négociation, d'une enveloppe globale de concessions pour chaque produit sensible en fonction de la capacité d'absorption du marché intérieur, avec la segmentation la plus fine possible des produits sensibles.

Proposition n° 17 (État) : au niveau national, engager tous les moyens d'ores et déjà à la main du Gouvernement pour lutter efficacement contre les importations déloyales en :

- renforçant substantiellement les moyens humains et financiers de la DGCCRF, la DGDDI et de la DGAL pour contrôler les produits conventionnels ou issus de l'agriculture biologique importés qui ne respecteraient pas nos normes sanitaires et de qualité ;

- interdisant, s'il était avéré que les normes requises dans l'Union européenne n'étaient pas respectées et que cela posait un danger, l'importation de denrées alimentaires en activant l'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime ;

- mettant en place un Observatoire de la souveraineté alimentaire.

Proposition n° 18 (État) : renforcer concrètement notre stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en :

- créant, dès que possible en obtenant les informations nécessaires, un indicateur spécifique aux émissions associées à la déforestation importée dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ;

- imposant aux entreprises assujetties à la loi sur le devoir de vigilance de 2017 de développer obligatoirement, à peine de sanctions proportionnées, un plan d'actions spécifique contre la déforestation importée d'ici 2023 , qui feraient l'objet d'une certification obligatoire par le MTES à compter de l'année 2025 ;

- clarifiant par la même occasion le champ d'application de cette loi conformément aux préconisations d'un récent rapport du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies et en prévoyant que la liste des entreprises concernées par l'obligation de réaliser un plan de lutte contre la déforestation est établie par arrêté ministériel conjoint du ministre chargé de l'environnement et du ministre chargé de l'économie ;

- envisageant d'interdire totalement l'utilisation de produits récoltés illégalement dans leurs pays d'origine , sur le modèle de l'initiative en cours au Royaume-Uni ;

- envisageant d'interdire la publicité sur les produits contribuant à la déforestation importée , dont la liste serait définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'économie.

Proposition n° 19 (acteurs publics, privés) : déployer dès 2022 un « chèque alimentaire » dont les contours devront permettre de lutter contre la précarité alimentaire, en quantité, mais aussi, en complémentarité avec le travail des associations caritatives dans le cadre de l'aide alimentaire, pour les produits de qualité, afin de permettre de soutenir la demande nationale en produits de qualité et, partant, de reconquérir des parts de marché sur notre marché agricole intérieur.

Proposition n° 20 (acteurs publics, privés) : poursuivre le renforcement de la lutte contre le gaspillage alimentaire par des expérimentations et par une évolution maîtrisée de notre cadre législatif.

Proposition n° 21 (acteurs publics, privés) : limiter l'impact environnemental des emballages dans la restauration en envisageant de mettre en place les mesures suivantes :

- dans la restauration collective publique et privée, les opérateurs sont tenus de proposer au consommateur final les repas dans un contenant réutilisable ou fait avec des matières tracées, biosourcées et recyclables à compter de 2025, pour les repas à emporter ;

- étendre les obligations prévues aux articles L. 120-2 du code de la consommation à tous les services de restauration collective publique et privée à compter de 2027 ;

- expérimenter, dans la perspective d'une généralisation, l'obligation de proposer un contenant réutilisable et consigné pour les produits alimentaires consommés depuis les plateformes de vente à emporter.

Proposition n° 22 : renforcer les incitations à limiter l'empreinte environnementale de l'amont agricole sans laisser les agriculteurs dans des impasses techniques :

- en poursuivant la recherche d'alternatives pour les intrants par le soutien à la recherche et à l'enseignement et la formation agricoles, afin de faire mieux avec moins ;

- en promouvant une écologie incitant les transitions par un meilleur accompagnement des agriculteurs et un soutien aux investissements éco-efficients, plutôt qu'une écologie reposant sur des interdictions ou une hausse de la fiscalité pour inciter au changement, dont l'efficacité environnementale n'est pas optimale ;

- en cas de dangers constatés par un consensus scientifique d'agences sanitaires, en promouvant une évolution des substances actives autorisées au seul niveau européen , après une étude d'impact rendue publique mesurant l'effet économique et environnemental induit par la mesure, et en prenant en compte l'éventuelle absence d'alternatives.

Proposition n° 23 : renouveler la prime à la conversion des agroéquipements afin de réduire l'utilisation d'intrants ou de renforcer la résilience au changement climatique et pérenniser le dispositif sur 10 ans ou en faire un suramortissement avec une conditionnalité liée à des pratiques plus économes en intrants ou renforçant la résilience au changement climatique.

Proposition n° 24 : accompagner la conversion aux produits sous certification environnementale ou issus de l'agriculture biologique par un financement répondant aux besoins tout en veillant à la juste valorisation des prix de ces produits par une préservation de conditions de marché favorables assurant une bonne adéquation entre offre et demande.

Proposition n° 25 (État et ses opérateurs) : poursuivre le renforcement de l'information des citoyens sur les produits alimentaires en :

- développant, dès le plus jeune âge et à tous les âges de la vie, une éducation alimentaire et agricole ainsi qu'une information citoyenne en agissant sur plusieurs leviers complémentaires ;

- promouvant au niveau européen l'étiquetage de l'origine des produits par une modification du règlement INCO, afin de permettre un vrai affichage des produits origine France, voir des produits locaux ;

- prenant en compte l'ensemble des externalités environnementales positives et négatives des produits de consommation alimentaire au travers d'une méthodologie de calcul incontestable pour ne pas saper la confiance du consommateur.

RAPPORT

L'alimentation a toujours été une préoccupation politique majeure. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la signature du traité de Rome a scellé un pacte entre les pères fondateurs et les agriculteurs français, auxquels était assignée une noble mission : nourrir le peuple européen.

50 ans plus tard, cette mission a été relevée par nos paysans. La France peut s'enorgueillir de disposer d'un modèle permettant à une immense partie des Français de consommer une nourriture saine, durable, accessible à tous. La réussite a d'ailleurs permis au budget alimentaire des ménages français de passer de 30 % en 1960 à 17 % aujourd'hui.

Bien sûr, ces données générales ne doivent pas masquer le fait que certains de nos concitoyens rencontrent des difficultés à accéder à un panier alimentaire satisfaisant, en quantité comme en qualité, et que nombre de ménages font leurs courses chaque semaine à l'euro près.

Il ne faut pas ignorer, non plus, que les ménages les plus précaires sont particulièrement exposés à la consommation de denrées importées, dont la part dans la consommation française est de plus en plus importante.

Il ne faut pas ignorer, enfin, le nécessaire respect de nos engagements climatiques internationaux, qui implique une maîtrise de l'empreinte environnementale de notre secteur agricole, représentant 18 % de nos émissions de GES nationales (86 MtCO 2 en 2018) dans ses différentes composantes CH 4 , N 2 O et CO 2 .

En parallèle, les difficultés actuelles du monde agricole ont mis en exergue l'effet croisé, directement mesurable sur la rémunération des exploitants, des reculs successifs actés à chaque négociation de la politique agricole commune en matière d'aides aux revenus et du manque de prix rémunérateurs pour les produits agricoles, qui n'est pas sans lien avec la baisse continue de la part de l'alimentation dans le budget des ménages.

Toutes ces questions, croisées à des prises de conscience en matière de santé et d'environnement, ont abouti à ce que, depuis une vingtaine d'années, l'alimentation ait été replacée au coeur des débats politiques, économiques, sociaux et culturels de notre pays .

La crise sanitaire liée à l'épidémie de la Covid-19 a, d'une certaine manière, déclenché une prise de conscience chez l'ensemble de nos concitoyens et des décideurs sur le caractère stratégique de nos approvisionnements alimentaires et éclairé d'un nouveau jour les liens entre alimentation, santé, environnement et souveraineté . Elle a également renforcé l'attente sociale de proximité dans les échanges et la volonté partagée de revaloriser le monde agricole , à rebours du dénigrement dont peut parfois faire l'objet notre agriculture et des distanciations multiples (géographique, économique, cognitive, politique) qui se sont intercalées entre le citoyen et son alimentation.

D'ailleurs, le débat organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) sur la définition du plan stratégique national (PSN) de la France, demandé par la Commission européenne dans le cadre de la nouvelle Politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027, a rencontré un franc succès 1 ( * ) .

Dans ce contexte inédit , la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques ont souhaité unir leurs expertises afin de mener un travail conjoint sur ce sujet de préoccupation majeure.

Les propositions développées dans le présent rapport reposent sur cinq convictions principales.

En premier lieu, si rien n'est fait, la France perdra la place actuelle qu'elle occupe de principal pays agricole de l'Union européenne, devant l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Notre position est fragile car la balance commerciale se déséquilibre du fait d'un déficit de compétitivité . À ces difficultés économiques s'ajoute un phénomène de déprise agricole -- le nombre d'exploitants agricoles diminue de 1 à 2 % par an -- et de perte de souveraineté sur des filières pourtant stratégiques (fruits et légumes, viande, protéines végétales).

En second lieu, les notions de « durabilité » de « localisme », renvoyant à l'ensemble des pratiques alimentaires qui visent à nourrir les êtres humains avec des produits de qualité, accessibles d'un point de vue économique, rémunérateurs pour le producteur, en quantité suffisante, dans le respect de l'environnement, sont des opportunités à saisir pour retisser du lien social dans tous les territoires, redynamiser le tissu commercial des petites et moyennes villes et relancer un cycle d'aménagement du territoire au service de nos besoins primaires.

En troisième lieu, la garantie de notre souveraineté alimentaire nationale et de la résilience de notre modèle ne pourront se faire sans une politique territoriale affirmée , s'appuyant sur la démocratie locale et les collectivités territoriales et assurant une production suffisante pour des denrées stratégiques. Le taux d'autonomie alimentaire de nos villes ne serait que de 2 % et l'autonomie alimentaire européenne se concentre actuellement sur le nombre réduit des dix premiers pays producteurs , qui assurent plus de 81 % des productions végétales et 84 % des productions animales 2 ( * ) .

En quatrième lieu, l'alimentation est un produit de première nécessité pour les Français et doit demeurer une priorité en matière de politiques publiques économiques. Compte tenu de ces éléments, il n'est donc pas anormal que la production agricole pèse davantage dans les émissions de gaz à effet de serre que d'autres secteurs. Toutefois, si la garantie de notre souveraineté et indépendance alimentaires impliquent d'accepter un certain effet de l'agriculture sur l'environnement , cela n'efface en rien la nécessité de mieux maîtriser l'empreinte environnementale et carbone de notre alimentation , d'autant plus que les émissions de GES du secteur agricole demeurent importantes et en décalage avec la trajectoire de la stratégie nationale bas carbone 3 ( * ) . À l'échelle de l'Union européenne, l'agriculture représente de 10,3 % des émissions de GES 4 ( * ) .

Enfin, les effets et conséquences du changement climatique doivent faire l'objet d'une politique globale d'accompagnement des agriculteurs car ils vont encore accroître la vulnérabilité de notre agriculture aux phénomènes exceptionnels (sécheresses, inondations, gel, etc.).

Devant le foisonnement des rapports et des propositions formulées dans le débat public sur « l'alimentation durable et locale », notamment par le Sénat 5 ( * ) et le Conseil économique et social environnemental 6 ( * ) , ce rapport a vocation à livrer des orientations politiques de court, moyen et long terme.

Certaines propositions pourraient trouver une traduction à l'occasion de l'examen de prochains textes législatifs au Parlement , notamment le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit « Climat et résilience ».

Les deux commissions réunies ont défini les deux axes prioritaires d'intervention suivants à approfondir :

- le renforcement de notre souveraineté , par le soutien à la production, à la relocalisation, à l'innovation, à la résilience, à la diversification ;

- la maîtrise de l'empreinte environnementale de notre alimentation, par la promotion de choix alimentaires justes sur les plans sociaux, économiques, environnementaux.

Au total, les rapporteurs formulent 25 propositions.

I. MALGRÉ UN MODÈLE ALIMENTAIRE INTERNATIONALEMENT RECONNU, LA POLITIQUE AGRICOLE ET ALIMENTAIRE FRANÇAISE EST CONFRONTÉE À DE NOMBREUX DÉFIS : COMPÉTITIVITÉ, TRANSITION ÉCOLOGIQUE, RENFORCEMENT DE LA RÉSILIENCE FACE AUX EFFETS DES CRISES SANITAIRE ET CLIMATIQUE

A. LE MODÈLE ALIMENTAIRE FRANÇAIS : LE PLUS DURABLE AU MONDE SELON DES CLASSEMENTS INTERNATIONAUX

Chaque année, le Food sustainability index , publié dans un rapport de The Economist Intelligence Unit et du Barrila Center for Food and Nutrition Foundation , compile les résultats d'une étude comparative, permettant d'analyser les différentes façons de produire et de consommer dans plusieurs dizaines pays du monde représentant, à eux seuls, 90 % du PIB mondial et environ 80 % de la population 7 ( * ) .

Ce classement prime chaque année la France du titre de modèle alimentaire le plus durable du monde avec un score de 76,1/100.

Le score repose sur une série d'indicateurs répartis en trois catégories :

- le gaspillage de l'eau et de la nourriture ;

- la durabilité des méthodes agricoles ;

- la gestion des problématiques nutritionnelles.

La France se distingue par sa première place en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire (1 ère place, avec une note 85,8/100), grâce à sa politique en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire issue, notamment, de la loi n° 2016-138 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite « loi Garot ».

En matière de durabilité des méthodes agricoles, la France se situe à la vingtième place avec une note de 71/100.

En pratique, elle est fortement pénalisée pour sa gestion de l'eau (60 ème /67), notamment par le manque de pratiques de récupération et de recyclage des eaux à des fins agricoles ainsi qu'une empreinte eau plus élevée qu'ailleurs. À cet égard, l'indicateur d'empreinte d'eau agricole français est dégradé par les importations de produits alimentaires . Comme le rappelle le rapport de WWF sur l'empreinte eau de la France, « la consommation de viande totalise 36 % de cette empreinte eau (via le maïs et le soja pour le bétail), et le lait 10 % de l'empreinte eau verte de consommation (via les fourrages). 47 % de l'empreinte eau française est externe (c'est l'eau utilisée à l'étranger pour fabriquer les produits importés puis consommés en France) : la France dépend donc presque de moitié de l'étranger pour son approvisionnement en eau, avec un déficit de 12,8 milliards de m3 par an. 8 ( * ) »

En revanche, la France se place dans le haut du classement pour sa gestion des ressources terrestres (10 ème ) et pour ses émissions de gaz à effet de serre (9 ème ).

Concernant les ressources terrestres , la France obtient des scores élevés dans l'efficience de l'utilisation de ses engrais (5 ème ), l'éducation de ses exploitants (3 ème ), sa politique foncière (1 ère ). En revanche, le classement la pénalise au regard de la superficie forestière, du soutien public à la recherche et au développement agricole, de sa productivité, et de sa politique en matière de biocarburants (production et importations) 9 ( * ) .

Concernant les émissions de gaz à effets de serre (GES) , si la France occupe des positions basses dans le classement en matière d'émissions totales, notamment en raison du poids de son agriculture dans son économie par rapport à d'autres pays, elle se distingue en émissions nettes, une fois que le stockage de carbone est pris en compte, grâce à sa politique forestière (4 ème ).

Enfin, s'agissant de la gestion des problématiques nutritionnelles , la France pointe à la huitième place. Elle se distingue par des pratiques vertueuses en matière de qualité de vie et d'espérance de vie, tout en accusant un retard pour des problématiques diététiques, comme d'autres pays à haut revenu, notamment par le nombre de fast-food par habitant et les taux de sucre et de matière grasse dans le régime alimentaire moyen.

Ces éléments ne doivent pas conduire à penser qu'il n'y a pas de progrès à réaliser, bien au contraire mais ils rappellent, à juste titre, que le modèle alimentaire français est considéré par de nombreux pays dans le monde comme un modèle à suivre. Loin des mélopées catastrophistes des sempiternelles Cassandre, ce fait devait être rappelé en guise de préambule à ce rapport.

B. UNE FRAGILITÉ MAJEURE POUR SA DURABILITÉ : SA DÉPENDANCE ACCRUE AUX IMPORTATIONS DE DENRÉES AGRICOLES ET ALIMENTAIRES

Comme l'évoquait, dès 2018, le rapport de Laurent Duplomb, « en parallèle d'une perte de parts de marché à l'exportation, la France a recours massivement à l'importation de produits agricoles et alimentaires, dont une partie importante pourrait être produite sur son territoire . »

Les chiffres en la matière sont implacables . Si les taux d'auto-approvisionnements peuvent paraître peu alarmants dans la mesure où une partie de la production est exportée, il n'en demeure pas moins qu'une part significative de la consommation française est aujourd'hui couverte par des importations . Ce fait avéré témoigne de la difficulté pour l'agriculture française d'exister sur certains segments de marché importants en volume, notamment dans la restauration hors domicile ou l'industrie agro-alimentaire, où la contrainte prix est plus forte.

Rien qu'en retenant les chiffres de l'élevage, la situation est préoccupante :

Ø 56 % de la viande ovine consommée en France est d'origine importée, en provenance des pays anglo-saxons 10 ( * ) ;

Ø 22 % de la consommation française en viande bovine est couverte par les importations, notamment pour les approvisionnements des préparations de viandes et des conserves 11 ( * ) ;

Ø 45 % de notre consommation de poulet en 2019 est importée , contre 25 % en 2000, en raison de la hausse des importations de volailles d'Europe de l'Est, en lien avec la croissance de la consommation hors domicile dont l'approvisionnement repose sur l'importation de découpes de volaille 12 ( * ) ;

Ø 26 % de notre consommation de porc, notamment ses jambons, majoritairement d'Espagne ou d'Allemagne, principalement comme matière première destinée à l'industrie de transformation 13 ( * ) ;

Ø 30 % de notre consommation de produits laitiers , en provenance de l'Union européenne, à la fois sur les achats de fromages mais surtout en matières grasses laitières (beurres et autres matières grasses solides), à destination de l'industrie agroalimentaire et de la restauration hors domicile 14 ( * ) ;

Ø entre 70 et 80 % de nos besoins de miel pour répondre à la demande des consommateurs selon les données de FranceAgrimer, les trois principaux fournisseurs de la France étant l'Ukraine, l'Espagne et la Chine 15 ( * ) .

Mais le phénomène concerne également les cultures végétales :

Ø 28 % de notre consommation de légumes et 71 % de sa consommation de fruits 16 ( * ) ;

Ø Près de 63 % des protéines que nous consommons issues d'oléagineux à destination des élevages 17 ( * )18 ( * ) .

En outre, cette photographie pourrait évoluer si les tendances à l'oeuvre depuis 2000 venaient à se poursuivre : en effet, entre 2000 et 2018, les importations françaises de produits agricoles et alimentaires ont enregistré un bond de + 96 %, soit un quasi-doublement 19 ( * ) .

Cette part accrue des produits importés dans la consommation des ménages français pose plusieurs difficultés en matière de souveraineté , de sécurité sanitaire et d'environnement .

En matière de souveraineté, une dépendance accrue en matière d'importations alimentaires crée des fragilités pour ce qui concerne l'approvisionnement en cas d'événement géopolitique majeur, comme cela a pu être le cas lors de la crise Covid-19.

En matière de sécurité sanitaire, aucun système de contrôle actuel ne permettant de garantir le respect des normes de production minimales requises en France par les denrées importées , les risques sanitaires sont accrus.

En matière d'environnement enfin, les importations alimentaires ont un bilan négatif sur l'environnement par rapport à des productions locales.

Cela s'explique, d'une part, par un effet transport . Selon un rapport de janvier 2019 intitulé l'empreinte énergétique et carbone de l'alimentation en France de la production à la consommation 20 ( * ) , en matière de transport de marchandises, « les importations sont à l'origine de la majorité du trafic et des émissions de GES ».

77 % du trafic généré par l'alimentation des ménages français serait induit par les importations, ce qui représente 155 giga-tonnes-kilomètres. À titre de comparaison, le trafic induit par les denrées alimentaires importées en France représente, à unité comparable, plus de la moitié de l'ensemble du trafic réalisé en France chaque année 21 ( * ) .

Au total, malgré le recours plus important à du transport maritime, pourtant moins émetteur de GES que le transport routier, il n'en demeure pas moins que 53 % des émissions de gaz à effet de serre résultant du transport de denrées alimentaires chaque année proviennent des denrées importées, soit 12 Mt de CO 2 chaque année .

D'autre part, il convient de prendre en compte, dans une perspective globale, l'impact des divergences des pratiques agricoles, du type de production . Si les denrées importées ont été produites dans des conditions moins-disantes à l'étranger avant d'être transportées et consommées en France, le bilan environnemental en ressort dégradé. Ce phénomène peut se mesurer en comparant la quantité de pesticides épandue en kilogrammes à l'hectare dans les principaux pays fournisseurs de la France par rapport à la quantité émise en France, à savoir environ 3,6 kg/hectare, ce qui la place dans la moyenne européenne. Or les données disponibles font état de quantités épandues plus fortes dans les principaux fournisseurs de denrées végétales importées , à savoir les fournisseurs de fruits et légumes : Espagne (équivalent à la France avec 3,6 kg/ha,). Allemagne (4 kg/ha), Italie (6,1 kg/ha), Pays-Bas (9,9 kg/ha) 22 ( * ) . Il en va de même avec le Brésil, principal fournisseur de tourteaux de soja, dont le ratio est de 6 kg/ha et où près de la moitié des substances actives autorisées sont interdites dans l'Union européenne.

Il convient d'ajouter que les dynamiques d'utilisation des pesticides dans ces pays diffèrent des pratiques françaises : alors que la vente de pesticides en France a reculé de 29 % depuis 1990, selon les mêmes données de la FAO 23 ( * ) , ce taux a crû de 86 % en Espagne et 60 % en Allemagne.

C. LA CRISE DE LA COVID-19, UN RÉVÉLATEUR DU BESOIN DE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE ET D'UNE TERRITORIALISATION PLUS IMPORTANTE DE LA POLITIQUE ALIMENTAIRE

À court terme, l'enjeu de la durabilité du modèle alimentaire français réside tout entier dans le défi de la souveraineté alimentaire.

Certes, la crise de la Covid-19 a démontré que les acteurs de la chaîne agricole et alimentaire avaient la capacité de nourrir la population . Grâce à une mobilisation à tous les niveaux, les ruptures d'approvisionnements ont été contenues aux seules difficultés d'acheminement de produits concernés par une surconsommation ponctuelle (comme la farine par exemple). La réactivité des filières est une source de résilience très forte : ainsi, la filière oeuf a par exemple su mobiliser les oeufs destinés à la fabrication d'ovoproduits, dont une partie des débouchés étaient inexistants en temps de confinement avec la fermeture de la restauration hors domicile, pour répondre à la demande très forte des consommateurs en grandes surfaces.

Toutefois, la crise a rappelé combien il était essentiel que la France consolide sa souveraineté alimentaire , notamment au regard de deux facteurs de fragilités liés à sa dépendance accrue aux denrées importées et au recours important à de la main-d'oeuvre saisonnière venue d'autres pays.

Reconquérir sa souveraineté alimentaire revient à dessiner un plan agissant en deux volets :

- d'une part, il importe de consolider l'amont de la chaîne en s'assurant de nos capacités de production nationales . À cet égard, la réduction des dépendances de l'amont agricole est essentielle, que cela soit en matière protéique pour l'alimentation animale ou s'agissant du recours à de la main-d'oeuvre saisonnière étrangère. De même, la crise a démontré que la résilience des exploitations devait être renforcée, notamment face au changement climatique et aux risques sanitaires ;

- d'autre part, le combat à mener à l'aval doit viser une reconquête de l'assiette des consommateurs français afin de réduire la dépendance aux importations.

La souveraineté de notre modèle alimentaire ne peut être possible qu'avec une agriculture et une industrie agroalimentaires fortes , présentes sur toutes les gammes , localement et garantissant une alimentation saine , sûre et accessible à tous.

Cette caractéristique a fait la force du modèle alimentaire français depuis des décennies : elle doit être préservée. À cet égard, le mirage du tout haut de gamme est un leurre , sauf à imaginer un modèle binaire, permettant à certains Français un accès à une alimentation de grande qualité produite en France tandis que les plus démunis n'auraient accès qu'à de la nourriture provenant de pays étrangers, sans aucune garantie sur les normes de production qui y sont pratiquées.

La consommation des Français durant le confinement a, au reste, prouvé qu'une plus grande souveraineté alimentaire passait par une présence sur toutes les gammes et par des approvisionnements plus locaux des consommateurs.

Les Français ont par exemple, durant les huit premières semaines de confinement du mois de mai, augmenté leur consommation de produits sous marques de distributeurs bien plus fortement que les autres produits (+15 % de croissance du chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente, contre +9 % pour tous les produits) 24 ( * ) , de même que les parts de marché des enseignes hard discount 25 ( * ) . Cette tendance pourrait se poursuivre dans les mois à venir, les effets de la crise liée à la Covid-19 étant, sans doute, durables.

Une autre leçon de la période que la France traverse a été le besoin exprimé par les consommateurs de s'alimenter plus localement.

Un sondage réalisé par l'Institut IRI en 2020 enseigne que les consommateurs français comptent prioriser avant tout, dans leurs achats d'après crise, un approvisionnement en produits français et en produits locaux. À la question « lorsque vous ferez vos courses dans les mois à venir et par rapport à avant la crise, pensez-vous que vous achèterez plus souvent des produits... ? », 40 % des consommateurs ont répondu vouloir consommer des produits « Made in France », 39 % des produits locaux et 26 % des produits bio .

Comme le rappelle le rapport du CGAAER , « les produits alimentaires locaux font l'objet d'une attention en hausse de la part des consommateurs, des acteurs économiques et associatifs et des pouvoirs publics. Ils apparaissent comme une réponse sous forme d'un gage de confiance face à une distanciation croissante entre le “mangeur” et son alimentation. Les périodes de crise, telle la crise du Covid-19, accentuent cette demande . ».

Une étude du CREDOC 26 ( * ) a, par exemple, mis en exergue le souhait accru du consommateur d'acheter des produits locaux issus de sa région, mouvement continuellement renforcé depuis la crise de 2008 et que la crise de la Covid-19 devrait encore consolider. Ainsi, 21 % des consommateurs privilégient des produits qu'ils considèrent comme fabriqués à proximité pour leurs achats alimentaires, contre 9 % en 2009 .

Cela s'est traduit, tout au long de la crise, par un succès des ventes directes des producteurs et des distributions par circuits courts sur tout le territoire français.

Toutefois, et bien que cet engouement perdure, ce type de consommation demeure marginal aujourd'hui, la part de la vente directe dans la consommation oscillant entre 0,5 % et 4,7 % selon les produits 27 ( * ) .

D. LA DURABILITÉ DU MODÈLE FRANÇAIS EST À APPRÉCIER SUR LES PLANS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX

À plus long terme, la durabilité du modèle alimentaire français dépend de trois facteurs. Renforcer la durabilité de ce modèle revient à trouver un juste équilibre permettant de maximiser les trois sommets de ce triangle.

Ø Durabilité économique

La durabilité du modèle économique dépend, avant tout, de celle de ses agriculteurs .

Sans valorisation suffisante de l'alimentation dans le budget des ménages permettant de couvrir les coûts de production des producteurs , le modèle n'est pas durable. Cette durabilité économique recouvre les enjeux essentiels de renouvellement des générations, de la question du revenu des agriculteurs et de leur bien-être.

Plus généralement, elle recouvre aussi un aspect géopolitique : le modèle alimentaire doit permettre à la France d'être indépendante et souveraine en la matière, pour ne pas dépendre des approvisionnements d'autres pays. Il peut aussi favoriser, au besoin, la diffusion de son savoir-faire , le rayonnement de la France dans le monde et permettre d'exporter des biens alimentaires dans des pays où la production est plus fragile, limitée ou exposée au changement climatique.

Ø Durabilité sociale

Le modèle alimentaire n'est durable que s'il permet de nourrir l'ensemble des Français avec de la nourriture de qualité, consommée de manière équilibrée afin de répondre à des défis de santé publique , mais également une nourriture sûre qui demeure accessible à tous.

Cette question essentielle de la durabilité sociale du modèle alimentaire doit permettre de relever un défi social posé par la crise de la Covid-19, à savoir la revalorisation des fonctions essentielles à la Nation mais également le défi sanitaire permettant d'éviter que certaines denrées soient victimes d'une défiance forte par les consommateurs en raison des risques qu'elles pourraient faire encourir en raison de leurs modes de production.

Elle pose également toute la question de l'aménagement du territoire , sujet brûlant tant la désertification rurale est un phénomène de plus en plus rencontré dans certaines zones du territoire. Certains signes précurseurs le démontrent, comme l'apparition de déserts vétérinaires, sans doute annonciateur d'une désertification agricole à venir. Le nombre de vétérinaires spécialisés dans les animaux d'élevage a par exemple reculé de 15 % ces 5 dernières années. Et le manque de vétérinaires en élevage dans les zones rurales pourrait s'aggraver dans les années à venir, notamment en raison de l'attrait des jeunes générations pour les soins aux animaux de compagnie ou aux chevaux. Au total, l'ordre national vétérinaire, dans son atlas démographique vétérinaire, constate que 40 départements sont désormais concernés par ce phénomène de désertification vétérinaire, notamment dans des zones à faible densité d'élevage.

Ø Durabilité environnementale

Enfin, la durabilité du modèle alimentaire français doit relever le défi de la durabilité environnementale.

Le défi environnemental se pose avant tout à notre agriculture, en tant qu'un des principaux émetteurs de gaz à effets de serre , bien sûr, mais aussi en retenant que les agriculteurs sont les premiers concernés par le défi climatique car la nature est leur outil de travail.

Bien entendu, dans nos campagnes, la transition agroenvironnementale a débuté depuis longtemps : dans toutes les exploitations, les pratiques d'aujourd'hui sont profondément plus favorables à l'environnement que celles d'il y a 50 ans. Et cette transition se poursuit, en matière d'intrants, de prise en compte du bien-être animal, de captation de carbone dans les sols, de nouveaux modes de production utilisant d'autres types d'intrants naturels comme l'agriculture biologique ou les certifications environnementales.

Bien entendu, face à l'urgence climatique, nos citoyens veulent aller plus rapidement. Et cela est tout à fait légitime.

Mais il convient de rappeler que le cycle agricole est, par construction un cycle long : il faut attendre le résultat de la culture, année après année, pour mesurer l'effet de l'évolution des pratiques, contrairement à des processus industriels dont les effets peuvent être mesurés quasi instantanément.

C'est pourquoi la durabilité environnementale, dans un laps de temps compatible avec les pratiques agricoles, nécessite un soutien massif aux professions agricoles et un accompagnement au plus près du terrain , au risque de décourager un monde agricole confronté à une crise massive des vocations liée à une stigmatisation croissante.

II. PROMOUVOIR UNE ALIMENTATION DURABLE ET LOCALE POUR MIEUX SORTIR DE LA CRISE ET CONFORTER NOTRE MODÈLE AGRICOLE : 28 PROPOSITIONS EN 2 VOLETS

A. RENFORCER NOTRE AUTONOMIE ET REVALORISER LA PRODUCTION AGRICOLE

1. Préserver l'amont agricole pour garantir notre souveraineté
a) Reconquérir le bol alimentaire des Français passe par une compétitivité accrue et un travail de pédagogie
(1) Se doter d'une véritable stratégie pour combler nos déficits de productions alimentaires

Aux termes de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation a pour finalité de « promouvoir l'indépendance alimentaire de la France » et de « développer des filières de production et de transformation alliant performance économique, sociale [..], environnementale et sanitaire , capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale. »

Depuis quelques années, cet objectif n'est plus atteint .

Face à une situation de dépendance accrue à des denrées alimentaires importées, la souveraineté alimentaire de la France doit être érigée en premier objectif de la politique agricole et alimentaire .

Pour retrouver le chemin d'une agriculture française garantissant une indépendance alimentaire tout en réduisant l'empreinte environnementale de l'alimentation des ménages, une grande opération de reconquête du bol alimentaire des Français doit être menée.

Cela passe par la définition d'une grande stratégie nationale en matière de souveraineté alimentaire , identifiant les secteurs « prioritaires » dans lesquels les producteurs français doivent retrouver des parts de marché.

Parmi les secteurs ainsi identifiés, par exemple les fruits et légumes , les plans de filière, présentés au ministre en charge de l'agriculture, pourraient intégrer mécaniquement des dispositifs visant à accroître leur part dans la consommation française, l'État s'engageant en contrepartie à faciliter la promotion de ces produits sur une période donnée. Pour reprendre cet exemple, aujourd'hui la France est le 5 ème producteur européen de légumes et pourrait se donner l'objectif d'intégrer le top 3 européen d'ici 2030.

À cet égard, l'activation de l'article 18 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt pourrait être un outil intéressant : le législateur a donné la possibilité aux organisations professionnelles ou interprofessionnelles de bénéficier d'espaces d'information périodiques gratuits auprès des sociétés publiques de radio et de télévision afin de promouvoir la qualité des produits, les bénéfices nutritionnels, les usages culinaires des produits, la connaissance des métiers de la filière ou les démarches agro-environnementales engagées . Toutefois, cet article ayant été adopté contre l'avis du Gouvernement à l'époque, le décret d'application n'a jamais été pris, rendant cet article inopérant. Cette décision est absurde tant la promotion auprès des consommateurs des savoir-faire français est un instrument efficace pour limiter la pénétration des denrées importées dans les assiettes des ménages.

Cette stratégie pourrait être adossée à un observatoire de la souveraineté alimentaire , intégré à des organismes préexistants, destiné à suivre les effets des mesures prises et de mesurer ainsi le taux de reconquête des produits français dans l'assiette des Français.

Proposition n° 1 (État, collectivités territoriales, acteurs économiques ) : définir une stratégie nationale pour retrouver notre souveraineté alimentaire en :

- identifiant les filières prioritaires trop concurrencées par les denrées importées ;

- déclinant cette stratégie nationale dans les plans des filières concernées, remis au Ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation, l'État et les filières s'engageant mutuellement à mettre en place les outils pertinents pour assurer la réussite de cette stratégie ;

- activant le pouvoir d'utilisation de campagnes d'information sur les produits agricoles français gratuitement auprès des sociétés publiques de radio et de télévision au moment le plus approprié ;

- installant un Observatoire de la souveraineté alimentaire permettant de suivre l'efficacité du déploiement de la stratégie nationale pour retrouver notre souveraineté alimentaire.

Une des principales priorités, au regard de son impact économique et de ses conséquences environnementales, doit être de retrouver une autonomie protéique . Les plantes légumineuses ne nécessitent pas d'apports azotés et permettent, justement, de fixer l'azote, ce qui permet de réduire les apports d'engrais pour les cultures suivantes. En général, ce sont donc de bonnes têtes de rotation permettant de limiter les interventions. Enfin, les protéagineux et les légumineuses, croisés avec les tourteaux issus de la culture de colza ou de tournesol, forment une alternative intéressante et très riche en protéines aux tourteaux de soja OGM importés.

À cet égard, le Gouvernement a enfin annoncé la mise en place, dans le plan de relance, d'une stratégie nationale sur les protéines végétales en octroyant une enveloppe de 100 millions d'euros à des actions destinées à réduire la dépendance de la France aux importations de protéines végétales des pays tiers.

Cela se traduit par un objectif de doublement des surfaces de légumineuses d'ici 2030, soit un passage de 4 à 8 % de la surface agricole utile, notamment en augmentant les surfaces semées en légumineuses dès 2022 de 40 %.

Outre des soutiens à la recherche et à l'innovation, le plan de relance prévoit un accompagnement à l'acquisition des investissements matériels nécessaires ainsi qu'un appui à la structuration des filières et un soutien à la promotion des légumineuses auprès du consommateur.

Or ce plan protéines semble avoir été insuffisamment calibré par rapport aux besoins : l'aide aux agroéquipements a été victime de son succès dès son lancement, près de 60 millions de demandes ayant été reçues pour une enveloppe trois fois moindre. De même, la disposition de structuration des filières a déjà été consommée aux trois quarts à la date d'aujourd'hui.

Proposition n° 2 (État) : envisager une redéfinition de l'enveloppe allouée dans le plan de relance au « plan Protéines », en recherchant les complémentarités avec les élevages, notamment au travers de la souveraineté protéique de l'alimentation animale, et accompagner le déploiement de ce plan par un soutien technique d'ampleur aux acteurs économiques par FranceAgrimer.

En parallèle, le corollaire d'une plus grande souveraineté alimentaire française est la capacité de la France, grâce à son climat tempéré, à exister sur toutes les filières plébiscitées par les consommateurs français, en entretenant la diversité de ses cultures.

Cette diversité, outre une plus grande résilience des modèles agricoles et une meilleure couverture de la demande française , a en outre des intérêts environnementaux majeurs renforçant la durabilité de ces pratiques.

La France a de sérieux atouts en la matière grâce à sa filière génétique d'excellence mais aussi par des pratiques agricoles très diversifiées .

« Cette carte résume la grande diversité des spécialisations agricoles : la grande culture dans la moitié Nord de la France et dans les grandes vallées, l'élevage laitier en Bretagne et dans les montagnes, la production de viande dans le centre, les fruits et la vigne au bord de la Méditerranée et dans quelques régions de vignoble de qualité. À ce portrait bien marqué, s'ajoutent des différences portant sur les autres spécialisations dans chaque département. La carte des orientations secondaires montre que si la monoculture domine dans certains espaces (comme la vigne dans le Bordelais ou les céréales dans la Beauce), ce n'est pas le cas partout. L'Ouest, d'une part, et une grande moitié sud-est du pays (hors littoral méditerranéen), d'autre part, se caractérisent par des associations entre agriculture et élevage ou de deux types d'élevage. Comme la somme de la première et de la seconde orientation sont souvent loin du total, on peut déduire que la diversité des pratiques reste très marquée dans une bonne partie du pays »

Source : ImpaCtons !, CNDP

Proposition n° 3 (État) : renforcer l'objectif de diversité des cultures dans le programme national pour l'alimentation pour renforcer la richesse agronomique et la biodiversité cultivée et élevée en France, en priorité pour les cultures pour lesquelles la consommation alimentaire est majoritairement assurée par des produits importés, notamment en raison d'un défaut de compétitivité suffisante (fruits et légumes, protéines végétales...).

(2) Faire de la promotion du Made in France en restauration hors foyer la priorité numéro un

La restauration hors foyer constitue, aujourd'hui, une véritable « boîte noire » par laquelle transite un volume important de denrées alimentaires venant des pays tiers.

Pourtant, elle représente près de 7,3 milliards de repas par an , à moitié dans la restauration collective, elle-même répartie à 60 % en régie directe et 40 % en restauration concédée) et à moitié dans la restauration commerciale (à 50 % dans les chaînes de restauration commerciale et à 50 % dans la restauration indépendante). 28 ( * )

En valeur, selon les données du CGAAER 29 ( * ) , le marché représente sans doute 50 milliards d'euros de chiffres d'affaires , assurant un débouché pour 18 milliards d'euros d'achats alimentaires hors boissons 30 ( * ) .

En volume, cela pourrait représenter, toujours selon la même étude, 280 000 tonnes de viandes de boucherie, 178 000 tonnes de viandes de volailles ou de lapin, 100 000 tonnes de charcuterie, 800 000 tonnes de produits laitiers et 600 000 tonnes de fruits et légumes.

Or, les données existantes sur le sujet montrent qu'une part importante des aliments qui y sont servis provient de pays tiers.

Ainsi, 57 % de la viande bovine importée va en RHD (20 % au total en France), ce qui se traduit par une présence majoritaire de viandes bovines importées en restauration hors domicile 31 ( * ) . Même si l'on assiste à une forme de « renationalisation » des approvisionnements dans la restauration hors foyer depuis 2015, notamment grâce à une mobilisation plus importante des collectivités territoriales et la premiumisation des burgers en restauration commerciale, ce taux reste encore bien trop élevé , le plus souvent dans la plus totale ignorance du consommateur.

Les taux sont encore plus importants pour la viande de volaille, ce taux étant supérieur à 60 % pour la viande de volaille consommée en RHF et de plus de 80 % pour le poulet 32 ( * ) .

La loi Egalim a créé un article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime afin de fixer un objectif de 50 % d'achats de produits répondant à des critères de qualité, dont 20 % de produits bio dans la restauration collective publique.

Cet objectif est de nature, d'une part, à favoriser une alimentation de qualité dans la restauration collective, compte tenu des enjeux sociaux et éducatifs que ces repas revêtent pour nombre d'écoliers et, d'autre part, à permettre, mécaniquement, une limitation du poids des produits importés en privilégiant certains produits français, ceux sous signes de qualité et de l'origine ou sous certification environnementale par exemple.

Toutefois la disposition présente plusieurs fragilités.

Tout d'abord, elle ne s'applique qu'à la restauration collective publique , et met ainsi de côté la restauration collective privée, qui représente pourtant un débouché supplémentaire de 10 % , moins concernée par les contraintes de prix que la restauration scolaire ou hospitalière par exemple.

En outre, à l'exception de la catégorie des produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie, contestée en pratique dans la mesure où elle n'exclut pas des produits importés d'une région lointaine, il n'existe pas, à ce stade, une valorisation suffisante des produits locaux dans les critères « à privilégier » par la restauration collective.

Le II du même article prévoit simplement que les personnes morales de droit public concernées développent « par ailleurs [...] l'acquisition de produits dans la cadre des projets alimentaires territoriaux ».

Malgré l'intérêt manifeste d'une telle disposition, le droit européen semble s'opposer à la mise en place d'un critère d'approvisionnement local dans la restauration collective publique, notamment au regard du principe européen de non-discrimination.

Pour surmonter ces difficultés, le Sénat avait alors proposé, lors des débats de la loi Egalim, de s'organiser au plus vite territorialement afin de permettre à des filières locales de répondre aux objectifs fixés par la loi Egalim et de reconquérir ainsi l'assiette des consommateurs de la restauration collective. L'objectif était d'avancer dans la structuration de filières locales pouvant s'engager dans des démarches de certification éligibles, notamment la certification environnementale de niveau 2 .

Cette organisation territoriale devait reposer sur une instance de concertation pour la mise en oeuvre au niveau régional du programme national pour l'alimentation, dénommée comité régional pour l'alimentation et présidée par le représentant de l'État dans la région (Cralim) 33 ( * ) .

À terme, seule une adaptation des règles en place , dans le respect du droit européen de la commande publique, ainsi qu'une meilleure formation des gestionnaires, sont de nature à permettre une meilleure valorisation de solutions locales dans la restauration collective.

Enfin, la dernière fragilité du dispositif réside dans un manque d'adéquation avec l'offre agricole . En fixant des seuils élevés pour une liste étroite de produits issus d'exploitations françaises, le risque serait de promouvoir, en retour, le recours à des produits importés . Par exemple, retenir un critère de 20 % de produits bio dans la restauration collective pourrait être contre-productif tant qu'il n'est pas assorti d'un critère géographique, du moins tant que la surface agricole utile de l'agriculture biologique française demeure inférieure à 10 % et que ces produits restent mieux valorisés dans la vente directe auprès du consommateur.

À cet égard, alors que les approvisionnements bio progressent mécaniquement en restauration collective, l'Agence Bio a noté un recul de la part des produits bio nationaux en 2019 par rapport à 2018, traduisant la mise en oeuvre d'un point de fuite avantageant, au moins temporairement, les importations 34 ( * ) .

C'est pourquoi il apparaît essentiel non de revenir sur les critères établis par la loi Egalim pour les réduire mais bien plutôt les élargir à d'autres produits qui pourraient, en enrichissant l'approvisionnement de la restauration collective, rendre l'alimentation qui y est proposée plus durable et plus locale.

Proposition n  4 (État, collectivités) : faire de la reconquête par des produits français des approvisionnements en restauration collective une priorité en :

- promouvant une évolution des règles en vigueur au niveau européen, en accord avec nos partenaires, et au niveau national, afin de favoriser des approvisionnements issus de produits locaux , par exemple en limitant cette faculté à un montant total des produits frais concernés par le marché ;

- étendant à la restauration collective privée les obligations créées pour la restauration collective publique en application de la loi EGALIM ;

- élargissant la liste des produits à privilégier dans la restauration collective à d'autres produits répondant à des critères locaux ou de durabilité.

Dans la restauration commerciale, l'enjeu réside plutôt dans une prise de conscience par le consommateur de la part de produits importés qu'il y consomme.

À cette fin, il importe de renforcer les règles en matière de transparence concernant l'origine de la matière première utilisée dans la restauration commerciale.

Le décret n° 2002-1465 a rendu obligatoire l'indication de l'origine des viandes bovines servies en restauration. Toutefois, cette obligation ne s'applique qu'aux viandes en morceaux et non aux préparations de viande.

Surtout, cette obligation ne s'applique pas pour les viandes porcine, ovine, caprine ou de volaille.

La loi n° 2020-699 du 10 juin 2020 relative à la transparence de l'information sur les produits agricoles et alimentaires a créé un article L. 412-9 du code de la consommation afin de prévoir l'indication du pays d'origine ou du lieu de provenance pour tous les plats contenant des morceaux de viandes bovines, porcines, ovines, caprines ou de volailles ainsi que la viande bovine hachée.

Un décret doit préciser les modalités d'application de cette obligation mais il n'a, à ce stade, pas été pris par le Gouvernement.

Proposition n° 5 (État) : rendre applicable l'article L. 412-9 du code de la consommation imposant la transparence sur l'origine des denrées alimentaires dans la restauration collective et commerciale en imposant un affichage de l'origine des viandes, dans un endroit visible du restaurant ou sur les cartes au format numérisé des restaurants.

(3) Renouer avec l'impératif de compétitivité

La première clé de la réussite pour reconquérir notre souveraineté alimentaire consiste, déjà, à ne plus perdre de terrain face aux pays étrangers.

En la matière, si la France veut demeurer présente sur toutes les gammes, il convient de réhabiliter un mot trop souvent mis de côté ces dernières années lors des débats agricoles : celui de compétitivité.

Le rapport de l'APCA de janvier 2021 intitulé « la compétitivité du secteur agricole et alimentaire » a fait le point, pour plusieurs filières, sur cette question :

Ø Si la filière blé française demeure compétitive, sans doute la deuxième plus compétitive du monde derrière la Russie, ce qui se traduit par les chiffres à l'exportation chaque année, c'est en raison de « conditions agro-climatiques très favorables, d'un environnement politique et réglementaire stable et d'une orientation des aides PAC favorable à la filière céréalière », ainsi qu'une « proximité géographique de l'hexagone avec ses clients », combinée à des « infrastructures de transport performantes », bien qu'elles soient améliorables. Toutefois, la filière a des faiblesses structurelles comme « la fiscalité et le poids plus élevé des charges fixes par rapport à ses concurrents . ». Cette fragilité pourrait venir remettre en cause l'orientation de la politique céréalières française à terme car « en matière de coûts de production, si le blé français se positionne à niveau égal et même légèrement inférieur au blé américain, le différentiel avec le blé de la Mer Noire peut atteindre un écart abyssal de 60 €/tonne ». Si un tel écart venait à perdurer, l'érosion des parts de marché françaises sera inéluctable.

Ø La filière carnée est évidemment la plus fragile , notamment au niveau européen. La concurrence allemande s'explique, principalement, par le recours massif à une main d'oeuvre étrangère des pays de l'Est dans les abattoirs. L'IDELE estime le taux moyen de 60 % de main d'oeuvre étrangère dans les principaux abattoirs allemands, le plus souvent logée dans des conditions peu enviables, ce qui a favorisé la création de cluster en Allemagne dans les abattoirs. Avec un coût horaire évalué de 5 à 7 € de l'heure au début des années 2010 (aujourd'hui, à 9,35 €), l'APCA estime le gain pour la filière allemande par rapport à la filière française à 9 centimes d'euro par kilogramme équivalent carcasse pour la viande bovine et à 5 centimes d'euro par kilogramme pour la viande porcine. Il en va de même en Pologne, où le SMIC brut polonais est de 431 €, loin des niveaux français. En outre, la structure de leur élevage, davantage intensif, loin du modèle familial français, et majoritairement composé de vaches laitières, bien orientée pour répondre à la demande croissante de viande hachée dans les pays européens, leur offre un avantage compétitif très fort. Si la France dispose du cheptel européen le plus diversifié en termes de races, ce qui est garant de la protection d'une biodiversité cultivée sans doute la plus riche du monde, ce modèle pourrait être menacé par la perte des parts de marché vis-à-vis des voisins européens.

Ce tableau appelle à un grand plan en faveur de la compétitivité de notre industrie agroalimentaire , ce qui permettrait, par des outils de politique publique de baisses de charges ou de réduction de fiscalité sur les impôts de production, de retrouver des parts de marché tout en valorisant le savoir-faire français en matière de produits de qualité.

Concernant l'amont agricole, si les producteurs nationaux demeurent compétitifs, notamment grâce à un faible coût du foncier selon le même rapport de l'APCA, plusieurs fragilités ont pu être décelées :

Ø dans les céréales , un poids relatif des investissements élevé ainsi qu'un surcoût de charge dans les domaines des engrais et des phytosanitaires ;

Ø en arboriculture , des charges de main d'oeuvre très fortes, qui ne compensent pas une productivité du travail relativement élevée ;

Ø dans la filière laitière , les différentiels de compétitivité proviennent avant tout d'un relatif déficit de productivité, dû au choix d'un modèle d'élevage extensif et familial qu'il convient de préserver compte tenu de ses externalités positives ;

Ø les économistes de l'APCA estiment enfin que la marge de progression en matière de compétitivité pour la filière « bovins allaitants » réside dans une optimisation des logiques d'investissement.

Ce bref panorama, étayé par une étude récente, démontre que des marges de manoeuvre existent pour reconquérir des parts de marché perdues dans certains secteurs, notamment en restauration collective.

Proposition n° 6 (État) : se saisir du sujet de la compétitivité de la Ferme France en réduisant les charges de production de l'amont agricole et de l'industrie agro-alimentaire.

Plus généralement, le législateur comme le pouvoir réglementaire doivent garder à l'esprit cet impératif de compétitivité : à chaque norme franco-française imposée aux agriculteurs nationaux succède un flux supplémentaire de denrées importées de pays européens ou de pays tiers qui circulent librement dans le marché unique, sans aucune garantie que ces produits, qui seront consommés par les ménages français, respecteront les normes justement imposées en France.

Le groupe de travail ne s'oppose pas, loin de là, à toute évolution des pratiques agricoles, mais il plaide pour les pousser au niveau européen afin d'en limiter les distorsions de concurrence pour l'agriculture française.

En matière de traitements par exemple, à défaut d'une mesure harmonisée sur le continent, le bilan environnemental d'une surtransposition serait au mieux nul, se traduisant par des importations accrues de denrées alimentaires traitées à la même substance faisant l'objet d'une interdiction en France, sans doute pire, en ajoutant à ce phénomène de non réduction des quantités épandues une distance plus grande parcourue par les aliments.

Proposition n° 7 (État) : porter un discours d'harmonisation des conditions culturales en Europe , au plus haut niveau d'exigence en matière d'environnement et de sécurité sanitaire, et éviter, par principe, les surtranspositions françaises entraînant des distorsions de concurrence ne résultant qu'en une importation accrue de produits pour lesquels sont maintenues les pratiques dénoncées tout en fragilisant les agriculteurs français.

(4) Répondre à la demande accrue pour des produits locaux en favorisant une meilleure structuration des filières

L'intérêt des consommateurs pour les produits locaux est régulièrement exprimé dans divers sondages.

La production agricole doit répondre à cette demande, qui, selon le CGAAER 35 ( * ) , permettrait une reterritorialisation de l'alimentation et le rétablissement du lien entre les producteurs et les consommateurs et une stabilisation des revenus des producteurs impliqués, sans les améliorer néanmoins, sans toutefois que le bilan en matière de qualités nutritionnelles ou d'environnement soit directement corrélé à la localisation des produits.

À ce stade, du côté de l'amont agricole, une exploitation sur cinq commercialisait une partie de sa production en circuit court en 2010 36 ( * ) , certaines filières (fromages de chèvres, fruits et légumes, miel) ayant un recours accru à ce circuit que d'autres (produits laitiers, viande bovine, céréales). Enfin, en 2018, les exploitations concentrées sur la commercialisation en vente directe représentaient environ 6 % des exploitations 37 ( * ) .

Il ne convient pas de plaider pour un « tout » circuits courts ou un approvisionnement local intégral . Au contraire, une étude récente 38 ( * ) a souligné l'importance de la complémentarité des modèles d'approvisionnement. Les auteurs estiment, à cet égard, que les chaînes locales sont meilleures que les chaînes globales sur certains critères de « résilience », de « bien-être animal » et de « territorialité », tout en étant moins performantes sur les critères de « sécurité sanitaire » et d'« accessibilité ». Pour eux, il existe des interactions positives entre les chaînes courtes ou les chaînes longues qui incitent à ne pas opposer le développement des différentes chaînes de valeur.

Au reste, si aujourd'hui la préférence pour les produits locaux est régulièrement exprimée par les citoyens, elle se traduit de manière croissante mais sans doute plus lente dans les chiffres de la consommation .

En tout état de cause, le mouvement existe et mériterait d'être accompagné , d'autant qu'il permet de remettre la question de l'origine de l'alimentation au coeur de l'acte d'achat, permettant une lutte efficace contre l'importation de produits alimentaires ayant une empreinte environnementale défavorable.

Le premier obstacle à la connaissance de cet engouement pour les produits locaux réside dans le fait qu' il n'existe pas, à ce stade, une définition partagée , rendant difficile toute évaluation statistique de leur place dans la consommation des ménages.

Les circuits courts seraient, eux, déterminés par « un mode de commercialisation des produits agricoles qui s'exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire entre l'exploitant et le consommateur 39 ( * ) ».

Si l'objectif est de réduire la distance géographique entre le consommateur et le producteur, ce critère est très subjectif et varie selon les acceptions.

Aux États-Unis par exemple, l'US Farm Act de 2008 estime qu'un aliment est considéré comme local s'il est produit à moins de 640 kilomètres 40 ( * ) .

Dans leurs approvisionnements, les collectivités locales retiennent des distances variables comprises entre 50 kilomètres 41 ( * ) et 250 kilomètres 42 ( * ) , adaptant sans doute celles-ci en fonction de leurs besoins. Toutefois, en général, le périmètre régional ou départemental est le plus souvent retenu dans les initiatives des collectivités locales correspondantes, ces dernières ajoutant, en général, des territoires adjacents.

La notion de produit local peut aussi s'apprécier à l'échelle nationale (par opposition aux produits importés) ou à une échelle infrarégionale , valorisant alors des terroirs, à l'image de certaines appellations d'origine contrôlées ou d'indications géographiques protégées.

Au total, Yuna Chiffoleau , chercheure à l'Inrae, estime qu'il existe plus « d'une vingtaine de circuits courts différents » 43 ( * ) .

En tout état de cause, compte tenu du probable mouvement d'ampleur en la matière, il importe de mieux cerner la notion de produits locaux afin d'éviter certains étiquetages ou pratiques trompeuses. Si le fait d'apposer la mention « produit local » sur une denrée alimentaire non produite à proximité du lieu de vente constitue une intention claire de tromper, aux yeux de la DGCCRF, il importe d'éviter toute ambiguïté dans ces appréciations au cas par cas en entamant une réflexion globale sur la notion de produit local.

Proposition n° 8 (État) : protéger de toutes pratiques trompeuses les produits locaux en proposant une meilleure définition de ces derniers, ce qui accompagnera leur essor.

b) Renforcer la résilience globale de notre modèle agricole face à trois enjeux : la déprise agricole à l'heure du renouvellement des générations, le manque de revenus pour nos agriculteurs et le changement climatique

La durabilité de notre modèle alimentaire dépend également de la résilience de notre amont agricole . Même si ce credo constitue un truisme, il est essentiel de le garder à l'esprit : sans agriculture française, le bilan environnemental de notre alimentation sera nul.

Or la résilience de notre agriculture est soumise à de grands défis qui pourraient, à terme, menacer notre capacité productive et remettre ainsi en cause à la fois notre souveraineté alimentaire et la force de notre modèle alimentaire.

Le premier d'entre eux est le défi économique , question abordée généralement par le biais de la problématique du revenu agricole.

Loin d'être un enjeu purement microéconomique, il embrasse aujourd'hui des questions plus fondamentales en matière de renouvellement des générations ou de bien-être des agriculteurs 44 ( * ) .

Pour relever ce défi, il importe de l'aborder de manière globale, et non en découpant les sujets.

L'excédent brut d'exploitation (EBE) de la branche agricole est composé à 37 % de la consommation alimentaire des ménages, à 27 % des fruits de l'exportation, à 30 % par les subventions, et à 7 % par la demande en produits non alimentaires (énergie par exemple) ou en services (notamment les travaux agricoles) 45 ( * ) .

Pour relever le revenu agricole, il importe donc d'agir sur tous les leviers, sources de recettes, mais également sur l'ensemble des charges , un revenu dépendant également de cet aspect.

Proposition n° 9 (État) : actionner tous les leviers disponibles pour relever le revenu agricole en :

- révisant le cadre régentant les relations commerciales entre la grande distribution et l'amont agricole et agroalimentaire, en révisant en profondeur les mécanismes de la loi Egalim ;

- s'opposant à toute déconstruction de la politique agricole commune , tant au niveau européen en luttant contre la renationalisation de la PAC qui entraînerait de nouvelles distorsions de concurrence qu'au niveau national, en réduisant substantiellement les aides aux filières en difficulté ;

- menant une politique conquérante de parts de marché à l'export en remettant la compétitivité prix et hors prix au coeur des préoccupations des politiques agricoles nationales et en replaçant l'agriculture au coeur des négociations avec nos partenaires commerciaux ;

- développant les diversifications de revenu (ventes directes, revenus tirés d'activités non agricoles...) ;

- menant une politique de baisse des charges des exploitations agricoles.

Le second facteur mettant en péril la résilience de notre modèle agricole est la fragilité des exploitations face aux effets induits par le changement climatique.

Depuis le XX ème siècle, les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient, ayant des conséquences importantes sur les cultures agricoles.

Le phénomène le plus documenté est la recrudescence de la fréquence et de l'intensité des sécheresses . Depuis 2015, au moins une région française a connu une grande vague de chaleur. En outre, la surface française touchée par les vagues de sécheresse est de plus en plus importante, étant presque deux fois plus touchée que dans les années 1970 : si elle était de 7,5 % dans les années 1970, elle est aujourd'hui presque de 15 %.

Meteofrance comme le BRGM estiment que, toutes choses égales par ailleurs, « les conditions normales attendues entre 2071 et 2100 correspondraient au record de sécheresse que nous avons connu jusqu'ici » et qu' « une sécheresse comme celle de 2003 ayant généré de nombreux sinistres liés au retrait des argiles, qui était rare à l'époque, pourrait devenir extrêmement fréquente avant la fin du XXI e siècle . Une période de retour de 3 ans pour ce type de sécheresse estivale est envisageable 46 ( * ) ».

Pourcentage annuel de la surface touchée par la sécheresse
France métropolitaine

En parallèle, la fréquence et l'intensité des précipitations extrêmes ont également augmenté , les pluies extrêmes ou les tempêtes de grêle engendrant des dégâts importants de cultures. Le rapport de la mission d'information sur les risques climatiques estime qu'« une augmentation significative des pluies extrêmes a été identifiée dans le sud-est de la France, d'environ 20 % depuis le milieu du XXe siècle, particulièrement dans les Cévennes où les cumuls journaliers sont les plus considérables 47 ( * ) ».

Enfin, les épisodes de gel , notamment durant les périodes de floraison, mettent à mal, selon les dates d'apparition de tels phénomènes, les cultures viticoles, arboricoles, maraîchères voire betteravières. Les premières estimations des dégâts causés par le gel ayant frappé de nombreux départements agricoles français au mois d'avril avoisinent les 4 milliards d'euros : si de tels phénomènes venaient à être récurrents, aucune exploitation agricole ne pourrait avoir une viabilité économique suffisante pour garantir sa pérennité.

Le régime actuel permettant aux agriculteurs de se prémunir des effets économiques des calamités agricoles repose sur trois dispositifs :

- un contrat d'assurance multirisque climatique , souscrit par les exploitants avec un soutien financier par les crédits du FEADER 48 ( * ) , qui couvre environ 30 % de la surface agricole française 49 ( * ) , contrat semblant à ce stade plus adapté à certaines cultures qu'à d'autres qui restent en retrait en raison du coût prohibitif du contrat, comme c'est le cas pour l'arboriculture par exemple ;

- une intervention du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour les cultures non assurables (excluant les grandes cultures et la viticulture), financé à hauteur de 60 millions d'euros par an par une cotisation payée par les agriculteurs ;

- une intervention du fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux (FMSE) .

S'agissant uniquement des dépenses d'indemnisation engagées ces dernières années par le FNGRA, elles ont tendanciellement augmenté par rapport aux dernières années pour atteindre 135 M€ en 2016, 47 M€ en 2017, 182 M€ en 2018 et 155 M€ en 2019 , l'État venant compenser par le budget général les crédits manquants. Cette augmentation des crédits budgétaires alloués pour indemniser les pertes de production dues aux calamités agricoles des exploitants démontre l'ex position forte des agriculteurs au changement climatique ainsi que la nécessité de mieux les en prémunir.

Cette ambition passe par une incitation à davantage de prévention , pour limiter les effets maîtrisables, ce qui passe par une attention particulière aux progrès techniques en matière de dispositifs préventifs (filets paragrêles par exemple) ainsi que par une meilleure optimisation de la gestion des eaux.

Elle passe aussi par une meilleure indemnisation des exploitants afin de réduire les effets économiques des risques non maîtrisables, par un mécanisme gradué intégrant une part assurantielle à la charge de l'exploitant, dans la limite d'un coût raisonnable et à la condition d'une indemnisation efficace, ainsi qu'une part financée par la solidarité nationale pour couvrir les risques exceptionnels.

Proposition n° 10 (État) : renforcer la résilience des exploitations agricoles face au changement climatique en érigeant un modèle basé sur deux piliers :

- une plus grande prévention pour limiter l'exposition, en s'appuyant sur le progrès technique et une meilleure gestion des eaux ;

- une meilleure couverture financière par un système fondé sur un mécanisme assurantiel à la charge des exploitants pour les risques maîtrisables et un dispositif de solidarité garanti par l'État via le fonds national de gestion des risques en agriculture pour les risques exceptionnels.

Enfin, le troisième défi à relever pour renforcer la résilience du modèle agricole est celui du renouvellement des générations .

Le phénomène n'est certes pas nouveau : l'agriculture et l'alimentation représentaient près de 12 % de l'emploi total en 1980 contre 5,5 % aujourd'hui.

Toutefois, il ne se réduit pas ces dernières années et pourrait même s'accélérer en raison de la pyramide des âges, exposant l'agriculture française au défi d'un « papy-boom ».

Le nombre d'exploitants en France se réduit progressivement d'année en année : de 2010 à 2016, celui-ci s'est réduit de 1,1 % par an. Ce phénomène se matérialise par davantage de départs que d'installations, le taux de couverture des remplacements des chefs d'exploitations insuffisant : un agriculteur sur trois partant à la retraite n'est pas remplacé 50 ( * ) .

Les prochaines années sont alors décisives puisqu'un tiers des agriculteurs ont plus de 55 ans aujourd'hui et partiront à la retraite dans moins de dix ans.

Dès lors, si le taux de remplacement des exploitants à la retraite demeurait stable, la France perdrait un neuvième de ses agriculteurs en dix ans, soit une perte sèche de 50 000 agriculteurs.

Aucun gain de productivité ne permettra de compenser une telle réduction du nombre d'exploitants, ce qui entraînera, mécaniquement, une baisse de la production agricole française et, partant, une moindre couverture de l'alimentation des Français par des productions locales, aggravant alors le bilan environnemental alimentaire des ménages.

C'est pourquoi le soutien à l'installation de nouveaux agriculteurs est un impératif stratégique en matière de durabilité de notre modèle alimentaire, l'enjeu étant de faciliter les mécanismes d'installation des jeunes agriculteurs en leur favorisant l'accès au foncier, tout en garantissant un niveau de transmission suffisant aux personnes cessant leur activité, dans la mesure où cette transmission représente une grande partie de la retraite de nombre d'exploitants.

Proposition n° 11 (État) : avancer sur le chemin d'une évolution du cadre légal pour mieux inciter la transmission des exploitations à de jeunes agriculteurs.

2. Faire émerger des politiques alimentaires territoriales, apportant un complément essentiel et adapté à la politique alimentaire nationale
a) Mieux connaître les besoins alimentaires locaux et leurs spécificités

Plusieurs chercheurs et professionnels rencontrés par le groupe de travail ont relevé un manque de données disponibles sur le système alimentaire français et en particulier sur la filière biologique.

Pour ces acteurs, le manque de connaissances sur les flux des produits alimentaires , depuis les lieux de production vers les lieux de consommation , nuit à la définition d'une politique de l'alimentation ambitieuse et programmatique.

Dite autrement, faute de données, aucun pilotage fin d'une politique alimentaire territoriale n'est possible.

Si la production de données au niveau de l'amont agricole est foisonnante, notamment par le biais des services de FranceAgrimer, qui permet de connaître l'ensemble des quantités produites territorialement pour chaque denrée, les données sur la consommation locale sont très lacunaires, alors même qu'elles existent, notamment par les relevés de caisses des distributeurs. Par conséquent, il est en pratique difficile d'optimiser l'appariement entre production locale et consommation alimentaire locale.

Proposition n° 12 (État) : renforcer la transparence nationale et locale sur les circuits alimentaires en tenant à la disposition de l'ensemble des acteurs publics les données locales et une cartographie sur les flux locaux des produits agricoles à l'import, à l'export et destinés au marché domestique et en donnant la possibilité aux collectivités territoriales d'imposer la transmission d'informations utiles pour la définition de leur politique alimentaire, sous réserve du respect du secret des affaires.

b) Confier aux collectivités territoriales le pilotage d'une vraie politique alimentaire locale

De l'avis de l'ensemble des acteurs et organismes consultés par le groupe de travail, la dimension territoriale de notre politique alimentaire gagnerait à être renforcée à travers une meilleure association des collectivités territoriales à sa mise en oeuvre et par un recours accru à des leviers existants et facilement mobilisables (projets alimentaires territoriaux, commande publique, etc.).

À l'heure actuelle, la définition et la mise en oeuvre de la politique alimentaire reposent principalement sur le Gouvernement même si des initiatives récentes visant à renforcer l'association des collectivités territoriales ont été prises. En 2014, la « Déclaration de Rennes : pour des systèmes alimentaires territorialisés » de l'association des Régions de France avait d'ailleurs marqué cette préoccupation avec force.

Ainsi, la création des projets alimentaires territoriaux ( PAT ) en 2014 51 ( * ) , qui permettent d'associer les agriculteurs, les collectivités, l'État, les organismes d'appui et de recherche, la société civile, les acteurs de l'économie sociale et solidaire et les entreprises, coopératives de transformation, de distribution, de commercialisation autour de la définition d'une politique alimentaire locale, a enclenché une dynamique de « territorialisation » de notre politique alimentaire, qu'il convient de soutenir et de poursuivre .

À ce jour, il existerait plus de 200 PAT et 80 % des départements ont au moins un PAT accompagné par l'État 52 ( * ) . Par ailleurs, 65 PAT concernant, 48 départements, ont été sélectionnés en mars 2021 dans le cadre de l'appel à projets du programme national pour l'alimentation (PNA) 53 ( * ) .

Source : RN PAT.

Si les conseils régionaux sont en charge de la gestion et de la mobilisation des aides européennes en matière de développement agricole et rural et que les conseils départementaux interviennent désormais dans l'aide à la production, à la transformation et la commercialisation de produits agricoles de qualité, les rapporteurs considèrent que le processus pourrait aller plus loin.

Deux pistes complémentaires devraient donc être envisagées à ce jour : d'une part, la création d'une compétence « alimentation » pour une catégorie de collectivités territoriales à définir, qui pourrait ainsi devenir « autorités organisatrices de l'alimentation » (AOA) ; d'autre part, la structuration des projets alimentaires territoriaux dans une logique de maillage territorial et de « 0 zones blanches ».

Pour les rapporteurs, les PAT doivent assurer des fonctions de cohésion , économiques et environnementales . Ils attirent l'attention sur les points suivants :

- la nécessité pour les PAT de contribuer réellement à la structuration des filières locales de production, de transformation et de distribution , notamment en lien avec le redéploiement d'abattoirs de proximité et d'un maillage d'industries de transformation ;

- la nécessité de ne pas polariser le dispositif des PAT sur les seules métropoles , à peine d'aggraver nos fractures territoriales ;

- la nécessité, tout en laissant la main avant tout aux acteurs de terrain, de veiller à ne pas créer une mosaïque trop éclatée , une dispersion excessive des PAT et d'assurer la coordination des initiatives notamment pour ne pas laisser de « zones blanches » dans les territoires déjà en difficulté et d'associer l'ensemble des acteurs ;

- l'importance d'intégrer certains enjeux dans le cahier des charges des PAT (résilience alimentaire, compétitivité, transition agroenvironnementale, etc.).

Par ailleurs, compte tenu des recommandations et retours d'expériences issus de plusieurs rapports 54 ( * ) , les rapporteurs considèrent que les PAT devraient également comporter une déclinaison en termes de politique d'achat foncier , de planification territoriale, des objectifs en termes d'approvisionnements locaux , en produits frais et de qualité et prévoir la mise à disposition d'espaces, d'équipements et de compétences au bénéfice de l'ensemble des partenaires. Ces actions devront se fonder sur un diagnostic réellement partagé, mobiliser les acteurs intermédiaires de la chaîne alimentaire et être déclinées à court, moyen et long termes, avec un suivi et une évaluation de leur mise en oeuvre.

Proposition n° 13 (État ) : donner aux collectivités territoriales une véritable capacité d'action et des moyens pérennes pour structurer et soutenir les filières agricoles et les industries de transformation locales en :

- envisageant une réflexion visant à évaluer l'opportunité de confier aux collectivités territoriales le statut d'« autorités organisatrices de l'alimentation » (AOA), avec des modalités de dévolution de la compétence souples et adaptatives et, le cas échéant, en associant la nouvelle compétence créée d'une dotation annuelle spécifique de l'État aux collectivités concernées , avec une part variable associant des critères qualitatifs et quantitatifs sur le déploiement des projets alimentaires territoriaux locaux (PAT) ;

- créant une section dédiée aux PAT au sein du chapitre I er du titre I er du livre I er du code rural et de la pêche maritime qui permettrait notamment :

* d'ajouter explicitement dans leurs objectifs le renforcement de la résilience alimentaire et la contribution à l'autonomie alimentaire nationale ;

* d'introduire un rapport de compatibilité ou de prise en compte avec le plan régional de l'agriculture durable ( PRA ) et avec le programme national pour l'alimentation ( PNA ) ;

* de prévoir une meilleure coordination pour que les PAT couvrent au moins les établissements de restauration collective publique des collectivités territoriales et des établissements publics parties prenantes dès lors qu'ils sont portés par une collectivité ;

- de promouvoir, le cas échéant, le développement de l'agriculture urbaine et des jardins partagés ;

- fixant un objectif d'au moins 1 PAT/département d'ici fin 2022.

c) Les leviers à mobiliser pour permettre aux collectivités territoriales de jouer un rôle de premier plan dans notre politique alimentaire et la structuration des filières locales : les projets alimentaires territoriaux (PAT) et la restauration collective publique

Pour les rapporteurs, les PAT représentent une triple opportunité économique, environnementale et sociale pour :

- soutenir la compétitivité de notre agriculture locale et le renforcement des industries de transformation locales ;

- accompagner la transition agro-écologique dans nos territoires, par la relocalisation.

En 2021, un budget renforcé a été prévu pour le déploiement des projets alimentaires territoriaux (PAT), dans le cadre de l'appel à projets du plan national pour l'alimentation (PNA) à hauteur de 7,5 millions d'euros, dont 3 millions d'euros sont apportés par l'Ademe, 4,3 millions d'euros apportés par le ministère de l'agriculture et 200 000 euros apportés par le ministère de la Santé, soit au total quatre fois le montant prévu lors de la précédente édition. Le plan de relance prévoit également 77 millions d'euros de crédits dédiés à l'accompagnement des porteurs de PAT. Les rapporteurs saluent ces mesures et souhaitent que les crédits puissent être attribués rapidement.

En outre, pour les rapporteurs, sans aboutir à un cadre inutilement rigide, l'enjeu est aujourd'hui d'assurer à la fois une bonne appropriation de cet outil par les acteurs de terrain et une structuration et une coordination minimale. Cet objectif de structuration vise également à garantir la cohérence des actions des différents porteurs de projets et permettre surtout de trouver plus de synergies entre les besoins et les possibilités d'approvisionnement.

Proposition n° 14 (État et ses opérateurs) : soutenir le déploiement des PAT afin de valoriser l'agriculture dans sa diversité et sur tous les débouchés en :

- donnant des moyens renforcés au réseau national des PAT, qui pourrait évoluer vers un Observatoire national des projets alimentaires territoriaux (ONPAT) chargé d'assurer le suivi de leur déploiement et réalisation ;

- assurant un financement d'au moins 80 M€ par an pendant 5 années afin de donner une visibilité financière aux acteurs ;

- améliorant l'approche réglementaire pour la production et la transformation de produits de proximité et sur la ferme (ex. abattages de proximité) dans le plus strict respect des règles sanitaires en vigueur ;

- incluant le volet « autonomie alimentaire, transition et compétitivité agroécologiques » des PAT dans les futurs CRTE conclus entre l'État et les métropoles, pour faciliter leur déclinaison entre métropoles et collectivités voisines partenaires.

En outre, les deux commissions soulignent que la commande publique pourrait davantage être mise au service de la valorisation des productions françaises , comme elle a pu l'être durant la crise sanitaire. D'ailleurs, si les ordonnances prises par le Gouvernement ont contribué à sécuriser ces initiatives, elles n'ont pas permis l'ajout d'un critère d'origine qui aurait été fort utile pour soutenir des productions locales pour une durée limitée, notamment dans le cadre de marchés de gré à gré.

Parmi les obstacles au développement de l'approvisionnement local recensé par la mission CGAER sur Les produits locaux , figurent :

- le souhait d'une maîtrise sanitaire optimale pour le donneur d'ordre ;

- l'intervention d'un assistant à maîtrise d'ouvrage dont la logique première tend généralement à limiter les coûts d'approvisionnement ;

- une difficulté à suivre les prescriptions nutritionnelles pour la restauration collective compte tenu d'une fluctuation potentielle des approvisionnements locaux.

A minima , l'accompagnement et les formations à destination des acheteurs publics doivent être renforcées pour leur permettre de mieux utiliser les circuits courts et de valoriser les caractéristiques des produits recherchés dans la rédaction des marchés.

Le projet de loi climat et résilience comporte également des dispositions qui permettront d'insister sur ces enjeux auprès du Gouvernement lors de l'examen parlementaire, notamment l'article 15 bis qui prévoit des dispositions dérogatoires en matière de marchés publics en raison du contexte sanitaire et une demande de rapport pour renforcer la formation des acheteurs publics en matière alimentaire.

Plus spécifiquement, la mission CGAER relevait que les conseils départementaux ne disposent pas de l'ensemble des leviers nécessaires pour garantir la cohérence de la politique d'approvisionnement de la restauration collective. Aussi, les rapporteurs soutiennent le transfert des compétences de gestion et d'intendance de la restauration collective dans les collèges et lycées vers les conseils départementaux et régionaux .

Au-delà, il apparaît primordial d'enclencher une négociation européenne pour faciliter la possibilité de confier une partie des lots sous critère géographique . Le CGAER proposait par exemple de porter au niveau européen l'objectif de pouvoir faire référence à une origine ou à une provenance déterminée dans un marché public dans la limite de 30 % du montant des produits frais alimentaires du marché en cause.

L'introduction de clauses environnementales plus strictes pourrait également être envisagée, dès lors qu'un affichage environnemental aura été généralisé à l'échelle de l'Union européenne et permettra de disposer d'un socle technique harmonisé sur la prise en compte des externalités environnementales et du cycle de vie de l'ensemble des produits achetés par les personnes publiques.

Par ailleurs, le CAGER, à la suite des élus et d'autres acteurs, préconise également de permettre aux produits agricoles et alimentaires acquis dans le cadre d'un projet alimentaire territorial de satisfaire aux objectifs d'approvisionnements prévus par l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, issu de l'article 24 de la loi EGALIM. Le projet de loi climat et résilience modifie d'ailleurs cette disposition pour l'étendre à la restauration collective privée, ce qui constitue une accroche opportune pour acter cette évolution.

Proposition n° 15 (État ) : donner davantage de leviers d'action aux collectivités en :

- actant le transfert vers les conseils départementaux et régionaux de l'autorité sur les adjoints gestionnaires en charge de la restauration collective de l'État pour les collèges et les lycées ;

- envisageant une évolution du code des marchés publics pour renforcer la part des approvisionnements vertueux sur le plan environnemental, social, territorial ;

- envisageant de faire passer à 80 000 € HT le seuil de passation des marchés de gré à gré pour les approvisionnements en produits alimentaires ;

- accompagnant les acheteurs publics par des outils pratiques (guides, formations) et financiers , en pérennisant les mesures du plan de relance ;

- permettant aux produits agricoles et alimentaires acquis dans le cadre d'un projet alimentaire territorial (PAT) de satisfaire aux objectifs prévus par l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

B. MAÎTRISER L'EMPREINTE CARBONE DE NOTRE CONSOMMATION ALIMENTAIRE ET RAPPROCHER L'AGRICULTURE DU QUOTIDIEN DES FRANÇAIS : LUTTER CONTRE LES ÉMISSIONS IMPORTÉES DE GAZ À EFFET DE SERRE ET SOUTENIR LA RELOCALISATION ET LE DÉVELOPPEMENT DE PRODUCTIONS AGRICOLES DIVERSIFIÉES ET SOBRES EN INTRANTS

1. Lutter contre les importations alimentaires ne respectant pas les normes requises en France

Si la reconquête du bol alimentaire des consommateurs français passe par une politique ambitieuse portant l'offensive sur toutes les gammes où la production nationale a perdu des parts de marché, il apparaît également essentiel de mettre en place une politique défensive contre les importations de pays tiers ne respectant pas les normes minimales imposées aux producteurs français.

À cet égard, le Sénat a, de manière récurrente, alerté sur ce point et s'est placé à l'avant-garde de ce combat politique . Il a d'ailleurs considérablement renforcé l'arsenal juridique dans le droit national :

L' article 44 de la loi Egalim , adopté à son initiative en 2018 et aujourd'hui codifié à l'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime, dispose qu'il « est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation. » L'autorité administrative doit prendre « toutes mesures de nature à faire respecter » cette interdiction.

Cet article a été complété en décembre 2020, par le biais d'un autre article proposé par le Sénat, lors de l'examen de la loi dite « Betteraves » 55 ( * ) , lequel dote les ministres chargés de l'agriculture et de la consommation d'un pouvoir de prendre « des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l'introduction, l'importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles » ne respectant pas les normes requises en France, dans le respect du droit européen.

Cette mobilisation a, sans doute, trouvé un certain écho au niveau européen, l'Union européenne ayant adopté, à l'initiative de la France, un mécanisme d'interdiction d'importations de denrées ne respectant pas les normes de production requises sur le continent, en l'espèce s'agissant des médicaments vétérinaires . Si l'usage des antibiotiques comme facteurs de croissance chez les animaux d'élevage est interdit dans l'Union européenne depuis 2006, les pays tiers exportant des denrées à destination des États membres n'y étaient pas soumis. Désormais, de manière sans doute inédite, ces interdictions s'appliqueront également aux denrées importées : l'article 118 du règlement 2019/6 interdit désormais clairement l'utilisation de ces médicaments chez les animaux « pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement ». De même, certains antimicrobiens, dont l'usage est réservé à l'homme dans l'Union européenne, seront également interdits d'utilisation par les opérateurs des pays tiers exportant des animaux ou des produits d'origine animale à destination du continent. Se posera, comme d'habitude, la question des contrôles, seuls garants de l'effectivité de cette mesure.

Pour lutter contre une concurrence déloyale vis-à-vis de nos producteurs, renforcer la sécurité sanitaire pour les consommateurs et réduire l'empreinte environnementale de notre alimentation en n'acceptant que les denrées importées respectant les normes requises dans l'Union européenne, la première priorité doit être d'augmenter le nombre et l'intensité des contrôles douaniers.

Le rapport sénatorial intitulé Graines de sésame : nouvel exemple de la naïveté des autorités au sujet des importations de denrées alimentaires 56 ( * ) a démontré, lors d'une enquête flash sur les anomalies constatées depuis fin 2020 sur plusieurs graines et produits séchés venus du monde entier, que les plans de contrôles aléatoires étaient trop rares et que, même quand ils avaient lieu, ils ne pouvaient garantir une stricte équivalence dans la mesure où ils ne contrôlent, au maximum, qu'un tiers des substances actives effectivement interdites dans l'Union européenne. Cette situation résulte, avant tout, du manque de moyens accordés aux autorités de contrôles.

À défaut d'une remobilisation de l'ensemble des acteurs en la matière, les importations ne respectant pas les normes imposées aux agriculteurs français bénéficieront d'un avantage comparatif déloyal qui ne fera qu'accroître, tendanciellement, la part des denrées non locales dans la consommation française.

C'est pourquoi une mobilisation de tous les échelons doit avoir lieu sur ce sujet des importations déloyales.

Proposition n° 16 (État) : à l'échelle de l'Union européenne, faire de la lutte contre les importations alimentaires déloyales pour le producteur et potentiellement dangereuses pour le consommateur une priorité de la présidence française de l'Union européenne en promouvant :

- la mise en place d'une task force européenne sur la sécurité alimentaire permettant des interventions harmonisées en la matière au niveau européen (du type DGCCRF européenne) ;

- le renforcement des contrôles des organismes certificateurs dans les pays tiers, sur tous les produits agricoles, conventionnels ou issus de l'agriculture biologique ;

- la mise en place de clauses miroirs et environnementales lors de la signature d'accords internationaux, en révisant le CETA et en refusant en l'état toute reprise des négociations sur le traité d'échanges avec le Mercosur ;

- la définition obligatoire, lors d'une négociation, d'une enveloppe globale de concessions pour chaque produit sensible en fonction de la capacité d'absorption du marché intérieur, avec la segmentation la plus fine possible des produits sensibles.

Proposition n° 17 (État) : au niveau national, engager tous les moyens d'ores et déjà à la main du Gouvernement pour lutter efficacement contre les importations déloyales en :

- renforçant substantiellement les moyens humains et financiers de la DGCCRF, la DGDDI et de la DGAL pour contrôler les produits conventionnels ou issus de l'agriculture biologique importés qui ne respecteraient pas nos normes sanitaires et de qualité ;

- interdisant, s'il était avéré que les normes requises dans l'Union européenne n'étaient pas respectées et que cela posait un danger, l'importation de denrées alimentaires en activant l'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime ;

- mettant en place un Observatoire de la souveraineté alimentaire.

2. Intensifier et concrétiser notre stratégie de lutte contre la déforestation importée (SNDI)

Les chiffres sont alarmants : selon le rapport de l'organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) de 2015, les forêts ont vu leur superficie diminuer de 129 millions d'hectares entre 1990 et 2015 . La disparition des forêts, puits de carbone et d'eau, a également une influence directe sur les conditions de subsistance de 1,6 milliard d'êtres humains , dont 60 millions de membres de communautés autochtones. En outre, la déforestation contribuerait à environ 11 % des émissions de GES mondiales et, malgré un ralentissement du rythme de déforestation, une perte nette annuelle de 7 millions d'hectares de superficie a été observée entre 2000 et 2010, pour un gain net de superficies de terres agricoles de 6 millions d'hectares par an 57 ( * ) . Enfin, la déforestation conduit à la disparition d'espèces et de milieux naturels , qui contribue à l'apparition de zoonoses , maladies transmises aux êtres humains par des animaux.

Pour la France, une étude de 2019 58 ( * ) estimait les émissions liées à la déforestation importée dans notre pays à environ 12 MtCO2/an avec une méthode fondée sur les flux de matière et 27 MtCO2/an avec une méthode fondée sur les tables entrée-sortie multirégionales 59 ( * ) .

D'après les données fournies par l'Ademe, près de 50 % des importations traitées en France sont d'origine européenne (viande, légumes, sucre, tourteaux de colza, huiles de colza et d'olive) et plus de la moitié des fruits, dont les jus, viennent de pays extra-européens, tout comme l'essentiel des tourteaux de tournesol et la quasi-totalité des tourteaux et graines de soja, huile de palme, café, cacao, thé .

Source : Ademe.

Face à ces enjeux et à la montée des préoccupations sociétales, la France s'est dotée d'une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée le 14 novembre 2018 pour assurer des chaînes d'approvisionnement durables d'ici à 2030 s'agissant du soja, de l'huile de palme, du caco, de l'hévéa, du boeuf et de ses coproduits, du bois et de ses produits dérivés 60 ( * ) . L'atteinte aux forêts est particulièrement aiguë pour les productions agricoles en Amérique latine (élevage bovin, soja), en Asie du Sud-est (palmiers à huile) et en Afrique (cacao). Cette stratégie s'inscrit dans le prolongement des engagements pris par la France dans le cadre des déclarations d'Amsterdam et de New York. Selon le document présenté par le Gouvernement, les pays européens sont responsables de plus d'un tiers de la déforestation liée au commerce international de produits agricoles .

Cette stratégie, qui vise à inciter les entreprises à limiter voire à arrêter leurs importations de matières contribuant à la déforestation, repose en particulier sur :

- un plan protéines végétales national ;

- un dispositif d'alerte , via la mise en place d'une plateforme.

L'ambition est louable et les orientations définies positives mais la stratégie devra démontrer son efficacité par des résultats concrets. Il est prévu que des feuilles de route par pays ou région exportatrice soient produites par l'Agence française de développement (AFD) et que celle-ci consacre 60 millions d'euros à des projets de gestion durable, de prévention de la déforestation et de restauration des écosystèmes forestiers. Des certifications pourraient être développées dans le cadre d'un label « zéro déforestation » et des plans de filière élaborés. Toutefois, la logique d'action repose sur l'autorégulation et des engagements volontaires des entreprises , à ce jour tandis que les crédits de soutien à la recherche et d'accompagnement à la transition manquent. La commande publique est également mobilisée avec un objectif d'impact zéro sur la déforestation importée d'ici 2022. Par ailleurs, le Gouvernement s'est également engagé à réduire l'incorporation des productions de biocarburants à fort impact indirect sur la déforestation jusqu'à leur élimination complète en 2030 61 ( * ) .

En outre, le projet de loi « Climat et résilience » comporte désormais, avant son examen par le Sénat, quatre articles relatifs à la lutte contre la déforestation importée mais dont la portée apparaît limitée :

- l' article 64 prévoit de réviser l'article 59 quindecies du code des douanes afin d'assurer un partage des données sur la déforestation importée entre les services du ministère de la transition écologique et les douanes . En l'état actuel du droit, le secret professionnel auquel les douanes sont tenues par l'article 59 bis du code des douanes les empêche de transmettre les données d'importations françaises à d'autres services de l'administration. Ces données alimenteront le système de suivi des importations et le mécanisme d'alerte sur les risques, établi à partir d'un croisement entre les données douanières et les données satellitaires de suivi du couvert forestier dans les pays producteurs. Les entreprises important ou distribuant des matières premières visées par la SNDI recevront des alertes de la part du Gouvernement les informant sur leurs importations à risque et les encourageant à revoir leurs chaînes d'approvisionnement ;

- l' article 63 bis ajouté par les députés codifie la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée dans le code de l'environnement ;

- l' article 64 bis dont la portée normative est limitée, prévoit que l'État se donne pour objectif, à compter de 2022, de n'acheter que des produits n'ayant pas contribué à la déforestation importée ;

- l' article 64 ter , ajouté par les députés, prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en oeuvre d'une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée à destination des entreprises et des acheteurs publics.

Si des initiatives sont en cours d'élaboration à l'échelle de l'Union européenne, les rapporteurs considèrent toutefois qu'il est nécessaire pour la France, de renforcer dès à présent le cadre national de lutte contre l'importation de produits contribuant à la déforestation importée.

Au-delà de l' objectif de protection de l'environnement et de maîtrise de notre empreinte carbone nationale , le renforcement de la prévention de la déforestation importée doit permettre aux entreprises françaises de développer un avantage comparatif réel vis-à-vis des consommateurs , dans un contexte d'attention sociale accrue à l'éthique entrepreneuriale et par rapport à des entreprises étrangères qui ne respecteraient pas des standards élevés de protection de l'environnement.

Ainsi, le Royaume-Uni s'est engagé dans un processus législatif visant à interdire la déforestation importée illégale. Une consultation du public s'est tenue d'août à octobre 2020. Dans ce cadre, les entreprises pourraient être obligées d'indiquer d'où proviennent leurs produits tropicaux et être soumises à l' interdiction d'utiliser des produits récoltés illégalement dans leur pays d'origine .

Les initiatives en cours au sein de l'Union européenne (UE)

Un projet de règlement portant sur la réduction au minimum du risque de déforestation et de dégradation associées aux produits mis sur le marché de l'Union européenne devrait être présenté par la Commission européenne au second trimestre 2021.

Cette initiative complétera la stratégie forestière de l'UE post-2021, pour laquelle une consultation publique se tenait jusqu'au 19 avril 2021, et s'appuiera sur la stratégie européenne pour la biodiversité à l'horizon 2030.

Dans le cadre de la consultation lancée par l'UE, les autorités françaises ont :

- rappelé que la lutte contre la déforestation importée constitue une priorité de premier ordre pour la France ;

- souligné l'importance d'envisager un ensemble de mesures complémentaires les unes des autres, combinant actions volontaires et dispositions réglementaires contraignantes.

Les autorités françaises estiment ainsi indispensable de mettre en place une diligence raisonnée obligatoire des entreprises au niveau européen et d'intégrer un axe « déforestation et déforestation importée » dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), en articulation avec la future proposition législative sur le devoir de diligence prévue pour le deuxième trimestre 2021 et en cohérence avec la révision de la direction 2014/95/UE dite NFRD démarrée en 2020 et de ses lignes directrices ;

- estimé indispensable la définition d'un cadre commun pour la traçabilité des commodités concernées, via la mise en place d'une diligence raisonnée obligatoire de toutes les entreprises européennes et d'une interdiction de mise sur le marché de produits non conformes à des standards de légalité et de durabilité ;

- souligné l'importance de mettre en place une plateforme sur la lutte contre la déforestation importée accessible à l'ensemble des acteurs, conformément aux annonces de la Commission européenne d'octobre 2020, et d'accompagner cette plateforme d'un système d'alerte précoce pour les entreprises grâce au partage européen de données douanières ;

- soutenu l'objectif de définir un plan protéique européen, visant à développer la culture des protéagineux et des légumineuses fourragères et ainsi à réduire les importations de protéines végétales dont la production à la déforestation.

Source : Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Pour les rapporteurs, les exigences définies pourraient s'appliquer, dans un premier temps, à près de 300 grandes entreprises selon le recensement réalisé par l'Insee au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique, en application de l'article 51 de la loi de modernisation de l'économie 62 ( * ) . À terme, le dispositif pourrait être étendu à toute entreprise qui recourt à des importations de matières premières, de biens et produits finis en provenance de pays sensibles identifiés par décret, présentant un risque important de déforestation.

Proposition n° 18 (État) : renforcer concrètement notre stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en :

- créant, dès que possible en obtenant les informations nécessaires, un indicateur spécifique aux émissions associées à la déforestation importée dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ;

- imposant aux entreprises assujetties à la loi sur le devoir de vigilance de 2017 de développer obligatoirement, à peine de sanctions proportionnées, un plan d'actions spécifique contre la déforestation importée d'ici 2023 , qui feraient l'objet d'une certification obligatoire par le MTES à compter de l'année 2025 ;

- clarifiant par la même occasion le champ d'application de cette loi conformément aux préconisations d'un récent rapport du Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies et en prévoyant que la liste des entreprises concernées par l'obligation de réaliser un plan de lutte contre la déforestation est établie par arrêté ministériel conjoint du ministre chargé de l'environnement et du ministre chargé de l'économie ;

- envisageant d'interdire totalement l'utilisation de produits récoltés illégalement dans leurs pays d'origine , sur le modèle de l'initiative en cours au Royaume-Uni ;

- envisageant d'interdire la publicité sur les produits contribuant à la déforestation importée , dont la liste serait définie par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et de l'économie.

3. Rapprocher l'agriculture du quotidien des Français : soutenir la demande en produits agricoles à forte valeur environnementale, accessibles à tous et lutter contre le gaspillage alimentaire et la pollution plastique
a) Concrétiser l'idée d'un « chèque alimentation » pour reconquérir notre marché agricole intérieur

La crise de la Covid-19 a démontré que la question de la précarité alimentaire était un défi à relever. À cet égard, dans le cadre de l'aide alimentaire, financée par des fonds européens et nationaux, les associations caritatives habilitées réalisent un travail essentiel permettant de garantir un accès à une nourriture en quantité suffisante aux personnes les plus précaires.

Les rapporteurs relèvent, du reste, que pendant la crise sanitaire, l'État a financé des chèques services pour les personnes sans domicile destinés à l'achat de produits alimentaires, pour un montant de 15 millions d'euros. Ces chèques, affectés par les préfets à des associations chargées d'en assurer la distribution, ont permis de donner 7 € par jour à 60 000 personnes. Même si certaines difficultés ont pu être constatées par des opérateurs (nombre limité de chèques distribués, refus de certains commerces alimentaires de les accepter), cette action a permis d'apporter un soutien significatif aux plus démunis.

L'allongement des files d'attente dans les points de distribution, notamment par certains étudiants, durant les périodes de confinement, rappelle que la lutte contre la précarité alimentaire est un combat qui se poursuit et pourrait, à mesure que les effets économiques de la Covid-19 se feront ressentir, devenir de plus en plus prégnante.

D'autant que cette question de la précarité alimentaire doit s'appréhender par le biais de la question de la qualité des aliments , et non de la seule quantité : en effet, de nombreux ménages n'ont pas accès aujourd'hui à des produits de qualité compte tenu de leur prix.

C'est pourquoi l'idée d'un chèque alimentaire a refait surface récemment dans le débat public et, lors de sa rencontre avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) le 14 décembre dernier, le Président de la République l'avait approuvée , en le ciblant à destination des plus pauvres. Dans l'esprit de la CCC, ce chèque devait être financé par une taxe sur les produits ultratransformés.

Récemment, plusieurs initiatives législatives ont d'ailleurs commencé à envisager les contours de cet éventuel chèque alimentaire 63 ( * ) et l'article 60 bis du projet de loi « climat et résilience » comporte une demande de rapport à ce sujet.

Les rapporteurs soutiennent cette initiative dans ses objectifs , à savoir renforcer le pouvoir d'achat des Français, valoriser notre marché agricole intérieur, orienter la demande vers des produits de qualité, mais ses modalités de mise en oeuvre doivent encore être précisées, tant cette réforme a un potentiel structurel .

Le chèque alimentation durable tel qu'évoqué dans les débats actuels, devraient avoir une vocation plus globale que la solidarité et inclure une double dimension socio-économique et environnementale. Il devra également constituer un « plus net » pour les bénéficiaires, par rapport à d'éventuelles d'autres aides perçues.

Le plus souvent, les personnes les plus démunies orientent leurs achats vers les produits les moins chers, ayant un fort contenu de produits importés, au détriment de leur empreinte environnementale.

Malgré son surcoût pour les finances publiques, le chèque alimentaire, en aidant les personnes les plus exposées à de la nourriture importée ou ultratransformée à s'alimenter avec des produits de meilleure qualité, revient à améliorer le bilan environnemental en limitant le poids des produits alimentaires importés tout en augmentant la fiabilité du respect aux normes de production requises en France et tout en soutenant économiquement par un surcoût de demande les filières agricoles de qualité qui pourraient ainsi augmenter leurs investissements pour réduire leur empreinte environnementale en faisant évoluer encore leurs pratiques.

Il est de nature à reconstruire un lien fort entre le consommateur et les producteurs agricoles et industriels , en valorisant certains produits locaux.

Il doit, en outre, servir d'aiguilleur alimentaire à des populations qui pourraient avoir une dépendance accrue aux produits ultratransformés, en les amenant à cuisiner davantage, notamment en privilégiant les acquisitions de produits bruts et de qualité.

Enfin, sa réussite est conditionnée, en tout état de cause, au fait que ce chèque alimentaire ne vienne pas favoriser des produits importés dont le bilan qualitatif est à relativiser et qui accroîtrait l'empreinte environnementale de notre alimentation.

Proposition n° 19 (acteurs publics, privés) : déployer dès 2022 un « chèque alimentaire » dont les contours devront permettre de lutter contre la précarité alimentaire, en quantité, mais aussi, en complémentarité avec le travail des associations caritatives dans le cadre de l'aide alimentaire, pour les produits de qualité, afin de permettre de soutenir la demande nationale en produits de qualité et, partant, de reconquérir des parts de marché sur notre marché agricole intérieur.

b) Deux priorités à maintenir : renforcer la lutte contre la précarité alimentaire et tendre vers le « 0 gaspillage alimentaire »

L'alimentation « durable » renvoie également à des questions éthiques et économiques sensibles qui s'incarnent dans deux sujets persistants mais bien distincts : la lutte contre la précarité alimentaire 64 ( * ) et le gaspillage alimentaire .

Toutefois, si ces sujets sont distincts, l'importance qu'ils ont prise ces dernières années indique avant tout une montée en puissance de la dimension politique de l'alimentation , soutenue par le concept de « droit à l'alimentation » consacrée au plus haut niveau de l'ordonnancement juridique international 65 ( * ) , et par la responsabilité individuelle face au gaspillage alimentaire.

Là encore, malgré les nombreuses et indéniables avancées 66 ( * ) ( voir encadré ) , les chiffres demeurent choquants et alarmants :

- sur le front de la précarité alimentaire , le nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire 67 ( * ) a doublé en 10 ans et continue d'augmenter. En 2017, la France comptait près de 9 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté, 68 ( * ) dont 5 millions en dessous de 867 euros par mois 69 ( * ) . D'ailleurs, le Gouvernement avait mis en place un plan d'urgence pour l'aide alimentaire en avril 2020 pendant le premier confinement, afin d'aider les foyers les plus précaires, pour un montant total de 39 M€ (dont 25 M€ de soutien aux associations et 14 M€ pour un dispositif comparable aux chèques services). En outre, 25 % des personnes interrogées dans le cadre du Baromètre de la pauvreté 2019 réalisé par IPSOS pour le Secours Populaire Français déclarent rencontrer des difficultés pour se procurer une alimentation saine permettant de faire 3 repas par jour 70 ( * ) ;

- sur le front du gaspillage alimentaire , environ un tiers de la production alimentaire mondiale (soit 1,3 Md t) destinée à la consommation humaine dans le monde est perdue ou gaspillée , le même ordre de grandeur se retrouvant à l'échelle de l'Union européenne (88 Mt, soit un tiers de la production, soit 173 kg par an et par personne). Ils le sont également pour chaque étape de la chaîne alimentaire, comme l'illustre le schéma ci-dessous ;

- sur le front économique , si les politiques de lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaires constituent une modalité d'écoulement de la production agricole, le gaspillage alimentaire représente 16 Mds € d'euros de valeur théorique en France ;

- enfin, sur le front environnemental , selon les calculs de l'Ademe 71 ( * ) , le gaspillage alimentaire représenterait toujours 10 millions de tonnes en volume par an (150 kg par an et par personne), associées à 15,3 MteqCO2 en termes d'émissions de GES.

Source : Ademe.

Les grandes étapes législatives de la lutte contre le gaspillage alimentaire 72 ( * )

Loi n° 2016?138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire

- Cette loi a instauré une règle de hiérarchisation des actions de lutte contre le gaspillage, qui doivent suivre l'ordre de priorité suivant :

1° la prévention du gaspillage alimentaire ;

2° l'utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ;

3° la valorisation destinée à l'alimentation animale ;

4° l'utilisation à des fins de compost pour l'agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation ;

- elle a interdit les pratiques consistant à rendre impropres à la consommation des produits alimentaires invendus bien qu'encore consommables ;

- elle a introduit un cadre pour développer le don alimentaire aux associations, en obligeant les commerces de détail d'une surface supérieure à 400 mètres carrés (m2) à mettre en place une convention de don avec une association, s'inscrivant dans le prolongement de la déduction fiscale applicable au don alimentaire prévu à l'article 238 bis du code général des impôts ([7]) ;

- elle a intégré les préoccupations en matière de gaspillage alimentaire dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ([8]) ;

- enfin, elle a inscrit la question de l'éducation au gaspillage alimentaire à l'école primaire.

Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, « EGALIM »

Cette loi a apporté des précisions concernant la qualité des dons prévus à l'article L. 541-15?6 du code de l'environnement, dont les modalités ont été fixées par un décret du 11 avril 2019, qui prévoit notamment la mise en place de « plan de gestion de la qualité du don de denrées alimentaires ».

Elle a également apporté un complément à l'obligation d'information et d'éducation au gaspillage alimentaire, afin que celle-ci ait lieu non plus seulement à l'école primaire, mais également au collège et au lycée. La loi a également prévu que les projets alimentaires territoriaux (PAT) comprennent expressément des volets de lutte contre le gaspillage alimentaire et contre la précarité alimentaire.

Enfin, elle comporte des dispositions visant à rendre obligatoire, à partir de juillet 2021, les « gourmets bag », dans des conditions qui sont précisées à l'article L. 541-15-7 du code de l'environnement.

Ordonnance n° 2019-1069 du 21 octobre 2019 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, prise en application de la loi EGALIM,

Cette ordonnance a étendu les dispositions de la loi de 2016 aux secteurs de la restauration collective et l'agroalimentaire, avec notamment :

- l'extension à l'ensemble des opérateurs de la restauration collective et de l'industrie agroalimentaire de l'interdiction dite de « javellisation » ;

- l'extension aux opérateurs de la restauration collective, préparant plus de 3 000 repas par jour et à ceux de l'industrie agroalimentaire réalisant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 50 millions d'euros, de l'obligation de mettre en place une convention de don ;

- l'extension à l'ensemble des opérateurs de la restauration collective privée de l'obligation de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, avec notamment la mise en place d'un diagnostic, déjà imposée à la restauration collective publique. Cette mesure est entrée en vigueur depuis le 21 octobre 2020.

Loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi AGEC »

Cette loi a :

- précisé l'objectif national en France de réduire le gaspillage alimentaire, d'ici 2025, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d'ici 2030, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale ;

- introduit une définition légale du gaspillage alimentaire ;

- durci les sanctions applicables en cas de « javellisation », en prévoyant que celles-ci peuvent aller jusqu'à 0,1 % du chiffre d'affaires ainsi que les sanctions applicables en cas de non-respect des règles relatives à la convention de don. Sur ce dernier point, la sanction encourue est désormais une contravention de 5ème classe (1 500 euros et jusqu'à 3 000 euros en cas de récidive), contre une contravention de 3ème classe auparavant (de 68 euros, pouvant être minorée à 45 euros ou majorée à 180 euros en fonction du délai de paiement) ;

- soumis les opérateurs de commerce de gros alimentaire dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à cinquante millions d'euros aux obligations de signer une convention de don, complétant l'élargissement du dispositif réalisé par l'ordonnance du 21 octobre 2019 ;

- étendu l'obligation de diagnostic anti-gaspillage aux industries agroalimentaires, qui concerne désormais à la fois les opérateurs de la restauration collective et les opérateurs de l'industrie agroalimentaire) ;

- procédé à la création du label « anti gaspillage », là aussi en pleine cohérence avec les préconisations du rapport d'évaluation de la loi de 2016 ;

-  introduit plusieurs dispositions visant à favoriser la vente en vrac dans le code de la consommation.

Les rapporteurs saluent ces avancées, qui complètent utilement les initiatives foisonnantes sur le terrain mais considèrent qu'elles doivent encore être prolongées .

L'examen de la proposition de loi du député Guillaume Garot pourrait en être l'occasion, de même que l'examen du projet de loi « climat et résilience » , qui comporte un article (59 quater ) visant à mettre en place une expérimentation de réservation de repas afin de lutter contre le gaspillage alimentaire dans les services de restauration collective dont les collectivités territoriales ont la charge 73 ( * ) . En tout état de cause, les deux commissions considèrent que le projet de loi « climat et résilience » manque cruellement d'ambition sur ce volet.

Proposition n° 20 (acteurs publics, privés) : poursuivre le renforcement de la lutte contre le gaspillage alimentaire par des expérimentations et par une évolution maîtrisée de notre cadre législatif.

Un autre sujet pourrait être creusé dans le cadre de l'examen de prochains textes : la réduction des emballages alimentaires, problématique que la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi AGEC, aborde de manière ambitieuse.

L'article 77 de la loi AGEC , modifiant l'article L. 541-15-10 du code de l'environnement, introduit un certain nombre d'obligations en matière de déchets du secteur de la restauration. Il prévoit ainsi :

• à compter du 1 er janvier 2021 , l'interdiction du polystyrène expansé destinés à la consommation sur place ou nomade ;

au plus tard en 2022 , l'élaboration de gammes d'emballages réemployables standards dans le cadre des filières responsabilité élargie du producteur (REP) portant sur les emballages ménagers, les emballages des cafés, hôtels, restaurants, et les emballages industriels et commerciaux ;

• à compter du 1 er janvier 2023 , l'obligation pour les établissements de restauration de servir les repas et boissons consommés dans l'enceinte de l'établissement dans des gobelets, y compris leurs moyens de fermeture et couvercles, des assiettes et des récipients réemployables ainsi qu'avec des couverts réemployables.

L'article L. 541-15-10 , modifié par l'article 77 précité, prévoit certes qu'à compter du 1 er janvier 2022, les gobelets, les couverts, les assiettes et les récipients utilisés dans le cadre d'un service de portage quotidien de repas à domicile soient réemployables et fassent l'objet d'une collecte. Le périmètre de l'obligation, pourtant circonscrit, n'intègre cependant pas la livraison ponctuelle par les plateformes (Deliveroo, Uber Eats...) de plus en plus plébiscitées par les Français.

Si ces dispositions semblent à même d'accompagner la réduction des déchets d'emballages, la loi AGEC comporte un certain nombre d'angles morts, mis en lumière par la pandémie de covid-19.

En particulier, le recours sans précédent à la vente à emporter dans la restauration a consacré un retour du « tout jetable » allant à l'encontre des efforts par ailleurs consentis pour réduire nos déchets d'emballages. Un complément à la loi AGEC semble donc devoir être apporté pour combattre ce fléau environnemental, particulièrement coûteux pour le service public de gestion des déchets.

Les rapporteurs travailleront donc en lien avec les rapporteurs désignés par les deux commissions pour l'examen du projet de loi « climat et résilience » afin d'envisager l'intégration de mesures au volet « économie circulaire ».

Proposition n° 21 (acteurs publics, privés) : limiter l'impact environnemental des emballages dans la restauration en envisageant de mettre en place les mesures suivantes :

- dans la restauration collective publique et privée, les opérateurs sont tenus de proposer au consommateur final les repas dans un contenant réutilisable ou fait avec des matières tracées, biosourcées et recyclables à compter de 2025, pour les repas à emporter ;

- étendre les obligations prévues aux articles L. 120-2 du code de la consommation à tous les services de restauration collective publique et privée à compter de 2027 ;

- expérimenter, dans la perspective d'une généralisation, l'obligation de proposer un contenant réutilisable et consigné pour les produits alimentaires consommés depuis les plateformes de vente à emporter.

4. Renforcer les incitations à limiter l'empreinte environnementale de l'amont agricole, sans laisser les agriculteurs dans des impasses techniques

La réduction de l'empreinte environnementale de l'agriculture est évidemment essentielle car c'est l'amont agricole qui émet, comme dans toute filière productive, la majorité des émissions de gaz à effet de serre d'un aliment, comme le rappelle une étude récente de l'Ademe détaillée dans le II des annexes.

Il convient, avant tout, de rappeler que les agriculteurs n'utilisent pas des intrants par plaisir . Les intrants sont en général une des charges les plus importantes pour eux, et moins ils en utilisent, plus ils dégagent des revenus. Bien souvent, suivant les recommandations scientifiques qui leur sont fournies, les exploitants les utilisent pour assurer une protection minimale de leurs cultures, essentielle face au développement de nouveaux ravageurs dans un contexte où les plantes développent des résistances rendant plus difficile leur protection.

Cela ne les a pas empêchés, comme cela a été évoqué supra, pour les exploitants et la recherche de modifier leurs pratiques depuis des années, réduisant à long terme leur utilisation d'intrants.

Bien entendu, la transition déjà en cours depuis de nombreuses années doit se poursuivre et s'accélérer , dans le respect d'un équilibre économique assurant la durabilité des exploitations agricoles.

Les politiques publiques trop prohibitives ou fiscalement punitives comportent certaines faiblesses en la matière.

D'un côté, une interdiction générale de l'utilisation d'un type d'intrant se traduit généralement, si elle n'est pas portée au niveau européen, par un avantage compétitif donné aux producteurs d'autres pays, favorisant alors l'importation de pratiques interdites en France. Le bilan environnemental d'une telle pratique est, comme évoqué supra, négatif . En outre, une interdiction doit être conditionnée à l'existence d'alternatives pour les agriculteurs : à défaut, le recours à d'autres substances autorisées avec des volumes bien plus importants est possible, ce qui, encore une fois, n'atteint pas le bilan environnemental escompté.

D'un autre côté, une fiscalité punitive imposée au seul niveau national sur certains intrants, fertilisants comme produits phytosanitaires, induit le même phénomène d'éviction par les importations. En outre, si le raisonnement repose sur une logique d'offre et de demande implacable, à savoir qu'une hausse des prix des intrants va engendrer une baisse de leur utilisation, il est en réalité erroné en ce qu'il met de côté l'élasticité prix de ces usages : à défaut d'alternatives, la grande majorité des agriculteurs continueront à utiliser ces produits pour garantir une protection minimale de leurs plantes, ce qui n'aura donc aucun effet sur l'environnement tout en ayant un impact très important sur le revenu agricole.

La solution la plus efficace entre ces deux logiques est celle d'une écologie du progrès, incitative et menée au niveau européen.

Pour ce faire, la recherche doit jouer un rôle majeur afin de faciliter les transitions en proposant des solutions agronomiques, mécaniques, chimiques, culturales pour réduire la dépendance aux intrants. Les moyens des instituts techniques comme des instituts de recherche doivent être mobilisés à plein pour atteindre cet objectif.

Les fruits de cette recherche agronomique doivent être au coeur de la mission de l'enseignement agricole , chargé de former des exploitants agricoles ayant une connaissance du fonctionnement de leurs sols et de leurs élevages afin d'imaginer des exploitations plus économes.

En parallèle, dès qu'il est démontré par un consensus scientifique d'agences sanitaires qu'une substance active présente un danger trop important pour l'homme ou la biodiversité, son interdiction doit être envisagée au seul niveau européen, pour éviter toute surtransposition créant des distorsions de concurrence.

Enfin, l'État doit jouer un rôle pour inciter les agriculteurs à réduire leurs utilisations en facilitant le recours à des solutions très concrètes qui existent d'ores et déjà et permettent une meilleure économie d'intrants.

Une nouvelle génération de pulvérisateurs , incluant des buses anti-dérives, permet déjà de réduire les quantités épandues de produits phytosanitaires de 30 %. Se développent en parallèle de nouvelles technologies basées sur l'existence de capteurs qui, par le biais d'algorithmes utilisant l'intelligence artificielle, permettent de réduire ces épandages jusqu'à 90 % par rapport à aujourd'hui.

Ces solutions sont très prometteuses en matière environnementale mais peinent à inonder le marché en raison de leur coût prohibitif.

C'est pourquoi la cellule Agriculture et Alimentation de suivi de la Covid-19 avait proposé, en ce sens, d'inclure dans le plan de relance un volet agricole visant, entre autres, à « réduire, par un mécanisme de suramortissement ou de crédit d'impôt, le coût des investissements réalisés par les agriculteurs afin de réduire leurs expositions aux risques climatiques ou sanitaires, d'améliorer la veille sur le bien-être et la santé des animaux, de renforcer leur compétitivité et de diminuer le recours aux produits phytopharmaceutiques 74 ( * ) ».

Le Gouvernement avait repris cette idée à son compte en mettant en oeuvre des primes à la conversion de pulvérisateurs dans le volet agricole de son plan de relance à hauteur de 215 millions d'euros.

Toutefois, dès le 27 janvier, le budget alloué à cette prime a été épuisé, plus de 15 000 dossiers ayant été déposés.

L'efficacité d'un tel mécanisme et son potentiel effet environnemental plaide pour sa pérennisation , à tout le moins pour un allongement de sa durée et du budget alloué, permettant d'avoir un impact environnemental très fort en matière d'émissions de gaz à effets de serre.

Proposition n° 22 : renforcer les incitations à limiter l'empreinte environnementale de l'amont agricole sans laisser les agriculteurs dans des impasses techniques :

- en poursuivant la recherche d'alternatives pour les intrants par le soutien à la recherche et à l'enseignement et la formation agricoles, afin de faire mieux avec moins ;

- en promouvant une écologie incitant les transitions par un meilleur accompagnement des agriculteurs et un soutien aux investissements éco-efficients, plutôt qu'une écologie reposant sur des interdictions ou une hausse de la fiscalité pour inciter au changement, dont l'efficacité environnementale n'est pas optimale ;

- en cas de dangers constatés par un consensus scientifique d'agences sanitaires, en promouvant une évolution des substances actives autorisées au seul niveau européen , après une étude d'impact rendue publique mesurant l'effet économique et environnemental induit par la mesure, et en prenant en compte l'éventuelle absence d'alternatives.

Proposition n° 23 : renouveler la prime à la conversion des agroéquipements afin de réduire l'utilisation d'intrants ou de renforcer la résilience au changement climatique et pérenniser le dispositif sur 10 ans ou en faire un suramortissement avec une conditionnalité liée à des pratiques plus économes en intrants ou renforçant la résilience au changement climatique.

Enfin, il convient de créer les conditions favorables à la conversion des produits promus par les consommateurs bénéficiant d'un label de certification environnementale ou d'un label pour les produits issus de l' agriculture biologique, les années de conversion entraînant un surcoût sans une valorisation temporaire des produits .

Enfin, il importe de veiller à ce que ces pratiques, qui engendrent un surcoût pour les agriculteurs, soient justement rémunérées. Cet aspect est essentiel pour la pérennisation du modèle, ce qui importe de préserver des conditions de marché favorables assurant une bonne adéquation entre offre et demande.

Proposition n° 24 : accompagner la conversion aux produits sous certification environnementale ou issus de l'agriculture biologique par un financement répondant aux besoins tout en veillant à la juste valorisation des prix de ces produits par une préservation de conditions de marché favorables assurant une bonne adéquation entre offre et demande.

Les circuits de proximité induisent certes une distance plus faible à parcourir entre le producteur et le consommateur mais les consommations d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas systématiquement plus faibles , d'une part car elles dépendent avant tout du type de production et d'autre part car, ramenées au kilogramme de produit transporté, ces consommations et émissions peuvent être plus élevées en proximité : l'Ademe rappelait ainsi que les émissions par kilomètre parcouru et par tonne transportée sont environ 10 fois plus faibles pour un poids lourd de 32 tonnes et 100 fois plus faibles pour un cargo transocéanique que pour une camionnette de moins de 3,5 tonnes 75 ( * ) .

Cela implique un travail d'optimisation de la logistique , en particulier pour le « dernier kilomètre » et, bien entendu, sur l'innovation en matière de motorisation.

5. Faire émerger une éducation alimentaire des citoyens
a) Poursuivre le renforcement de l'information et de l'éducation des citoyens à l'alimentation

La maîtrise de l'empreinte environnementale de notre alimentation passe d'abord par une réallocation de la production de protéines végétales en France, qu'il faudra amplifier au-delà du plan de relance, par un contrôle renforcé sur les produits alimentaires importés et par un travail de pédagogie, d'éducation et sur la différenciation de ces produits , pour le consommateur, au regard de l'ensemble des composantes de son empreinte carbone et nutritionnelle. Ce dernier point fait d'ailleurs partie des trois axes du programme national pour l'alimentation (PNA) 2019-2023 avec la justice sociale et la lutte contre le gaspillage alimentaire.

La situation actuelle se caractérise par une place croissante accordée aux produits ultratransformés dans notre alimentation et un essor de la consommation hors domicile en même temps qu'une montée des préoccupations sanitaires, éthiques, et territoriales . Aussi, la demande des consommateurs pour une alimentation durable et locale devrait induire une augmentation de la préférence pour les aliments de saison , locaux, labélisés et assurant une juste rémunération des producteurs ( voir encadré ). Elle devrait également soutenir le développement de l'offre de produits vendus en vrac et de nouveaux emballages.

Les nouvelles attentes des consommateurs

Sondage Harris Interactive pour l'association nationale des industries alimentaires (ANIA), septembre 2020

Ce sondage révèle en particulier :

- une volonté de « mieux manger » des citoyens, traduite par une attention portée à la composition des ingrédients et à leur impact sur la santé (43 % de réponses « en premier »), à la rémunération des agriculteurs/producteurs/éleveurs (25 % de réponses « en premier »), à la promotion des savoir-faire locaux (21 %), à l'empreinte carbone et à l'impact environnemental du transport du produit (11 %) ;

- que lors d'un achat alimentaire, les Français font leur choix en prêtant toujours particulièrement attention à l'absence de pesticides (47 %) et d' OGM (38 %), à la fabrication en France (42 %), à l'existence d'un label (31 %), à l'absence d' antibiotiques (30 %), à la liste des additifs alimentaires (26 %), aux informations nutritionnelles (21 %) et au caractère écoresponsable de l'emballage (17 %) ;

- l'absence de pesticides et d' antibiotiques , ainsi que la fabrication française, sont des critères particulièrement importants chez les 50 ans et plus , tandis que les jeunes prêtent plus souvent attention que les autres au label bio et à l'écoresponsabilité du produit ;

- le prix (30 % des réponses « en premier ») et surtout la qualité (64 % de réponses « en premier ») apparaissent toujours comme les éléments les plus importants pour les acheteurs, loin devant la quantité proposée (6 % des réponses « en premier » et 28 % des réponses totales) ;

- la fraîcheur des produits se démarque toujours comme le critère d'achat le plus partagé parmi les Français (59 %) mais l'origine (37 %), le respect de la saisonnalité (33 %) et la traçabilité (32 %) apparaissent également comme des éléments importants ;

- le critère de la fraîcheur est particulièrement important pour les 50 ans et plus, tandis que les moins de 35 ans se montrent davantage sensibles à la question du bien-être animal ;

- dans un contexte marqué par la crise sanitaire et ses conséquences, le sentiment d'information sur la politique agricole commune en France recule et 60 % des Français disent qu'ils ne sont pas informés ;

- les Français partagent un niveau de préoccupation élevé concernant les conditions de vie et de travail des agriculteurs (87 % des Français interrogés se disent préoccupés) ;

- les Français semblent majoritairement conscients (à plus de 80 %) des investissements des agriculteurs dans la modernisation, l'engagement envers les consommateurs et la production de produits bio et plus respectueux de l'environnement mais ils sont moins nombreux (entre 65 et 70 %) à estimer que les agriculteurs sont soutenus dans ces différents investissements ;

- depuis le premier confinement, les circuits de distribution privilégiés n'ont pas été bouleversés et l'hyper et le supermarché dominent toujours (91 % des répondants, pour au moins un produit acheté en septembre 2020 vs. 93 % en mars 2020) même si les magasins de proximité (67 % vs. 62 % en mars 2020) et le marché (54 % vs. 51 % en mars 2020) progressent. Il n'y a pas d'évolution significative pour les magasins d'alimentation bio, les sites de e-commerce ou les AMAP et sites de e-commerce de produits fermiers ;

- le marché et les AMAP sont identifiés par les consommateurs comme les circuits permettant une meilleure rémunération des producteurs, estimée à plus de 50 % du prix de vente par environ 30 % des Français ;

- le prix de vente apparaît toujours comme une donnée importante (95 % des répondants) voire essentielle (« très important » pour 54 % des répondants) pour plus de la moitié des Français lors de leurs achats alimentaires ;

- les distributeurs bénéficient d'une image relativement stable et près de deux tiers des Français estiment que ceux-ci sont de plus en plus engagés envers les agriculteurs ;

- les Français montrent un rapport à l'alimentation et à la cuisine qui peut être qualifié d'hédoniste car une nette majorité d'entre eux déclare prendre du plaisir à manger mais aussi à cuisiner. Près de 8 Français sur 10 souhaitent même cuisiner plus à l'avenir.

Toutefois, ces chiffres sont à prendre avec prudence car des écarts existeront toujours entre les comportements alimentaires déclarés , enregistrés par des enquêtes ou des sondages, et les comportements alimentaires réels 76 ( * ) . Des progrès méthodologiques et des analyses plus approfondies des comportements alimentaires doivent donc être réalisés pour améliorer la connaissance et la compréhension des comportements et des attentes des consommateurs et ainsi adapter la réponse publique dans le cadre de la politique alimentaire.

En outre, ce processus doit être accompagné et amplifié . À cet égard, le projet de loi « climat et résilience » comporte des éléments intéressants mais qui ne pourront être concrétisés qu'au prix d'une forte implication de l'ensemble des parties prenantes (ministère de l'éducation nationale, ministère de la transition écologique, ministère de l'Économie, acteurs économiques, citoyens).

L' article 2 , relatif à l'éducation au développement durable, fait ainsi référence à l'acquisition des « savoir-faire » qui permettront aux élèves de se préparer à l'exercice de leurs responsabilités de citoyen. Dès lors, des modules consacrés à l'éducation alimentaire (cycles de la production agricole, saisonnalité, cuisine, etc.) pourraient être inclus dans les programmes destinés aux élèves afin de les sensibiliser dès le plus âge.

Enfin, l' article 66 ter prévoit un dispositif d'information renforcée des consommateurs sur la saisonnalité des produits . Les magasins de vente au détail de plus de 400 mètres carrés commercialisant des denrées alimentaires devront ainsi mettre à la disposition des consommateurs, tout au long de l'année, par voie d'affichage une information claire et lisible relative à la saisonnalité des fruits et légumes frais proposés à la vente. Cette disposition ne saurait toutefois avoir pour effet de stigmatiser les filières sous serre, notamment biologiques.

Le développement de ce type d'initiatives devrait, pour les rapporteurs, être encore amplifié et soutenu. Il conviendra d'ailleurs d'évaluer la mise en oeuvre de l' expérimentation, prévue par l'article 26 de la loi EGALIM pour une durée de trois ans jusqu'au 30 octobre 2021, de l'affichage obligatoire de la nature des produits entrant dans la composition des menus en restauration collective dont les collectivités territoriales ont la charge. Les collectivités pourront ainsi mentionner le fournisseur des produits, les lieux de production et donner une information renforcée aux usagers sur les caractéristiques des produits proposés.

Les rapporteurs soutiennent l'orientation et l'esprit de ces mesures et jugent nécessaire de les prolonger concrètement et rapidement.

b) Un objectif à faire valoir au niveau européen : promouvoir les informations sur l'origine des produits

Enfin, la durabilité du modèle alimentaire dépend des préférences des consommateurs . À cet égard, si les attentes des citoyens sont claires, elles ne se traduisent pas, à ce stade, de la même manière dans les paniers des consommateurs : si la volonté des citoyens est clairement de privilégier des produits français, plus locaux, des produits sous signe de qualité ou issus de l'agriculture biologique , le consommateur, sans doute contraint par son pouvoir d'achat, ne traduit pas suffisamment ses préférences citoyennes dans son caddie.

Cela s'explique bien entendu par une question de pouvoir d'achat mais également par une insuffisante transparence sur l'origine des produits en restauration hors domicile et en grandes surfaces. Si les consommateurs ne peuvent connaître l'origine de leurs achats, il leur est impossible de réaliser des achats conformes à leurs attentes, et peuvent ainsi être trompés ou à tout le moins acquérir des denrées importées sans le savoir.

C'est pourquoi une révolution quasi-copernicienne des règles de l'étiquetage est à mener au niveau européen, la réglementation actuelle empêchant de promouvoir une telle information sur l'origine, la Commission européenne estimant la protection du marché unique plus importante. Ce postulat est une erreur stratégique majeure.

Dans l'état actuel de la réglementation européenne, les États membres ne peuvent donc pas imposer un étiquetage obligatoire de l'origine en dehors des cas prévus par le règlement INCO. Seules des démarches d'étiquetage volontaire sont possibles. Or, ces démarches ne sont pas si fréquentes.

Et toute imposition au niveau national peut être cassée, la récente affaire Lactalis sur l'affichage de l'origine du lait l'ayant encore démontré il y a quelques semaines. La France avait obtenu, en 2016, une expérimentation, reconduite depuis chaque année, sur l'étiquetage de l'origine du lait. Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne, interrogée par le Conseil d'État, a rappelé que cet étiquetage de l'origine ne pouvait être imposé par un État membre que si la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information, ce qui est bien sûr le cas, et s'il existe un lien avéré entre certaines propriétés d'une denrée alimentaire et son origine, ce qui est presque impossible à prouver en l'état des connaissances scientifiques, ou ce qui, à tout le moins, réduit considérablement le champ des possibles. Estimant que la France n'avait pas démontré un tel lien entre l'origine et les propriétés du lait français, le Conseil d'État a annulé le décret autorisant une telle expérimentation 77 ( * ) .

Pour faire évoluer cette situation, l'évolution du règlement INCO est un impératif que la France doit porter lors de sa présidence du Conseil de l'Union européenne.

Au-delà de la question de l'origine des aliments primaires, qu'il importe de réformer, l'existence d'un étiquetage plus clair sur les externalités environnementales des produits de consommation alimentaire permettrait de mieux informer le consommateur. Cet étiquetage pourrait être riche et, par exemple, mettre en avant les externalités environnementales induites par type d'élevage, afin de mettre en avant certaines pratiques. De même, il doit permettre de mettre en avant les éventuels produits à venir comme les viandes de synthèse, afin que le consommateur soit clairement informé de ces produits qui viennent radicalement s'opposer aux modes d'élevage traditionnels,

L'efficacité de ce dispositif repose sur l'élaboration d'une méthodologie fiable et incontestable, prenant en compte toute la complexité des questions posées, afin de ne pas saper la confiance des consommateurs en cet indicateur. L' article 1 er vise à concrétiser le projet d' affichage environnemental sur les biens et services proposés aux consommateurs sur le marché, qui mobilise les services de l'État, de l'Ademe et de nombreux secteurs économiques depuis le milieu des années 2000 et dont le processus a été relancé par les lois Grenelle I et II (2009-2010) 78 ( * ) et plus récemment par la loi AGEC (2020) 79 ( * ) . Cette disposition revêt une sensibilité particulière pour les produits agricoles.

Les rapporteurs attirent donc l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre finement en compte l'ensemble des externalités environnementales et sociales de la production et de la distribution des produits alimentaires mis sur le marché en France, afin de ne pas pénaliser nos produits nationaux par rapport à des produits étrangers de moindre qualité sanitaire et environnementale, voire ne respectant pas les exigences nationales et européennes mais, qui du fait de pratiques agricoles intensives , pourraient obtenir des scores environnementaux plus élevés. La confiance du consommateur et sa capacité à contribuer à la pérennité de notre modèle agricole doivent être garanties par une méthode scientifique robuste et un cahier des charges précis , qui permettront à la France de faire valoir ses intérêts en Europe lorsque cette mesure devra être généralisée dans l'ensemble des États membres.

Proposition n° 25 (État et ses opérateurs) : poursuivre le renforcement de l'information des citoyens sur les produits alimentaires en :

- développant, dès le plus jeune âge et à tous les âges de la vie, une éducation alimentaire et agricole ainsi qu'une information citoyenne en agissant sur plusieurs leviers complémentaires ;

- promouvant au niveau européen l'étiquetage de l'origine des produits par une modification du règlement INCO, afin de permettre un vrai affichage des produits origine France, voire des produits locaux ;

- prenant en compte l'ensemble des externalités environnementales positives et négatives des produits de consommation alimentaire au travers d'une méthodologie de calcul incontestable pour ne pas saper la confiance du consommateur.

ANNEXES

ANNEXE I - FOCUS SUR L'EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE DE L'AGRICULTURE

I. LE CADRE POSÉ PAR LA STRATÉGIE NATIONALE BAS CARBONE

La stratégie nationale bas carbone constitue la feuille de route française pour conduire la politique d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions soutenables sur le plan économique à moyen et long termes 80 ( * ) . Elle définit des plafonds nationaux d'émissions de gaz à effet de serre à court et moyen terme, dénommés « budgets carbone » 81 ( * ) , fixés par décret pour des périodes consécutives de cinq ans (à l'exception d'une première période de quatre ans).

Source : MTES.

Le secteur de l'agriculture représente le second poste d'émissions de GES en France, avec 19 % des émissions en 2018, soit 86 MtCO2eq en valeur absolue.

Source : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, rapport sur l'empreinte énergétique et carbone de l'alimentation en France, de la production à la consommation, janvier 2019.

Si le secteur agricole a des effets notables sur l'environnement et le climat , il est lui-même particulièrement exposé et vulnérable aux effets du dérèglement climatique (sécheresses 82 ( * ) , pathologies, contraintes sur la ressource en eau). En outre, il constitue également un outil de réduction des émissions de GES car les espaces entretenus en prairies favorisent le stockage de carbone (agroforesterie, restauration des sols, techniques sans labours, rotations de cultures, plantations de légumineuses) et le développement des énergies renouvelables constitue une opportunité à saisir (méthanisation de sous-produits agricoles, biomasse pour la production de chaleur, éoliennes).

Dans ce cadre, le Haut Conseil pour le climat , organisme indépendant chargé de donner des avis et d'émettre des recommandations sur la mise en oeuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, a été installé le 27 novembre 2018 par le Président de la République et par décret du 14 mai 2019 83 ( * ) . La loi énergie-climat de 2019 a codifié au sein du code de l'environnement les dispositions relatives à ses missions et sa composition 84 ( * ) .

II. RAPPORT ANNUEL JUIN 2019 - HAUT CONSEIL POUR LE CLIMAT, AGIR EN COHÉRENCE AVEC LES AMBITIONS

Dans son premier rapport annuel de sa création, le Haut Conseil pour le Climat souligne en préambule que « l'atteinte de la neutralité tous gaz nécessite des efforts dans l'ensemble des secteurs de l'économie pour assurer la réduction des émissions de CO2 et des autres GES ». En particulier, pour le HCC :

- « les émissions des secteurs non énergétiques doivent fortement diminuer, en particulier les émissions de CH4 et N20 issues de procédés industriels, de matériaux, de l'agriculture, ou encore des déchets » ;

- « les puits nets de carbone terrestres et côtiers doivent être développés et maintenus avec des objectifs précis pour préserver et augmenter le stockage de carbone dans la matière organique des sols, la gestion forestière et l'utilisation de produits bio-sourcés » ;

- « les technologies de capture, d'utilisation et de stockage géologique du CO2 doivent être développées pour compléter le stockage naturel par le secteur des terres ».

Les émissions du secteur agricole proviennent de l'élevage (48 %), des cultures (41 %) et des tracteurs , engins et chaudières agricoles (11 %). Elles sont avant tout liées à des processus biologiques :

- le CH 4 (45 % des émissions de GES de l'agriculture en CO2e) est émis par la fermentation entérique des ruminants et pour une moindre part par les déjections animales et leur gestion ;

- le N 2 O (43 % des émissions de GES de l'agriculture en CO2e) est principalement émis par les sols agricoles après fertilisation azotée minérale ou organique ;

- le CO 2 (12 %) provient de la consommation d'énergie (produits pétroliers et gaz naturel) des tracteurs et engins utilisés sur les exploitations agricoles, ainsi que des chaudières pour le chauffage des serres agricoles.

Le HCC relève en particulier que ces émissions ont diminué de 8 % entre 1990 et 2018 du fait d'une intensification des systèmes et pratiques de culture et d'élevage plus que d'un basculement vers des pratiques agro écologiques : « les émissions de CH 4 et N 2 O ont baissé du fait d'une diminution de la taille du cheptel bovin (moins d'animaux plus productifs) et des ventes d'azote minéral (rationalisation des épandages d'engrais azotés) . Les émissions de CO 2 liées à la consommation d'énergie ont quant à elles diminué du fait de l'incorporation d'une part croissante d'agro-carburants ».

Dans le détail, les émissions du secteur agricole sont « pratiquement stables sur la période 2015-2018 » (- 0,1 % par an) et en phase avec l'objectif de stabilité stipulé par la SNBC1 pour ce secteur. Le HCC anticipe une décroissance de 1,4 % par an d'ici 2025. Toutefois, en moyenne, sur la période du premier budget carbone, le HCC note que la baisse des émissions de CO2 provenant des engins et moteurs a été en partie compensée par une hausse des émissions de N2O liées aux cultures . Les émissions de méthane liées à l'élevage stagnent .

III. RAPPORT ANNUEL JUILLET 2020 - HAUT CONSEIL POUR LE CLIMAT REDRESSER LE CAP, RELANCER LA TRANSITION

Dans son rapport annuel 2020, le HCC indique que « l'agriculture n'est pas structurellement engagée vers la trajectoire bas-carbone ». La future PAC constitue un cadre propice pour améliorer la valorisation du stockage de carbone dans les sols, le développement d'une stratégie pour les protéines végétales, de pratiques agroécologiques pour l'élevage, et la modification de l'offre des produits alimentaires, qui permettraient d'engager le secteur sur la bonne trajectoire à l'horizon 2030. « Ces mesures comportent de nombreux co-bénéfices pour la biodiversité, la lutte contre la déforestation importée, la nutrition et la santé, l'emploi ou encore l'indépendance énergétique de la France ».

Source : HCC, 2020.

Le HCC relève en particulier deux mesures ayant un fort potentiel de réduction des émissions du secteur agricole :

- le plan protéine , hors déforestation importée, retient une estimation haute issue d'une revue de littérature récente 85 ( * ) qui évalue entre -0,5 Mt éqCO 2 et -1 Mt éqCO 2 le potentiel de réduction des émissions sur le territoire français dû à l'introduction de légumineuses.

- l'introduction de pratiques agroécologiques représente, d'après une étude de l'Inrae, un potentiel de 3,1 Mt éqCO 2 pour la modification de la ration des animaux et la valorisation des effluents pour produire de l'énergie et réduire la consommation d'énergies fossiles représente un potentiel de 11,1 Mt éqCO 2 .

Comparaison des émissions réalisées en 2018 avec 1990

Source : Haut Conseil pour le climat, juillet 2020.

IV. RAPPORT SUR LE PLAN DE RELANCE DÉCEMBRE 2020 -- HAUT CONSEIL POUR LE CLIMAT -- « FRANCE RELANCE » : QUELLE CONTRIBUTION À LA TRANSITION BAS-CARBONE

Dans ce rapport consacré au plan de relance, le HCC souligne que la moitié des financements « favorables » à l'atténuation porte sur la décarbonation des transports et des bâtiments et considère que l'agriculture et les forêts sont insuffisamment considérées : « la décarbonation de l'agriculture est la moins soutenue par le plan de relance, alors qu'il s'agit du deuxième secteur le plus émetteur en France ».

Seuls 0,16 Md€ sont qualifiés de favorables à l'atténuation sur 1 Md€ du plan de relance portant sur l'agriculture ( voir figure ci-dessous ) et se concentrent sur les pratiques favorisant le stockage de carbone au travers de l'agro-écologie mais pas sur les principaux postes d'émissions que sont les émissions de méthane dues à la fermentation entérique et celles d'azote dues à l'épandage d'engrais azotés.

Deux mesures soutiennent la réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture : le soutien à la plantation de haies (0,06 Md€) et l'indépendance protéinique (0,1 Md€). Pour le HCC, cette dernière mesure pourrait avoir un effet significatif sur la réduction de la déforestation importée, mais plus limité sur les émissions nationales.

Selon le HCC, ces financements contribuent principalement à deux des six orientations dénies par la SNBC pour réduire les émissions de l'agriculture : « stopper le déstockage de carbone des sols agricoles » et « influencer la demande dans les filières agro-alimentaires en lien avec le Programme national de l'alimentation et de la nutrition ». Il note toutefois qu'aucune mesure ne porte spécifiquement sur la réduction des émissions de N 2 O et de CH 4 , la réduction des émissions de CO 2 liées à la consommation d'énergie fossile, le renforcement de la valeur ajoutée du secteur agricole dans le développement de la production d'énergie décarbonée et la bio-économie, ou encore l'amélioration des méthodologies d'inventaires.

Pour le HCC, trois mesures agricoles du plan sont ambiguës, pour un montant de 0,8 Md€, car elles pourraient avoir un effet à la hausse ou à la baisse sur les émissions de GES nationales et l'empreinte carbone de l'alimentation des Français selon les conditions d'application et l'attention accordée aux risques d'effet rebond : le renouvellement des agroéquipements, qui porte un risque d'effet rebond, notamment sur les émissions de N 2 0 car l'accessibilité des matériels d'épandage risque d'augmenter l'utilisation d'engrais, et le soutien à la filière animale (modernisation, sécurité sanitaire et bien-être animal), ainsi que le soutien à l'agriculture biologique et à l'alimentation locale (sous-mesures de la mesure sur l'accélération de la transformation du secteur agricole).

Mesures du plan de relance dans le secteur de l'agriculture selon leur cotation atténuation

Source : Haut Conseil pour le Climat, 2020

ANNEXE II - FOCUS SUR L'EMPREINTE ÉNERGÉTIQUE ET CARBONE DE L'ALIMENTATION EN FRANCE -- SYNTHÈSE DES OBSERVATIONS DE L'ADEME

Dans un rapport de janvier 2019 consacré à l'empreinte énergétique et carbone de l'alimentation en France , de la production à la consommation, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) relève qu'au total, les émissions de gaz à effet de serre issues de l'alimentation des ménages en France s'élèveraient à 163 Mt eq.CO 2 , soit 24 % de l'empreinte carbone des ménages en France au regard de l'empreinte carbone totale évaluée par le SOeS de 671 MteqCO 2 pour l'année 2012 :

- la production agricole est le premier poste d'émission et compte pour environ 67 % de l'empreinte carbone totale de l'alimentation (CH 4 , N 2 O, CO 2 ) ;

- la transformation alimentaire représente 6 % des émissions de GES ;

- les transports sont le second secteur à l'origine des émissions totales de GES, pour environ 19 % ;

- la distribution et la restauration représentent 5 % des émissions ;

- et la consommation à domicile représente 4 % des émissions.

L'Ademe a conçu une méthode systémique 86 ( * ) d'évaluation de l'empreinte environnementale de l'alimentation qui croise les analyses de cycle de vie des produits alimentaires avec des paramètres complémentaires et des bilans d'approvisionnement par classe de produits permettant d'identifier les impacts environnementaux aux différentes étapes de production, de transport et de consommation et de détailler les flux sur l'ensemble de la chaîne de valeur, en intégrant le commerce international : « il s'agit d'évaluer les consommations d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre générées par notre alimentation à toutes les étapes “du champ à l'assiette”, que ce soit sur le territoire métropolitain ou contenues dans les importations. Les consommations d'énergie et émissions de GES pour la production de produits exportés sont exclues ».

Partant de ces constats, l'Ademe souligne que réduire la demande énergétique est la première étape incontournable dans les stratégies de réduction des émissions de GES (limitation des besoins ou mesures d'efficacité énergétique). Elle évoque également une évolution vers une alimentation moins carnée et la réduction du recours aux intrants azotés . Les potentiels de réduction d'émissions de GES sur l'aval du système alimentaire sont en revanche plus diffus.

Source : Ademe, 2019.

I. LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE

Un individu en France ingère chaque jour environ 2,4 kg d'aliments , dont la moitié d'aliments solides et la moitié de boissons. Parmi les aliments solides, on compte deux tiers de produits d'origine végétale (produits céréaliers, fruits et légumes) et un tiers de produits d'origine animale (lait, viande).

Source : Ademe, à partir des données INCA2, année 2008.

II. LA PRODUCTION AGRICOLE ET LA TRANSFORMATION DESTINÉES À LA CONSOMMATION INTÉRIEURE

La surface nécessaire à l'alimentation de la population française (26 Mha) est très légèrement inférieure à sa surface agricole (28 Mha). La consommation de viande et de lait mobilise plus de 80 % de la surface agricole. La moitié de la consommation d'énergie de l'agriculture est de l'énergie indirecte liée aux intrants et aux équipements. Le contenu carbone des produits agricoles exportés excède le contenu carbone des produits importés : ce solde positif est de 9 Mteq CO 2 soit environ 8 % des émissions de GES de l'agriculture française.

À l'exception des fruits, légumes et produits de la mer frais, l'essentiel des produits que nous consommons a subi une ou plusieurs étapes de transformation . La consommation d'énergie liée à la transformation des produits est du même ordre de grandeur (4,9 Mteq) que la consommation d'énergie de l'étape agricole. Par contre, les émissions de CO2 (9,1 MtCO 2 ) sont dix fois plus faibles du fait notamment de l'importance des émissions de CH 4 et N 2 0 de l'agriculture.

Source : Ademe, données Agreste.

III. LA DEMANDE DE TRANSPORT DE MARCHANDISES LIÉE À L'ALIMENTATION

L'alimentation des ménages en France générerait un trafic de 201 milliards d'euros de t. km par an. Si la majorité relève du transport maritime (57 %), les émissions à la tonne de ce mode de transport étant plus faibles que celles du transport routier, c'est bien le transport routier qui est à l'origine de l'essentiel des émissions du transport de produits alimentaires (18,4 MTCO2 soit 83 %).

Les aliments produits en France représentent 23 % du trafic seulement mais 47 % des émissions.

L'avion représente une très faible part de la demande de transport (0,5 %) mais son impact en termes d'émissions de CO 2 est significatif (1,1 MtCO 2 , soit 5 %).

Le transport des aliments pour animaux pèse pour un tiers du trafic total (en majorité des tourteaux) et 19 % des émissions de CO 2 . Les fruits et légumes représentent un quart du trafic total et 31 % des émissions, première catégorie en termes d'émissions liées au transport.

IV. LES DÉPLACEMENTS DES MÉNAGES POUR LEURS ACHATS ET LA RESTAURATION

Pour les achats alimentaires et la restauration hors domicile, 1 360 km/personne/an sont parcourus, induisant l'émission de 8,5 MtCO 2 par les ménages. De l'ordre d'un repas sur sept est pris hors domicile, soit 19 % des 1 360 km parcourus.

V. LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ALIMENTAIRES ET LA PRÉPARATION DES REPAS AU DOMICILE ET EN RESTAURATION HORS DOMICILE

Les émissions du résidentiel-tertiaire relative à l'alimentation sont de 11 MtCO 2 , elles proviennent pour moitié du tertiaire et pour moitié du domicile des ménages. La consommation d'énergie des petits établissements dédiés à l'alimentation (restaurants, petits commerces, cafés, traiteurs) est similaire à celle de la grande distribution et du commerce de gros, de l'ordre de 20 TWh chacun. Cependant, les émissions des petits établissements d'enseignement sont plus élevées en raison de l'importance de la fonction cuisson et de l'usage du gaz.

La restauration collective dans les établissements d'enseignement, les hôpitaux et les maisons de retraites pèse pour 13 % des émissions du tertiaire. Un repas hors domicile émettrait près de deux fois plus d'émissions qu'un repas au domicile.

ANNEXE III - FOCUS SUR LA STRATÉGIE DE LA FERME À LA FOURCHETTE

Dans le cadre du Pacte Vert pour l'Europe, présenté le 11 décembre 2019 par la Commission européenne, une stratégie spécifique à la transition agroécologique a été définie, baptisée « De la ferme à la fourchette » et a été présentée le 20 mai 2020. Elle vise à « concilier notre système alimentaire et les besoins de la planète et répondre positivement aux aspirations des Européens à une alimentation saine, équitable et respectueuse de l'environnement ».

Son ambition est de bâtir une filière alimentaire qui convienne aux consommateurs, aux producteurs, au climat et à l'environnement et permettant d'assurer une production alimentaire durable et la sécurité alimentaire, de promouvoir des pratiques durables en matière de transformation des denrées alimentaires, de commerce de gros, de commerce de détail d'hôtellerie et de services de restauration, de promouvoir une consommation alimentaire durable et faciliter l'adoption de régimes alimentaires sains et durables, de réduire les pertes et le gaspillage alimentaires et de combattre la fraude alimentaire tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire.

Selon la Commission européenne, dans le budget de l'UE pour la période 2021-2027, 40 % du budget de la PAC et 30 % du Fonds pour les affaires maritimes et la pêche devraient être consacrés à l'action pour le climat .

L' atteinte des objectifs affichés est conditionnée à la définition d'un corpus de mesures juridiques et financières , qui mobiliseront les institutions européennes au moins jusqu'en 2023 87 ( * ) notamment avec une proposition de cadre législatif pour des systèmes alimentaires durables. Ainsi, la stratégie présentée vise à :

- réduire de 50 % l'utilisation et les risques des pesticides chimiques d'ici à 2030 ;

- réduire de 50 % l'utilisation de pesticides plus dangereux d'ici à 2030 ;

- diminuer d'au moins 50 % les pertes de nutriments sans détérioration de la fertilité des sols ;

- diminuer le recours aux engrais d'au moins 20 % d'ici à 2030 ;

- réduire de 50 % les ventes d'antimicrobiens destinés aux animaux d'élevage et à l'aquaculture d'ici à 2030 ;

- porter la part de l'agriculture biologique dans la superficie agricole totale à 25 à terme dans l'UE.

En mars dernier, le commissaire à l'Agriculture Janusz Wojciechowski avait indiqué qu'une étude d'impact était en cours de préparation et que certains effets négatifs de court terme pourraient être contrebalancés et compensés.

Toutefois, les deux commissions soulignent la nécessité d'une évaluation préalable fine des impacts de cette stratégie et de chaque texte qui sera prise pour son application, sur un ensemble de paramètres garantissant tant son réalisme dans le calendrier proposé que son acceptabilité sociale et économique (revenus des agriculteurs, production, emplois).

EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 19 mai 2021

M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. -- Chers collègues, l'ordre du jour de nos deux commissions appelle l'examen du rapport de notre groupe de travail commun intitulé « Alimentation durable et locale », piloté par six sénateurs de nos deux commissions : Frédéric Marchand, Laurent Duplomb, Kristina Pluchet, Anne-Catherine Loisier, Daniel Gremillet et Hervé Gillé.

Pour mémoire, notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait mis en place le 22 avril 2020, dans le contexte du premier confinement lié à l'épidémie de Covid, un groupe de travail sur l'alimentation durable et locale en lien avec les enjeux écologiques et d'aménagement du territoire. Ce groupe était initialement animé par Frédéric Marchand et notre ancienne collègue Nelly Tocqueville. Le 15 juillet, nous avons entériné la prorogation de ce groupe de travail, avec une reprise des travaux à l'automne. Le 21 octobre, la composition du groupe de travail a été mise à jour à la suite du renouvellement sénatorial. Trois sénateurs ont été désignés pour notre commission : Frédéric Marchand, Kristina Pluchet et Hervé Gillé. En outre, il a été acté un élargissement de ce groupe rendu commun avec la commission des affaires économiques compétente pour le secteur agricole et de l'alimentation. Le 9 novembre, nos trois collègues de la commission des affaires économiques ont été désignés : Anne-Catherine Loisier, Laurent Duplomb et Daniel Gremillet.

Nous entendrons les rapporteurs pour la présentation de leur travail et de leurs propositions qui pourront trouver une traduction législative concrète dans le cadre de l'examen des prochains projets de textes au Sénat : je pense en particulier au projet de loi Climat et résilience et au projet de loi 4 D.

Je souhaitais au préalable souligner combien il me semble intéressant, pour nos deux commissions, de travailler ensemble et de mettre en commun nos expertises. Depuis une vingtaine d'années, l'alimentation est revenue au coeur des débats politiques, économiques, sociaux, environnementaux et culturels et la crise sanitaire a éclairé d'un nouveau jour les liens entre alimentation, santé, environnement et souveraineté. Face à des enjeux si transversaux, mobiliser toutes les bonnes expertises et toutes les bonnes volontés me semble plus que jamais nécessaire.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . -- L'agriculture et l'alimentation sont des sujets très souvent débattus, avec beaucoup d'engagements, au Sénat. Les multiples initiatives législatives, les rapports de contrôle pilotés par des groupes de travail communs entre commissions, les rapports de délégations ou ceux des missions d'information issues d'un droit de tirage et les débats en séance nous permettent de faire entendre nos voix auprès du Gouvernement, des Français et de ce secteur économique extrêmement important pour notre pays.

Notre originalité réside dans le fait d'arracher du consensus transpartisan pour une vision qui nous semble équilibrée, mais néanmoins volontariste et exigeante, à la fois sur nos modèles agricoles et nos modèles alimentaires. Dans cette perspective, les rapporteurs de nos deux commissions ont travaillé. Il existe sans doute quelques légers désaccords entre nous sur certains sujets, mais il me semble que les rapporteurs ont réussi à se retrouver ici sur une vision politique commune, traduite dans ce rapport opérationnel pour une alimentation plus durable et plus souveraine. Ce sujet le mériterait.

Je suis persuadée que ces travaux transpartisans et transcommissions sont la marque du Sénat. Je me permets d'ores et déjà de féliciter les rapporteurs pour le travail accompli.

M. Frédéric Marchand . -- Je souhaiterais avant tout remercier l'ensemble de mes collègues membres de ce groupe de travail commun à nos deux commissions. Ce format nous a permis d'aboutir à des propositions fortes, mais néanmoins consensuelles. Cette expérience de travail en commun me paraît intéressante et pourrait être reproduite pour des sujets d'intérêt commun pour nos deux commissions.

Je me réjouis d'autant plus de cet aboutissement que ce sujet de l'alimentation durable et locale est redevenu une priorité avec la crise sanitaire : nous avions émis l'idée de nous y intéresser dès le premier confinement du mois de mars 2020 lié à l'épidémie de la Covid-19, avec Nelly Tocqueville.

Au total, le groupe de travail a procédé à une petite trentaine d'auditions, entre avril 2020 et mars 2021.

Le rapport que nous examinons constitue une synthèse de cette matière issue des auditions mais aussi le fruit d'échanges approfondis entre rapporteurs. Nos propositions reposent sur plusieurs convictions et je souhaite souligner les notions de « durabilité » et de « localisme », qui renvoient aux pratiques visant à nous nourrir avec des produits sûrs et de qualité, accessibles en proximité et économiquement, rémunérateurs pour le producteur, en quantité suffisante et dans le respect de l'environnement, créant des opportunités à saisir pour retisser du lien social dans tous les territoires, redynamiser le tissu commercial des petites et moyennes villes et relancer un cycle d'aménagement du territoire au service de nos besoins primaires.

La situation actuelle de notre agriculture repose sur un paradoxe : le modèle agricole français est sans doute le plus durable au monde, selon plusieurs classements internationaux, mais nous avons tout de même des progrès à accomplir. Il est important de rappeler la très haute qualité de notre modèle, notamment par rapport à nos concurrents, en termes d'utilisation des ressources terrestres, d'émissions de gaz à effet de serre, de consommations d'engrais et de pesticides ou encore de gaspillage alimentaire.

La crise sanitaire a mis en lumière certaines vulnérabilités dans nos systèmes alimentaires et permis de rappeler l'importance de l'objectif de « résilience ». Cette question de la résilience rejoint celle de la durabilité qui ne peut s'apprécier qu'au croisement des problématiques économiques, environnementales et sociales.

Plusieurs propositions de notre rapport s'inscrivent dans ces objectifs de renforcer la dimension territoriale de notre politique alimentaire, en corrigeant certaines de ses faiblesses tout en consolidant ses forces. Je pense au renforcement de la diversité des cultures, à la nécessité de protéger les pratiques trompeuses en définissant mieux les produits locaux, ce qui accompagnera, au reste, leur essor, à la nécessité de donner aux collectivités territoriales une véritable capacité d'action et des moyens pérennes pour structurer et soutenir les filières agricoles et les industries de transformation locales, ce qui mériterait, à mon sens personnel, d'engager une réflexion pour envisager la création d'un statut « d'autorités organisatrices de l'alimentation » dans les territoires, avec des modalités de dévolution souples et adaptatives de cette compétence sur le modèle de ce qu'a prévu le législateur dans le domaine des transports avec la loi d'orientation des mobilités. Je pense au cadre juridique des projets alimentaires territoriaux (PAT), qui devrait être renforcés, à la poursuite de la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l'impérieuse nécessité de faire naître un véritable affichage sur l'origine des produits, qui compléterait utilement l'affichage environnemental prévu par le projet de loi « Climat et résilience ».

Un autre point est essentiel : nous devons renforcer la transparence nationale et locale sur les circuits alimentaires en permettant aux collectivités territoriales d'imposer aux acteurs économiques la transmission d'informations utiles pour la définition de leur politique alimentaire, dans le respect du secret des affaires.

Le levier du foncier est également déterminant et nous devons avancer sur le chemin d'une évolution du cadre législatif pour mieux inciter la transmission des exploitations à de jeunes agriculteurs. Plusieurs initiatives ont été lancées, notamment via des propositions de loi.

M. Laurent Duplomb . -- Notre modèle alimentaire ne sera durable que s'il allie trois éléments fondamentaux : l'économie, à travers la prise en compte des charges et de la compétitivité, le social, à travers l'acceptabilité des acteurs, et l'écologie, avec un débat plus apaisé.

La condition première pour trouver cet équilibre, c'est la souveraineté de ce modèle. Or vous connaissez ma conviction en la matière : notre souveraineté alimentaire n'a jamais autant été menacée.

J'en veux pour preuve quelques chiffres très simples qu'il faut marteler : près de la moitié des fruits et légumes, des agneaux et des poulets consommés par les Français sont importés ! L'importation représente 22 % de notre consommation de viande bovine, 30 % pour les produits laitiers, 26 % pour le porc. Notre consommation est couverte à 70 % par des importations pour le miel et à 63 % pour les oléoprotéagineux à destination de nos élevages. Je crois qu'on ne mesure pas, pour nos parents, le choc que représentent ces chiffres. Or, moins de souveraineté alimentaire aboutit à un alourdissement de l'empreinte environnementale de notre modèle alimentaire, car une denrée importée a évidemment un bilan environnemental plus lourd par un effet transport. 77 % du trafic généré par l'alimentation des ménages français est induit par les importations et 53 % des émissions de gaz à effet de serre du transport de denrées alimentaires sont imputables aux denrées importées.

Il faut également prendre en compte les divergences des pratiques agricoles : si nous importons des denrées de pays moins-disant par rapport aux normes françaises, le bilan environnemental global pour la planète est évidemment négatif. Or l'immense majorité des principaux pays fournisseurs de denrées alimentaires pour la France a des indicateurs environnementaux dégradés en matière agricole, sans parler du Brésil, où près de la moitié des substances actives autorisées sont interdites en France. Les taux d'utilisation de pesticides à l'hectare sont bien supérieurs en Allemagne, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas qu'en France selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations unies (FAO). Le point faible de la France, dans le classement de The Economist , concerne la gestion des eaux, car son empreinte eau est expliquée, selon World Wide Fund for Nature (WWF), pour moitié par les denrées importées.

La souveraineté ne s'oppose pas à l'environnement : au contraire, elle en est une condition.

Nous formulons plusieurs propositions sur ce volet.

Le premier axe concerne la reconquête des parts de marché laissées aux produits importés dans certaines filières. Nous proposons la mise en place d'une stratégie nationale pour retrouver notre souveraineté alimentaire, l'État s'engageant aux côtés des filières à mettre en place les outils pertinents pour combler nos déficits alimentaires. Un observatoire de la souveraineté alimentaire pourrait être mis en place pour rassembler les informations sur cette question essentielle.

La stratégie protéines de 100 millions d'euros du Gouvernement doit être renforcée. Les montants du plan annoncé par le Gouvernement semblent insuffisants puisque 60 millions d'euros de demandes ont été émis pour des aides à l'investissement alors que l'enveloppe ne s'élevait qu'à 20 millions d'euros. Une redéfinition de cette enveloppe doit donc être envisagée.

Il convient également de traiter le sujet de la compétitivité de la Ferme France : un véritable plan ciblé de réduction des impôts de production et des charges sociales de l'amont agricole comme de l'industrie agroalimentaire doit être mis en oeuvre, ce qui requiert de porter un discours d'harmonisation des pratiques culturales au niveau européen et non au seul niveau français, chaque surtransposition étant par nature contre-productive en matière de souveraineté.

Le deuxième axe a un aspect plus défensif : nous devons nous protéger des importations ne respectant pas les normes minimales requises en France. Le Sénat est à la pointe de ce combat depuis l'article 44 de la loi Egalim. Plus récemment, à l'initiative de la présidente Primas dans la loi Betteraves, le Sénat a donné la faculté au ministre chargé de l'agriculture d'interdire les importations de denrées alimentaires ne respectant pas nos normes. Nos appels ne sont toutefois pas entendus, comme le montre l'affaire en cours sur les graines de sésame indiennes. Nos contrôles ne sont pas efficaces, car ils sont insuffisants, pour ne pas dire inexistants. Et quand ils existent, ils ne s'inquiètent pas de la présence de deux tiers des substances interdites en Europe. Notre proposition en la matière est très volontariste : au niveau de l'Union européenne, que la France présidera au premier semestre 2022, la lutte contre les importations déloyales doit devenir une priorité, en mettant en place une DGCCRF européenne pour réaliser des contrôles harmonisés, en renforçant les contrôles dans les pays tiers et en conditionnant la signature de traités à des clauses miroirs et environnementales.

Au niveau français, nous pouvons d'ores et déjà augmenter les moyens des contrôles réalisés par la DGCCRF et la DGAL et déclencher, au besoin, le pouvoir du ministre d'interdiction des importations posant des difficultés au titre de l'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime.

Mme Kristina Pluchet . -- Renforcer la durabilité de notre alimentation implique de renforcer la durabilité de notre modèle agricole dure. Trois défis sont à relever pour que notre agriculture soit plus forte.

Le premier défi est celui du revenu. Aucune profession ne peut perdurer sans juste rémunération : tous les leviers doivent être activés pour mener une politique globale favorable au revenu de l'agriculteur. Ce dernier est constitué à 37 % de la consommation alimentaire des ménages, à 27 % de l'exportation, à 30 % de subventions et à 7 % des produits de la diversification des activités, selon les dernières données de l'Observatoire de la formation des prix et des marges. Revaloriser le revenu de l'agriculteur doit motiver, avant tout, un cadre de la politique agricole commune juste, n'opposant pas les filières entre elles et ne pénalisant pas celles rencontrant déjà de grandes difficultés. Ceci passe aussi par un constat clair : au regard de son objectif que les prix de vente couvrent les coûts de production de l'exploitant, la loi Egalim est un échec. Il convient donc de la réformer avec ambition, sans se contenter de demi-mesures.

Le second défi est celui de l'adaptation au changement climatique. L'accroissement de la fréquence et de l'intensité des phénomènes climatiques extrêmes pénalisent, au premier chef, nos exploitations. Le dramatique épisode de gel du mois d'avril 2021 qui a touché un nombre très important de nos départements a rappelé cette fragilité. Les données de Météo-France ou du BRGM ne sont pas rassurantes en la matière : la surface française touchée chaque année par les sécheresses a doublé entre 1970 et aujourd'hui, les sécheresses se faisant plus fréquentes. Depuis 2015, en effet, au moins une région a connu une sécheresse chaque année. Météo-France estime par ailleurs que le nombre des tempêtes extrêmes a augmenté de 20 % dans le Sud-Est de la France depuis les années 1950. La résilience des exploitations face à ce changement climatique doit être un impératif par une action sur deux volets : la prévention d'une part, pour limiter l'exposition en s'appuyant sur des technologies déjà existantes, une meilleure gestion des eaux et en investissant dans la recherche pour ne fermer aucune porte ; l'indemnisation d'autre part, afin d'avoir un système juste, basé sur une logique assurantielle pour les risques assurables et recourant à la solidarité nationale pour les risques non assurables compte tenu de leur ampleur.

Le troisième défi est celui du renouvellement des générations. Aujourd'hui, un tiers des départs à la retraite ne sont pas couverts chaque année, entraînant une chute mécanique du nombre d'exploitants. Or un tiers des agriculteurs a plus de 55 ans et partira à la retraite dans moins de dix ans. Si cette tendance n'est pas infléchie, 50 000 exploitations fermeront leurs portes en 10 ans. Il importe d'agir au plus vite en avançant sur le chemin d'une évolution du cadre légal afin de mieux inciter à la transmission et de faire en parallèle de l'enseignement agricole le coeur de cette transition.

La durabilité de notre agricole dépend enfin de l'accompagnement de l'évolution des pratiques qui doit intervenir de manière pragmatique, par l'innovation et non l'injonction, au risque d'augmenter nos importations en sacrifiant notre agriculture. L'agriculture évolue, mais elle a des contraintes : le temps des cultures, mais aussi des contraintes agronomiques, économiques et financières. Nous proposons d'accélérer la recherche d'alternatives à certains produits, notamment par le biocontrôle, d'accompagner le déploiement de certaines pratiques comme la certification environnementale, l'agriculture biologique, l'agriculture de conservation et les produits sous signes de qualité, mais aussi de porter nos efforts sur l'utilisation de matériel agricole ou d'instruments de mesure permettant d'ores et déjà de réduire les quantités épandues. À cet égard, la prime à la conversion, proposée par le Sénat et mise en oeuvre par le Gouvernement dans le cadre du volet agricole de 1,2 milliard d'euros du plan de relance, a rencontré un franc succès : l'enveloppe étant déjà quasi épuisée, il convient de la pérenniser.

Mme Anne-Catherine Loisier . -- Ce rapport nous a permis d'évoquer la question des importations sur notre sol et de l'empreinte carbone qui en résulte. La problématique de la déforestation importée est majeure, car elle recouvre à la fois les émissions de gaz à effet de serre que nous importons en faisant venir des biens et services produits en dehors de notre sol et l'érosion de la biodiversité qui en résulte. Les chiffres sont alarmants : les forêts mondiales ont vu leur superficie diminuer de 129 millions d'hectares en 25 ans et ce phénomène de déforestation contribue à hauteur de 11 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Une perte annuelle de 7 millions d'hectares de forêts a été observée entre 2000 et 2010, pour un gain net de superficie agricole de 6 millions d'hectares par an.

Le projet de loi « Climat et résilience » comporte plusieurs dispositions pour mieux cerner la traçabilité des produits et élaborer une stratégie nationale de lutte, points qui sont traités par le rapporteur Pascal Martin. Nous étudions la possibilité d'apporter des ajustements pragmatiques et des engagements spécifiques au devoir de vigilance des entreprises, mais aussi de créer un indicateur spécifique qui consisterait en un plafond indicatif des émissions liées à la déforestation importée par période, dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone. Peu de données sont actuellement disponibles.

Parallèlement à ces éléments de droit, qui permettront de renforcer concrètement la prévention de la déforestation, nous devons poursuivre le mouvement, initié depuis plusieurs années et amplifié par le plan de relance, pour reconstituer une capacité de production nationale de protéines végétales, en particulier pour l'alimentation animale, en veillant à ne pas opposer les filières végétales et animales, mais bien en jouant des complémentarités. Le plan de relance prévoit de mobiliser 100 millions d'euros à cet effet et pose un objectif de doublement des surfaces légumineuses d'ici 2030 en France, soit un passage de 4 à 8 % de la surface agricole utile (SAU). Ce premier pas devra être amplifié et le déploiement de ce plan devra être accompagné par un soutien technique d'ampleur aux acteurs économiques via France AgriMer.

Le second sujet concerne la création d'un chèque nutritionnel, qui constitue un levier majeur pour soutenir la demande en produits locaux et de qualité. Le Président de la République a indiqué y être favorable lors d'une rencontre avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat. Depuis, plusieurs organisations professionnelles ont soutenu cette idée et des propositions de loi ont déjà été déposées à l'Assemblée nationale. Pendant la crise sanitaire, l'État a financé des chèques services pour l'achat de produits alimentaires pour les personnes sans domicile à hauteur de 15 millions d'euros. Le projet de loi « climat et résilience » ne comporte qu'une demande de rapport du Gouvernement au Parlement à l'article 60 bis , sur ce sujet, et ce projet n'aboutirait pas avant le budget pour 2022. Nous soutenons cette initiative qui permettra de renforcer le pouvoir d'achat de nos concitoyens, de valoriser notre marché agricole intérieur et d'orienter la demande vers des produits locaux et de qualité. Les modalités de mise en oeuvre doivent cependant être précisées, tant cette réforme a un potentiel structurel. Ce chèque alimentation aura vocation à limiter l'empreinte environnementale de notre alimentation en évitant le recours aux produits importés.

Enfin, s'agissant de la restauration collective, nous devons impérativement reconquérir les parts de marché perdues par nos produits. Nous aurons l'occasion de rentrer dans les détails techniques lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » dans deux semaines. Notre rapport propose d'étendre à la restauration collective privée les obligations créées pour la restauration collective publique par la loi EGALIM, comme le préconise le projet de loi Climat. Nous proposons également de promouvoir une évolution des règles en vigueur au niveau européen afin de privilégier les approvisionnements locaux. Enfin, nous proposons d'élargir la liste des produits à privilégier dans la restauration collective à d'autres produits répondant à des critères locaux et de durabilité, par exemple ceux dont la production et la distribution seraient structurées dans le cadre d'un projet alimentaire territorial, même s'il faut avoir conscience que des difficultés juridiques peuvent se poser en la matière.

M. Daniel Gremillet . -- Un autre enjeu de durabilité consiste à mieux connecter le producteur, le transformateur et le consommateur.

Lors de la signature du traité de Rome, il a été demandé aux agriculteurs français de remplir une mission essentielle et stratégique : nourrir le peuple européen au sortir de la guerre, sans dépendre d'autres pays. Aujourd'hui, à l'heure où il est demandé aux agriculteurs de réaliser de considérables efforts pour répondre à de nouvelles exigences du citoyen, il faut se souvenir de leur succès à remplir cette mission historique : s'ils ont déjà réussi cela, je suis certain qu'ils parviendront à relever tous les défis qui s'imposent à eux. Pour accompagner ce mouvement, le consommateur doit lui aussi traduire ses préférences citoyennes dans ses actes d'achat. La part de l'alimentation dans le budget des ménages est passée de 30 à 17 % en 60 ans, sans doute moins encore selon certaines prévisions. L'enjeu consiste à recréer un lien entre le consommateur et son alimentation, ce qui passe par une meilleure information sur ce qu'il achète. Or un consommateur voulant acheter français ne peut le faire, car les règles européennes régissant les étiquetages l'interdisent pour préserver le marché unique, ce qui n'est pas acceptable.

Le règlement européen INCO de 2011 étant d'harmonisation maximale, un État membre ne peut imposer l'affichage du pays d'origine des ingrédients principaux d'une denrée alimentaire. La France a voulu faire bouger les lignes : depuis la loi Sapin 2, les parlementaires s'étaient mobilisés pour que la France expérimente un affichage sur l'origine du lait et une dérogation a été obtenue de Bruxelles. Cette expérimentation était plébiscitée par les consommateurs. Or, à l'initiative d'un industriel, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé il y a quelques semaines que, pour obtenir une dérogation à l'affichage du pays d'origine, la mesure devait être non seulement attendue par les consommateurs, mais également démontrer l'existence d'un lien entre l'origine d'un ingrédient et une qualité particulière. Autrement dit, si ce n'est pas un produit AOP ou IGP, rien ne peut être fait et l'étiquetage ne pourra mentionner qu'une « origine UE » ou une « origine hors UE ». Cette décision est de nature à accentuer l'éloignement entre des bureaux européens et les attentes des citoyens. Le marché unique ne s'oppose pas à ce qu'il y ait des spécificités nationales. Depuis, nous sommes dans une impasse juridique au niveau français. Nous proposons de porter urgemment le combat au niveau européen en appelant à une réforme d'ampleur de l'étiquetage des produits qui doit aboutir lors de la présidence française. Dans le cadre de cette réflexion, doivent être développées les pistes relatives à l'affichage des externalités positives et négatives d'un produit de consommation alimentaire, avec des méthodologies de calcul incontestable.

Si nous devons aider ceux qui veulent acheter français, nous devons aussi aider en parallèle ceux qui ont des difficultés à se nourrir à le faire. La précarité alimentaire reste d'actualité : sur ce volet, les associations caritatives réalisent un travail formidable sur l'ensemble de nos territoires via l'aide alimentaire. Des pistes proposées par la commission des affaires économiques en 2019 pour revoir la qualité des produits qui peuvent y être distribués ont permis de faire bouger les lignes ces derniers mois. Si la précarité alimentaire a un volet quantitatif, elle a également un volet qualitatif. Trop de ménages ne peuvent accéder à d'autres produits que ceux d'entrée de gamme, qui sont presque intégralement des produits importés. Ils ont encore plus de difficultés à acheter des produits AOP et IGP, biologiques ou fermiers. C'est le piège du tout haut de gamme promis à l'agriculture française qui peut se refermer sur nous : en réservant l'agriculture française à quelques-uns, nous en reléguons une grande partie à consommer des produits importés, sans pouvoir être sûrs qu'ils respectent les normes minimales requises en France.

Nos propositions en la matière sont claires : d'une part, travailler à une véritable éducation alimentaire de nos citoyens ; d'autre part, promouvoir un chèque alimentaire durable qui doit aider nos compatriotes les plus démunis à acquérir une alimentation plus durable, dépendant moins des produits importés. Les modalités restent à définir, sur le public éligible ou sur les produits à promouvoir, mais c'est une piste intéressante : il est essentiel que la France s'intéresse à la totalité de la consommation des Français. C'est d'ailleurs une proposition de la Convention citoyenne dont le Sénat doit s'emparer.

M. Hervé Gillé . -- Je souhaiterais tout d'abord m'associer aux mots du président Longeot à l'attention de Mme Nelly Tocqueville, qui a entamé ces travaux. Mon intervention se concentre sur la dimension territoriale de notre politique alimentaire qui, de l'avis de l'ensemble des acteurs et organismes que nous avons consultés, gagnerait à être renforcée à travers une meilleure association des collectivités et par un recours accru à des leviers existants et facilement mobilisables : les projets alimentaires territoriaux et la commande publique.

La définition de la politique alimentaire repose principalement sur le Gouvernement, même si les régions sont mobilisées dans le cadre de l'attribution des fonds européens et que les départements ont développé leurs actions sur ce volet. En 2014, la « déclaration de Rennes » de l'association des régions de France avait marqué cette préoccupation avec force. Toujours en 2014, la création des projets alimentaires territoriaux (PAT) par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a enclenché une dynamique de territorialisation, que notre rapport appelle à soutenir et à amplifier.

À ce jour, il existerait plus de 200 PAT et 80 % des départements comptent au moins 1 PAT accompagné par l'État. La dynamique est enclenchée. Je rappellerai les deux objectifs qui avaient été fixés par l'État en 2016 : un PAT par département à fin 2017 et 500 PAT en 2020. Nous avons pris du retard sur cet objectif.

Nous formulons donc plusieurs remarques et propositions. Les PAT ne doivent surtout pas être réduits à la seule dimension « transition agroenvironnementale ». S'ils doivent y contribuer, il s'agit auparavant de contribuer à la structuration des filières locales de production, de transformation et de distribution, pour permettre une bonne valorisation des produits locaux, dans un double objectif de qualité et de compétitivité.

Nous nous sommes interrogés sur le fait de rendre obligatoire l'établissement d'un PAT par un niveau de collectivités. Nous pensons que le dispositif doit, du moins à ce stade, garder de la souplesse. Aujourd'hui, l'initiative de création d'un PAT peut être prise par tous les acteurs publics et privés concernés. Il nous paraît important de préserver cette ouverture, tout en fixant des objectifs de coordination et de maillage du territoire, afin d'éviter à terme des « zones blanches » de la politique alimentaire territoriale. À cet égard, il est important de ne pas polariser le dispositif des PAT sur les seules métropoles, sous peine d'aggraver nos fractures territoriales : les PAT doivent être un instrument de cohésion et d'équilibre territorial et non de subordination de la campagne à la ville.

Nous pensons donc que le déploiement des PAT doit être soutenu et nous proposons de mieux coordonner les initiatives territoriales dans un cadre qui reste à définir, mais qui doit demeurer souple. Nous pensons également qu'il est nécessaire d'assurer un financement d'au moins 80 millions d'euros par an pendant cinq ans, sur le modèle de ce que prévoit le plan de relance, et enfin de donner des moyens au réseau national des PAT pour accompagner ce déploiement. Ce réseau, qui existe déjà et est animé par Terres en villes, les chambres d'agriculture, des personnalités qualifiées et des élus, pourrait évoluer en Observatoire.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi « 4 D », il faudra également envisager de renforcer l'articulation entre le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) et les plans régionaux d'agriculture durable (PRAD).

En outre, nous pensons que les futurs contrats de relance et de transition écologique (CRTE), dont le cadre sera précisé par le projet de loi 4 D, devront s'articuler avec les projets alimentaires territoriaux dans leurs composantes dédiées à l'autonomie alimentaire, à la transition et à la compétitivité agroenvironnementale.

Je terminerai en évoquant les leviers à mobiliser, pour permettre à nos collectivités territoriales de se saisir encore davantage de cette politique. Nous proposons une évolution du code des marchés publics pour sécuriser nos approvisionnements en produits locaux, évolution consistant à porter le seuil de passation des marchés de gré à gré à 80 000 euros et à permettre aux produits agricoles et alimentaires acquis dans le cadre d'un PAT de satisfaire aux objectifs posés par la loi EGALIM et bientôt par la loi « Climat et résilience » pour les approvisionnements de la restauration collective. Nous proposons enfin d'acter le transfert vers les conseils départementaux et régionaux de l'autorité sur les adjoints gestionnaires en charge de la restauration collective de l'État pour les collèges et les lycées, en cohérence avec la demande des collectivités.

Nous rappelons également la nécessité d'accompagner les acheteurs publics par des outils pratiques comme des guides et des formations et moyens financiers.

M. Joël Labbé . -- L'agriculture biologique n'a été citée qu'une seule fois en cinq prises de parole. Des engagements ont été pris par la France, avec 15 % d'agriculture biologique au 1 er janvier 2022, mais ils ne seront pas atteints. L'Union européenne s'est engagée à atteindre 25 % d'agriculture biologique en 2020 et à réduire de 50 % les pesticides pour 2030. Je regrette que l'accent ne soit pas mis sur l'agriculture biologique qui reste le parent pauvre de nos politiques agricoles alors que la société et les consommateurs le demandent avec force et que les agriculteurs bio démontrent tous les jours qu'il est possible de produire autrement.

Le volet social a été évoqué, avec les chèques alimentaires, qui devraient évoluer vers une Sécurité sociale de l'alimentation. Le social recouvre également l'emploi et l'agriculture paysanne est extrêmement créatrice d'emplois, alors que l'autre est destructrice d'emplois. Je voudrais que ces sujets soient véritablement pris en compte.

M. Jean-Marc Boyer . -- Nous avons l'habitude en France de créer beaucoup d'autorités dans de nombreux secteurs : j'ai cru comprendre que le rapport proposait de créer une autorité régulatrice de l'alimentation. Quelles seraient l'utilité et la philosophie d'une telle autorité ? Quels seraient ses objectifs et ses moyens ?

M. Olivier Jacquin . -- Comme Joël Labbé, je pense que l'agriculture biologique doit apparaître dans un tel rapport, parce qu'elle a un modèle vertueux, car c'est le seul cadre véritablement stable depuis 40 ans qui propose aux consommateurs une véritable transparence, avec une obligation de moyens. Elle doit donc occuper une place particulière. Je rejoins cependant Daniel Gremillet puisqu'il faut veiller à ce que toute notre agriculture ne soit pas orientée vers le haut de gamme, ce qui peut constituer un piège. L'agriculture biologique pose un problème quant au prix des produits proposés, généralement très élevé. Lorsque le gouvernement supprime l'aide au maintien en agriculture biologique, il contribue à rendre les prix moins accessibles.

Je salue le fait que Hervé Gillé plaide pour que l'agriculture de qualité soit mise en avant, dont l'agriculture biologique, avec un axe éducatif et sanitaire.

M. Henri Cabanel . -- Quand nous avons mis en avant les PAT dans les territoires, nous n'avons pas toujours été entendus par les différents ministres de l'Agriculture. Ces PAT doivent donc être encouragés, même si 80 % des départements s'y sont engagés.

Il a été évoqué succinctement la résilience de l'agriculture à travers l'assurantiel : or nous savons que ce modèle pose des difficultés puisque peu d'agriculteurs souscrivent à ces assurances. 66 % n'y adhèrent pas, notamment en raison des règles issues de la politique agricole commune, sur la franchise de 30 % et la moyenne olympique, en dépit du financement à 65 % pris sur les crédits du deuxième pilier. Les professionnels portent ces sujets pour améliorer le modèle, mais le coût est excessivement élevé : revenir sur les trois points cités coûterait 450 millions d'euros, ce qui n'est pas envisageable au niveau du deuxième pilier. La résilience doit se baser sur un autre système national qui nous permette de l'assumer.

Comment le chèque nutritionnel sera-t-il mis en place ? Concernera-t-il uniquement les produits français ou tous les produits ?

M. Frédéric Marchand . -- Les organisations représentatives de l'agriculture biologique ont évidemment été auditionnées et la proposition 24 vise à « accompagner la conversion aux produits sous certification environnementale ou issus de l'agriculture biologique, par un financement répondant aux besoins, tout en veillant à la juste valorisation des prix de ces produits par une préservation de conditions de marché favorables, assurant une bonne adéquation entre offre et demande » .

Pour avoir sillonné le territoire à l'occasion des dernières élections municipales et infracommunales, je me suis rendu compte que nombre de collectivités ont fait de l'alimentation durable et locale un attendu politique, en créant bon nombre de délégations, et qu'elles souhaitaient, dans le cadre de la dynamique portée par les PAT, faire en sorte que l'alimentation durable et locale deviennent une véritable prérogative politique, en mettant autour de la table tous les acteurs de l'alimentation et de la transformation. L'idée de l'autorité, qui mérite d'être creusée, m'est venue en regardant les débats que nous avions eus à l'occasion de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Nous pourrions imaginer que, par le biais d'expérimentations, des collectivités qui souhaiteraient s'engager dans cette démarche puissent mettre en place une logique d'alimentation locale et durable, à l'échelle de territoires, avec des moyens dédiés par les collectivités concernées, voire par l'Etat.

Angèle Preville . -- Sur l'éducation à l'alimentation, vous avez sans doute tous eu des cours de cuisine à l'école, ce qui n'existe plus depuis bien longtemps. Dans le même temps, le budget consacré à l'alimentation a baissé, passant de 30 à 17 %. Il existe sur ce point un levier important : je pense que les jeunes et adolescents ne prêtent pas beaucoup d'attention à ce qu'ils consomment. Il est donc impératif de leur faire redécouvrir ce que nous connaissions enfant, alors qu'ils sont entraînés vers d'autres consommations. Nous avons un rôle à jouer pour leur faire redécouvrir le goût et la qualité et remettre ces sujets à l'honneur. Si le bio reste cher, ainsi que les produits de qualité, comment faire en sorte que nos citoyens aillent vers une alimentation de qualité, alors que les salaires n'augmentent pas et qu'un problème de santé publique se pose ? Il me semble que l'éducation peut constituer un levier important pour le futur.

Les consommateurs du bio consomment moins dans les grandes surfaces, mais plus de bio local. Il nous faut être attentifs à ce changement qui montre que les consommateurs de bio prennent conscience du caractère global de la démarche et n'achètent plus de bio importé ou emballé.

Je vous remercie pour votre travail.

M. Daniel Salmon . -- Je partage la majorité des constats établis, mais diverge parfois sur les réponses. Laurent Duplomb parlait de la concurrence déloyale de produits qui arrivent de pays ayant un contexte environnemental et sanitaire très différent. Nous devons nous battre contre les traités de libre-échange dans lesquels la variable d'ajustement a toujours été l'agriculture.

Le coût du transport doit être pris en compte : des produits voyagent d'un bout à l'autre de l'Europe et arrivent pourtant à des prix compétitifs. Si le coût du transport était mieux pris en compte, la concurrence déloyale serait réduite.

La part du budget des ménages consacrée à l'alimentation n'a cessé de diminuer pour s'établir entre 13 et 17 % selon le périmètre retenu dans les statistiques. Il faut agir sur la publicité qui incite à acheter de nombreuses choses et promeut la graisse et le sucre.

Je ne peux pas concevoir qu'il y ait de la nourriture haut de gamme pour les gens qui en ont les moyens et de la nourriture bas de gamme pour ceux qui n'en ont pas. Il convient donc d'agir sur les inégalités sociales. Il existe une agriculture qui coche toutes les bonnes cases et répond à toutes les problématiques : l'agriculture biologique qu'il faut choisir. S'il ne faut pas opposer les modèles, il faut toutefois effectuer des choix, en déterminant ce qui va dans le bon sens.

M. Joël Labbé . -- Sur le fond, je partage de nombreuses mesures et j'aimerais qu'il y ait un consensus, mais je voterai contre le rapport, au nom de notre groupe, compte tenu de ce que j'ai déjà indiqué, tout en reconnaissant le travail réalisé. La mort dans l'âme, je vote contre.

Les deux commissions autorisent la publication du rapport.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

I. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA COMMISSION DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Lundi 11 mai 2020

M. Stéphane LINOU , élu local, auteur

Mmes Yuna CHIFFOLEAU , directrice de recherche en sociologie au département Sciences pour l'action et le développement, Anne-Cécile BRIT , ingénieure spécialisée en innovation et politique pour une alimentation durable (Fédération régionale des groupes Civam de Bretagne) et Catherine DARROT , maître de conférences en sociologie (Agrocampus Ouest)

Mardi 12 mai 2020

- Conseil économique social et environnemental : Mme Florence DENIER-PASQUIER , conseillère --Section de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, MM. Albert RITZENTHALER , conseiller --Section de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation et Laurent BLUMENFELD , administrateur --Section de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation

MM. Gilles FUMEY , professeur de géographie culturelle et Thierry PAQUOT , philosophe

- Confédération paysanne : Mme Véronique MARCHESSEAU , secrétaire générale, en charge du pôle social - Paysanne dans le Morbihan, MM. Damien HOUDEBINE , secrétaire national et Joris GAUDARÉ , animateur pôle social - pôle politiques agricoles

Jeudi 14 mai 2020

- Terre de liens : MM. Michel VAMPOUILLE , président et Benjamin DURIEZ , directeur national.

- Fédération nationale de l'agriculture biologique : M. Guillaume RIOU , président, Mme Sophia MAJNONI D'INTIGNANO , déléguée générale, M. Antoine VILLAR , chargé de mission agriculture biologique, protection de l'eau et territoires.

Vendredi 15 mai 2020

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles : M. Arnold PUECH D'ALISSAC , membre du bureau en charge des questions internationales et président de la commission chaîne alimentaire, Mmes Amaryllis BLIN , chargée de mission alimentation, sanitaire, élevage et Nadine NORMAND , attachée parlementaire.

Jeudi 28 mai 2020

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité : M. Gilles PÉROLE , maire-adjoint - élu référent Alimentation à l'AMF, Mmes Gwénola STEPHAN , responsable - mission développement durable, Annick PILLEVESSE , responsable -- département Conseil juridique et documentation, Mélodie BLANCO , conseiller technique au conseil juridique et documentation et Charlotte DE FONTAINES , chargée des relations avec le Parlement.

Mardi 2 juin 2020

- Agence nationale de la cohésion des territoires : Mmes Simone SAILLANT , directrice du programme Ruralités-Montagne, Patricia ANDRIOT , cheffe de projet de la mission ruralité et Florence ROGNARD , conseillère chargée des relations institutionnelles.

Lundi 15 juin 2020

- Synabio : MM. Didier PERRÉOL , président - président fondateur d'Ekibio, Charles PERNIN , délégué général, Arthur BONHÊME , associé, et Mme Nayla KHEBIBECHE , consultante.

Mardi 21 juillet 2020

- France urbaine : Mme Delphine BOURDIN , conseillère développement durable, ESS, Europe, M. Kader MAKHLOUF , conseiller stratégies alimentaires territoriales, Europe et international, Mme Éloïse FOUCAULT , responsable des relations institutionnelles

Mercredi 16 septembre 2020

- Commission nationale du débat public : Mmes Chantal JOUANNO , présidente et Mme Ilaria CASILLO , vice-présidente.

- Abiosol : M. Rémi DUPLAY , trésorier, Mme Lucie HUMBAIRE , chargée de mission Installation agricole et accompagnement des paysan (ne) s en AMAP.

II. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

Mercredi 10 février 2021

- France Stratégie : M. Julien FOSSE , adjoint à la directrice du département Développement durable et numérique, et Mme Alice GRÉMILLET , ex-chargée de mission - département Développement durable et numérique.

Mardi 16 février 2021

- Conseil économique social et environnemental : Mme Florence DENIER-PASQUIER , conseillère, et M. Albert RITZENTHALER , conseiller -- Section de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation.

- Assemblée permanente des chambres d'agriculture : MM. François BEAUPÈRE , second vice-président --président de la Chambre d'agriculture des Pays-de-la-Loire, Daniel PRIEUR , secrétaire adjoint --président de la Chambre d'agriculture du Doubs-Territoire de Belfort, Mme Louise MACÉ , chargée de mission alimentation, et M. Enzo REULET , chargé de missions --Affaires publiques, France, Europe, International --Direction Communication et Relations publiques.

Mercredi 17 février 2021

- Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie : M. Jérôme MOUSSET , directeur bioéconomie et énergies renouvelables, et Mme Sarah MARTIN , ingénieur Alimentation durable - service Forêt, alimentation et bioéconomie.

Mardi 9 mars 2021

- Associations d'élus : M. Gilles PÉROLE , maire-adjoint - élu référent Alimentation, Mme Nelly JACQUEMOT-DENIOT , responsable - département Action sociale, éducative, sportive et culturelle, et Mme Charlotte de FONTAINES , chargée des relations avec le Parlement -- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité ; MM. Laurent TROGRLIC , secrétaire national -- président de la commission développement économique et enseignement supérieur, Maxime GOUDEZEUNE , conseiller santé et ruralité, et Mme Montaine BLONSARD , chargée des relations avec le Parlement - Assemblée des communautés de France .

Mardi 16 mars 2021

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation -- Direction générale de l'alimentation : M. Cédric PRÉVOST , Sous-directeur de la politique de l'alimentation.

- Fédération des marchés de gros de France : Mme Frédérique WAGON , secrétaire générale.


* 1 Plus de 1 870 000 personnes ont été « touchées » et 12 660 contributions, aboutissant à 1 083 propositions ont été recueillies par la CNDP.

* 2 France, Allemagne, Italie, Espagne, Roumanie, Royaume-Uni, Pologne, Pays-Bas, Danemark et Grèce.

* 3 Les émissions du secteur agricole ont diminué de 8 % entre 1990 et 2019, contre 15 % au total pour les émissions de GES françaises. Dans le détail, les émissions de CO2 ont diminué d'1 % depuis 1990 (pour un objectif de - 26 % en 2030), de 10 % pour le CH4 (pour un objectif de 23 % en 2030) et de 9 % pour le N2O (pour un objectif de 20 % en 2030).

* 4 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions, le 20 mai 2020.

* 5 Voir notamment le rapport d'information n° 434 (2019-2020) de Jean-Pierre Bockel Sur les bonnes pratiques et préconisations des élus locaux pour une alimentation saine et durable , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le 14 mai 2020 et le rapport d'information n° 476 (2019-2020) de Françoise Cartron et Jean-Luc Fichet Vers une alimentation durable : un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France , fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, le 28 mai 2020.

* 6 Voir le rapport Pour une alimentation durable ancrée dans les territoires de Florence Denier-Pasquier et Albert Ritzenthaler, décembre 2020.

* 7 Si le classement n'est pas dénué de difficultés méthodologiques, il démontre incontestablement une tendance générale -- à cet égard, le maintien de la France à la première place sur plusieurs exercices est sans aucun doute une performance à saluer.

* 8 WWF, L'empreinte eau de la France, 2012

* 9 Sans remettre en cause les modalités de ce classement, les rapporteurs estiment que le débat sur les biocarburants de première comme de seconde génération mériteraient d'être mieux posé, leur impact sur l'environnement retenu dans le classement devant être sans doute nuancé.

* 10 Source : Les chiffres clés du GEB -- ovins 2019 -- production lait et viande ; Agreste n° 349, juin 2020, La consommation de viande en France en 2019

* 11 Source : Les chiffres clés du GEV -- bovins 2020 -- productions lait et viande ; Agreste n° 349, juin 2020, La consommation de viande en France en 2019

* 12 Source : ANVOL, chiffres clés (site web) ; Agreste n° 349, juin 2020, La consommation de viande en France en 2019

* 13 Source : INAPORC, les échanges internationaux (site web) ; Agreste n° 349, juin 2020, La consommation de viande en France en 2019

* 14 Sources : Vincent Chatellier, Le commerce extérieur de la France en produits laitiers : entre impasses et opportunités (décembre 2018) ; Franceagrimer, Les échanges français de produits laitiers avec l'Union européenne 2000-2019, octobre 2020

* 15 Source : FranceAgrimer, Apiculture, fiche filière 2020

* 16 Source : selon les données de FranceAgrimer

* 17 Source : Franceagrimer, groupe de travail sur la réduction de la dépendance de la France en protéines végétales à destination de l'élevage

* 18 Bien que l'APCA signale que les importations de soja ont reculé de près de 25 % depuis 2000

* 19 Source : contribution écrite de l'APCA

* 20 Projet CECAM, Cired et al, 2019, L'empreinte énergétique et carbone de l'alimentation en France -- de la production à la consommation

* 21 Le trafic intérieur, toutes marchandises confondues, était de 282 Gt.km en France en 2013, hors transit (selon la même étude)

* 22 Source : données de la FAO sur l'année 2017, l'année 2018 ayant été impactée en France par des achats d'anticipation des exploitants en raison de l'interdiction des remises, rabais et ristournes de la loi Egalim, phénomène démontré par la baisse de 44 % des ventes en 2019

* 23 La France partait, certes, d'un niveau relativement élevé par rapport à l'Espagne ou l'Allemagne Toutefois, dans le même temps, les Pays-Bas, qui partaient d'un niveau très élevé, ont vu reculer leur consommation de seulement 8 %.

* 24 Source : IRI Insights, Consommation en GSA durant les 8 semaines de confinement (20 mai 2020)

* 25 Source : IRI Le Scan de l'info, 2021

* 26 CREDOC, Enquêtes « Tendances de la consommation », 2000 et 2020

* 27 Source : CGAEER, Les produits locaux (janvier 2021)

* 28 Selon les données figurant dans l'étude du GIRA Foodservice (GFS) de 2016 pour FranceAgrimer

* 29 CGAAER, rapport n° 16060 de janvier 2017, Sociétés de restauration collective en gestion concédée, en restauration commerciale et approvisionnements de proximité

* 30 Panorama de la consommation alimentaire hors domicile 2018 Étude réalisée par GIRA Foodservice pour FranceAgriMer

* 31 IDELE, « Où va le boeuf ? », 2019

* 32 V. Chatellier, P. Magdelaine et Y. Trégaro, La compétitivité de la filière volaille de chair française : entre doutes et espoirs (INRA, 2015)

* 33 Créée à l'article L. 230-5-5 du code rural et de la pêche maritime, cette instance est chargée notamment de la concertation sur l'approvisionnement de la restauration collective pour faciliter l'atteinte des seuils de produits à privilégier par la restauration collective.

* 34 Agence bio, Étude n° 1900613, octobre 2019, Mesure de l'introduction des produits bio en restauration collective

* 35 CGAAER, rapport n° 20074 (2021), Les produits locaux

* 36 Date du dernier recensement agricole

* 37 Celles dont le chiffre d'affaires en vente directe pèse plus de 75 % de leur chiffre d'affaires total

* 38 Brunori, G., Galli F., Barjolle D., et al. 2016. Are Local Food Chains More Sustainable than Global Food Chains? Considerations for Assessment. Sustainability 8(5).

* 39 Groupe de travail « Barnier » de 2009 sur les circuits courts

* 40 En le ramenant à la superficie française, la distance équivaudrait à environ 42 kilomètres

* 41 Métropole de Lyon

* 42 Ville de Paris

* 43 Yuna Chiffoleau, Les circuits courts alimentaires, 2019

* 44 Le rapport d'information n° 451 (2020-2021) de M. Henri CABANEL et Mme Françoise FÉRAT, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 mars 2021, intitulé « Suicides en agriculture : mieux prévenir, identifier et accompagner les situations de détresse » estime par exemple la question du revenu « incontournable » dans l'appréhension de la détresse des agriculteurs

* 45 Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires rapport au Parlement 2020

* 46 Rapport n° 628 (2018-2019) de Mme Nicolas Bonnefoy, fait au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques, sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation

* 47 Ibid.

* 48 Le droit européen, depuis l'adoption du règlement Omnibus de 2017, permettant aux États membres le souhaitant d'augmenter les crédits alloués à ce dispositif, notamment pour baisser le seuil de déclenchement des pertes de rendement, le Gouvernement français ayant fait le choix de ne pas activer cette possibilité

* 49 Sans prairies

* 50 Source : CNDP, ImPactons !

* 51 Article 39 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Les dispositions relatives aux PAT figurent désormais aux articles L. 1 et L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 52 Source : MAA.

* 53 https://agriculture.gouv.fr/france-relance-65-nouveaux-projets-alimentaires-territoriaux-selectionnes .

* 54 Voir notamment le rapport de France Stratégie, Les PAT, un levier pour une transition écologique réussie, le cas de l'Albigeois, juillet 2020 et les rapport de l'Ademe.

* 55 Loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières

* 56 Rapport d'information n° 368 (2020-2021) de M. Laurent DUPLOMB, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 17 février 2021, sur les retraits et les rappels de produits à base de graines de sésame importées d'Inde ne respectant pas les normes minimales requises dans l'Union européenne

* 57 Source : Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI)

* 58 Pendrill et al. (2019)

* 59 Cette étude se réfère toutefois à des données de 2010-2014 et ne comptabilise que les émissions de GES liées au changement d'utilisation des terres, celles liées au transport ne sont pas comptabilisées

* 60 Une étude de 2013 de la commission européenne indique que le soja représente 60 % des importations de produits à risques, l'huile de palme 12 % et le cacao 8 %, entre 1990 et 2018.

* 61 La France conduit également plusieurs projets concrets comme la plateforme expérimentale pour la gestion des territoires ruraux d'Amazonie légale (PETRA) au Brésil, le projet Cacao Ami des forêts en Côte d'Ivoire ou encore le projet de renforcement des capacités et accès aux données satellitaires pour le suivi des forêts en Afrique centrale et en Afrique de l'Ouest (GEOFARAFRI).

* 62 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 63 L'article 17 de la proposition de loi n° 4022 (2020-2021), enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 mars dernier et intitulée « Pour une vraie loi climat », propose la création d'un chèque « bien manger » permettant d'acquérir les produits alimentaires suivants auprès d'établissements agréés (exploitations agricoles, coopératives agricoles, distributeurs conventionnés) : les fruits et légumes frais, les produits issus de l'agriculture biologique y compris les produits en conversion, les produits bénéficiant de signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine ou de mentions valorisantes et les produits bénéficiant d'un écolabel.

* 64 La précarité alimentaire renvoie à une situation dans laquelle une personne ne dispose pas d'un accès garanti à une alimentation suffisante et de qualité, durable, dans le respect de ses préférences alimentaires et de ses besoins nutritionnels, pouvant entraîner ou découler de l'exclusion et de la disqualification sociale ou d'un environnement appauvri (S. Pauga).

* 65 Article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948. Article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966.

* 66 Pacte national de 2013, loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, loi Garot de 2016, révision du pacte national en 2017, loi EGALIM de 2018 et loi AGEC de 2020.

* 67 La loi n° 2010-874 de modernisation de l'agriculture et de la pêche pose une définition de l'aide alimentaire, qui « a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies. Cette aide est apportée tant par l'Union européenne que par l'État ou toute autre personne morale »

* 68 Revenu de 1 041 € mensuels par unité de consommation

* 69 Rapport de l'IGAS, La lutte contre la précarité alimentaire -- évolution du soutien public à une politique sociale, agricole et de santé publique, décembre 2019

* 70 Secours Populaire Français & IPSOS (2019). Résultats du 13 ème baromètre de la pauvreté

* 71 Une étude globale sur l'état des masses des pertes et gaspillages en France (2016) et des opérations témoins : Foyers témoins (2014), Restauration collective témoin (2016), Grande distribution témoin (2016), IAA témoins (mars 2019), Établissements de santé témoin (juin 2019), 250 foyers témoins (octobre 2019), Stations et exploitations F&L témoins (à venir en 2021)

* 72 Source : rapport n° 3873 de Guillaume Garot, sur la proposition de loi pour une nouvelle étape contre le gaspillage alimentaire, 10 février 2021.

* 73 Texte n° 3873, adopté par la commission, sur la proposition de loi de M. Guillaume Garot et plusieurs de ses collègues pour une nouvelle étape contre le gaspillage alimentaire (3725).

* 74 Rapport d'information n° 535 (2019-2020) de MM. Laurent Duplomb, Franck Montaugé, Bernard Buis et Franck Menonville, fait au nom de la commission des affaires économiques, « La résilience agricole et alimentaire : un élément de la relance »

* 75 Ademe, Alimentation - Les circuits de proximité, juin 2017.

* 76 Ministère de l'agriculture et de l'alimentation, Centre d'études et de prospective, Des comportements alimentaires déclarés aux comportements alimentaires réels : mesurer et comprendre les écarts pour améliorer l'action publique , NESE n° 47, juillet 2020.

* 77 Conseil d'État, décision n° 404651 du 10 mars 2021

* 78 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.

* 79 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 80 Article 173 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 81 Les budgets carbone sont fixés sur les émissions territoriales hors solde d'émissions de l'utilisation des terres, le changement d'affectation des terres et la foresterie (UTCATF) et hors transports internationaux.

* 82 Les projections de Météo France pour 2050 laissent entrevoir des niveaux de sécheresse moyens comparables aux pires années de ces dernières décennies, en particulier dans les régions très productives comme la Beauce, la Champagne ou la Picardie

* 83 Décret n° 2019-439 du 14 mai 2019 relatif au Haut Conseil pour le climat

* 84 Article 10 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat

* 85 Choquet, P. L., Compère, P. et Berthoud, A. (2014). « Favoriser l'insertion de légumineuses dans les grandes cultures en finanant les réductions d'émissions induites sur les marchés du carbone », Innovations Agronomiques 37 (2014) : 127-141.

* 86 L'Ademe a développé une base de données de référence des impacts environnementaux des aliments, dénommée « Agribalyse », à partir de 200 produits agricoles, 2 500 produits alimentaires et 14 indicateurs environnementaux. Cette base est accessible en open data et accessible selon plusieurs formats.

* 87 Annexe de la communication du 20 mai 2020, calendrier indicatif des actions et initiatives.

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